Pièce ténébreuse, humide. Pas bien grande, pas bien rassurante. Aucune fenêtre, aucune trouée. Ni aux murs, ni au plafond. Juste un espace clos. Ça sent le rance et la sueur. La terre crue qui constitue l'endroit transpire. La lumière du jour ne parvient jamais, ici. Dans un coin, une torche finit de se consumer. La flamme vacillante fait danser les ombres, autour d'elle. Les siennes, principalement. Jeux de formes séductrices et éphémères sur les parois raboteuses. Rien n'occupe l'endroit, ou presque. Une sorte de niche en oseille tressée à moitié rongée, avec une couche de paille et un vieux drap noir dessus. Un gros coffre, un peu plus loin, fermé. Et c'est tout. Pas un bruit aux alentours. Sans doute n'y a t-il rien. Ou peut-être le son de l'extérieur ne porte t-il pas jusqu'ici. Il ne se passe rien. Rien. Pourtant, le silence se déchire. Un gémissement. Ou, peut-être, un grognement. Des mouvements. On se meut sous le drap. Roule. Se frotte. On s'éveille.
Un œil luisant vient percer la pénombre. Puis un deuxième. Une tête hirsute s'agite vigoureusement de droite de gauche, s'ébroue. Une chevelure massive, noir jais vole au gré des secousses. De sorte qu'il est impossible de distinguer un visage derrière cette toison. La mâchoire s'ouvre en grand, s'étire à s'en désarticuler, pour dévoiler de longues canines à la torche agonisante qui bat l'air de plus belle, craintive. Puis le corps entier se redresse sur son séant.
C'est un homme. Torse-nu. Grand, massif. Pantalon de cuir noir. Santiags brunes d'une autre époque. Un énorme collier à clous au dessus de la barbe désordonnée qui plonge dans son cou. Son corps musclé est barré de multiples cicatrices. Sur les bras, la poitrine, au visage. Les stigmates sont légions, épousent différentes formes variant selon l'arme qui les a causés. Tesson de bouteille, rapière émoussée ou surin. Il a tout connu. Chaque vestige de baston est accompagné d'un tatouage, représentant loup, tigre ou lion. Comme en témoignage du combat livré face aux adversaires successifs, comme un trophée pour chaque victoire remportée. L'homme s'étire de tout son long, à s'en faire craquer dangereusement les vertèbres pour finir de se réveiller. Se gratte frénétiquement et sans pudeur une bonne minute durant. Enfin débarrassé de ses démangeaisons, il se penche vers le coffre de bois, soulève le socle et attrape deux quignons de pain. Il gobe le premier en trois bouchées démesurées et se lance une rasade d'eau pour faire passer le tout, avant de se lécher les babines et de caler l'autre morceau de pain dans sa poche.
La torche se meurt. Il tourne sur lui-même, deux fois, soudainement agité. Sautille d'excitation, comme s'il s'agissait d'un signal tant attendu. Un bruit de cliquetis s'élève depuis l'un des murs. Clic. Il se fléchit légèrement, bien campé sur ses appuis, pour mieux venir s'écraser dans un bruit mat contre le mur, échappant au passage un rictus d'effort sourd mais joyeux. Le rapport de force tourne court. L'infrastructure cède, pied après pied. Un épais pan recule, pivote sur son axe suffisamment pour permettre au colosse de s'extirper de la pièce close et dévoiler ce qui s'apparente à un large couloir, froid et lugubre, éclairé à intervalle régulier. L'homme semble familier avec les lieux, il ne s'attarde pas à lorgner autour de lui. Au lieu de ça, il repousse le bloc de manière à le ramener à sa position initiale. À nouveau, un cliquetis. Légèrement différent, cette fois-ci. Cloc. Après s'être assuré que le mécanisme est bien refermé, l'homme déboutonne son pantalon, et se soulage contre un mur. Satisfait, il commence à remonter le corridor, bondissant parfois, curieusement heureux. De temps à autre, il suspend sa progression, sans raison particulière. Hume l'air. Avant de repartir aussi soudainement qu'il s'était arrêté, gambadant presque.
Au terme d'une dizaine de minutes d'étrange procession dans ce décor de désolation qui ne le trouble pas, il arrive à un embranchement en forme de Y. L'un des chemins remonte, à perte de vue. Un léger courant d'air frais en provient. Au loin, la trouée semble s'élargir. Son regard s'éclaire à cette vision. L'autre sentier descend. Un souffle chaud et désagréable en émane. Lourd, fétide, encore plus insupportable et humide que celui qui règne ici. L'homme hésite. Regarde autour de lui, à la sauvette, presque inquiet; n'apercevant personne, il se risque à emprunter timidement la pente ascendante. La sanction tombe sans attendre, d'on ne sait où. Une décharge vient parcourir son collier et l'électrocuter. La victime ne peut retenir un petit jappement de douleur et rebrousse bien vite chemin en portant ses mains à son cou avec la ferme intention de faire céder l'étau, source de douleur. Il tire de toutes ses forces. Prêt à lacérer ses mains contre les pointes aiguisés si tel est le prix à payer pour être débarrassé de ce carcan. Mais il ne cède pourtant pas devant la musculature saillante qui s'épuise. À regret, l'homme s'oriente vers le sous sol, en manifestant d'un cri rauque son mécontentement. Ses yeux expriment la colère, ses lèvres retroussées dévoilent une mâchoire acérée et crispée redoutable. Mais il n'y a personne sur qui déverser sa haine. Alors il avance. Sans décrocher les yeux du sol, il n'en a pas besoin pour savoir où aller. Il connait le chemin. Et puis, en quelques encablures à peine, son courroux s'évanouit. Il secoue la tête un bon coup et reprend sa route en adoptant de nouveau sa démarche joyeuse. Rapide. Si bien qu'il arrive rapidement devant une porte. Lourde, faite d'acier. Close et verrouillée de surcroît par plusieurs cadenas. La partie supérieure est constituée de barreaux qui laissent transparaitre une obscurité encore plus épaisse que celle qui règne là où il se trouve lui-même. De l'autre côté, nulle lumière. Juste cette chaleur étouffante, nauséabonde et les ténèbres glacées.
Arrivé juste devant l'obstacle, il s'accroupit. Tâte le sol et commence à creuse avec ses mains à un endroit précis; le terre se soulève pour dévoiler un petit trousseau de clefs. Il lui faut trois bonnes minutes pour ouvrir tous les verrous tant ils sont nombreux. Quand il y arrive enfin, il repousse l'édifice. Avec une difficulté sensiblement supérieure à tout à l'heure, lorsqu'il s'extirpait de sa propre alcôve. Il a ouvert. Le voilà face à l'obscurité. Il se fige. Dedans, pas un bruit. Pas un mouvement. Il flaire l'air, une fois de plus. Retient une moue de dégoût. Pivote et oriente son regard vers un recoin en particulier. Ses yeux habitués aux ténèbres ont tôt fait de repérer dans l'encre ce qu'ils cherchent. Ses sourcils se froncent. Son poing se referme. Un bruit de chaînes qui bougent lentement vient briser le silence, un peu plus loin devant lui. L'homme continue de progresser vers le tintement, extirpe lentement de sa poche le quignon de pain qu'il avait pris tout à l'heure. Puis s'arrête. En face de lui, une forme. Un autre homme. Un homme un peu comme lui. Aux traits brouillons, tirés. À la gueule cassée. Au regard colérique. Celui-là a les fers aux poignets, et un imposant boulet fixé à l'extrémité de ses entraves pour limiter au plus strict minimum ses mouvements. Les deux se toisent. Il y a un rat mort entre eux. L'homme au collier s'en saisit, puis balance le pain aux pieds de l'homme aux chaines.
À demain Elvis.
Elvis ramasse le pain. Son geôlier s'en retourne par la porte de fer. Et la claque lourdement.
Un œil luisant vient percer la pénombre. Puis un deuxième. Une tête hirsute s'agite vigoureusement de droite de gauche, s'ébroue. Une chevelure massive, noir jais vole au gré des secousses. De sorte qu'il est impossible de distinguer un visage derrière cette toison. La mâchoire s'ouvre en grand, s'étire à s'en désarticuler, pour dévoiler de longues canines à la torche agonisante qui bat l'air de plus belle, craintive. Puis le corps entier se redresse sur son séant.
C'est un homme. Torse-nu. Grand, massif. Pantalon de cuir noir. Santiags brunes d'une autre époque. Un énorme collier à clous au dessus de la barbe désordonnée qui plonge dans son cou. Son corps musclé est barré de multiples cicatrices. Sur les bras, la poitrine, au visage. Les stigmates sont légions, épousent différentes formes variant selon l'arme qui les a causés. Tesson de bouteille, rapière émoussée ou surin. Il a tout connu. Chaque vestige de baston est accompagné d'un tatouage, représentant loup, tigre ou lion. Comme en témoignage du combat livré face aux adversaires successifs, comme un trophée pour chaque victoire remportée. L'homme s'étire de tout son long, à s'en faire craquer dangereusement les vertèbres pour finir de se réveiller. Se gratte frénétiquement et sans pudeur une bonne minute durant. Enfin débarrassé de ses démangeaisons, il se penche vers le coffre de bois, soulève le socle et attrape deux quignons de pain. Il gobe le premier en trois bouchées démesurées et se lance une rasade d'eau pour faire passer le tout, avant de se lécher les babines et de caler l'autre morceau de pain dans sa poche.
La torche se meurt. Il tourne sur lui-même, deux fois, soudainement agité. Sautille d'excitation, comme s'il s'agissait d'un signal tant attendu. Un bruit de cliquetis s'élève depuis l'un des murs. Clic. Il se fléchit légèrement, bien campé sur ses appuis, pour mieux venir s'écraser dans un bruit mat contre le mur, échappant au passage un rictus d'effort sourd mais joyeux. Le rapport de force tourne court. L'infrastructure cède, pied après pied. Un épais pan recule, pivote sur son axe suffisamment pour permettre au colosse de s'extirper de la pièce close et dévoiler ce qui s'apparente à un large couloir, froid et lugubre, éclairé à intervalle régulier. L'homme semble familier avec les lieux, il ne s'attarde pas à lorgner autour de lui. Au lieu de ça, il repousse le bloc de manière à le ramener à sa position initiale. À nouveau, un cliquetis. Légèrement différent, cette fois-ci. Cloc. Après s'être assuré que le mécanisme est bien refermé, l'homme déboutonne son pantalon, et se soulage contre un mur. Satisfait, il commence à remonter le corridor, bondissant parfois, curieusement heureux. De temps à autre, il suspend sa progression, sans raison particulière. Hume l'air. Avant de repartir aussi soudainement qu'il s'était arrêté, gambadant presque.
Au terme d'une dizaine de minutes d'étrange procession dans ce décor de désolation qui ne le trouble pas, il arrive à un embranchement en forme de Y. L'un des chemins remonte, à perte de vue. Un léger courant d'air frais en provient. Au loin, la trouée semble s'élargir. Son regard s'éclaire à cette vision. L'autre sentier descend. Un souffle chaud et désagréable en émane. Lourd, fétide, encore plus insupportable et humide que celui qui règne ici. L'homme hésite. Regarde autour de lui, à la sauvette, presque inquiet; n'apercevant personne, il se risque à emprunter timidement la pente ascendante. La sanction tombe sans attendre, d'on ne sait où. Une décharge vient parcourir son collier et l'électrocuter. La victime ne peut retenir un petit jappement de douleur et rebrousse bien vite chemin en portant ses mains à son cou avec la ferme intention de faire céder l'étau, source de douleur. Il tire de toutes ses forces. Prêt à lacérer ses mains contre les pointes aiguisés si tel est le prix à payer pour être débarrassé de ce carcan. Mais il ne cède pourtant pas devant la musculature saillante qui s'épuise. À regret, l'homme s'oriente vers le sous sol, en manifestant d'un cri rauque son mécontentement. Ses yeux expriment la colère, ses lèvres retroussées dévoilent une mâchoire acérée et crispée redoutable. Mais il n'y a personne sur qui déverser sa haine. Alors il avance. Sans décrocher les yeux du sol, il n'en a pas besoin pour savoir où aller. Il connait le chemin. Et puis, en quelques encablures à peine, son courroux s'évanouit. Il secoue la tête un bon coup et reprend sa route en adoptant de nouveau sa démarche joyeuse. Rapide. Si bien qu'il arrive rapidement devant une porte. Lourde, faite d'acier. Close et verrouillée de surcroît par plusieurs cadenas. La partie supérieure est constituée de barreaux qui laissent transparaitre une obscurité encore plus épaisse que celle qui règne là où il se trouve lui-même. De l'autre côté, nulle lumière. Juste cette chaleur étouffante, nauséabonde et les ténèbres glacées.
Arrivé juste devant l'obstacle, il s'accroupit. Tâte le sol et commence à creuse avec ses mains à un endroit précis; le terre se soulève pour dévoiler un petit trousseau de clefs. Il lui faut trois bonnes minutes pour ouvrir tous les verrous tant ils sont nombreux. Quand il y arrive enfin, il repousse l'édifice. Avec une difficulté sensiblement supérieure à tout à l'heure, lorsqu'il s'extirpait de sa propre alcôve. Il a ouvert. Le voilà face à l'obscurité. Il se fige. Dedans, pas un bruit. Pas un mouvement. Il flaire l'air, une fois de plus. Retient une moue de dégoût. Pivote et oriente son regard vers un recoin en particulier. Ses yeux habitués aux ténèbres ont tôt fait de repérer dans l'encre ce qu'ils cherchent. Ses sourcils se froncent. Son poing se referme. Un bruit de chaînes qui bougent lentement vient briser le silence, un peu plus loin devant lui. L'homme continue de progresser vers le tintement, extirpe lentement de sa poche le quignon de pain qu'il avait pris tout à l'heure. Puis s'arrête. En face de lui, une forme. Un autre homme. Un homme un peu comme lui. Aux traits brouillons, tirés. À la gueule cassée. Au regard colérique. Celui-là a les fers aux poignets, et un imposant boulet fixé à l'extrémité de ses entraves pour limiter au plus strict minimum ses mouvements. Les deux se toisent. Il y a un rat mort entre eux. L'homme au collier s'en saisit, puis balance le pain aux pieds de l'homme aux chaines.
À demain Elvis.
Elvis ramasse le pain. Son geôlier s'en retourne par la porte de fer. Et la claque lourdement.
Dernière édition par Trinita le Mar 21 Jan 2014 - 23:21, édité 1 fois