Le Bel espoir vogue vers son futur, seul sur une mer qu'il a appris à apprivoiser. Avec à son bord des gens qui ont su s'apprivoiser. Lentement, mais sûrement, il s'avance vers un avenir que tous espèrent brillant. Fort. Beau. C'est l'espoir. L'espoir d'un avenir heureux. Mais dans tout espoir, il y a toujours un peu d'ombre. Et dans le Bel Espoir, j'incarne cette ombre. Un arrière-goût de trahison. Une vision d'horreur. Le Bel Espoir vogue. Mon espoir est parti. Si loin. Trop loin. L'espoir d'être avec eux. Depuis ce jour terrible à Innocent Island, je ne suis qu'une ombre. L'ombre de moi-même. Je ne cherche pas la compagnie des gens et les gens ne cherchent pas la mienne. D'un commun accord, on s'évite. On se tait sur ce qu'il s'est passé. Mais les regards sont souvent plus durs que des mots, car ils peuvent rarement cacher la vérité. J'ai croisé ses yeux. Et je me suis détournée. De tous ceux que je ne veux pas voir, c'est Ishii qui détient la palme. Sa massive corpulence qui se profile au détour d'un couloir réveille en moi des souvenirs que je voudrais bannir de mon corps. De mon esprit. Mais l'esprit est si pernicieux à ne retenir que le mauvais. Alors, je fuis. Encore. Toujours.
Il n'y a que la nuit qui me permet de sortir de ma bulle. Quand le soleil est mort sous la mer et que seule la lune veille, telle une sentinelle, le pont est vide. Au plus haut du navire, Lucio assure sa tâche avec l'activité d'un matelas et, souvent, Gnuh profite de la tranquillité nocturne pour se promener. J'ai déjà passé plusieurs nuits en sa compagnie, fixant l'horizon. Ses caresses et son envie irrépressible de me chercher des sucres dans les poches me permettent de me tirer quelques sourires. Un peu de joie. Puis ça passe et je retourne m'enfoncer dans mes pensées aussi noires que la nuit. Penser à ce que j'ai fait alors que je ne veux pas y penser. C'est paradoxal. J'ai peur de tout ça. Et je sais que je ne pourrais pas avancer sans ne pas y penser. Alors je continue à m'envelopper de ténèbres, les faisant miennes.
Les nuits sont fraîches, mais je ne m'en soucie guère. Le silence me fait du bien avec, en fond sonore, le craquement du bois, le grincement des poulies et le léger son de la mer frappant la coque du navire. Ça me berce sans que je puisse trouver le sommeil. Cette nuit, encore, je suis seule. Je pars me cacher, comme à mon habitude, dans les cordages, dissimulant ma stature. Même la nuit, il peut y avoir des visiteurs. J'en suis la preuve. Mais cette peur des regards, cette peur des autres ; elle s'amplifie à la nuit tombée. Alors que je sors, je me sens plus vulnérable. Et seules les ténèbres me préservent de ces regards que je m'imagine dégoûtés. Remplis de méchanceté. J'en triture mes cheveux du bout des doigts, comme une attention que je me porte à moi-même. Comme pour me signifier que je n'ai besoin que de moi pour m'exprimer des marques de douceur et de bonheur. Mais plus je le fais et plus j'y pense. Je pense à elle.
Uran.
Chaque nuit, j'en viens à y penser. Chaque nuit, c'est la même histoire. Son visage m'obnubile. Elle. Ses yeux. Ses cheveux. Son sourire. Je m'attendris. Je me l'imagine là, à mes côtés, à se réchauffer contre moi. À rire. Et puis tout change, tout se transforme, tout se défigure. Ce souvenir. Ce masque de peur et d'horreur. Et dans ces yeux : moi. Le monstre. Et tout cette brise comme un miroir. Et derrière, c'est un autre miroir qui apparaît, montrant mon reflet. Un reflet plein de sang. Un sang qui n'est pas le mien. Son sang. Alors je sanglote et je m’effondre au sol. Comme toujours. Et je reste prostrée là, une heure. Deux heures. C'est dans ce moment-là que je suis la plus fragile. S'il existait un crime impardonnable, je pense que ce serait celui-ci. Et je l'ai commis. Je n'arrive pas à me dire que ça ira. Que ça ira mieux. Je l'ai fait. C'est tout. Et c'est dans ces moments-là que l'envie me prend de sauter à l'eau. D'être laissé là tandis que le bateau s'en irait. De finir noyer à cause de mon pouvoir démoniaque. En finir avec la vie. Oui. Pour ne plus penser à tout ça.
C'est douloureux.
Pour ne pas aider, je sens subitement la présence de quelqu'un. Alors que mon état est encore pire que la normale, je suis observée. Je me retourne subitement et je lève les yeux vers lui. Sa grande stature et son regard de fer.
Franz. Mon ange gardien. Mais aussi celui qui peut me condamner. Je lui dois beaucoup de choses et principalement de m'avoir achevée. D'avoir achevé ma folie. Les bras autour du corps pour me cacher, je le dévisage, cherchant presque un rictus méprisant sur son visage. Ça serait tellement facile. Ça serait tellement ce que je souhaite. Pour en finir. Pour me donner la force de passer par-dessus bord. Mais non. C'est Franz. Et comme toujours, il reste imperturbable. Il semble en cet instant un peu plus imposant qu'à l'ordinaire. Je l'interroge du regard. Il me fixe sans sourciller, puis il lève les yeux et regarde à l'horizon. Son bras se lève et son doigt se tend. Il pointe au loin.
Lentement, je me relève en regardant dans la direction désignée. Mes yeux repèrent rapidement la lumière tremblotante qui paraît si loin, mais pas tant que ça en vérité. Un bateau. À une centaine de mètres. Et sur son mat principal flotte un drapeau que j'ai déjà vu. Qui me fait l'effet d'une boule dans la gorge.
Car c'est l'inquisition. La mise à l'épreuve est terminée. Et alors que je pourrais avoir peur pour ma vie, comme pour la première fois que nos routes se sont croisées, il n'en est rien. Je le vois comme un salut. Avec ce que j'ai fait, Franz peut me condamner. À mort. Une mort que je cherche.
Je suis faible.
Et c'est parce que je suis faible que je veux mourir de leurs mains.
Il n'y a que la nuit qui me permet de sortir de ma bulle. Quand le soleil est mort sous la mer et que seule la lune veille, telle une sentinelle, le pont est vide. Au plus haut du navire, Lucio assure sa tâche avec l'activité d'un matelas et, souvent, Gnuh profite de la tranquillité nocturne pour se promener. J'ai déjà passé plusieurs nuits en sa compagnie, fixant l'horizon. Ses caresses et son envie irrépressible de me chercher des sucres dans les poches me permettent de me tirer quelques sourires. Un peu de joie. Puis ça passe et je retourne m'enfoncer dans mes pensées aussi noires que la nuit. Penser à ce que j'ai fait alors que je ne veux pas y penser. C'est paradoxal. J'ai peur de tout ça. Et je sais que je ne pourrais pas avancer sans ne pas y penser. Alors je continue à m'envelopper de ténèbres, les faisant miennes.
Les nuits sont fraîches, mais je ne m'en soucie guère. Le silence me fait du bien avec, en fond sonore, le craquement du bois, le grincement des poulies et le léger son de la mer frappant la coque du navire. Ça me berce sans que je puisse trouver le sommeil. Cette nuit, encore, je suis seule. Je pars me cacher, comme à mon habitude, dans les cordages, dissimulant ma stature. Même la nuit, il peut y avoir des visiteurs. J'en suis la preuve. Mais cette peur des regards, cette peur des autres ; elle s'amplifie à la nuit tombée. Alors que je sors, je me sens plus vulnérable. Et seules les ténèbres me préservent de ces regards que je m'imagine dégoûtés. Remplis de méchanceté. J'en triture mes cheveux du bout des doigts, comme une attention que je me porte à moi-même. Comme pour me signifier que je n'ai besoin que de moi pour m'exprimer des marques de douceur et de bonheur. Mais plus je le fais et plus j'y pense. Je pense à elle.
Uran.
Chaque nuit, j'en viens à y penser. Chaque nuit, c'est la même histoire. Son visage m'obnubile. Elle. Ses yeux. Ses cheveux. Son sourire. Je m'attendris. Je me l'imagine là, à mes côtés, à se réchauffer contre moi. À rire. Et puis tout change, tout se transforme, tout se défigure. Ce souvenir. Ce masque de peur et d'horreur. Et dans ces yeux : moi. Le monstre. Et tout cette brise comme un miroir. Et derrière, c'est un autre miroir qui apparaît, montrant mon reflet. Un reflet plein de sang. Un sang qui n'est pas le mien. Son sang. Alors je sanglote et je m’effondre au sol. Comme toujours. Et je reste prostrée là, une heure. Deux heures. C'est dans ce moment-là que je suis la plus fragile. S'il existait un crime impardonnable, je pense que ce serait celui-ci. Et je l'ai commis. Je n'arrive pas à me dire que ça ira. Que ça ira mieux. Je l'ai fait. C'est tout. Et c'est dans ces moments-là que l'envie me prend de sauter à l'eau. D'être laissé là tandis que le bateau s'en irait. De finir noyer à cause de mon pouvoir démoniaque. En finir avec la vie. Oui. Pour ne plus penser à tout ça.
C'est douloureux.
Pour ne pas aider, je sens subitement la présence de quelqu'un. Alors que mon état est encore pire que la normale, je suis observée. Je me retourne subitement et je lève les yeux vers lui. Sa grande stature et son regard de fer.
Franz. Mon ange gardien. Mais aussi celui qui peut me condamner. Je lui dois beaucoup de choses et principalement de m'avoir achevée. D'avoir achevé ma folie. Les bras autour du corps pour me cacher, je le dévisage, cherchant presque un rictus méprisant sur son visage. Ça serait tellement facile. Ça serait tellement ce que je souhaite. Pour en finir. Pour me donner la force de passer par-dessus bord. Mais non. C'est Franz. Et comme toujours, il reste imperturbable. Il semble en cet instant un peu plus imposant qu'à l'ordinaire. Je l'interroge du regard. Il me fixe sans sourciller, puis il lève les yeux et regarde à l'horizon. Son bras se lève et son doigt se tend. Il pointe au loin.
Lentement, je me relève en regardant dans la direction désignée. Mes yeux repèrent rapidement la lumière tremblotante qui paraît si loin, mais pas tant que ça en vérité. Un bateau. À une centaine de mètres. Et sur son mat principal flotte un drapeau que j'ai déjà vu. Qui me fait l'effet d'une boule dans la gorge.
Car c'est l'inquisition. La mise à l'épreuve est terminée. Et alors que je pourrais avoir peur pour ma vie, comme pour la première fois que nos routes se sont croisées, il n'en est rien. Je le vois comme un salut. Avec ce que j'ai fait, Franz peut me condamner. À mort. Une mort que je cherche.
Je suis faible.
Et c'est parce que je suis faible que je veux mourir de leurs mains.
Dernière édition par Adrienne Ramba le Sam 25 Jan 2014 - 22:18, édité 2 fois