Le craquement des feuilles et des branches mortes sous mes pieds rythment la cacophonie des insectes et des oiseaux de la forêt luxuriante. Le chahut s'arrête pas. Il m'accompagne a chaque nouvelle enjambée, perpétré par des bestioles qui grouillent, qui volent, qui rampent, qui luisent dans un tintamarre inimaginable. Le soleil est à son zénith et la chaleur étouffante, j’en sue à grosses gouttes et ressens tous ce qui m’entourent comme si je me trouvais dans une bulle. Je les entends passer, à mes oreilles, devant mon nez. Je les sens monter le long de mes jambes, tenter de conquérir un autre monde. Ma main vient régulièrement écraser les moustiques qui se glissent dans mon cou, comme dégager les fourmis qui grimpent le long de mes mollets comme un humain grimpe l’olympe.
Mes bottes écrasent à nouveau et je pressens le cri d’agonie des quelques bestioles sous mes semelles. Progressant dans cette jungle abondante en couleur comme en végétations, je regarde droit devant moi en tentant de déterminer si je vais bien. Je crois que je tourne en rond. Certainement, vu que je sais pas ou j’vais. Le vacarme environnant a vite rendu confus mon haki. Le soleil et la chaleur qui tapent sur ma tête comme un marteau sur un clou a fini de me désorienter. J’ai du mal à me focaliser sur les détails. Quelques voix humaines perdues au milieu de la jungle que j’arrive même plus à percevoir. Elles sont qu’un murmure au sein d’un concert de conneries en tout genre.
Un oiseau agite ses ailes, un autre saute sur une branche en hauteur. Ils piaillent parce qu’ils savent le faire. J’décide de m’arrêter et pose mes fesses sur un tronc arraché, recouvert d’une mousse qui rend l’tout un poil plus confortable. J’étends mes jambes, j’redresse la nuque. Mon dos craque et une vague de soulagement m’prend. Ça fait du bien quand ça s’arrête. Reste encore cette chaleur pesante et c’manque d’air. J’commence à être a cours d’eau également. Mais j’me sens pas trop mal, et j’ai l’temps de faire la part des choses entre c’qui est pertinent et c’qui l’est pas.
J’ouvre les yeux, regarde devant moi. J’ai le pressentiment qui m’titille l’instinct de survie. Un bruissement m’fait me lever plus vite que prévu. J’ai la tête qui tourne un poil mais j’me resaisie bien vite pour faire face à ce qui arrive.
Ou ce qui part.
J’attends.
Un petit claquement de langue retentit plus loin. Suivi d’un petit rire d’enfant qui m’fait reprendre ma route pour retrouver l’môme paumé au milieu du trou du cul du monde. Mes pas écrasent encore des branches, et il me semble discerner par endroit la silhouette agile d’un jeune sauvage haut comme trois pommes dans une tenue digne de chez lui. Ses pieds effleurent à peine le sol, il bondit comme un chat, comme s’il ne pesait rien. J’accélère le pas, sans dire un mot. J’fais tellement d’bruit qu’il peut pas ne pas m’entendre arriver. J’y vais avec la grâce d’un éléphant en charge et j’enjambe, j’avance, je traverse des buissons et des lianes en chassant une ombre qui progresse si vite dans cet amas de plantes.
Un pas, deux de plus, j’bondis pour éviter une racine immense et transperce un rideau de liane…
Enfin, tu es là.
Le village. Les autochtones autour qui m’ont vu arriver m’regardent comme si j’étais folle. J’ai l’air. Des feuilles plein les cheveux, dans une tenue pas forcément appropriée à la survie en pleine jungle. J’regarde partout autour, près des maisons en bambou, comme des attroupements qu’attendent le bon dieu. Pas une trace de ce gamin que j’ai suivi tantôt.
Tu l’as vu ?
Vu qui ?
J’réalise. J’mets une main sur ma tête et m’rends compte que la chaleur m’a grillé quelques neurones. J’ai halluciné. Mais dans mon malheur, j’ai retrouvé ma route. Le Haki m’a pas laissé en reste, c’est déjà ça. J’fais un signe de la main au guerrier d’vant moi :
Rien.
C’est tout ce que je peux dire. Vu c’qu’il m’aime, s’il sait que j’délire il pourrait en profiter pour tenter d’me faire tuer en disant qu’c’est contagieux. J’veux pas lui laisser cette chance.
Moi aussi, ça m’fait plaisir de te voir, Booba.
Faux sourire, j’remets bien mes lunettes sur mon nez et vais pour prendre des nouvelles du p’tit monde. Mais Booba me lance un regard grave et m’indique un chemin du bout du doigt :
Mujo veut te parler.
Dernière édition par Michaela Hope le Ven 31 Jan 2014 - 22:51, édité 1 fois