Le début de cette histoire se passe en pleine nuit, à quelques heures du lever du soleil, au large, sur un bateau, dans une chambre rempli de Marines de diverses envergures. Le vaisseau sur lequel les militaires étaient engagés était constitué d'une gigantesque carcasse de bois ; c'était là l'oeuvre d'une multitude de charpentiers tous aussi doués les uns que les autres. La pièce dans laquelle ils se trouvaient était petite ; de la taille d'un appartement contemporain, il contenait pas moins de soixante personnes qui devaient se tasser afin de tous rentrer. Le dortoir avait des fenêtres sans vitre, l'air s'y engouffrait à la grande satisfaction de tous, l'odeur de six dizaines de mâle à la fois pouvant donner des migraines. C'était même une agréable odeur apportée par le grand large qui s'imposait ici. C'était calme, malgré les grincements du bateau, des vagues qui battaient la coque, et des ronflements de quelques uns. Même les mouettes étaient silencieuses.
Gabinato -à cette époque, le plus gradé de l'embarcation- ouvrit les yeux. Dans un hamac, il était allongé, immobile. Grâce à une faible lueur, due au reflet de la Lune, qui illuminait la petite horloge murale, il put lire l'heure. Il soupira.
"Quatre heures quarante-neuf. Fait chier. Je n'ai encore dormi que trois heures cette nuit. Oh puis en plus, j'suis plein de courbatures. Chaque fois que j'vais me pieuter après mon sport, j'ai la flemme de m'étirer. Et à chaque fois, j'regrette... J'suis con... Pis qu'est ce que j'vais foutre jusqu'à l'heure du lever ? J'vais encore m'emmerder... Et si j'faisais un de ces exercices de concentration ? Je n'en ai entendu que du bien. Donc ça peut pas m'faire de mal. Et si ça m'aide à tuer le temps... De toute manière, je n'ai rien d'autre à foutre."
Les jambes initialement croisées, et les deux mains derrière la tête, les coudes écartés, il se dandina dans son hamac afin d'éviter le bruit et surtout le balancement qui pourrait le flanquer au sol, afin d'étendre les bras le long de son corps, et de garder les jambes bien droites. Il se mit à respirer lentement, de manière régulière. Il sentait un flot d'énergie le parcourir. C'était plutôt agréable. Il se dit que c'était peut-être un bon moyen de se relaxer. Voire même de s'endormir. Lui, qui était insomniaque, trouvait cela astucieux. Mais il déchanta rapidement, car lorsqu'il ouvrit les yeux, après avoir pensé à un bon millier de choses à la fois, il s'était écoulé plus d'une heure.
"Comment ? Mais... ! J'ai à peine fermé les yeux cinq minutes ! Et j'étais conscient tout le long ! Comment peut-il être six heures ?!"
Alors qu'il se réveillait avec sursaut, il réalisa que le soleil commençait à se lever. L'horizon dégagé de la mer obligeait l'aube à survenir plus tôt que sur la terre ferme. Il restait une bonne demi-heure avant la sonnerie matinale à laquelle tous les Marines devront se lever. Et pourtant, quelqu'un était déjà levé. C'était la silhouette d'une personne trapue, qui se racla la gorge sans scrupule, comme s'il n'avait aucune chance de réveiller personne, que Gabi aperçut devant l'encadrure de la porte du dortoir. Malgré la pénombre, Gabinato y voyait assez pour regarder l'intrus. La voix issue du raclement de gorge était aussi profonde que les rides de son visage. Le regard sévère que l'intrus avait était dirigé droit sur Gabi. Le temps semblait s'écouler lentement. Trèèèès lentement. Si lentement, que le soleil illuminait déjà suffisamment la pièce pour que la réflexion de la lumière qui entrait par la porte sur les murs du dortoir illuminait assez la pièce pour qu'on puisse s'apercevoir que l'intrus est en fait une hideuse femme !
Très large, elle portait une veste bleue marine aux ornements dorés, sous laquelle elle avait une chemise rose où des traits bleus formaient des carreaux. Elle avait, en guise de ceinture, un tissu violet qui maintenait à sa taille un revolver. Ses larges cuisses étaient vêtues d'un bermuda blanc qui débouchait sur des jambes poilues et des souliers de cuir clair. Sur sa tête, un chapeau de cow-boy blanc, qui semblait collé par la graisse sur la longue chevelure brune et bouclée qui en dépassait. Quelques poils aux mentons (au plusieurs car elle en avait deux), elle n'avait de féminin que la poitrine pendante, et certainement la...
Une véritable femme pirate ! Et pourtant ! Celle-ci se racla la gorge à nouveau, et interpella le Marine.
- Colonel Gabinato ! Je ne vais pas y aller par quatre chemins ! Votre postulat pour une mutation au Cipher Pol a été retenu. Le Gouvernement mondial vous accorde une période de test ! Alors magnez-vous l'oignon, prenez vos cliques et vos claques, on fout le camp !
Abasourdi, le jeune Marine, fraîchement promu, bascula en arrière. Il tomba avec fracas, accompagné par un bruit sourd, qui attisa quelques grognements de la part des Marines qui se réveillaient, sans doute à cause des cris de l'intrus. Il se releva, et regarda la femme d'un air suspicieux. Il la dévisageait, puis, la soupesait du regard, de haut en bas, puis de bas en haut. Il se retint de rire. Il jeta un coup d'oeil de chaque côté, vérifiant s'il avait bel et bien l'attention sur lui. C'était le cas.
- Vous tombez bien j'avais besoin de quelqu'un pour faire mon lit !
Vous connaissez les hommes. Pas un pour rattraper les autres. Cette réplique provoqua donc l'hilarité de tous. Et j'en connaissais une qui n'allait pas être contente. Soudainement, l'atmosphère devint lourde. Plus personne ne riait. Personne n'osait bouger. Certains se retenaient même de respirer. Des sueurs froides les envahirent. Même Gabinato, qui avait déjà commencé à rouler son tard-pé matinal, se stoppa net. La feuille à rouler sous le pif, il s'était arrêté pendant qu'il donnait le coup de langue final avant de rouler. Mais la salle reprit vie quand la femme se racla la gorge une énième fois. Quelques chuchotements, des interrogations, bien que personne n'osait trop bouger. Gabi termina de rouler. Quand soudain...
La femme disparut de sa propre position, apparaissant contre le fond de la pièce, devant le mur, le bras gauche tendu sur le côté. Au bout du poing, elle tenait Gabinato par la mâchoire et l'avait encastré contre le mur. Elle lui susurra (à sa manière, c'est à dire en braillant) ces quelques mots :
- J'espère que vous savez ce que signifie être pris à l'essai. Faites le malin et vous perdez votre futur. Est-ce compris, petit macho à la con ? J'espère avoir été assez claire.
Trop fier pour répondre, Gabi se contenta de tenir le poignet de la titanesque femme qui venait de lui faire la honte de sa vie. Il lui retira le bras, amenant à ses lèvres de l'autre main sa clope (magique) roulée. Il soupira. Il s'écarta de la femme venue le chercher, avant de passer ses nerfs sur ses compagnons. Crispé, il serrait les dents et s'efforça de ne pas jurer. Il chopa un pantalon, kaki, ainsi qu'un t-shirt blanc. Il les enfila en vitesse, puis se tourna vers l'horloge. Le temps passait vite aujourd'hui, pensait-il. C'était déjà six heures et quart. Il se tourna vers ses troupes.
- Qu'est ce que vous regardez bande d'incapables ! Allez, bougez-vous l'fion ! C'est bientôt l'heure du rassemblement !
Il se dirigea vers son second. Après lui, c'était ce type, le plus gradé. Il lui tapotait l'épaule en souriant. Il l'aurait sûrement compris, c'était à lui de prendre les commandes pour aujourd'hui. C'était un des seuls sur ce bateau qu'il appréciait, et qui l'appréciait. Il lui faisait confiance. Alors il se dirigea vers son hamac, au pied duquel un tout petit meuble dans lequel toutes ses affaires tenaient. Il transvida tout dans un sac, large, qu'il porterait en bandoulière. Il ferma son sac, enfila ce qu'il avait laissé de côté, c'est à dire un sweat bleu par dessus lequel il mit une veste sans manche verte. Ceci fait, il se tourna vers sa nouvelle supérieure. Ne sachant trop quoi dire, il laissa échapper un blanc, avant de prendre parole.
- ... ... ... J'espère ne pas vous avoir offensé. Pouvons-nous y aller ?
Il sortit la capuche de son sweat de l'arrière du col de sa doudoune. Il bougea également les épaules et les bras afin que ses vêtements se mettent d'eux-mêmes correctement ; quelques faux-plis pouvaient le déranger. La femme avait hoché la tête, et avait commencé à sortir du dortoir. Il plongea la main dans une des petites poches de son sac et en sortit une petite boîte d'allumette. Il en prit une et rangea la boîte. Il prit son sac par la bretelle-bandoulière et frotta l'allumette contre son pantalon. Elle prit feu. Il alluma son roulé en sortant de la pièce.
Le vent soufflait fort. L'odeur fruitée qui se dégageait du tabac + additif se propageait rapidement, notamment jusqu'aux troupes en rang sur le pont, prêtes à assister au départ de leur ancien supérieur. Du flanc de leur bateau dépassait un petit pont déployé pour le passage. Il donnait sur une embarcation plus petite, qui ne semblait pas bâtie pour le combat naval mais plutôt pour la vitesse et la maniabilité. Taillé pour le déplacement, c'était un navire spécialisé dans le transport des troupes. Logique, puisqu'il était là spécialement pour récupérer Gabi. Ce dernier, suivant les pas de sa nouvelle supérieure, passa devant ses hommes l'air ému. Il les regarda tous d'un balayage du regard, avant de leur lever la main, l'agitant avec sympathie. Il tira une grosse latte sur son joint qui menaçait de se griller tout seul à cause du vent, avant de le retirer de sa bouche, soufflant par la suite une fumée opaque, qui n'eut pas le temps de former un nuage avant d'être emportée.
- Messieurs, bonnes continuations !
De manière assez aléatoire, le peloton de Marines répondit globalement avec réciprocité. Ils semblaient tous plutôt contents pour lui, bien qu'également content de s'en débarrasser pour certains. La femme-homme accéléra alors le pas. Elle n'aimait pas perdre son temps. Elle craignait qu'il leur fasse un speech ou une connerie dans le genre. Ce n'avait pas été le cas : nickel, pensait-elle. Arrivé sur le petit pont, elle se laissa glisser, profitant de la pente, et mit moins d'une seconde pour arriver à bord de son petit vaisseau. Arrivé à son tour au pont, Gabinato voulut faire de même. Il mit son joint en bouche, et effectua un petit saut en pivotant sur la droite pour se mettre de profil, espérant pouvoir slider latéralement, à l'instar d'un skateur. Mais à peine posa-t-il un pied qu'il glissa sur trois centimètres, avant de s'arrêter. Frustré, il recommença. Même histoire, cependant il glissa en arrière. Par réflexe, il plaça la jambe droite en avant, plaquant le mollet contre le petit pont. Cela lui permit de rester pendu quelques secondes. Il avait donc largement le temps de s'accrocher à l'aide d'une main.
Ceci fait, il remonta l'air de rien, avant de vérifier discrètement si personne ne l'avait vu sur son ancien bateau. Heureusement, au garde-à-vous pour la minute de silence quotidienne, ils n'avaient pas vu. Il sourit, par soulagement. Il fit alors un grand saut, arrivant directement derrière sa chef. La planche se replia d'elle-même. Quel mécanisme moderne ! Tout émoustillé par le fait que son quotidien était enfin brisé, Gabi ne savait pas trop quoi faire. Il inspectait les lieux du regard : rien de plus qu'un banal navire et pourtant, il le trouvait différent des autres ! Et puis... où était l'équipage ?
Gabinato -à cette époque, le plus gradé de l'embarcation- ouvrit les yeux. Dans un hamac, il était allongé, immobile. Grâce à une faible lueur, due au reflet de la Lune, qui illuminait la petite horloge murale, il put lire l'heure. Il soupira.
"Quatre heures quarante-neuf. Fait chier. Je n'ai encore dormi que trois heures cette nuit. Oh puis en plus, j'suis plein de courbatures. Chaque fois que j'vais me pieuter après mon sport, j'ai la flemme de m'étirer. Et à chaque fois, j'regrette... J'suis con... Pis qu'est ce que j'vais foutre jusqu'à l'heure du lever ? J'vais encore m'emmerder... Et si j'faisais un de ces exercices de concentration ? Je n'en ai entendu que du bien. Donc ça peut pas m'faire de mal. Et si ça m'aide à tuer le temps... De toute manière, je n'ai rien d'autre à foutre."
Les jambes initialement croisées, et les deux mains derrière la tête, les coudes écartés, il se dandina dans son hamac afin d'éviter le bruit et surtout le balancement qui pourrait le flanquer au sol, afin d'étendre les bras le long de son corps, et de garder les jambes bien droites. Il se mit à respirer lentement, de manière régulière. Il sentait un flot d'énergie le parcourir. C'était plutôt agréable. Il se dit que c'était peut-être un bon moyen de se relaxer. Voire même de s'endormir. Lui, qui était insomniaque, trouvait cela astucieux. Mais il déchanta rapidement, car lorsqu'il ouvrit les yeux, après avoir pensé à un bon millier de choses à la fois, il s'était écoulé plus d'une heure.
"Comment ? Mais... ! J'ai à peine fermé les yeux cinq minutes ! Et j'étais conscient tout le long ! Comment peut-il être six heures ?!"
Alors qu'il se réveillait avec sursaut, il réalisa que le soleil commençait à se lever. L'horizon dégagé de la mer obligeait l'aube à survenir plus tôt que sur la terre ferme. Il restait une bonne demi-heure avant la sonnerie matinale à laquelle tous les Marines devront se lever. Et pourtant, quelqu'un était déjà levé. C'était la silhouette d'une personne trapue, qui se racla la gorge sans scrupule, comme s'il n'avait aucune chance de réveiller personne, que Gabi aperçut devant l'encadrure de la porte du dortoir. Malgré la pénombre, Gabinato y voyait assez pour regarder l'intrus. La voix issue du raclement de gorge était aussi profonde que les rides de son visage. Le regard sévère que l'intrus avait était dirigé droit sur Gabi. Le temps semblait s'écouler lentement. Trèèèès lentement. Si lentement, que le soleil illuminait déjà suffisamment la pièce pour que la réflexion de la lumière qui entrait par la porte sur les murs du dortoir illuminait assez la pièce pour qu'on puisse s'apercevoir que l'intrus est en fait une hideuse femme !
Très large, elle portait une veste bleue marine aux ornements dorés, sous laquelle elle avait une chemise rose où des traits bleus formaient des carreaux. Elle avait, en guise de ceinture, un tissu violet qui maintenait à sa taille un revolver. Ses larges cuisses étaient vêtues d'un bermuda blanc qui débouchait sur des jambes poilues et des souliers de cuir clair. Sur sa tête, un chapeau de cow-boy blanc, qui semblait collé par la graisse sur la longue chevelure brune et bouclée qui en dépassait. Quelques poils aux mentons (au plusieurs car elle en avait deux), elle n'avait de féminin que la poitrine pendante, et certainement la...
Une véritable femme pirate ! Et pourtant ! Celle-ci se racla la gorge à nouveau, et interpella le Marine.
- Colonel Gabinato ! Je ne vais pas y aller par quatre chemins ! Votre postulat pour une mutation au Cipher Pol a été retenu. Le Gouvernement mondial vous accorde une période de test ! Alors magnez-vous l'oignon, prenez vos cliques et vos claques, on fout le camp !
Abasourdi, le jeune Marine, fraîchement promu, bascula en arrière. Il tomba avec fracas, accompagné par un bruit sourd, qui attisa quelques grognements de la part des Marines qui se réveillaient, sans doute à cause des cris de l'intrus. Il se releva, et regarda la femme d'un air suspicieux. Il la dévisageait, puis, la soupesait du regard, de haut en bas, puis de bas en haut. Il se retint de rire. Il jeta un coup d'oeil de chaque côté, vérifiant s'il avait bel et bien l'attention sur lui. C'était le cas.
- Vous tombez bien j'avais besoin de quelqu'un pour faire mon lit !
Vous connaissez les hommes. Pas un pour rattraper les autres. Cette réplique provoqua donc l'hilarité de tous. Et j'en connaissais une qui n'allait pas être contente. Soudainement, l'atmosphère devint lourde. Plus personne ne riait. Personne n'osait bouger. Certains se retenaient même de respirer. Des sueurs froides les envahirent. Même Gabinato, qui avait déjà commencé à rouler son tard-pé matinal, se stoppa net. La feuille à rouler sous le pif, il s'était arrêté pendant qu'il donnait le coup de langue final avant de rouler. Mais la salle reprit vie quand la femme se racla la gorge une énième fois. Quelques chuchotements, des interrogations, bien que personne n'osait trop bouger. Gabi termina de rouler. Quand soudain...
La femme disparut de sa propre position, apparaissant contre le fond de la pièce, devant le mur, le bras gauche tendu sur le côté. Au bout du poing, elle tenait Gabinato par la mâchoire et l'avait encastré contre le mur. Elle lui susurra (à sa manière, c'est à dire en braillant) ces quelques mots :
- J'espère que vous savez ce que signifie être pris à l'essai. Faites le malin et vous perdez votre futur. Est-ce compris, petit macho à la con ? J'espère avoir été assez claire.
Trop fier pour répondre, Gabi se contenta de tenir le poignet de la titanesque femme qui venait de lui faire la honte de sa vie. Il lui retira le bras, amenant à ses lèvres de l'autre main sa clope (magique) roulée. Il soupira. Il s'écarta de la femme venue le chercher, avant de passer ses nerfs sur ses compagnons. Crispé, il serrait les dents et s'efforça de ne pas jurer. Il chopa un pantalon, kaki, ainsi qu'un t-shirt blanc. Il les enfila en vitesse, puis se tourna vers l'horloge. Le temps passait vite aujourd'hui, pensait-il. C'était déjà six heures et quart. Il se tourna vers ses troupes.
- Qu'est ce que vous regardez bande d'incapables ! Allez, bougez-vous l'fion ! C'est bientôt l'heure du rassemblement !
Il se dirigea vers son second. Après lui, c'était ce type, le plus gradé. Il lui tapotait l'épaule en souriant. Il l'aurait sûrement compris, c'était à lui de prendre les commandes pour aujourd'hui. C'était un des seuls sur ce bateau qu'il appréciait, et qui l'appréciait. Il lui faisait confiance. Alors il se dirigea vers son hamac, au pied duquel un tout petit meuble dans lequel toutes ses affaires tenaient. Il transvida tout dans un sac, large, qu'il porterait en bandoulière. Il ferma son sac, enfila ce qu'il avait laissé de côté, c'est à dire un sweat bleu par dessus lequel il mit une veste sans manche verte. Ceci fait, il se tourna vers sa nouvelle supérieure. Ne sachant trop quoi dire, il laissa échapper un blanc, avant de prendre parole.
- ... ... ... J'espère ne pas vous avoir offensé. Pouvons-nous y aller ?
Il sortit la capuche de son sweat de l'arrière du col de sa doudoune. Il bougea également les épaules et les bras afin que ses vêtements se mettent d'eux-mêmes correctement ; quelques faux-plis pouvaient le déranger. La femme avait hoché la tête, et avait commencé à sortir du dortoir. Il plongea la main dans une des petites poches de son sac et en sortit une petite boîte d'allumette. Il en prit une et rangea la boîte. Il prit son sac par la bretelle-bandoulière et frotta l'allumette contre son pantalon. Elle prit feu. Il alluma son roulé en sortant de la pièce.
Le vent soufflait fort. L'odeur fruitée qui se dégageait du tabac + additif se propageait rapidement, notamment jusqu'aux troupes en rang sur le pont, prêtes à assister au départ de leur ancien supérieur. Du flanc de leur bateau dépassait un petit pont déployé pour le passage. Il donnait sur une embarcation plus petite, qui ne semblait pas bâtie pour le combat naval mais plutôt pour la vitesse et la maniabilité. Taillé pour le déplacement, c'était un navire spécialisé dans le transport des troupes. Logique, puisqu'il était là spécialement pour récupérer Gabi. Ce dernier, suivant les pas de sa nouvelle supérieure, passa devant ses hommes l'air ému. Il les regarda tous d'un balayage du regard, avant de leur lever la main, l'agitant avec sympathie. Il tira une grosse latte sur son joint qui menaçait de se griller tout seul à cause du vent, avant de le retirer de sa bouche, soufflant par la suite une fumée opaque, qui n'eut pas le temps de former un nuage avant d'être emportée.
- Messieurs, bonnes continuations !
De manière assez aléatoire, le peloton de Marines répondit globalement avec réciprocité. Ils semblaient tous plutôt contents pour lui, bien qu'également content de s'en débarrasser pour certains. La femme-homme accéléra alors le pas. Elle n'aimait pas perdre son temps. Elle craignait qu'il leur fasse un speech ou une connerie dans le genre. Ce n'avait pas été le cas : nickel, pensait-elle. Arrivé sur le petit pont, elle se laissa glisser, profitant de la pente, et mit moins d'une seconde pour arriver à bord de son petit vaisseau. Arrivé à son tour au pont, Gabinato voulut faire de même. Il mit son joint en bouche, et effectua un petit saut en pivotant sur la droite pour se mettre de profil, espérant pouvoir slider latéralement, à l'instar d'un skateur. Mais à peine posa-t-il un pied qu'il glissa sur trois centimètres, avant de s'arrêter. Frustré, il recommença. Même histoire, cependant il glissa en arrière. Par réflexe, il plaça la jambe droite en avant, plaquant le mollet contre le petit pont. Cela lui permit de rester pendu quelques secondes. Il avait donc largement le temps de s'accrocher à l'aide d'une main.
Ceci fait, il remonta l'air de rien, avant de vérifier discrètement si personne ne l'avait vu sur son ancien bateau. Heureusement, au garde-à-vous pour la minute de silence quotidienne, ils n'avaient pas vu. Il sourit, par soulagement. Il fit alors un grand saut, arrivant directement derrière sa chef. La planche se replia d'elle-même. Quel mécanisme moderne ! Tout émoustillé par le fait que son quotidien était enfin brisé, Gabi ne savait pas trop quoi faire. Il inspectait les lieux du regard : rien de plus qu'un banal navire et pourtant, il le trouvait différent des autres ! Et puis... où était l'équipage ?