Rappel du premier message :
Au large de Jaya, deux navires se rencontrent enfin à l’abri des regards. Le soleil se couche, bordant la mer d’une couverture orangeâtre, emmenant avec lui la chaleur étouffante de ce coin de mer. Les mouettes vont à quai pour passer la nuit, d’autres installent un nid au sommet du mât principale d’une bâtiment de guerre en pensant avoir la paix. La coque usée de Serenity frôle le Leviathan restauré par les soins de ses habitants. Les quelques mousses curieux jettent un coup d’œil par-dessus bord pour observer le sous-marin qui émergent. Beaucoup de bouches s’ouvrent, béates d’admirations en voyant l’acier gris apparaître à la surface, créant remous et vagues qui s’écrasent sur le bordage.
Une trappe se soulève dans un grincement sinistre et une tête rousse apparaît dans le champ de vision de tous. La jeune femme finit d’escalader l’échelle pour tâtonner à la surface. Incertaine, ses chaussures glissent sur l’acier et elle manque de finir à la mer. Une voix féminine tonne sur le pont du Léviathan faisant tressaillir les quelques hommes qui regardent par-dessus bord. Ces derniers se mettent au garde-à-vous avant de filer, comme des fourmis prêtes à se faire piétiner sous une semelle géante, chercher une corde. Une poignée de minutes plus tard, cette dernière passe par la rambarde et atterrit dans les mains tendues de la rouquine qui s’en entoure.
Calé sous son arrière-train, elle grimpe à l’aide des hommes qui la tire vers le haut. Lilou finit par poser pied sur le pont, remerciant les hommes qui la saluent pour faire face à la gérante par interim des lieux.
Lieutenant-Colonel.
Lilou ne s’embête pas de la courbette militaire usuelle pour faire face à Ketsuno Fenyang. Elle détourne même assez vite le regard pour lancer un sourire à son entourage, se montrant immédiatement plus agréable. L’atmosphère se charge d’électricité malgré ces risettes ravies et la gradée en charge du Léviathan ne tarde pas à répondre sèchement :
Bienvenue à bord.
Le regard glacial n’invite pas la rouquine à faire des efforts. Mais l’ordre qui suit, la poussant à se retirer pour parler de choses sérieuses, les amènent toutes les deux à quitter la scène principale du navire. Les deux femmes laissent le pont aux hommes du navire, se dirigeant à pas lourd vers le bureau de la rose. La porte se referme sur une salle aux couleurs chaudes et à l’ambiance pourtant froide. Bibliothèque trop bien rangée, dossiers ordonnées par taille, ordre alphabétique et couleur, bureau impeccable dans lequel on pourrait voir son propre reflet, une plante verte trop parfaite pour être vraie, Lilou note le cadre à côté de ses crayons rangés par taille. Une photo de Salem y trône, un Salem avec un sourire enchanteur et le visage serein.
Nous avons à faire.
La rouquine sort de sa torpeur, oubliant à regret l’air paisible d’Alheïri au profit du regard dur de Ketsuno.
Je sais.
Un rictus méprisant prend place sur les lèvres de la rose, elle sort d’un tiroir un livret qu’elle remplit méticuleusement.
Serenity sera affrétée désormais à la flotte du Léviathan. Vous remettrez le sous-marin en même temps que le navire à Marie Joie.
Mh.
Nous allons charger l’équipement de base : des armes, de la nourriture, des outils stériles, du personnels médical… Combien vous faut-il d’hommes ?
Une dizaine.
Ketsuno s’arrête soudainement de noter, relève le regard de sur son papier en dévoilant deux petits yeux surpris. Son sourcil plisse son front tellement il est froncé. Lilou, quand à elle, reste imperturbable, affichant même un air placide qui déstabilise sa vis-à-vis.
C’est tout ?
Je n’ai pas besoin de plus.
Humpf.
L’arrogance dont fait preuve la rouquine fait rire son interlocutrice. Un petit rire qui s’affiche comme moqueur, suivi de près par un air supérieur et conquérant qui la fait jubiler.
Peut-être que vous vous surestimez.
Dans tous les cas, ça ne regarde que moi.
Tonalité froide, air inchangé, Ketsuno garde quand à elle son ton railleur en annotant sur son livret. Si Lilou choisit aussi peu d’hommes, c’est autant par choix que par contrainte. Serenity n’étant pas au mieux de sa forme, elle ne veut mettre personne en danger, et n’être responsable que de peu de vie. Elle n’est pas une meneuse d’homme. Ou tout du moins, elle ne cherche pas à l’être parce qu’elle n’en a pas envie. D’ailleurs, elle est dans l’optique de jouer la marionnettiste qui manipule son objet pour cette mission, évitant de trop impliquer ses subordonnés dans des histoires crasses. Des choses que Ketsuno, derrière son grand nom et ses grands airs, ne comprendraient évidemment pas.
Soit. Vous ne prendrez que les volontaires dans ce cas.
Lilou hausse les épaules, montrant qu’elle se fiche de savoir qui viendrait avec elle. Tous les membres du Léviathan était des gens de confiance, là pour se plier en quatre, avec des objectifs. Elle fera de toute façon le tri, en temps voulu, pour ne prendre que ceux capable de supporter la vie en profondeur.
Vous connaissez le plan ?
Bien entendu.
La prenait-elle pour une idiote ?
Je me chargerai des côtes Nord et Est de Jaya. Vous des autres.
Lilou se lève brutalement de sa chaise et va vers la porte. L’autre femme accepte du chef et termine ses annotations. L’ingénieur quitte la pièce et retourne sur le pont d’un pas rapide et décidé, se plantant devant la masse d’hommes qui attend le retour de ses supérieurs. Lilou met les mains sur ses hanches et balance d’une voix forte :
J’ai besoin d’hommes. Une dizaine maximum.
J’embarque dans trente minutes.