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[FB solo] L'Archéologue nostalgique


    Coupant plantes et herbacées d'un mouvement d'ongle vif et acéré, je poursuivais ma cueillette. Je ne pouvais pas poursuivre mon activité sans avoir de pensées mélancoliques. Toutes les connaissances que j'avais obtenues provenaient toutes de ma tante, Ma. Elle était si loin de moi à présent...

    Je pouvais encore voir Sirup, le paisible village de Sirup où j'avais passé la majorité de ma jeune vie. L'épicier qui m’accueillait toujours en souriant lorsque je venais remplir mon panier de victuailles que Ma m'avait envoyé quérir. Le Maire qui tentait tous les jours de régler les querelles du voisinage, avec sa jeune secrétaire et femme qui prenait des notes en rajustant constamment ses lunettes. Je pouvais encore entendre le doux son du marteau du forgeron qui travaillait durement l'acier afin d'honorer la commande d'une nouvelle enseigne pour le barbier. Le paysan du village qui acheminait sa récolte sur sa vieille brouette grinçante qui nous cassait les oreilles. Je pouvais encore ressentir le goût de la limonade bien fraiche que le tavernier de l'auberge m'offrait toujours à chaque fois que je m’asseyais au comptoir. Je pouvais encore ressentir le frisson qui me parcourait lorsque le rire gras des habitués s'amusant à me voir vider mon verre résonnait dans tout l'établissement. Je pouvais encore imiter le sourire naturel et serein de chaque habitant de mon village lorsque le soleil s'évanouissait à l'horizon. Je pouvais encore être captivée par la disparition totale de l'astre lumineux qui précédait l'arrivée du plus beau tableau de l'humanité...

    Dans mes souvenirs, la splendide nuit étoilée émerveillait le cœur d'une petite fille qui balançait nonchalamment ses mollets au bord de la jetée du port. La petite rentrait alors chez sa tante, s'abandonnait dans son giron et s'endormait paisiblement pour finalement voyager parmi ces étoiles, caressant la voute céleste et chatouillant les comètes, jusqu'à atteindre l'astre lunaire. Son voyage durait jusqu'au matin où elle se réveillait emmitouflée dans des draps chauds sous laquelle l'avait glissé sa tante.

    Tout cela était bien loin à présent. La petite fille avait grandie et s'était découvert une âme d'aventurière. Elle s'était embarquée il y a maintenant quelques mois à la poursuite d'un rêve et d'un objectif. Elle ne s'était pas attendue à devoir vivre autant d'aventures, à devoir surmonter autant d'épreuves, à prendre part à autant d’événements qui la dépassaient de loin...

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    "Ainsi va la vie."dis-je en arrachant une nouvelle fleur à ses racines.

    La cueillette était maintenant terminée. Je disposais de tous les ingrédients nécessaires pour prodiguer efficacement mes soins aux deux pirates. Me relevant, je me préparais à rejoindre le temple où m'attendaient mes compagnons. Le repas n'était sûrement pas prêt et la "Déesse" n'avait sûrement pas pu résister à l'envie de se saisir de mon Sandai. Elle ne perdait rien pour attendre. Le meitou lui réservait une très mauvaise surprise. Une lame comme celle-ci appartenait à son maître et seul ce dernier pouvait la manier correctement et dans ce cas précis, résister à la malédiction qui l'habitait. Tout bretteur digne de ce nom savait cela.

    Non, je ne retournais pas au temple. Je décidais plutôt d'aller explorer les ruines. Pour une archéologue comme moi, c'était une véritable mine d'or. Rebroussant chemin, je m'engouffrais dans une alcôve. Je fus immédiatement saisie par la solennité du lieu. J’avançais d’un pas lent dans le sanctuaire, guidée par une force imperceptible : celle de ma propre curiosité scientifique. Les murs étaient parsemés de symboles représentant des créatures divines, de signes inconnus et de peintures ancestrales évoquant l’au-delà. Des amphores, bols et autres instruments gisaient au sol accompagné d’herbacées sèches, autrefois odorantes. J’étais au paradis. Une ancienne culture me faisait face, me transportant dans un monde, une époque disparue. Je me retrouvais ici, là, à la place des anciens en train d’effectuer les rituels, à manipuler les herbes entre mes mains et à diriger les sacrements. Sur l’une des peintures, on pouvait voir une reproduction d’une danse, probablement exécutée lors d’un des ombreux rites. Sans hésiter, je décidais de m’y exercer en reproduisant avec plus ou moins de succès les poses des différents danseurs. Imaginant des tambours, des cors et d’autres instruments, je tournais, tournais, tournais encore, faisant virevolter ma fourrure. J’étais envahie par un bonheur, un élan de vie, une énergie exceptionnelle qui guidait mes pas. Le sourire aux lèvres, je profitais tout simplement de ce petit instant de paradis.

    L’éreintante activité s’arrêta lorsque la danseuse fut à bout de souffle. S’asseyant sur une pierre, elle se félicita mentalement de sa performance. Qui sait ce qu’aurait pu penser les anciens en assistant à sa prestation. Auraient-ils applaudi ? Auraient-ils été surpris ? Ou encore auraient-ils crié à l’hérésie ? La question trottait dans la tête de la jeune Louve et la renvoyait instantanément dans cette ancienne époque où l’on vénérait le dieu de la montagne de feu. Un monde que la naturaliste redécouvrait par l’intermédiaire de l’héritage rupestre. Malheureusement, ce temps touchait à sa fin. La jeune fille se devait de rejoindre les deux forbans, afin de leur prodiguer le remède assurant leur survie. Elle se releva donc, quittant d’un pas lent et contraint son paradis. Lorsqu’elle passa une nouvelle fois par l’alcôve, on put apercevoir une petite larme de mélancolie couler sur sa joue…