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Walk The Line

Grand Line, sur une côte


« Z, c’est bon, le bateau est prêt à partir.
- Bien. Je serai dans ma cabine. »


Spoiler:


Il fait froid ce matin. Mes mains sont craquelées, mais je n’ai jamais aimé porter de gants. Beaucoup trop contraignant. C’est important de ressentir les choses, de penser qu’elles respirent elles aussi même s’il est ardu de communiquer avec chacune d’entre elles.

Ce pirate était faible. Un peu comme tous ceux que j’ai rencontré ces dernières années. Qu’il est lassant de devoir se contenter du menu fretin. Mais quand on est jeune, on prend le temps, on obéit aux ordres et on profite comme on peut de chaque région que les crimes nous donnent l’opportunité de visiter.
Où es-tu à présent Layr ? Toi le père indigne, toi le mari incapable, toi qui a misé sur ma mort avant même que je pousse mon premier cri. J’avais trouvé le courage de t’arrêter, mais cela ne t’a pas suffi. Tu as bravé les intempéries du monde pour un autre homme. As-tu fait ça parce que tu l’aimes, qu’il est ton ami ? Toi le renégat de notre temps, puis-je considérer que ton cœur n’est pas mort en même temps que celui de ma mère ?

La neige n’en finit plus de tomber, et sur le pont du navire ce sont quatre hommes qui encadrent le monstre de quatre mètres que j’ai défait hier soir. Non Eshmer, tu ne m’as même pas distrait, tu n’as même pas permis à mon esprit de s’évader de sa prison de brume. Honte à toi.

« Z, un message Den Den du Smoke.
- Oui ? Harvey a besoin de moi ?
- Non c’est Stan, il nous transmet un message de la part du capitaine pour nous féliciter et nous dire de ramener le prisonnier aux autorités les plus proches.
- D’accord.
- Euh... »


Ces derniers mots sonnent comme un appel. Et alors que je m’étais déjà retourné pour prendre congé, je ne me rends pas encore compte que la question machinale que je m’apprête à supputer aura plus de conséquences que prévu.

« Autre chose ?
- Ben, il a rajouté quelque chose de plus personnel.
- Comme ?
- J’ai peur pour le commandant.
- Quoi ?
- C’est ce qu’il a dit. J’ai peur pour le commandant.
- C’est tout ?
- Il avait l’air de se cacher, comme s’il avait peur que celui-ci déboule. Il a parlé de l’île maléfique où ils sont stationnés en ce moment. Il a dû couper juste après, comme si le commandant arrivait.
- Sans doute qu’Harvey doit trop vouloir en faire. Je ne me fais pas de souci pour lui.
- Ses derniers mots...
- Bon, je n’ai pas toute la matinée !
- Layr arrive, c’est ce qu’il a eu le temps de dire. Layr arrive. »


Mes muscles se contractent, mon rythme cardiaque s’accélère. Harvey n’a jamais été bavard sur ses affaires, mais il est rare qu’il n’en dise pas un mot. Il l’a retrouvé. Il l’a retrouvé à ma place et il va finir ce qui a été commencé il y a vingt ans.

« Lance, va voir le chef du quartier marchand, il nous doit une faveur pour la capture d’Eshmer. Je veux sa Fringuante  prête à démarrer pour dans une heure, avec plusieurs jours de provisions.
- Z, ne fais pas ça, tu...
- Faites ce qu’Harvey a dit, vous n’avez plus besoin de moi. Si tu veux m’empêcher de partir, libre à toi d’essayer. »


Je file dans la cabine, prends quelques affaires pour le voyage, puis m’arrête un moment sur un objet. C’est la bague que j’ai retrouvé il y a quelques mois dans les décombres de la demeure du meurtre, là où je suis né. Une bague que devait porter ma mère quand son homme s’est enfui.

Il est temps de partir. Sur mon majeur droit, elle trône à présent, symbole d’un temps qui n’a jamais existé. Je dois faire vite, dans quelques dizaines d’heures, si je ne suis pas assez rapide, l’un de mes deux créateurs sera mort des mains de l’autre.





Île maléfique, premier jour




« Il sera là dans quelques minutes, préparez-vous. »


Spoiler:


Harvey sait que la bataille navale tournera court. Deux hommes ne peuvent rivaliser avec un équipage entier sur les mers. Ils voudront régler ça sur la terre ferme. Et il n’est pas question de laisser le navire accoster.

« Allez, souquez les artémuses ! Déploiement alpha, le brouillard s’épaissit. »


Harvey est prêt. D’ici peu, le poète sera maudit. Par les Eaux, par les Dieux, par le Pulp Dog.






Au large, le même jour


Spoiler:


«  Grey, on peut rien faire sur l’eau. L’île est grande mais ils nous verront arriver de loin, ils doivent avoir des vigies efficaces.
- Alors qu’est-ce qu’on va faire ?
- On va faire ce que font tous les grands de ce monde. On va tricher comme des petites bourgeoises. »
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Le bateau approchait de l'île. Entre temps, la brume s'était pas mal répandue sur l'océan. A tel point qu'il en devenait difficile de s'orienter. T'façon pour Grey, ça changeait pas grand chose. Une vraie bille en navigation. Même avec le port devant lui, il serait capable de se louper. D'ailleurs, la lumière diffuse du phare indiquait qu'ils n'étaient pas du tout en train de naviguer dans la bonne direction. Comme si Grey et Rimbau pouvaient se permettre d'arriver par la grande porte. Vu ce qui les attendait, valait mieux pas.

C'était là que l'expression de Rimbau prenait tout son sens. Tricher. Pour passer, pour quitter les eaux et rejoindre les terres. Au vu de la situation et de leur possibilités, ils avaient mis au point un plan qui, s'il était risqué, leur permettrait peut-être de vivre un peu plus longtemps aujourd'hui. Pendant le peu de répit qui leur était resté, les deux pirates avaient tenté de tirer parti de leurs capacités respectives, en s'entraînant intensément. Pour augmenter les chances de succès. Ne serait-ce que de quelques pourcents.


- Va être temps gamin.

Grey hocha de la tête. Approbation. Il déglutit difficilement. C'était vraiment un pari. Une tentative. Unique. C'était à Rimbau d'ouvrir le bal. Mais derrière, Grey devait envoyer la sauce. S'il ne pouvait pas être à la hauteur, alors tout tombait à l'eau. Eux compris.

- Je suis prêt.

Des centaines, des milliers de bouts de papier jaillirent du corps du Poète, se dispersèrent au gré du vent, disparaissant dans la brume. Contrôler autant de morceaux à la fois était un exercice difficile, même pour lui. Ca se voyait sur son visage, il était concentré. Fallait pas oublier qu'il ne possédait pas son pouvoir depuis des années. Alors que dire de Grey...

- Vas-y.

Voilà, c'était son tour. Grey fila à l'arrière du bateau. Dissimulé par la salle de navigation où s'entassaient un tas de matelots, personne à proximité ne pourrait savoir d'où venait la source. Il repéra sa cible. Des bandelettes de papiers entassées sur l'eau, presque à hauteur d'homme, formant une longue ligne blanche. Après une grande inspiration...

- Pyro Punch !

Un rayon de flammes du diamètre d'un poteau fila de son bras vers l'océan. Expert en tir, Grey ne manqua pas sa cible. Le feu commença à se répandre et parcourir la ligne de papier. Mais ce n'était pas assez.

- Pyro Punch ! Pyro Punch !

Les flammes se répandirent un peu plus, un peu plus grandes. Mais ce n'était toujours pas suffisant ! Le feu n'avait pas encore atteint le minimum pour que leur ruse puisse fonctionner. Il fallait faire beaucoup mieux ! Grey enchaîna les Pyro Punch, mais la zone à couvrir était grande. Et le bateau qui avançait encore... Bientôt, ils seraient grillés... Le pirate ferma les yeux. Rimbau comptait sur lui. Et Grey lui-même ne tenait pas encore à mourir. Il devait le faire ! Concentrant ses flammes dans sa main gauche, il déclencha le tir !

SbrooooooooOOOOOOOOOOWWWWWWWW !!!!



Un Pyro Punch en continu ! Les flammes étaient envoyées encore et encore ! La ligne de flammes était devenue un véritable rideau montant haut dans les airs ! C'était plus que suffisant. Il était temps de couper le flux.

*Merde, j'y... arrive pas !*

Le feu jaillissait toujours plus ! Ils seraient repérés s'il ne pouvait pas taire la source des flammes ! D'ailleurs, il en envoyait tellement que ses pieds avaient du mal à garder contact avec le sol. Il se sentait décoller ! Le débit fut tel que finalement, il fut projeté en arrière et s'encastra dans l'arrière de la salle de navigation. Arrêt total de la machine. De la fumée s'échappait de son bras.

- Aaah... aaah... J'ai encore du boulot...

Se relevant en panique, Grey retourna sur le pont pour voir l'avancée du programme. Il préféra ne pas croiser le regard de Rimbau.

De toute façon, c'était sur l'eau que ça se passait. Le mur de feu éclairait l'horizon comme une belle journée d'été, voire mieux encore. La lumière arrivant en contre-jour de l'île, leur bateau ne pouvait pas être distingué autrement que par sa silhouette par la Marine. Le plan était bien parti. Pourquoi ? Il est vrai qu'une silhouette, c'était plus qu'assez pour être coulé, encore fallait-il que leur ennemi touche la bonne cible. La brume se dissipant ici et là, on pouvait voir tout autour du bateau des pirates une demi douzaine d'autres navires ayant la même forme et les mêmes dimensions. Mais en papier. Crées par le Poète. Eux aussi ne pouvant être distingués que par leur silhouette à cause du feu derrière, ça faisait plein de cibles noires. Sauf qu'ils n'allaient pas bêtement foncer dans le tas. Les bateaux commencèrent à se disperser. Alors, ils s'y attendaient à ça en face ?


Dernière édition par Grey le Lun 10 Mar 2014 - 21:44, édité 1 fois
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C’est exactement comme ça que tout est censé se passer. Une déferlante de sueur et de sang, un amas de papier mâché aux allures d’entourloupe.

Nous avançons tous. L’objectif  de chaque entité littéraire est de rallier la côte à suffisamment d’intervalle pour obliger l’ennemi à manœuvrer afin de changer de cible. Sur le papier, tout baigne, sous les papiers aussi. Il y a juste un petit pépin dans la poire, un petit noyau dans l’olive.

J’ai mal. Salement. Cette extraction forcée a beau avoir été répétée plusieurs fois pendant la traversée, je ne peux m’empêcher de tanguer dangereusement sur mon gouvernail, victime de Vertigo. Tu dois tenir Layr, pense à ce gamin qui te regarde, pense à l’autre qui te vomit, pense à ce chien qui a détruit la seule belle moitié de ta vie.

« À...gauche...cinquante degrés. Gamin, les voiles, vite. »


Ma voix tremble légèrement, mais cette vibration dépréciative est heureusement masquée par le vent et les sons de la guerre qui fait déjà rage.

L’illusion fonctionne. Mais garder le contrôle sur mes différents fragments est de plus en plus ardu à mesure que la stratégie détonne. Les veines saillent sur mon front, les grosses gouttes de sueur de crocodile dévalent mes joues creusées. Vivement que mes joujoux aient fini leur œuvre que je puisse récupérer l’énergie vitale que j’ai pu y déposer.
On distingue le navire d’Harvey derrière le mur de flammes. Grey a plutôt bien fait son boulot pour un novice en la matière. Mais ça ne suffira pas, je ne manie pas assez bien la barre pour gagner suffisamment de temps.

« Eh toi le navigateur, prends ma place, j’ai d’autres choses à faire !
- Non, vous allez perdre et c’est tant mieux.
- Si on est coulés tout le monde va crever ici !
- Personne ne bougera, personne ne viendra vous aider, raclures des bas-fonds. Retournez à Impel Down pour y pourrir ! »


Je prends un moment pour réfléchir. Des obus volent un peu partout, comme s’ils étaient lancés à l’aveugle. Ce connard a raison, depuis qu’on est sortis y’a personne pour nous aider. Pendant tout le reste de mon voyage je serai seul comme la mort, comme cette foutue mélancolie qui a déjà bouffé un siècle entier avec ses confessions infantiles.

Harvey n’est pas bête. Il teste les navires en tentant de les brûler, pour que les ombres changeantes le renseignent sur la véracité du bâtiment. Moi je suis un gros con, et comme tous mes prédécesseurs qui m’ont imité, je sourie à cette fatalité dégueulasse, à cette morale ubuesque qui m’empêchera pas de déverser mon urine tiède sur les roseaux de nos contribuables. La tristesse, c’est savoir qu’on est tous malades à l’intérieur. La connerie, c’est essayer toute sa vie de prétendre le contraire.

« Ils se rapprochent, plus que deux navires en couverture. On va bientôt passer à la deuxième phase. »


Le regard de Grey est plein d’une combativité qui ne lui a pas souvent faut défaut. Dans le reflet de ses pupilles, les miennes brillent d’un éclat ébréché, furie d’une stase diluvienne.


Dernière édition par Rimbau D. Layr le Mer 5 Mar 2014 - 0:44, édité 1 fois
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Plus qu'un. Rimbau avait raison. Fallait passer à l'étape suivante. Et vite. Grey se dépêcha de quitter le pont, puis se précipita à la cale. Les canons étaient déjà tous sortis. Pendant le peu de temps qu'il était resté aux pirates avant d'arriver jusqu'à l'île, le jeune homme avait chargé les munitions. Il n'y avait qu'à tirer. Enfin, ça, ce serait pour le cas où ils n'auraient pas le temps d'atteindre leur destination sans encombres.

- Y se sont pas laisser avoir par le dernier leurre !

Bah voilà, ils étaient dans le pire des cas. Grey se positionna entre les canons du milieu de navire. L'ennui, c'était que pour être efficace, il fallait plus de visibilité. Ne voir que par les fenêtres de tir n'était pas pratique. Il n'y avait pas le choix.

- Pyro Punch !

Et voilà ! Un trou ! Vue dégagée. Et le bateau de la Marine qui se rapprochait. Leur adversaire était bien plus rapide qu'eux. Il était à présent si proche qu'on voyait les volets de tirs ouverts. Le timing serait essentiel. Mais cette fois encore, ce n'était pas lui qui allait ouvrir le bal. Bon, la Marine tirerait sûrement en premier, sauf que normalement, Rimbau allait avoir son mot à dire.

- Pirates, rendez-vous. Ou nous ferons feu.

Ca alors, une sommation. D'après le timbre de voix, un vieux. Le fameux Harvey ? Mais ça manquait de conviction. Comme s'il voulait que les pirates ne capitulent pas. Non. Plutôt comme s'il savait qu'ils ne le feraient pas. Alors quoi ? Juste pour respecter le protocole un tant soit peu ? Pour ses hommes ? D'ailleurs, il avait dit "pirates", et non pas "Rimbau". Sûrement pour que personne, donc ses soldats, ne puissent penser que c'était une affaire trop personnelle. Au moins, il avait raison. Les rescapés d'Impel Down ne se laisseraient pas capturer bien gentiment.

- Tu sais Bobby, les grands hommes d'aujourd'hui feront les grands morts de demain. Mais pour toi demain, c'est aujourd'hui !

Sacré Rimbau ! La réponse dut être celle qu'attendait Harvey par contre. Les canons adverses étaient sortis. Et...

Pow !
                                                                                                                    Pow !
                                                                       Pow !  

                              Pow !          
                                              Pow !
                                                                                                     Pow !

                                                                                     Pow !


Par réflexe, le pirate se protégea de ses bras en fermant les yeux. C'était inutile évidemment. Son pouvoir l'immunisait. De toute façon, il n'avait pas été touché. Rimbau avait réussis son coup ! Un bouclier de papier géant ! Ca n'avait fonctionné que parce qu'il n'avait plus les autres bateaux de papiers à contrôler.

Niiii...craaaaac !




Merde, la proue du bateau avait morflé un peu. Pas si rapide que ça finalement le Paper Man. Tout le bouclier n'avait pas été consolidé à temps pour parer les boulets. Grey n'osait pas imaginer l'état du navire sans l'intervention du Poète. Parce que c'était bien pour le bateau, et la suite de leur plan, qu'il avait développé la protection. Les logias ne craignaient pas les attaques de ce niveau après tout.

C'était ensuite le tour de Grey. Les bateaux seraient pile en face l'un de l'autre d'ici un instant. Le pirate fit un pistolet avec chacune de ses mains. Il enflamma ensuite le bout de ses doigts. Il aligna ses bras sur les mèches de ses canons. Encore un peu...


- Fire guns !

Deux traînées de flammes fusèrent ! Allumèrent les mèches! Ce fut le festival de tirs ! Version pirates !
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Spoiler:

Parfait. Il sait que Rimbau n’abdiquera jamais. Qu’il ne se permettra pas de se laisser à nouveau piéger. Bravo, tu vas donc finir ta course au fond de l’océan, là où plus personne n’aura à te supporter.

« Chef, ils se sont protégés ! »


Intelligent. Mais ça ne suffit pas. Des boulets Harvey en a beaucoup, et les pirates sont seuls, salve après salve leurs défenses s’écrouleront. La côte est proche, il n’y a plus de temps à perdre. Un poète va définitivement perdre sa plume dans quelques instants.

«  Adieu, fugitif. »


Le bras d’Harvey s’abaisse, les canons rugissent et reculent sous l’impact. Le bouclier s’apprête à voler en éclats.







« Putain... »



Compresser le papier pour en faire une substance dure, éprouvant. Je commence vraiment à voir tout le potentiel de mon pouvoir, sa fulgurance et son incontinence relative face à nos assaillants. Je suis trop faible pour tenir.

Mais je suis pas seul, j’ai un sacré lascar avec moi, qui me donne bien plus que je ne mérite. Et alors que je tiens tant bien que mal, il réussit à ouvrir le feu. Sous nos yeux, une myriade d’étoiles s’agitent, le vrombissement des armes se transforme en une mélopée enivrante. Pendant quelques instants, tous les acteurs de cette confrontation peuvent ressentir une vibration impalpable, une aura mystique qui semble nous enjoindre à l’écouter, à s’échapper de nos faibles conditions d’humains. C’est le râle pré mortuaire, le menuet de L’Apocalypse.

Puis tout explose.

La cambuse, les cabines, les voiles. De part et d’autre, l’attaque frontale défait tout ce qui a pu exister, et le laid reprend ses droits. Nous ne sommes plus que des boules d’instincts, prêts à rejoindre une prairie qui ne sera jamais verdoyante.

Nous allons couler. Oui couler, tous ensemble. Alors je déploie la dernière carte que nous avons pu préparer, et derrière notre navire qui se débauche, ce sont des tiges de papier qui se forment et qui commencent à tourner de plus en plus vite. Pour nous emporter, pour nous octroyer les quelques mètres qui nous manquent.

Le Smoke est dépassé l’espace de quelques instants. Cette accélération subite nous permet d’éviter les engins de mort qui nous auraient définitivement enterrés. Et abîmé par la précédente attaque orchestrée par le flamboyant pyromane, le navire d’Harvey n’est plus assez maniable pour ajuster sa trajectoire. La terre ferme, elle est là, tout près. Je veux sentir à nouveau ce contact rugueux et cette odeur agressive.

« Le vent se lève. Il faut tenter de vivre. »


Les mots sortent, sans destinataire autre que celui dont ils parlent. Alors comme promis, je me dresse en arrière, alors que le silence est presque revenu, que les attaques ont cessé suite à la distance. Et je m’exprime librement, et ce vent transmet mes paroles à l’assemblée ennemie.


J’ai arrêté de vivre il y a bien longtemps
Un sbire du monde m’a séparé de toi
Impuissance sur un plat servi sera
À travers l’orage je sais que tu m’entends
Car tant que tu seras là
Je marcherai droit.



Et nous nous échouons. Les tirs sont sur le point de reprendre. Je peux réussir, m’échapper et me cacher dans la ville en préparant la suite des évènements. Le gamin est resté en bas. Inconscient ? Étourdi? Peu importe, je ne dois penser qu’à moi, ma mission, ma rédemption. En sautant maintenant, en l’ abandonnant, je redeviens celui que j’ai toujours été, le fuyard solitaire que mon âme mérite.

Mes pieds agissent, mes bras déplacent des débris. Au fond du rafiot, ma main attrape le bras d’un homme. Un signe de tête et je l’aide à se relever. Allons-y ensemble ou mourrons ensemble gamin, le vent se lève.


Dernière édition par Rimbau D. Layr le Mar 11 Mar 2014 - 0:03, édité 1 fois
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Des oreilles sifflantes. Une main tendue. Une main saisie. Sorti d'une pile de bouts de bois éclatés par les canons. Grey a été sonné. Son pouvoir de logia le prévenait normalement de ce genre d'effet. Sauf quand un boulet fracassait l'eau, projetait une vague, ou qu'en perçant la coque, il projetait une onde de choc. Le bateau s'était échoué sur la plage et pourtant, ça tanguait encore. Des vertiges ? Pas le moment ! Avoir du mal à aligner un pied devant l'autre c'était bon pour les faibles ! La dernière fois qu'il avait été dans cet état, c'était à Impel. Wop, tombé sur les genoux. Rimbau avait beau être un costaud, Grey était grand, il pesait son poids. En fait, à Impel, il avait été dans un état pire que celui-là. Que lui avait dit Tahar quand il l'avait vu, déjà ?

"Eh, Ptit gars. Evite de te rétamer cette fois, ça gâcherait le moment."

Pas question ! Plus maintenant ! Grey se l'était promis. Ne plus être un boulet. Pour Rimbau, pour son équipage, pour personne ! Fort d'une volonté renouvelée, le pirate se remit de bout, marchant vers la jungle d'un pas résolu. Jusqu'à ce déferlement de douleur dans sa tête.

- Aaaaaaaaaaaarrrrrgh !

De nouveau à terre. Les mains plaquées sur son crâne, l'écrasant de toutes ses forces pour chasser la douleur par une autre, extérieure. Parce que celle-là venait vraiment du plus profond. Il avait déjà senti ça une fois. Son haki. Il se manifestait encore sans être invité. Il ressentait toutes les peines et blessures des gens aux alentours. Qui donc, à part Rimbau ? Ca ne laissait que l'équipage pirate. Les traîtres toujours attachés à l'intérieur du navire. Les derniers boulets avaient dû faire du dégâts aux non logias. Et le Poète qui tentait d'atteindre Grey par la voix. Mais elle semblait tellement loin cette voix. Le peu de mots qui s'infiltraient parlaient de se dépêcher. Ne pas rester là. Partir.

De petits pas en petits pas, à un rythme bien moins rapide que Rimbau ne l'aurait voulu, le duo réussit à atteindre la verdure des plantes marquant la fin de la plage. A chaque nouveau mètre, la douleur disparaissait un peu. Bientôt, ils furent assez éloignés pour que Grey puisse marcher seul. Mais il ressentait encore la vie autour de lui. Son camarade bien entendu, mais aussi les animaux, des insectes pour la plupart. Et...


- On est suivis. Deux. Non. Trois. Ils avancent lentement. Des pisteurs ? Ou des éclaireurs. En tout cas, je ne pense pas que leur but soit de nous attraper. Plutôt de ne pas perdre notre trace.

Il ne perdait pas de temps le Harvey. Son bateau avait dû prendre les dommages pourtant. Et le voilà qu'il avait mis pied à terre avec ses troupes, lançant même des gars pour suivre ses adversaires. Ca ne se passerait pas comme ça. Grey arma son poing, et déclencha un Pyro Punch droit sur les traqueurs. Ca ne les atteindrait pas. Ca leur donnerait même un indice d'où se trouvait leurs proies. Seulement, les flammes les empêcheraient d'aller plus loin.
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Incompréhensible. Voilà que le gosse était atteint de maux de têtes, en plein milieu d’une tactique, en plein cœur d’un combat. Des maux de têtes. Incompréhensible.

« Grey ! Grey ! On a pas le temps pour ça putain, magne toi ! »

Comme si j’étais aller sauver ses miches pour qu’il me fasse une méningite quelques secondes après. Aux dernières nouvelles c’est pas un hockeyeur. Alors ouais on court au ralenti, comme si on avait été touchés par un rayon qui nous ramollissait et nous empêchait de gagner une course de donuts.

Le voilà qui va déjà mieux, et qui me la joue prescience aiguisée pour situation éclairée. Je reconnais ça, c’est exactement ce dont m’avait parlé Tahar y’a un moment. Et pas que lui d’ailleurs. Voir des choses qui sont pas visibles, toute cette foutue mascarade vaudou censée renforcer les âmes et les cœurs. J’ai jamais eu besoin de cette merde, je vais pas commencer alors que j’approche des quarante piges.

Il a quand même la bonne idée de créer une ligne de flammes, de cramer ce beau paysage à moitié stérile qui n’en demandait pas tant.

« T’es calmé ça y est ? Alors utilise un peu tes gambettes au lieu de me la jouer gambas. »

Nous nous enfonçons dans une petite forêt, la ville n’est pas loin. Quand nous y serons, je pourrai laisser la situation se tasser un poil, reprendre des forces tranquillement. Pour revenir, cette fois-ci en tant que chasseur. Tu as perdu la première bataille Harvey, je vais pas m’arrêter en si bon chemin.




******






« Chef, ils sont hors de vue. Nos traceurs vont avoir du mal à garder leurs traces. »

Le commandant est énervé. Impressionné aussi, même s’il ne le reconnaîtra sans doute jamais. Cet origami de malheur vient de lui glisser entre les doigts. Violence.

« Envoyez l’escouade Mean Streets. Qu’elle se fonde dans la ville comme si elle en avait toujours fait partie. »


Des assassins il en a un paquet Harvey parmi ses hommes de confiance. Mais au fond de lui il sait. Il regarde les rides de son corps vieilli et il sait qu’un face à face à la loyale contre le poète ne serait pas une idée sûre. Il a envie pourtant, envie de faire comme dans sa prime jeunesse, de foncer en étalant sa force et sa maîtrise. En prenant de l’âge on acquiert la sagesse, c’est ce qu’avait dû proférer un jour un moine leucémique après une bouteille de saké bien corsée. Il allait devoir utiliser un autre atout. Imprévisible et cancéreux sans doute, mais avec assez de poigne pour briser l’espoir d’un belligérant un peu trop résistant.

« Stan, j’ai un boulot de recherche pour toi. »

Le jeune marine adepte de la balle jaune lève un sourcil interrogateur.

«  Trouve moi Jack Calhugan. Nous allons être les premiers à tester la loyauté d’un Capitaine Corsaire, aussi sale soit-il. »


Wrath, tu vas pouvoir revoir un ancien camarade.
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