Rappel du premier message :
Jour 4. Surveiller ce qui se passe au large depuis les quais. Toujours rien à signaler. Jamais rien à signaler, de toute façon. Je prends sur moi. Je dépéris un peu. Je me néglige. Encore plus que d'habitude, je veux dire. J'ai pas encore squatté une seule fois les douches de la base. C'est crado il paraît de toute façon.
On est un certain nombre de larbins à glander sur les docks. J'connais pas trop mes collègues. Y en a beaucoup qui doivent être dans le même état d'esprit que moi, mais... J'sais pas, j'ai un blocage. Seul homme-poisson de mon régiment, ça doit jouer. Puis j'ai pas de conversation avec les inconnus. J'ai juste un peu parlé à une rouquine qui zone dans mon coin, un peu sympa. Elle tourne encore dans mon secteur aujourd'hui, là elle est derrière moi je crois. J'ose pas me retourner pour vérifier, pas envie de croiser un regard. J'me sens vraiment concerné par ce qui se passe plus loin dans l'île, mais j'me sens obligé de la fermer. Comme s'ils allaient me coller du mauvais côté de l'île si je rouspétais. Je suis sûr que c'est ce qu'ils feraient ces enfoirés. J'évite les regards des esclaves quand je suis forcé d'aller dans leurs secteurs. Y a pas mal d'hommes-poissons parmi eux en plus. Eux je les évite carrément. Lâche. Sale lâche. Âme d'amiral mon cul. Je m'invente mille excuses à la seconde, mais j'en trouve pas de valable.
Protéger des esclavagistes, c'était pas dans le contrat de base. Le boss prétend qu'on protège aussi les esclaves, mais j'pense surtout qu'il cherche à faire taire sa bonne conscience comme il peut. Notre rôle c'est d'être neutres, mais même être neutre ici, c'est pas défendable. Je m'emmerde à mort, et je ressasse sans arrêt la raison de ma présence ici. Je me suis enrôlé pour défendre la veuve et l'orphelin, moi. En l'occurrence la veuve et l'orphelin on les fouette ici. Putain. Y a des gens à protéger dehors. On s'en branle des matons. C'est ça, la force de la justice de la surface ? Une garnison pour protéger les pires enculés de la planète ? Conneries.
Et dire que Tark m'enviait. Tout en débouchant les chiottes du patron, il doit penser à moi, et croire que je vis de grandes aventures à l'autre bout des mers. Bah pour le coup j'aurais préféré les chiottes. J'aurais préféré mettre les mains dans ce genre de merde plutôt que dans celle de cette île. Je sais pas ce que je raconterai au frangin quand je rentrerai au bercail. S'il sait que j'ai coopéré à un business pareil, il va péter un plomb. Il comprendrait pas que j'y peux rien...
Je compte les navires au loin pour me réconforter. Zéro. Zéro. Encore zéro. Un... De nouveau zéro. Y avait un navire qui a ramené une nouvelle fournée d'esclaves hier, mais il a l'air d'être parti pendant que j'avais le dos tourné. Le coquin. Ils m'ont affecté à la surveillance des côtes mais en ce moment j'ai la vigilance d'un poisson rouge sous morphine. Au début, j'errais sur les quais. Maintenant j'bouge plus. Je reste planté à regarder le ciel et la mer sans vraiment les regarder. Un genre de poète. Ils font ça les poètes j'crois.
Je compte les oiseaux. Trois mouettes au dessus de moi. Beaucoup plus au large. Une, deux, trois, qua... Flemme en fait. Le piaf emblème de la marine... Il me nargue en riant au-dessus de moi. J'pourrais presque penser que c'est un signe, une genre de... métaphore. J'crois que c'est le mot. Sacrée faune aérienne, on avait pas ça dans les fonds marins... Quoique les poissons ont un peu le même comportement. Ils semblent virevolter au hasard sans en avoir quoique ce soit à foutre de ce qui se passe autour d'eux. Un peu comme moi d'habitude. J'ai l'impression d'être un extraterrestre. La moitié des enjeux de la surface m'échappe, l'autre me dégoûte. Hum.
Je me tourne vers la rouquine. Elle a un air pensif. On l'est tous, je suppose. Je crois que si personne n'ouvre une parlote, l'un de nous va finir par se tirer une balle. Dommage, parce qu'entre détendre ou plomber une atmosphère, ça a toujours été le second que je savais faire de mieux. Allez, enclenche ton générateur de banalité... Une belle connerie sans intérêt.
'fait frisquet, hein ?
Oooh oui, ça c'est de la bonne platitude. Et c'était timide en plus. J'suis timide parfois. Et je cause avec un ton à déprimer une hyène. Pas doué pour cacher mes émotions. Je sens ma foi s'ébranler à vue d'oeil.
Jour 4. Surveiller ce qui se passe au large depuis les quais. Toujours rien à signaler. Jamais rien à signaler, de toute façon. Je prends sur moi. Je dépéris un peu. Je me néglige. Encore plus que d'habitude, je veux dire. J'ai pas encore squatté une seule fois les douches de la base. C'est crado il paraît de toute façon.
On est un certain nombre de larbins à glander sur les docks. J'connais pas trop mes collègues. Y en a beaucoup qui doivent être dans le même état d'esprit que moi, mais... J'sais pas, j'ai un blocage. Seul homme-poisson de mon régiment, ça doit jouer. Puis j'ai pas de conversation avec les inconnus. J'ai juste un peu parlé à une rouquine qui zone dans mon coin, un peu sympa. Elle tourne encore dans mon secteur aujourd'hui, là elle est derrière moi je crois. J'ose pas me retourner pour vérifier, pas envie de croiser un regard. J'me sens vraiment concerné par ce qui se passe plus loin dans l'île, mais j'me sens obligé de la fermer. Comme s'ils allaient me coller du mauvais côté de l'île si je rouspétais. Je suis sûr que c'est ce qu'ils feraient ces enfoirés. J'évite les regards des esclaves quand je suis forcé d'aller dans leurs secteurs. Y a pas mal d'hommes-poissons parmi eux en plus. Eux je les évite carrément. Lâche. Sale lâche. Âme d'amiral mon cul. Je m'invente mille excuses à la seconde, mais j'en trouve pas de valable.
Protéger des esclavagistes, c'était pas dans le contrat de base. Le boss prétend qu'on protège aussi les esclaves, mais j'pense surtout qu'il cherche à faire taire sa bonne conscience comme il peut. Notre rôle c'est d'être neutres, mais même être neutre ici, c'est pas défendable. Je m'emmerde à mort, et je ressasse sans arrêt la raison de ma présence ici. Je me suis enrôlé pour défendre la veuve et l'orphelin, moi. En l'occurrence la veuve et l'orphelin on les fouette ici. Putain. Y a des gens à protéger dehors. On s'en branle des matons. C'est ça, la force de la justice de la surface ? Une garnison pour protéger les pires enculés de la planète ? Conneries.
Et dire que Tark m'enviait. Tout en débouchant les chiottes du patron, il doit penser à moi, et croire que je vis de grandes aventures à l'autre bout des mers. Bah pour le coup j'aurais préféré les chiottes. J'aurais préféré mettre les mains dans ce genre de merde plutôt que dans celle de cette île. Je sais pas ce que je raconterai au frangin quand je rentrerai au bercail. S'il sait que j'ai coopéré à un business pareil, il va péter un plomb. Il comprendrait pas que j'y peux rien...
Je compte les navires au loin pour me réconforter. Zéro. Zéro. Encore zéro. Un... De nouveau zéro. Y avait un navire qui a ramené une nouvelle fournée d'esclaves hier, mais il a l'air d'être parti pendant que j'avais le dos tourné. Le coquin. Ils m'ont affecté à la surveillance des côtes mais en ce moment j'ai la vigilance d'un poisson rouge sous morphine. Au début, j'errais sur les quais. Maintenant j'bouge plus. Je reste planté à regarder le ciel et la mer sans vraiment les regarder. Un genre de poète. Ils font ça les poètes j'crois.
Je compte les oiseaux. Trois mouettes au dessus de moi. Beaucoup plus au large. Une, deux, trois, qua... Flemme en fait. Le piaf emblème de la marine... Il me nargue en riant au-dessus de moi. J'pourrais presque penser que c'est un signe, une genre de... métaphore. J'crois que c'est le mot. Sacrée faune aérienne, on avait pas ça dans les fonds marins... Quoique les poissons ont un peu le même comportement. Ils semblent virevolter au hasard sans en avoir quoique ce soit à foutre de ce qui se passe autour d'eux. Un peu comme moi d'habitude. J'ai l'impression d'être un extraterrestre. La moitié des enjeux de la surface m'échappe, l'autre me dégoûte. Hum.
Je me tourne vers la rouquine. Elle a un air pensif. On l'est tous, je suppose. Je crois que si personne n'ouvre une parlote, l'un de nous va finir par se tirer une balle. Dommage, parce qu'entre détendre ou plomber une atmosphère, ça a toujours été le second que je savais faire de mieux. Allez, enclenche ton générateur de banalité... Une belle connerie sans intérêt.
'fait frisquet, hein ?
Oooh oui, ça c'est de la bonne platitude. Et c'était timide en plus. J'suis timide parfois. Et je cause avec un ton à déprimer une hyène. Pas doué pour cacher mes émotions. Je sens ma foi s'ébranler à vue d'oeil.