La Prise du Hollandais

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le voyage s’était déroulé dans une atmosphère parfaitement merdique. Entre les gémissements maladifs, parfois agonisants, de la cargaison du Pride,  et les sifflements rauques de Bikaros qui faisait sauter un battement au cœur de Baeteman à chaque fois qu’ils se croisaient au détour des entrailles du navire, l’ambiance s’assombrissait chaque jour. Et tout ça, sans même compter la découverte des pouvoirs du fruit du vieil alcoolique, qui ne semblait rien prendre au sérieux dans cette affaire. Il errait entre les deux bateaux, et chaque fois qu’il était soûl,  c’est-à-dire du matin au soir, il ne contrôlait plus rien ; on ne savait jamais vraiment à quel moment il se transformerait en énorme buffle au milieu de la cale ou du pont. Il lui arrivait même de se métamorphoser en plein milieu d’une phrase, comme ça, ce qui avait pour effet d’effrayer encore un peu plus les esclaves en soute, alertés par les hurlements bestiaux de l’ivrogne.


Tournebroche quant à lui, passait le plus clair de son temps à taper dans les réserves de vivres du Pride et à étudier les morceaux de carte déjà récupérés, dans l’espoir de faire la lumière sur les énigmes à venir. Il s’enfermait parfois durant des heures dans la cabine du capitaine, une bouteille de gnôle et un jambon demi-sel sous le bras, et on ne l’entendait plus. Une fois seulement, l’alcool avait dû prendre le pas sur ses nerfs, et un tabouret avait traversé la fenêtre de poupe pour venir s’abimer dans l’océan, accompagné d’un flot d’injures fleuri.


Baeteman avait trouvé refuge au poste de vigie. Il s’était quelque peu remis de ses blessures, malgré une légère fièvre qui l’avait rendu aigri et désagréable durant quelques jours. Désormais il allait mieux, et il tentait de faire abstraction de la morosité ambiante, caressé par la brise marine et chauffé par le soleil des Blues. Il avait même ressorti sa flute et avait joué quelques notes en début d’après-midi ; cependant la pensée des dizaines d’esclaves entassés à fond de cale, quelques mètres sous lui, avait coupé court à l’interprétation. Il était occupé à fourbir ses armes et ses gadgets lorsque la montagne se dévoila à ses yeux. Il n’annonça pas tout de suite la nouvelle à ses camarades, et attendit que le spectacle se précise, afin que tous puissent le contempler.


Reverse Mountain.


La Prise du Hollandais ReverseM

A la fois le rêve et le cauchemar de tous les marins et forbans de ce monde ; que d’immenses richesses cachées derrière ce gigantesque mur ocre ! Mais les espérances de fortune firent la perte de nombreux équipages, pas assez préparés pour affronter les incommensurables difficultés qui s’opposent à l’imprudent qui ose franchir cette frontière sans en avoir mesuré les conséquences. Qui savait quelle fortune et quels redoutables ennemis se dissimulaient sur les îles de Grand Line ? L’aventure avec un grand A, voilà bien quel genre de voyage Nikolas espérait entreprendre en traversant cette frontière ; il espérait juste ne pas avoir surestimé sa force, ou celle de ses compagnons… Enfin, il cria d’une voix claire :


"TERRE ! REVERSE MOUNTAIN EST EN VUE !"


Scab, qui dormait à moitié sur un baril en se dorant la pilule, s’éveilla en sursaut à ces mots, et se précipita vers la proue pour mieux admirer la Grande Montagne. Balior remonta de la cale, se frottant les yeux rougis par la gueule de bois, et éclata d’un rire franc à la vue de leur objectif, à portée de main. Bikaros se contenta d’un regard, presque dédaigneux. Mais les trois Grognards ne pouvaient alors pas décrocher leurs yeux du spectacle, qui marquerait leur entrée dans l’Histoire, si la Providence le voulait bien.


Ce n’est qu’au bout de quelques minutes que Niko remarqua la petite forme sombre au pied de la montagne, placée en retrait pour éviter l’attrait du courant ascendant. Si d’ici, elle paraissait minuscule, elle s’agrandissait de seconde en seconde, et le musicien ne doutait pas une seule seconde que ce navire dépassait en taille le Pride. Il s’agissait certainement du Hollandais Voleur, attendant sa cargaison d’esclaves. Pour autant, les Grognards ne comptaient pas vraiment négocier ; ce navire constituait visiblement leur ticket d’entrée pour Grand Line, et la clé vers un autre morceau de carte. Les choses sérieuses reprenaient ; enfin.
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C’est une sale entreprise que celle que t’entreprends. Tu le sais pertinemment mon gros Tournebroche et pourtant tu t’entêtes à vouloir réunir les morceaux de cartes aux trésors de ce vieux Bylly. La mienne, celle arrachée à la chaire de Boll et bientôt celle de Bikaros. Mais pour le moment, c’est l’abordage de l’Hollandais qu’il va falloir mettre en pompe. Le sabre qui remplace ma guibolle tombée sur Bliss me démange, le membre fantôme qu’on appelle ça. Un regard à mes comparses et on échange un sale sourire de vipères. Bik’ siffle à l’arrière en balançant un seau de flotte sur les grilles du pont pour réveiller la charogne puante malgré elle.

« SSsss ‘est bientôt à vous ssssales humains »

« Mollo avec tes insultes l’anguille ! »

« Ils vont surement se poser des questions en voyant l’épave du Sans-Nom et les pavillons des Grognards, non ? »

« On est des pirates, ils sont des pirates. Jusque là, rien de choquant, n’est-ce pas Bik’ ? »

« De toutes manières… Ssss’est pas nous qui nous rapprocheront…Sss’est eux… »

Il fronce ses écailles suborbitales en me désignant la falaise. La zone où était le Hollandais est recouverte d’une brume épaisse qui coure sur les flots, encore un bord et la nappe blanche gagne le pont du Pride. Par tous les diables, ces enfants de putains ont les éléments pour eux ou ils ont trafiqué un truc sur leur coque. Voilà pourquoi les légendes le désignent comme un fantôme.

« Voilà le bateau parfait pour dominer les flots. C’est une honte de le laisser sur les quatre mers. Il lui manque un vrai capitaine. »

« Je dirais même trois. »

Bien vu le nobliau. Je redresse la trogne avant que la purée de poix blanche recouvre notre pont et interpelle l’anguille.

« Une fois le bâtiment à nous, tu te doutes bien que je te réclamerai le morceau de Bylly »

Le son singulier de la coque qui frappe une autre se répercute à mes esgourdes et nous voilà dans le brouillard, mieux encore, nous voilà abordés par l’équipage du Hollandais qui se devine sur le pont du Pride. Haut les cœurs. Zagahaha.



Dernière édition par Scab Tournebroche le Dim 23 Mar 2014 - 3:09, édité 1 fois
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La joie et l'envie de la vue de Reverse s'étaient instantanément envolés, au moment précis où la coque du Pride avait heurté celle du Hollandais, au milieu d'une purée de pois glaciale qui semblait être sortie de nulle part. Plus terrifiant encore que cette brume infernale, c'était ce silence de mort, qui régnait désormais au pied de la montagne. L'on entendait plus que le bruit du torrent ascendant, un peu plus loin. Là où l'on pouvait s'attendre à des cris, des hurlements de bataille féroces, il n'y avait rien d'autre que le grincement des planches, le bruit des vagues, et l'attente.


Peu avant le combat, Nikolas était descendu de son poste, et avait rejoint ses compagnons près du mât central, Menteuse fermement ancrée dans sa main droite. Il tendait l'oreille, durant plusieurs secondes qui semblèrent être des heures. Puis, le silence fut brisé ; par le bruit simple et rond d'une botte claquant contre le plancher d'un navire. Le froid ambiant créait des nuages de vapeur éphémères, lorsque les Grognards respiraient, raffermissant leurs prises sur leurs armes.  Impossible d’apercevoir le moindre ennemi ; et foncer tête baissée dans un brouillard pareil revenait à s’empaler sur sa propre épée. Baeteman se surprit bientôt à  trembloter légèrement, de peur ou de froid, il n’en savait foutrement rien. Le bruit se répéta. Encore, et encore. Quelques secondes plus, on aurait pu jurer qu’une véritable armée se mettait en marche vers les Grognards aveuglés et resserrés. Enfin, le musicien put apercevoir une silhouette dans la brume. Solitaire. Elle s’avançait, lentement mais surement, pour se découper plus ou moins nettement à la vue des trois pirates prêts à en découdre. Il s’agissait d’un homme, vêtu d’un antique habit de pirate, et à l’imposante barbe rousse.


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Il portait machinalement, pointé vers le sol, un simple sabre d’abordage rouillé et usé jusqu’à la garde. Sa voix rauque, mais puissante, aurait pu faire déchanter n’importe quel vieux loup de mer, alors qu’il s’adressait aux assaillants avec ces mots :


« Vous qui venez ici, avec l’espoir d’aborder mon bien-aimé Hollandais… Craignez ma fureur, car Davy Jones lui-même guide ma main !


-Génial, on est tombé sur un poète du dimanche… Giah-Ha-ha-ha-ha ! »


Niko soupira, tentant d’adopter une posture décontractée face à l’aplomb de son camarade. Mais en vérité, le vieux capitaine qui leur faisait face avait éveillé sa prudence, et il n’osait pas le quitter des yeux une seule seconde. Soudain, une vision tout droit sortie d’un cauchemar frappa l’équipage des Grognards. Derrière le vieux barbu, trois colossales silhouettes se dessinaient, griffues et dentues, aux lames acérées et faisant trembler le pont à chacune de leurs titanesques enjambées. Et encore derrière elles, des ombres plus petites, mais armées jusqu’aux dents, apparaissaient par dizaines, décorées de colliers et d’ornements lugubres, faits de dents, os, et autres vestiges de leurs malheureuses victimes. Sabres, lances et mousquets pointaient hors de la brume, ricanant, alors les trois monstres formant la garde rapprochée du capitaine du Hollandais sortaient à leur tour du voile de vapeur, et affichaient leurs abominables faciès aux yeux de tous.

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« Des hommes-poissons, un Zoan… Ça va pas être de la tarte… »


Nikolas avait pensé tout haut, déclenchant une petite réaction de son ami nabot, qui tapa vigoureusement dans le dos du musicien.


« Du calme, Capitaine Baeteman. On a vu pire, parbleu ! Tâchez juste d’occuper ce maudit rouquin, et nous autres, nous nous chargerons de ces bêtes et du reste des pourritures qui leur tient lieu d’équipage !»


A ces mots, Balior éclata d’un rire franc, descendant une dernière lampée de gnôle et levant les poings, prêt à foncer dans le tas à la moindre occasion. C’est à ce moment seulement que Nikolas se rendit compte de l’absence de Bikaros. En effet, depuis le début de l’abordage, le reptile n’avait plus donné signe de vie, ce qui ne rassurait décidément pas le jeune homme. Ce n’était cependant que le cadet de ses soucis, à ce moment.


Le début du combat fut pour le moins chaotique. Galvanisés par le hurlement funeste de leur capitaine, l’équipage du hollandais, une quarantaine d’hommes en tout, chargea, lame au clair et faisant feu rageusement sur les trois hommes. Les Grognards n’étaient cependant pas si faciles à abattre, et en un éclair, ils s’étaient séparés, suivant le plan de Tournebroche. Ce dernier avait déjà bondi vers la gorge du plus grand des deux Hommes Poissons, visiblement décidé à trancher ce long cou si bien exposé. Balior avait littéralement enfoncé les rangs de l’équipage humain, et envoyait les pauvres hères valser par-dessus bord dans une furie dévastatrice.  


Niko quant à lui, engageait un ballet mortel avec le capitaine. Il s’était désormais assez rapproché de l'homme pour le dévisager. Il contemplait le visage renfrogné et dur d’un pirate pas encore vieux, mais au crépuscule de sa force. Ses yeux noirs, enfoncés dans leurs orbites, suivaient avec vivacité les amples mouvements de Menteuse, qui tranchait l’air, miroitante. Le rouquin arborait un air sévère et concentré, qui renforçait le sentiment de Baeteman ; ce type était dangereux. Et il ne ressemblait pas vraiment à un esclavagiste. Le portrait que le Grognard se figurait était celui d’un homme d’honneur, ancré dans un Code ancien, une piraterie plus noble, un peu à la manière de ses nouveaux compagnons de route. Il trouvait encore une fois étrange ce contraste, entre lui-même, jeune pousse du nouvel Age d’Or, et l’aventure dans laquelle il s’était embarqué, jonché des reliques de la Vieille piraterie. Quoi qu’il en fût, cet homme contre qui il luttait le laissait dubitatif. Il ne doutait pas qu’il eut de bonnes raisons pour s’engager dans le trafic d’esclave ; mais certaines inconsistances persistaient. Tout d’abord, comment et pourquoi un navire si réputé, et apparemment si puissant, se trouvait-il aux mains de la pire engeance que l’on puisse trouver sur les Blues ? Son Histoire, de ce que Nikolas avait rapidement lu, était faite de combats, de pillages et de liberté, pas de commerce véreux et contre-nature. Et de plus, pour quelles raisons un capitaine si doué et respectable se retrouvait il aux rênes de ce déshonneur ambulant ? Des questions qui brulaient les lèvres du musicien, cependant trop occupé à sauver sa peau pour lui permettre d’y réfléchir clairement.


En effet, il allait sans dire que les talents martiaux du barbu égalaient largement ceux de son adversaire. Même armé d’une arme si peu fiable au premier coup d’œil, il parvenait à dominer légèrement Nikolas, le forçant à reculer lentement mais surement, alors que leurs lames s’entrechoquaient au milieu du chaos ambiant, les deux hommes pivotant et esquivant à tour de rôles. Le capitaine adverse se battait tel un lion, enchaînant puissantes frappes de taille et estocs fulgurants. Alors que la Plume déviait un coup meurtrier à destination de sa hanche, son opposant pivota dans un coup de pied souple et parfaitement exécuté, qui vint violemment heurter la mâchoire du jeune blondin. Baeteman, déséquilibré, bondit en arrière, évitant de peu la pointe du sabre ennemi. Une seconde de plus, et les tripes fumantes du musicien se déversaient sur le plancher humide du Pride.


Sans laisser le temps à son ennemi de réagir et de prendre l’avantage, Nikolas plongea sa main dans son ample manteau. Ses doigts effleurèrent la rose dorée, gravée sur la crosse de son mousquet fétiche, et un instant plus tard, le coup de feu partait en direction du torse du rouquin. Mais celui-ci put réagir à temps, et esquiva, une expression de légère surprise sur le visage. Il ne put totalement éviter la balle, qui frôla son bras gauche et déchira le tissu de son vêtement, laissant un sillage sanglant sur sa peau nue. Une blessure superficielle, mais essentielle pour Nikolas ; au moins, pouvait-on faire saigner ce diable roux… Il inspira un grand coup, et fonça vers son adversaire, réengageant le duel.


Un peu plus loin, Balior Blackness ravageait les rangs du hollandais, écrasant sous ses poings rageurs les visages et les membres des infortunés pirates qui osaient l’affronter. Par poignée de cinq ou six, ils l’entouraient et tentaient de le blesser, avec peu de succès ; le vieil alcoolique semblait faire fi des coups, et continuaient, inlassablement, brisant crânes et os.


« C’est bien trop facile à mon goût, capitaines ! Cette bourrade manque cruellement de piqu… »


Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. D’une seconde à l’autre, son visage couvert de sang passa de l’euphorie à la stupeur, le souffle coupé.


« Shhhhhhhh…. »


Le vieil homme baissa les yeux, lentement. Il y avait définitivement quelque chose qui ne tournait pas rond ; en témoignait la lame étincelante qui ressortait de l’abdomen de Balior, déversant des flots de sang sur le bois du pont.


« Shhhh… La picole a endormi tes ssssens, ivrogne… »



Bikaros dégagea sa lame, laissant Balior tomber à genoux, tenant la plaie sanguinolente entre ses doigts. Scab, aux prises avec l’homme-phacochère, eut à peine le temps de hurler :


« BIKAROS ! SALE ANGUILLE PUANTE, JE VAIS TE DÉCOUPER EN FILETS, PAROLE DE TOURNEBROCHE !!


-Des paroles, la Cloque, toujours des paroles…. Ouvrir ta gueule, voilà tout cccce que tu as toujours ssssu faire… »


Le traître avait dit ces mots en s’éloignant du corps de Blackness, dans une attitude de défi envers le gnome. La fureur du combat avait alors pris une pause, tous admirant la scène. Les hommes du hollandais furent d’abord surpris, puis hurlèrent de plus fort face à ce retournement de situation. La victoire leur semblait désormais assurée, alors que le traître s’avançait en direction de Tournebroche, toujours aux prises avec la garde rapprochée du capitaine ; il s’interrompit quand les premiers grognements outrepassèrent le vacarme du combat. Apparemment incrédule, il se retourna, en douceur, la lame ensanglantée fermement ancrée dans sa main, ou plutôt sa patte.


« Hngh… grrrO… »


Derrière lui, Balior tremblait de fureur, toujours au sol, les mains posées sur le pont. Il semblait alors grossir à vue d’œil ; c’était en réalité le cas. Bientôt, ses muscles déchiraient ses vêtements, et de longs poils bruns commencèrent à pousser sur sa peau sanglante.


« ROOOOOOOOOMPF !!!!!! »



Le hurlement bestial fit reculer de terreur l’équipage adverse, alors que Balior, ou plutôt, une espèce d’hybride entre le vieil alcoolique et un buffle furieux, s’était redressé sur ses jambes, et beuglait vers le ciel. Il dépassait alors de presque deux fois en hauteur Bikaros, et ses muscles massifs ne cessaient de gagner en ampleur. Une longue crinière de poils remplaça ses cheveux, et une immense corne lui poussa au milieu du front. Ses yeux devinrent noirs comme la nuit, et il mugit encore une fois de rage en direction du serpent qui l’avait poignardé, recouvrant sa face écailleuse de bave. Voilà qui allait rendre la bataille beaucoup plus intéressante.


Dernière édition par Nikolas Baeteman le Dim 23 Mar 2014 - 21:41, édité 1 fois
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Sale fils de crevette. Tu n’as jamais été une enfant de chœur, toujours le vicelard qui tailladait dans la pénombre et qui noyait les petits chiens apeurés. Bylly t’acceptait parce que tu étais le meilleur cambusier à des milles, mais personne ne t’aurait confié sa vie. Je savais que t’allais nous sortir une quille de tes écailles durant la transaction, mais que t’oses t’attaquer un capitaine dans le dos. Enfant de mollusque. T’es pas du même rang, sang d’écrevisse.

J’envois ma guibolle dans la défense du porc d’en face. Un phacochère ou un sanglier, j’ai jamais su la différence. En l’espace d’une grosse semaine, j’ai rencontré trois bouffeurs de fruits dont deux qui appartenaient à la même race. Sale période pour les pépins.

La lame qui remplace ma jambe arrache une larme d’ivoire à l’animal et mon poing vient s’écraser avec puissance dans le verre de ses lunettes de soleil. Je hais les gaillards qui ont du style. Sa tronche vient s’impacter contre les grilles sur le pont principal et ses défenses se coincent dedans.

« J’ai pas le temps de jouer mon sanglier »

« Je suis un… Phacochère !! »

« Jamais fait la différence »

Il se redresse en arrachant l’énorme grille de fonte de plancher, il frappe du sabot et me charge avec l’acier au bout du museau. Plusieurs gars de son équipage valsent sur son passage.

BUFFALO SHOT !

L’énorme corne nasale de Blackness vient le frapper dans le flanc sans même que le type ne s’y attende.

Groiiiiiiiiiiiiiiiiink… Plouf !

« Zagahaha ! Capitaine, je vous jure de retrouver cette sale anguille et le noyer dans la gerbe »

BZZZZZZ YAAAAARK !

Cris venus des abysses, une décharge de lumière provenant du trou béant laissé par la disparition de la grille. Je claudique vers la zone et l’odeur de peau brulée me frappe les narines. Quel enfant d’algue peut faire des choses pareilles ? Bikaros bien sur. Il a cramé la marchandise. Il veut m’attirer dans la cale.

Deux lames viennent me faucher les flancs, je sens le liquide chaud couler le long de ma jambe valide. Le bestiaire continue avec son lot d’horreur, un homme-poiscaille avec un tricorne qui joue du fleuret. Et Beateman qui s’amuse avec le rouquin, à quoi bon avoir un bretteur dans le lot de capitaines s’il ne s’occupe pas de ses homologues ? Parbleu !

« Hiéhié ! Alors, comme ça, on cherche à entourlouper le Hollandais ? Le capitaine du moment est plus joueur que les autres, pas de chance pour vous. Sinon, les autres se seraient juste tirés sans combattre en voyant le traquenard»

Qu’est-ce qu’il raconte le requin ? Capitaine du moment ? Il y en a d’autres ? C’est réservé aux Grognards ce genre de… Parbleu !

« Qu’est-ce que… »

Mon pied vient de marcher dans une gelée jaunâtre qui me bloque le muscle, je sens tout ma guibolle qui se durcit. J’ai l’impression d’être cul-de-jatte.

« Tu viens de tomber dans notre piège, Bowuwuwu ! »

L’autre poisson avec les piques sur le crâne s’essuie un filet de bave jaune sur le coin de sa lèvre, une merde vénéneuse qui cause. La nature se dérègle ces temps-ci. Le bretteur à la plume rouge m’envoie un nouvel assaut, je contre une de ses lames avec mon bracelet doré, tandis que la seconde me lacère le genou gauche. Dedieu ! Je sens une nouvelle viscosité sur mon bras droit, une nouvelle glaire me bloque le membre.

« … Parbleu ! Et c’est quoi ces palabres sur votre capitaine ? »

« Tu attaques le Hollandais sans connaître son histoire ? Bowuwuwuwu ! Le Hollandais n’a pas de capitaine fixe, il passe de main-en-main, sous les ordres de quelques capitaines qui ont promis de tirer des bords dans la plus grande discrétion pour s’amuser dans le dos de ceux qui se prennent au sérieux ! »

Que… ? Attend le poisson.

« Tu veux dire, filet-de-morue, que vous "jouez" aux pirates pour passer le temps ? C’est ça le grand mystère qui entoure le Hollandais Voleur ? Ce bâtiment mythique ne navique que sur les Blues pour ce ridicule objectif ? »

« Bah oui »

« MAIS C’EST PAS POSSIBLE D’ENTENDRE DES MERDES DE CE GENRE ! »

Je fends le plancher d’un coup de pied-sabré, le sol du Pride s’ouvre sur plusieurs mètres et les deux gusses sombrent avec moi deux mètres plus bas. Je déboule en plein milieu des tonneaux de flotte, second coup de guibolle pour ouvrir les contenants qui se déversent sur mon corps de nain tandis que les deux gars-branchies se redressent en toussotant. Je sens le mucus jaune partir sous l’effet de la flotte saine.

« Bande de pignoufs, vous vous fringuez comme des pirates, vous parlez comme des pirates, mais… »

Les gars fonce sur ma mouille, j’éventre d’un coup de poing le dernier tonneau. Le liquide translucide se déverse vers eux.

« On est des Hommes-poissons,on ne craint pas la flotte nabot ! »

Je claque mon bracelet sur l’acier du tonneau et une étincelle embrase le tout. Si le Hollandais n’a pas de rhum à son bord, Balior me tuera. Ils crament bien les poissons. Faut que je finisse ma phrase.

« … La piraterie n’est pas un jeu »

Maintenant, je m’occupe de ce salopard de Bik’. Les flammes dansent encore un peu et je distingue les corps d’esclaves électrocutés et une porte entrouverte vers la cuisine. Zagahaha, salope d’anguille.
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Nikolas eut juste le temps, entre deux passes, d’apercevoir l’homme-cochon passer par-dessus bord et Scab s’engouffrer dans la cale avec ses deux opposants restants. Ça commençait à devenir une habitude, cette histoire. Il paya cher cette seconde d’inattention ; le rouquin n’était décidément pas chiche en matière de châtaignes. Son poing vint heurter le musicien en plein visage, le déséquilibrant et lui fracturant l’arcade. Le capitaine du Hollandais ne prit même pas le temps de savourer sa réussite, et envoya Baeteman valdinguer vers la poupe d’un coup de pied dans le dos. Le Grognard, se tenant le visage en grommelant, tenta de rassembler ses esprits et d’analyser la situation. Il ne pouvait plus espérer d’aide de la part de Tournebroche, aux prises avec deux hommes-poissons à fond de cale ; pas plus que de Balior, complétement déchaîné et ravageant le pont du Pride à grand renforts de charges dévastatrices à travers les rangs ennemis. Bikaros s’était, encore une fois, volatilisé… Ca puait. Ce barbu n’était pas né de la dernière pluie, et Niko était en train d’en faire les frais. Il lui fallait changer de terrain, et vite ; le brouillard ambiant troublait sa vue et ses sens, et son adversaire semblait plus ou moins rodé à ses effets. Il reculait à pas lents, profitant des quelques secondes de répit que lui accordaient la dizaine de mètres entre lui et son adversaire. Enfin, son bras toucha quelque chose, dans son dos. Une porte en bois lourd ; celle de la cabine du capitaine du Pride.


Sans prendre le temps de réfléchir, il ouvrit la porte en grand et s’engouffra dans l’ouverture, sans prendre la peine de la refermer ; une simple porte n’aurait de toutes façons pas arrêté un combattant pareil. La cabine du Pride était plutôt spacieuse, décorée de divers trophées de chasse et autres babioles exotiques. De lourdes tentures rouge sang servaient de rideaux à la large fenêtre du fond, qui, comme la coutume le voulait dans la construction navale, donnait directement sur l’océan, à l’arrière du navire. De larges coffres remplis d’étoffes et de livres reposaient de part et d’autre du bureau central, derrière lequel un grand fauteuil trônait ; légèrement usé par le temps, mais toujours du plus bel effet.


Le bruit des bottes du capitaine du Voleur passant le seuil tirèrent Nikolas de sa pause ; il se retourna, sur la défensive. Moqueur, le rouquin lança en ricanant :


« Qu’y a-t-il, blondinet ? On préfère mourir en intérieur ?


-J’ai toujours été un peu casanier, sur les bords. »


-Ta répartie ne te sauvera pas. Toi et tes amis, vous avez choisi la mauvaise cible. »


Sur ces mots, il passa à l’offensive, hargneux. Désormais, Nikolas pouvait se battre plus ou moins à son aise, sans entrave visuelle. De plus, la finesse et la légèreté de Menteuse lui donnait un léger avantage sur un terrain aussi exigu, en comparaison de la lourde et encombrante lame portée par le rouquin. Aussi, il parvint à rétablir l’équilibre des forces ; parant et esquivant avec vivacité, il poussa plusieurs fois son adversaire à l’erreur, et profita de l’une d’entre elles pour rendre le coup subit un peu plus tôt ; d’une pirouette, il esquiva un estoc lourdaud, et frappa le visage barbu du capitaine d’un coup de pommeau bien senti. Cela eut pour effet d’éclater la lèvre inférieure du rouquin, recouvrant sa barbe de sang ; et accessoirement, le plongeant dans une colère noire. Il chargea, déviant Menteuse d’un large coup du plat de la lame, et saisit le musicien à la taille, le soulevant du sol et le plaquant contre le solide bureau en bois. Pas si solide que ça d’ailleurs, puisque celui-ci céda sous le poids des deux duellistes, recouvrant le centre de la pièce de débris de bois, et envoyant le fauteuil basculer en arrière, ce qui eut pour effet de briser le vitrage et d’ouvrir un gouffre béant sur les courants mortels  de Reverse Mountain. Sous le choc, Nikolas fut forcé à lâcher sa rapière, qui glissa à quelques mètres de lui, près d’un coffre entrouvert.


Fou de rage et ivre de victoire, le capitaine ennemi brandit son sabre, avec la ferme intention de clouer au sol ce jeune insolent qui avait osé le frapper. C’était sans compter la débrouillardise du Grognard, qui, saisissant un pied du regretté bureau, frappa à la tempe le barbu et le fit basculer de côté, le faisant lui aussi lâcher son arme, qui alla s’abîmer dans les eaux glacées. Avantage. Saisissant cette opportunité d’en finir, Nikolas se releva pour courir vers son arme, trébucha, et tomba à nouveau sous l’effet d’un croc-en-jambe bien placé. Les deux hommes se relevèrent en même temps, haletant et levant les poings. C’était désormais un duel de gentlemen ; du moins, dans la forme. Car dans le fond, les deux hommes se contentèrent d’échanger des coups tous plus violents les uns que les autres, sans trop d’attachement à l’étiquette. Coup de genoux, de coudes, de poings et pieds, les châtaignes volaient en tous sens, et aucun des deux capitaines ne semblaient prendre l’avantage sur l’autre. Niko ne se débrouillait pas trop mal en boxe (bien qu’il ne sut pas alors d’où lui provenait cette aisance), mais il manquait cependant de force physique brute, et ses coups ne semblaient pas vraiment porter à mal son adversaire endurci par les années ; tout juste arrivait il à le déconcentrer et lui faire perdre l’équilibre. De plus, Menteuse n’était qu’à quelques pas, et il n’attendait qu’une seule opportunité pour aller s’en saisir. Il lui sembla que le combat dura bien cinq bonnes minutes, et il commençait à fatiguer, lorsque cette opportunité lui fut offerte. Les deux hommes se tenaient alors derrière le bureau brisé, à quelques pas de la fenêtre brisée et d’une mort certaine en cas de chute.


On ne sait trop comment, Balior, ou plutôt le buffle-Balior, vint violemment heurter l’extérieur de la cabine, enfonçant à moitié le mur, et repartant aussitôt. Le choc fit perdre ses moyens au rouquin, qui bascula presque dans le vide ; Baeteman en profita, s’agrippant à une lourde armoire, et sans perdre une seconde, courut jusqu’au coffre où reposait son arme fétiche. Alors qu’il arrivait à destination, il entendit dans son dos un déclic familier. Sans même se retourner, à moitié penché vers le coffre, il s’immobilisa instantanément, attendant le couperet. Celui-ci ne vint pas tout de suite. Le cœur de Nikolas battait la chamade, prêt à exploser. La voix du rouquin, essoufflée, énonça :


« Je n’aime pas trop gagner ainsi, mais tu ne me laisses pas le choix, gamin.



-Et moi qui vous prenais pour un homme d’honneur… Je vois que j’avais tort.


-Ne confonds pas honneur et stupidité. Si tu veux survivre en ce monde, c’est la première leçon à apprendre, mon gars.


-J’en prends note… »


A ces mots, Baeteman se retourna et lança sur son adversaire la première chose qu’il avait pu agripper ; une lourde étoffe de velours bleu foncé, tout droit sortie du coffre. Le drap retomba tel un filet sur le rouquin, qui fit feu par réflexe mais rata complément son tir, pris par surprise. En un instant, Nikolas avait saisi sa rapière et fondait sur l’homme, empêtré dans la douceur du tissu. Menteuse traversa de part en part l’étoffe, et tout ce qu’il y avait à l’intérieur. Instantanément, le capitaine du hollandais s’immobilisa, et le bleu de son piège mortel vira lentement au rouge. Nikolas dégagea sa lame, silencieux et haletant, presque incrédule devant cette réussite inattendue. Son adversaire tituba en arrière, et bascula, dans un silence de mort, sombrant dans la noirceur de l’océan. Nikolas s’approcha du rebord, s’assurant que son adversaire était bel et bien vaincu. Il se découvrit et porta son chapeau contre son torse, prononçant ces simples mots :


« Salue Davy Jones de la part des Grognards, l’ami. »

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YiiiiiiN

La porte grince comme une truie et je rentre dans le lard.

Les casseroles de fontes, les ustensiles d’acier rouillés, la table tailladée, la plaque de métal entre le chaudron et le bois du plancher. Une cuisine bien plus sophistiquée que celle du Sans-Nom qui n’avait rien d’une cuisine d’ailleurs. Plusieurs branches feuillues servant à relever le goût dansent de tribord à bâbord avec plusieurs pots d’épices harnachés à des cordages. Je repousse complètement la porte pour que les flammes dans mon dos éclairent davantage le lieu. J’ai beau plisser les citrons, je ne distingue pas grand-chose d’autre dans la petite pièce. Cette foutue anguille est capable de se terrer dans le fond d’une casserole qui se balance au bout d’un crochet sans même que le cuistot ne puisse le distinguer. Il a ce talent d’exceller dans le noir le Bik’. Je me gratte les poils roux de mon gros bide tout en regardant vers le plafond. Des fois que.

« Bik’, salopard, t’as grillé toute la cargaison. On va plus pouvoir marchander ensemble toi et mes collègues »

« Sss’est pas vraiment ton genre de marchander La Cloque »

Bordel, il est où ce mauvais serpent…

« Parbleu ! J’ai changé depuis quelques temps, je ne suis plus le contremaître d’avant. Je suis capitaine maintenant, j’ai des projets et de l’expérience »

« Quel projet ? Retrouvé le trésssor de Bylly Brandson ? Réunir les morsss’eaux de cartes ? Traverser Grand Line pour retrouver Big Boum, de Lattre et les autres ? »

« Zagahaha… les sales noms que tu ressors de ma mémoire. Mais pour parler de ce qui m’intéresse, j’ai deux morceaux en ma possession, tu étais un maître d’équipage de Bylly en ta qualité de cambusier et tu en possèdes donc un… »

« Possss’édais… »

« Qu’est-ce que tes branchies maladives bavent ?! Tu l’as perdu ? Te fous pas de ma tronche, Boll a tenté de me raconter une craque. Il cuisine en enfer maintenant ! »

« Il y a de sss’a deux ans, j’ai livré un bâtiment qui ssss’apprêtait à rejoindre Grand Line. Une trentaine d’esss’claves pour un capitaine qui fut heureux de découvrir que j’étais le livreur… Il m’a dépouillé de mon morceau en échange de ma vie. »

J’entends son sifflement dans un des coins de la pièce, je fais un pas et il sort de la zone d’ombre en tendant un bras.

« Mais je crois que tu ssss’ais de qui je parle »

Il relève le tissu d’une de ses jambes écailleuses et je découvre une brulure rougeoyante qui semble toujours dévorer la peau. Palsambleu ! Ce type de marque qui semble cracher de la gueule d’un antique dragon, cela ne peut venir que d’un seul homme.

« Biggest Storm ? Ce gras de Big Boum ? Ce timonier du diable ? C’est lui ? »

Bordel, l’ancien maître-artilleur de Bylly, capable de tirer un boulet simplement en se recouvrant les paluches de poudre. Une bête de la détonation, plus sourd et puissant qu’une baleine albinos.

« Tes nouveaux camarades et toi, vous aurez sss’urement la chansss’e de prendre le contrôle du Hollandais Voleur… Mais sss’i vous tentez de retrouver les anciens de l’équipage… Vous mourrez Tournebroche »

Je claudique vers la table pour déplanter un couteau encore enfoncé dans une patate. J’envois le couteau dans le coin et je sens que Bik’ à changer d’endroit.

« Nous en sommes pas des bleuets. Nous allons prendre le pont du Hollandais et couper les liens du Pride et du Sans-nom. Tu pourras partir sans représailles. »

« A d’autres »

Zagahaha.

KRAAAAK

Le plafond s’ouvre très largement sur le ciel. Je ferme les yeux devant l’éclat de la lumière du jour.

« Vous attendais quoi ?... Ah ! Vieux serpent ! Crotale de mes genoux »

La tronche cornue de Blackness éjecte un énorme morceau de plancher et saute dans la cuisine. Bikaros est comme un con, caché derrière une poutre en pleine lumière. La carcasse de Balior lui tombe sur la mouille et il se prend une rafale de cachous musclés. Merde. J’ai même pas pu lui en mettre une dans les écailles.

« Gaffe à ses décharges électriques quand même… »

Les poils de barbes et la chevelure grisâtre de Balior semblent s’électriser à chaque coup de poing, mais l’anguille à beau tenter le coup de jus, impossible de court-circuiter un vieux flibustier dominé par la rage. Progressivement, les poings ralentissent et la puissance bestiale à fait son œuvre. Bik’ est hors-jus.

« Raaah… rahhh… Salope d’anguille ! Giah-ah-ah ! Capitaine, le pont du Pride est dégagé, le capitaine du Hollandais est liquidé… »

« … Et le rhum du Pride siphonné par les lieutenants du Hollandais »

« Les bâtards »

« Dîtes voir, concernant la purée de pois, une idée ? »

Beateman se frotte la plume tout en déroulant un filet à tonneaux pour faire office d’échelle. Blackness et moi rallions le pont principal du Pride et je m’approche à tâtons de la coque immense du Hollandais. Je balade mes doigts contre le bois usé par les flots.

Clak !

« Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Un coquillage ? »

« Outch… Il est chaud l’animal... C’est un Dial, on en avait à bord de la Fâcheuse… Un coquillage assez pratique sur Grand Line. Celui-là semble libérer de la chaleur… »

« …Et couplé à l’humidité, sa chaleur permet de créer une vague de brume à la surface marine. Malin »

« Et la coque en est recouvert ? Giah-ah-ah ! Il me plaît ce navire ! Je charge le Kayak qui est sur le Sans-Nom et à nous le…»

BRRRRRR

Le navire vibre et avec lui, les deux autres suivent la manœuvre. Bordel, quelqu’un tente d’éloigner le Hollandais loin de nous ! Je plante ma guibolle dans sa coque et je commence l’ascension. Il me faut une nouvelle jambe, ce satané sabre de Marine est handicapant.

« Beateman ! Blackness ! Je m’occupe du barreur mystérieux ! Chargez le Kayak et nos couleurs ! Palsambleu ! Zagahaha ! »
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BROOOOOOOOOM


Le Pride tanguait comme c’était pas permis. En plus de ça, la coque vibrait à en exploser, tendue à la fois par les bouts qui le liait au Sans-Nom, et les grappins qui le tenait agrippé au Hollandais. Alors que ce dernier tentait visiblement de se tirer en douce, le Sans-Nom lui, dérivait tranquillement vers un des violents courants menant à l’entrée de Reverse. Il fallait urger. Balior, visiblement plutôt bien remis de son bide troué (et on ne savait vraiment pas comment), sauta le premier à bord de la coque de noix ; manquant par ailleurs de la traverser de par son poids et la violence du saut. Baeteman le suivit promptement, d’un saut agile et léger. Il se rattrapa directement au hauban, du moins ce qu’il en restait, et entama l’ascension vers le poste-vigie, au-dessus duquel trônaient fièrement les couleurs des Grognards. Le ciel bleu d’il y a une heure à peine avait laissé place à une grisaille inquiétante, et un crachin léger s’était installé au pied de la Montagne. La brume commençait à se dissiper ; visiblement, les étranges coquillages dévoilés par Scab quelques minutes plus tôt commençaient à faiblir, ou bien quelqu’un les avait désactivés. Le Hollandais voleur se dévoila alors aux yeux de Nikolas, dans toute sa splendeur.



La Prise du Hollandais A474b872



Quelle magnificence ! Voilà un navire qui seyait parfaitement au jeune homme, hâtif de pouvoir poser son pied sur le pont de pareil bâtiment et le réclamer comme sa nouvelle demeure.


BROOOOOOOOOOOOOOOOM



Niko était alors à mi-chemin, quand brusquement, il faillit lâcher prise. En effet, le Sans-Nom avait entreprit une embardée extraordinaire, et faillit presque chavirer à tribord. Il commença à prendre de la vitesse, de façon exponentielle ; Nikolas se ressaisit, suspendu au-dessus du vide d’une main, et de l’autre maintenant son bien-aimé chapeau ancré sur son crâne. Il tentait de déterminer la cause de pareille agitation, et ne tarda pas  comprendre le fil des événements. Le Hollandais faisait route vers l’entrée de Reverse Mountain, parallèlement au Sans-Nom, et laissant le Pride en retrait ; les trois navires toujours solidement attachés les uns aux autres. Le Sans-Nom venait de s’engouffrer dans un des puissants courants ascendants, et entamait désormais une course folle vers l’entrée du canyon et le sommet de la montagne, entraînant avec lui le Pride, et donc le Hollandais, qui se retrouverait en bout de file. Pire encore, alors qu’il jetait un œil vers la poupe du Voleur, aucun signe du barreur fantôme ou de Tournebroche. Que mijotaient-ils, Baeteman n’en savait fichtrement rien ; mais son boulot, c’était de récupérer ces satanés drapeaux, et il se tenait à ça. Ce qu’il savait, en revanche, et pertinemment, c’était qu’au vu de l’état du Sans-Nom, il ne tiendrait surement pas le coup et se disloquerait à l’arrivée sur Grand Line ; entrainant par le fond quiconque resterait à son bord. Le temps était compté.


Balior, lui, avait déjà ramassé le lourd Kayak en bois massif, mais semblait faiblir, et peinait à garder l’équilibre. Il arrivait au bout de la proue lorsque le musicien atteignait enfin son but ; les trois pavillons noirs flottaient, claquant et fouettant l’air sous le vent forçant. Agrippé au mât, Nikolas dégaina Menteuse non sans peine, et trancha net les liens qui retenaient les trois bouts de tissus, les rattrapant au vol. Il les plia à la hâte et les rangea sous son veston, afin d’éviter qu’ils ne lui échappent et se perdent dans le vent ; à cet instant même, le Sans-Nom pénétrait dans le long canyon ascendant. L’accélération fit basculer Baeteman à la renverse, l'envoyant percuter la petite paroi en bois du poste vigie et le paralysant quelques instants. Le poids phénoménal des trois navires réunis ne semblait pas jouer ici ; le courant faisait filer tout ce petit monde comme s’il ne s’agissait que de pliages en papier. Luttant contre la force qui le maintenait à terre, Nikolas se releva ; il lui fallait absolument rejoindre le pont du Pride ou du hollandais, sans quoi il s’écraserait de l’autre côté de la montagne, au milieu de centaines de débris. Balior s’en tirait mieux que lui ; il avait déjà rejoint le pont du Pride et trainait maintenant le Kayak en direction du Hollandais.  


Encore une fois, les nerfs du jeune homme étaient mis à rude épreuve, de même que son intelligence et ses sens. Toutefois, il n’avait guère le temps de réfléchir ; le sommet du canyon était déjà en vue, et ce n’était plus qu’une question de secondes avant que le cortège n’entame la violente descente vers l’autre côté. Et s’il y avait bien une chose que Tournebroche et Blackness lui avait appris, c’était que la solution la plus stupide n’était pas forcément la moins efficace. Faisant fi du bon sens et de la réflexion, Baeteman pris son courage à deux mains et n’hésita plus. Il se saisit d’un bout reliant auparavant le mât de perroquet au bout-dehors, sectionné à son extrémité durant l’accrochage avec la marine. Lui-même ne revenait pas de ce qu’il allait faire ; mais les options tarissaient. Il sauta dans le vide, se tenant du mieux qu’il le pouvait à ce cordage, seul lien entre vie et mort. Aidé par le vent inverse du à l’accélération, il dépassa le bout-dehors à toute allure, et lâcha prise. Durant quelques instants, il se retrouva en chute libre entre deux navires projetés à pleine vitesse, au beau milieu d’un torrent mortel. Son cœur faillit se décrocher de sa poitrine, et son crâne semblait prêt à exploser à tout moment. L’adrénaline faisait pulser sa vision, et le temps semblait légèrement ralentir, alors qu’il tendait le bras à se claquer les muscles.


Enfin, sa main heurta le hauban d’artimon du Pride, et se referma sur le lourd cordage, lui brulant toute la paume et lui disloquant l’épaule sous le choc. Le musicien hurla de douleur, et glissa, telle une poupée de chiffon prise dans un ouragan. Sa chute fut heureusement ralentie par ce court rattrapage, mais il  continuait sa course dans le vide. Il passa entièrement le Pride, parcourut les quelques mètres de vide le séparant de sa dernière chance, puis finit par heurter violemment le parquet humide du pont. Il roula sur plusieurs mètres, sentit une douleur aigue lui transpercer le flanc lorsqu’une de ses côtes se brisa, et termina enfin sa course en heurtant le grand mât du Hollandais Voleur, sombrant dans l’inconscience. Il eut à peine le temps de voir le Sans-Nom, au loin, franchir le sommet de la montagne et décoller des eaux, comme s’il s’envolait vers les cieux ; puis ses yeux se fermèrent, le libérant de son corps entièrement endolori.
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« Que le kraken me coupe la seconde guibolle, ce bâtiment est magnifique… »

Je frotte avec un bout de tissu le plancher du Hollandais, le bois est si bien travaillé que je peux voir ma sale tronche s’y refléter. Palsambleu ! Le claquement des voiles me berce comme si une fille de joie chantait une vieille chanson du vieux Brook. Les palans ne grinçaient pas, ils fredonnaient. Le vent ne se contentait pas de gonfler les voiles, il les enfantait. Que les triques de l’Enfer m’abattent, rien qu’en voyant ces voiles, j’arrive à distinguer les centaines de paysages qu’elles ont pu traverser. J’entends un canon rouler à quelques pas, une pièce de fonte moulée avec goût et je n’ose pas poser les yeux sur la cale et les cabines. Tournebroche, tu es amoureux pour la première fois de ta vie. Ou la seconde. J’ai le parfum de la rouquine frisée d’Amazon Lily qui m’effleure le pif, douce sensation qui me déforme la caboche d’un large sourire.

Ah ? Là, par contre, ça suinte la transpiration de vieux pirate.

« Dégage de là ! »

Woooaaaa

J’envois un coup de poing dans le menton du matelot qui trainait sur le pont central, ils sont quelques un à ne pas être descendus à l’abordage. C’est rassurant de voir que le capitaine n’était pas une bille au point de laisser le navire sans personne pour le diriger en cas de défaite.

« Saler nain ! »

Un second gars tente de m’écraser un boulet sur le crâne avec les deux mains. C’est toujours l’inconvénient à être plus petit qu’un baril, les types te prennent de haut. Je lui file un coup de patte d’un retourné arrière, il perd une main dans la manœuvre et gueule en roulant au sol. Quel bordel d’avoir ce rasoir à la quille ! Je comptais pas l’amputé ce gaspi !

BROOOOOOOOOOOOOOOOM

La vache ! je titube en arrière et me viande sur le dos. Le presque manchot passe  par-dessus bord et le boulet roule avec violence et m’arrache le sabre à la patte. Me voilà unijambiste sans artifice. Je peine à me relever et sautille vers la rambarde, j’avise l’horizon sur la pointe des quatre orteils. Connerie ! Le Sans-Nom fait route vers notre destin de Grognards, mais elle  n’est  pas conviée cette sale coque de noix ! Wooooo ! Le Hollandais s’emballe de tribord à bâbord !

Quel enfant de garce  pilote le Hollandais ?

J’attrape la rame de l’unique canot de sauvetage et me la fourre sous l’aisselle droite. J’avance à un bon rythme vers le gouvernail.

Mon cœur se serre, c’est con, mais j’ai peur d’être déçu en voyant la large roue de navigation. Une appréhension que tout bon navigateur connait, celle de ne pas sentir les pulsations de son bâtiment, comme si l’on craquait sur une minette et qu’on finissait par entendre sa voix de crécelle.
Une marche, deux marches, trois marches… Quand on est aussi petit que moi, en général il faut attendre la cinquième marche avant de distinguer le gouvernail. Cinq marches.
Ouh bordel.

La Prise du Hollandais 176575wilhelm_imagesia-com_5csx_large

« Je…Je… Je… Je ne sais pas piloter ce navire !!!! Ne vous approchez pas ou j’envois tout le monde dans la montagne !!!! »

« Bordel de cul ! Arrête de bouger ce gouvernail dans tout les sens gamin ! »

« Je… je ne suis pas un gamin ! Je suis le garde du corps officiel des capitaines du Hollandais ! »

« … Alors pourquoi t’étais pas avec le roux pendant l’abordage petit ? »

« Je… dormais »

« Diantre… Bon allé file, lâche ça, retourne dans la flotte avant de faire une bêtise ! »

« Non ! Si… si je ne fais rien pour protéger le bateau, les autres capitaines tueront ma famille sur l’île des hommes-poissons ! Ils passeront un coup d’escargophone et des assassins les tueront ! »

« … T’es vraiment pas une flèche toi, jamais entendu dire qu’un capitaine des Blues pouvait contacter l’île des Hommes-poisson… Personne, hormis le gouvernement ne peut contacter ton île, gamin… »

D’un coup le plan passe à la quasi-verticale. C’est la file indienne vers les cieux ! Par tous les diables, on vogue vers notre destin et pour la première fois de ma putain de vie, j’ai l’occasion de tenir le gouvernail pour passer Reverse…

« … ET C’EST UN PUTAIN DE POISSON-CHAT QUI NAVIGUE LE BÂTIMENT DE MES RÊVES ! »

J’ai pensé en gueulant.

Je suis debout sur le flanc d’une rambarde, le gamin écailleux a les yeux dans le vide. J’ai l’impression de l’avoir secoué, pas le temps de faire la nounou. Je viens lui fouetter la tronche d’un coup de rame, il vole dans la flotte. Je saute pour attraper le gouvernail et…

Boum… Boum… Boum

« Le coup de foudre… Zagahaha… Toi, tu feras de moi l’homme le plus riche des sept mers… »

SBOAM

« Capitaine Beateman, bienvenue à bord de votre navire »

CROACH !

« Capitaine Blackness, bienvenue à bord de votre navire »

Balior saisit un cordage et entrave le blondin inconscient sur un des deux-mâts pour ne pas qu’il trépasse. Soudain, il me regarde après s’être agrippé à l’un des canons.

« Corne de bouc ! Ces pièces d’artilleries… Je… L’amour ! »

« Et si vous leurs déclariez votre flamme devant vos ex ? Zagaha »

BAOUM BAOUM

Deux tirs plus précis que jamais, le vieux Blackness en a la bave qui humidifie sa barbe. Les boulets de fonte séparent en deux le Pride. S’te puissance.

On s’envole.

« Et le Sans-Nom ? »

« On l’écrase »

PROUAF !!!

No RIP. Zagahaha.

Bonjour, Grand Line, vieille fille.

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