- Vous êtes venu assister au combat Mr le Maire ?
- Vous savez bien Bebert, je ne peux pas refuser un spectacle gratuit.
- Rien n'est gratuit, dans quelques heures mes armures seront prêtes pour la revanche.
- Je ne vous le fait pas dire. Dans quelques heures, l'île sera vendue au plus offrant.
- Vous ne po..
- Je le peux. Notre survie en dépend.
- Laissez-moi jouer ma dernière carte.
- Pourvu que ce ne soit pas
l'excuse.
[...]
Dans la salle de contrôle on surveille attentivement la progression du Kazoo de catégorie 4. Sa trajectoire n'est pas fixe, il va et vient. Il s'approche du rempart et s'éloigne sans cesse. Il cherche la faille. Il cherche la brèche que l'un de ses congénère a déjà ouvert. Il est malin, il reste hors de portée des canons. De toute manière, les boulets ne feraient que le ralentir. D'un coup de langue, il pourrait balayer le mur de ses défenses. Dans le hangar tout le monde s'active sur le géant. Les armures ne sont que du bricolage, il en sera de même pour le géant de combat. On récupère à droite et à gauche des plaques de métal pour lui faire une seconde peau. C'est un mécano monstrueux, on construit une armure de chevalier à toute vitesse. On repassera pour le design et l'ergonomie, le temps presse. La salle de contrôle fait rugir l'alarme, il faut y aller, le Kazoo a pénétré dans la zone de la brèche. Rastignac se lève dans un fracas de métal. Tout le monde retient son souffle.
Il paraît que dans certaine contrée, la cuisse de grenouille se mange. Vérifions ces allégations mes amis. L'attirail pèse des tonnes, Rastignac a beau être un géant, il peine à se déplacer. La charge lui donne une allure de robot. Chaque pas est une séance de musculature. Chaque pas fait trembler la terre aux alentours. Tout le monde l'acclame. Le marshal les laisse faire mais dès qu'Eugène est sorti du hangar, il ordonne à ses troupes de retourner travailler sur les autres armures. Une fois qu'il a remotivé ses troupes, il fonce sur les remparts assister au combat. Dans son armure, Rastignac sue à grosses gouttes. Certains endroits de son corps ne sont pas protégés, il le sent par les courant d'air qui lui pince la peau. Il tient en main un bouclier fait avec une coque de navire et une lance découpée dans un mât de galion. Péniblement il atteint la brèche. Beaucoup de monde est venu le voir combattre. Il aperçoit le Marshal qui donne des consignes à ses canonniers. Eugène espère qu'ils savent tirer et que cette fois ci, on ne le prendra pas pour un Kazoo.
La bête rôde, elle se sait attendue, elle plonge pour disparaître sous la surface afin de se dissimuler. Elle s'approche très près de la brèche. Tellement près que bientôt elle ne pourra plus rester immergée. Rastignac ne voit pas la bête mais un Den Den placé dans son casque lui indique un mouvement sur sa droite. Il pivote et brandit sa lance. Rien ne bouge, soudain, sortant de nul part, perçant la brume une énorme langue jaillit sur lui. Par réflexe, il plie les genoux pour se baisser. Il se fait très mal en allant trop vite. les articulations de l'armure ne sont pas aussi souples que celles d'un corps humain. Les plaques lui lacèrent la peau à certains endroits. L'immense langue ne fait qu’effleurer son casque. De la base s'immisce à travers la grille qui lui protège le visage. C'est écœurant. La langue s'écrase sur un bout de rempart et fait plusieurs victimes. On fait évacuer en urgence tout les remparts et les canons et toutes les armes disponibles font feux vers l'embase de la langue.
La langue se rétracte mais agrippe au retour le haut de Rastignac qui a commis l'erreur de se relever un peu pour soulager sa douleur. Il est déséquilibré et tombe vers l'avant. Les canons tentent de le couvrir mais rien n'y fait, il est complètement à découvert. Il est tombé la tête la première dans l'océan. Dans sa chute il a lâché sa lance pour amortir sa chute. L'impact est violent avec la surface de l'eau. Des trombes de mers sont projetées un peu partout. C'est à ce moment là que bondit le Kazoo pour atterrir sur Eugène. Quelques tirs le touche quand il est en l'air mais rien de suffisant pour le blesser. Rastignac reçoit l'aide du poste de contrôle qui surveille le combat par Den Den. Le PC lui dit d'effectuer une roulade. Le géant trempé s'exécute tant bien que mal. Il arrive à se retourner sur le dos et offrir son bouclier au Kazoo. La bête s'abat sur le géant qui souffre sous le poids. L'impact est titanesque, des paquets d'eaux éclaboussent les remparts et leurs occupants. Sans son bouclier, le géant d'Erbaf serait déjà transpercé par les ergots du monstre marin.
L'animal tente de croquer des bouts du docteur mais en vain, celui-ci se protège plutôt bien. Il se permet même l'audace de riposter. Par une pirouette il glisse ses jambes sous le bouclier afin de le soulever. Le monstre bascule à son tour la tête la première dans l'eau. Rastignac en profite pour se remettre debout. Il récupère le mât qui lui sert de lance et se met en garde. Le montre cabriole et se remet sur ses pattes. Il fixe le géant puis comme si il n'existait pas, il fait demi tour et s'engouffre dans la brèche. Eugène reste impassible quelques instants avant de se rendre compte que le Kazoo est dans la cité.
Le Kazoo est dans la limonaderie ! Tous aux abris ! C'est la foirefouille dans la ville. Tout le monde fait n'importe quoi pour sauver ses miches. Marshal est impuissant, il enrage. Rastignac met le turbo et tente un sprint malgré l'armure. Il passe la brèche. L'animal lui tourne le dos, il se dirige vers les citernes de limonades. Il va trop vite, vraiment trop vite. Rastignac arme son mât de galion comme un javelot et se concentre. Il le lance comme un athlète et manque de se casser une nouvelle fois la trogne en avant par le poids de l'armure. Bingo. Le mât se plante dans un citerne de limonade qui se met aussitôt à déverser tout le précieux nectar dans les rues de la ville. Le maire devient bleu, le Marshal vert, Rastignac rouge de honte. Le bâtard de batracien stoppe sa course au pied du silo éventré par le javelot du toubib et se met à lécher tant qu'il peut le jus. Sur le coup, personne ne fait attention à ce détail. Rastignac lui fonce dessus pour réparer son erreur. Le Kazoo ne fait plus attention à rien, Eugène arrive à sa portée. Il a une occasion unique de porter un coup à l'animal. Mais il est épuisé par la course folle qu'il vient de faire et son temps de réaction n'est plus aussi bon, le montre s'aperçoit que le géant est dans son dos et il fait une ruade, tel un cheval.
Rastignac vole dans les airs pour retomber de toute sa masse sur un quartier de vieilles maisons. Une bonne dizaines sont détruites et autant esquintées. La ruade a cassé plusieurs côtes du géant et des plaques d'armures ont volé un peu partout. La chute a éclaté le reste. La douleur est proportionnel à la taille. Eugène morfle, il a la nuque raide et il saigne à de multiples endroits. Visiblement il a un poignet cassé et une épaule luxée. Il ne peut plus bouger. Il arrive juste à lever la tête pour voir le Kazoo s’effondrer. Rastignac se met à rire comme un dément. Il hurle de rire, il a réussi à piquer le Kazoo quand celui-ci lui donnait la ruade. Dans la seringue, un puissant anesthésiant capable d'endormir un Roi des mers quelques instants.
Fait de beaux rêves crapaud !