1625 – West Blue – Sur un navire de guerre de la marine
Scène 1. Le sombre.Au petit matin, alors que les premières lueurs du jour filtraient à travers les carreaux impeccables du bâtiment, l’on pouvait déjà voir le sous-amiral Niromoto assis à son bureau. Une plume dans une main, quelques feuillets dans l’autre, il regardait avec un calme olympien son den-den mushi qui lui criait dessus. Ouvrant à peine la bouche, il referma aussitôt ses lèvres en secouant de la tête tandis que les brimades incessantes d’un autre mécontent transpiraient déjà au travers du pauvre den-den mushi qui n’en pouvait plus de gueuler ainsi.
Vouté sur sa chaise, ses yeux fixèrent le téléphone qui ne pouvait soutenir un tel regard. Perçant et froid, son regard figeât le pauvre objet sur place avant que sa main ne le pousse délibérément vers le bord du bureau. Le Den-den mushi chuta puis roula sur le sol pour finir prostré sous l’une des chaises qui servait à accueillir les différentes personnes de l’autre côté du bureau. Bien que l’on pouvait voir le soleil poindre à l’horizon, dans la cabine du sous-amiral, il faisait encore sombre. Non, c’était plutôt autour du sous-amiral lui-même que la lumière ne brillait pas. C’était un peu comme si elle fuyait ce personnage lugubre et obscur qui venait de se lever pour aller rejoindre une large table un peu plus loin. Sur celle-ci, diverses pièces stratégiques étaient disposées au-dessus d’une ancienne carte. Le doigt torsadé posé sur elle, le gradé suivait à présent le tracé de la ligne touristique Manatannes-Kabool de West Blue jusqu’à un certain point où était disposé une petite statuette représentant un crâne. Les yeux plissés, il s’alluma une longue tige en tirant dessus de profondes bouffées. Les volutes de fumés se dessinaient partout dans la pièce comme pour venir souligner le côté mystérieux de l’officier qui se complaisait à rester tapis dans le brouillard artificiel, loin des effets de l’astre du jour.
1625 – West Blue – A la gare Manatannes.
Scène 2. Edward KingA l’heure où le soleil se lève, j’avais décidé de faire un tour à la gare Manatannes. Je venais d’être mandaté par le sous-amiral Niromoto, un homme sinistre et influent qui a surement dû faire appel à moi grâce à l’appui du sous-amiral Cold’z pour lequel je venais de finir un travail. C’est un honneur pour moi que d’être utile à des personnes comme elles et il me faut continuer à les servir du mieux que je le pourrais. C’est pourquoi, j’avais décidé qu’il était plus prudent d’agir au grand jour avec une identité d’emprunt. Je me souviens avoir suivi un exercice dans lequel je devais suivre un individu aussi discrètement que possible en vue de copier ses habitudes, sa manière de parler, de marcher et plus généralement, sa façon d’appréhender la vie et le monde qui l’entourait. Dans ce monde où toutes les facettes de l’homme sont représentés, j’en avais choisis une. Celle d’un bourgeois excentrique, d’un homme d’affaire redoutable qui ne vit que pour le profit. La cupidité, c’est bien là l’un des attraits que je refoule le plus et quoi de mieux pour prendre ma revanche sur la vie que de montrer aux autres leurs propres reflets dans le miroir de la vérité ? Alors me voici dans des habits de soie et des parures précieuses. Me voici chancelant le pas d’un côté plus prononcé que de l’autre comme quelqu’un qui marcherait sur le pont d’un navire prit dans la houle. La démarche chaloupée, le teint parfait et le regard hautain je vais et je viens. Je sens bon et pour ne rien cacher à personne, ma mine soignée signale à tous que j’appartiens à un monde où les petits tracas de la vie n'ont pas leurs places. Mesdames et messieurs, je suis Edward King et je viens vous acheter un ticket. Et, tellement pris par le personnage, je n’avais pas vu que mes pas mal assurés m’avaient justement conduis au guichet où personne ne travaillait. Un écriteau avec dessus : Ligne fermé jusqu’au siècle prochain donnait le ton dans cette gare où plus personne ne transitait et qui était même devenu un lieu de perdition.
Scène 3. Côté face
Désert. C’était le mot juste. Tandis que j’étais entré à pas feutré dans la gare, je venais de me rendre compte que le cadran de l’horloge principale placé en façade indiquait onze heures alors qu’il n’était même pas neuf heures. C’est comme si tout ce qui entourait la ligne avait cessé d’être après l’explosion des rails. Ici, je n’entends que mes pas résonnés sur le marbre. Ici, je ne vois rien ni personne… Ou presque. Une ombre venait de passer entre les piliers de l’endroit et si tout était délabré, mais éclairé par les feux du soleil, il semblait en être autrement pour ce couloir que venait d’emprunter l’ombre en question. De là ou j’étais je ne distinguais pas la fin de celui-ci. On aurait dit un long et sinueux œsophage, celui d’une créature immonde tant ce lieu était lugubre et pourvu d’une odeur nauséabonde. Qui sais où cela menait, sans doute à l’estomac et que trouverais-je ? Allons-y, au moins je me souviendrais longtemps des premiers pas d’Edward King… Comme je le pensais, ça sent de plus en plus mauvais, mais paradoxalement, je commence à m’y faire. J’ai bien choisi mon jour pour endosser cette identité et tous les soins qu’elle a nécessité en amont. L’eau croupie côtoie mes bottes et tandis que des détritus recouvres tout le long de ce couloir humide, je peux clairement lire le chiffre onze un peu partout gravé dans ce tunnel. Une coïncidence avec l’heure indiqué par l’horloge ou existe-t-il un véritable lien ? Quoi qu’il en soit, je crois avoir gagné du terrain sur celui que je suivais, je peux à présent clairement l’entendre avancer devant moi sans toutefois pouvoir le distinguer au milieu de ces ténèbres.
Enfin. Après un périple court, mais ô combien insupportable je me retrouve à présent dans une salle immense. Je peux clairement voir les murs porteurs de la gare alors que je dois me trouver juste en dessous. Ici, l’obscurité est chassée par des lanternes qui pullulent le long des murs habillés parfois par des rideaux en lambeaux et parfois par des graffitis. L’endroit grouille de monde, mais je retrouve les codes du monde du dessus : Les pauvres et les aisés. Du bruit semble venir du centre de la gigantesque pièce. Alors que je tente de me frayer un passage entre les différents lieux de vie et de vente, je ne peux que constater les effets désastreux de la perte d’activité de la ligne Manatannes-Kabool. Ici, ce sont autrefois les employés de la gare et du train qui tentent de se démener pour survivre. Je constate avec désarroi la tenue qui était fièrement la leur et qui n’est plus aujourd’hui qu’un habit de tous les jours. Alors que je me fais chahuter par le flot incessant de passant qui ne peuvent que constater ma mine élégante, enfin celle d’Edward, mes pas m’avaient enfin conduis au centre de l’endroit. Il s’agissait en réalité de combat, clandestin faut-il le rappeler, entre des locaux et des mercenaires à premières vues. Au tableau des scores, les locaux étaient à la traine.
Dernière édition par Sorrento Olin le Dim 16 Mar 2014 - 20:58, édité 3 fois