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Incognitos

Le Cipher Pol 8, une unité aux multiples facettes, était l’une de ces sections officielles dont le gouvernement ne savait pour ainsi dire, pas bézef. Des mecs hauts en couleurs qui opèrent le plus souvent en groupe, fana des enchaînements combinés et qui s’arrangent toujours pour laisser planer un voile de mystère sur les opérations qu’ils menaient. Leur unité avait leurs lots de bon dégénérés, sans doute pire que les nôtres, les rumeurs que l’on entendait sur le fameux agent nettoyeur vous collaient des sueurs froides pendant des jours tant les rumeurs qui avaient cours sur notre personnage semblaient fondés.  Au CP9, on sait très bien que leurs airs mystérieux, et leurs poses tout aussi ténébreuses cachaient en vérité un complexe d’infériorité vis-à-vis de leurs confrères. On n’apprend guère à un vieux singe à faire la grimace, on a assez donné dans le registre pour savoir qu’ils rayent le parquet de leurs longs chicots. A défaut de nous avoir pris nos dégaines, ils ont rien trouvé mieux que de s’illustrer penseur de rodin et de surfer sur le courant de l’introspection pour camoufler leur pêché d’ignorance. Ils se sont toujours plus ou moins figurés être notre pendant sauf que les faits sont là, le permis de tuer, la paye de ministre et tous les avantages que confère le statut d’agent du 9.

En toute honnêteté, cette gueguerre qu’ils nous livraient me faisait plus sourire qu’autre chose, j’avais assez d’ancienneté àu Pol 9 pour en avoir vu passer un sacré nombre d’énergumènes dans le genre, tous différents mais pourtant tous semblables. Cependant, s’il y a bien une chose qu’on devait leur reconnaître, c’était bel et bien qu’ils étaient suffisamment dangereux pour qu’on se penche avec intérêt sur leurs cas et qu’on prenne garde à nos vies. Ils paraîtraient qu’ils se déplacent essentiellement en duo et seraient terriblement efficace pour le nettoyage dans les règles de l’art de leurs cibles.

Aussi, lorsque j’ai appris que je devais rencontrer l’un des éléments de cette section, j’eus une appréhension particulière sur le type d’olibrius sur lequel j’étais susceptible de tomber. Faut bien comprendre qu’au CP9, on a l’habitude d’opérer seul et bien souvent sur des périodes longues, on prendre pas souvent le thé et les petits gâteaux. Du coup, mes règles de bienséance se limitent au minimum syndical plutôt qu’à de trépidantes et de passionnantes déclarations. En fin de compte, notre petit point commun avec le CP8 résidait dans le fait que d’un côté comme dans l’autre, on n’est guère loquasse et qu’on ne s’épanche pas sur nos histoires personnelles.

Je venais de fouler le pied de la brumeuse Manshon, l’un des carrefours d’affaires majeures pour tout qui touche à l’illicite à North Blue. Les parrains sont légions et leurs sbires arpentent les rues à se tirer la bourre à chaque coin de rue. Il n’y fait pas bon vivre et il est impératif de ne pas faire trop de remous dans l’eau qui dort pour réveiller la bête qui dort. Notre objectif était la fameuse Eglise de Manée, source de nombreuses rumeurs et qui avaient fini par remonter dans le giron du gouvernement. Les instances n’aiment guère les rumeurs galopantes, ca finit par intéresser un paquet de curieux et toute la vermine qui infeste les Blues. Fallait avoir le cœur net sur ce dont se faisait l’écho ici bas et identifier ceux qui avaient diffusés les ragots et les faire taire. Je devais rencontrer mon tandem dans une auberge dénommé « le talon d’or «. De facade, le bâtiment était richement orné, des poutres en hêtres apparentes, serties ca et là de pièce d’or, une architecture à colombage qui n’était pas sans rappeler certains demeures grandioses de luvneel, de larges et imposantes ouvertures irradiaient d’une lumière bienfaisante les chambres ainsi que la salle de restauration de la bâtisse. En somme, l’enceinte avait des airs d’ilôt de pureté dans un repaire où infamie et abomination sont omniprésentes. Je pénètre dans l’établissement et finit par m’installer à un coin d’angle pour garder un œil sur ce qui se passe à l’extérieur, formalité machinale voire instinctive des bonnes pratiques de la bible du Cipher Pol : Toujours être au vif de qui se trame. Signe distinctif de l’agent sur place : Borgne. Hmmh ca annonçait d’emblée la couleur…Annabella Sweetsong… qui es tu, jeune demoiselle ?
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- Hmm ?!

Le soleil luit et m'aveugle. Ah ah, il m'aveugle, la bonne blague. Non vous avez saisi ? C'est car je suis borgne. Bref, la lumière s'infiltre bizarrement dans cette petite chambre d'hotel, et tous les matins c'est la surprise. Je me suis habituée à l'odeur de cette bicoque puante, mais pas aux trous dans les murs, j'en découvre de nouveaux tous les jours. Combien de gens se sont fait exploser le crâne par une balle expédiée à travers un oreiller dans cette pièce ? Vas savoir, hein.

- Hmm... hmm ?!

Les draps sont mouillés. Promis c'est pas moi, je prends mes précautions, j'ai plus treize ans tout de même. Non, et pis c'est froid. C'était pas là les jours d'avant ça. Une fuite dans le plafond, tu parles de congés. La belle jambe que ça me fait, ou le bel œil tiens, héhé. Non, faut que j'arrête avec les calembours sur mon éborgnement. Bah on m'avait pas vraiment envoyée par ici pour que j'y aie des vacances, c'était une mission. Mais sur le long terme, histoire de m'habituer à mon œil unique, le droit. Et comme Ao Novas, quand il donnait ses missions, il parlait pas beaucoup, je pouvais toujours me gratter pour en savoir plus. "On t'enverra un agent du CP9." Ah ouais ? Tu veux dire ces mecs présomptueux qui crânent à tout bout de champs car ils se considèrent comme l'élite du Cipher Pol ? Attends que je réfléchisse, non. Mais vous me connaissez, je suis trop influençable, alors je fais toutes les missions qu'on me donne. Car à choisir, j'aurais préféré m'enfouir les pieds dans du ciment frais et pourrir sur place que de me frotter à ce genre de personnes là.

- Putain fait chaud ici...

J'estime avoir déjà eu ma dose avec Red la dernière fois d'ailleurs. Même sans ça, j'en ai entendu des trucs sur le CP9. Des assassins, des brutes épaisses, bah au final, ça change pas vraiment du CP8 ou des Marines du Quartier Général de South Blue. Pourtant ces derniers, ce sont de vrais durs, ils ont toujours l'air parés à faire une escale vers Grand Line, mais ils tapent que sur les plus faibles. Alors j'me dis que le CP9, c'est quasiment pareil.

***
- Merde, merde... Faut que j'arrête de penser, ça c'est à cause de la cuite de hier.

Alors tout en m'orientant cahin-caha vers la douche exiguë dans laquelle je compte plonger sous l'eau fraiche mon corps nu, je continue manifestement à penser à ce mec du CP9 qui doit arriver aujourd'hui. L'eau coule, ça me réveille, je pense moins, mais je pense bien. Ça fait trois jours que j'suis ici, et j'ai pas trop osé m'avancer. J'ai beau toujours avoir mes armes avec moi, je fais pas ma fière quand je sors dehors. Ici, les gens sont méfiants, mafieux, et malsains. Moi je représente la loi, mais ils sont pas sensés le savoir, et ils le sauront jamais. Mais j'ai jamais eu autant peur de faire sauter ma couverture, avec la pression qui règne, j'ai l'impression qu'un bout de ma culotte qui dépasserait de mon chino les informerait illico de ma mission. Pourtant j'ai pris mon plus beau déguisement d'infirmière pour cette mission. J'hésite à le mettre pour rencontrer mon compagnon. Il est propre, c'est pas le problème, je l'ai lavé hier. Je le lave tous les jours, car l'alcool ça tache, et y'a des fuites dans leurs choppes. Ou alors c'est moi qui ne sais pas boire. C'est possible, être alcoolique pour certains c'est presque une profession, moi je pète ma limite au bout du troisième demi. Je vomis pas, mais je dors ensuite. Du coup avant que ça n'arrive hier, j'avais bien pris la précaution de me débarrasser de mes vêtements.

Une femme en sous-vêtements, ça impose dans une auberge. Après tout, j'ai payé, alors je loge comme je veux. Comme y'a la mafia qui règne, personne a envie de se faire remarquer, et moi ça me va. Hier c'était pas gala non plus, on était cinq à tout casser dans la salle, et sur les trois mecs y'en avait un aveugle, un pionçant et un qui n'avait plus les yeux en face des trous. Faut croire qu'ici les gens aiment être bourrés, ça les aide à oublier à quel point on se fait chier. Finalement j'opte pour des vêtements traditionnels, car je commence à grelotter, à poil dans ma chambre trouée de partout. Un pantalon kaki et un débardeur noir avec la tête de Pandaman dessus, le tout surmonté d'un manteau trois-quart noir, avec un col en fourrure de hase brune. J'oublie pas ma ceinture dorsale, sous le tee-shirt, me permettant de conserver à portée de main mes deux flintlocks, héhé. Fait plutôt chaud, alors rien de plus ; la veste je la garde ouverte. Du coup, mon cerveau vide donne libre cours aux dialogues fertiles de Bachibouzouk :

- Bon on est là depuis une semaine, t'as dégoté un emploi d'infirmière à l’hôpital du coin, et y'a vraiment rien qui s'passe. C'est moi ou, pour changer, tu sers à rien ?

- Nan, mais en général les patients ils arrivent les pieds devant, et comme c'est magouille et compagnie, on falsifie leurs morts. Du coup, ces gens-là, ils disent pas grand chose sur l’Église de la Manée. De toute façon, j'serais incapable de soigner quoi que ce soit, et ils m'ont juste embauchée car je suis sexy.

- Va pas te leurrer, t'as déjà vu un borgne sexy toi ? Sans compter qu'avant t'étais pas très belle, maintenant t'as plus qu'à sauter dans l'océan et rejoindre un banc de morues.

- La ferme. Je ne suis pas un canon de beauté, mais je ne suis pas sans avoir certains charmes. D'ailleurs on va voir ce qu'en pense notre invité. Bon, go, ou bien ?

J'ouvre la porte. Elle craque. Soudain je me retrouve en train de porter le panneau en bois, constellé de trous de balles. C'est très moche comme expression ça, "constellé de trous de balles", mais qu'importe, ça fera probablement mieux si je suis amené à rencontrer plusieurs agents du CP9. Fière de ma connerie, je murmure en partant, la porte laissée aux aléas du proprio :

- De toute façon je pense pas que ça leur plaira si je les traite de rectums. Mais je leur demande pas leur avis. Héhé.

***
- Atsuji Kaito.

Je tourne et retourne le nom de mon compère dans ma tête, marchant dans la rue jusqu'au point de repère. Apparemment, il s'agit d'un homme d'âge mûr, et il a la gueule de l'emploi. M'enfin c'est tout niveau détails, faut avoir un esprit d'analyse quand on entre au Cipher Pol, c'est l'un des prérequis. J'arrive au lieu de rendez-vous, une auberge sympathique à l'allure grandiose, "Le Talon d'Or". J'y entre et dévisage méthodiquement le public, avec la ferme impression d'avoir déjà vécu ce moment. Si si, quand j'avais passé la journée à chercher cet autre agent du CP9 y'a trois ans. En fait, faut toujours que ça soit moi qui fasse le premier pas. C'est pas juste, je suis une nana, les filles en général ça attend, ça se fait les ongles, ça lorgne ses chaussures, ça va pas vers les mecs.

Outre cela, pourquoi y'a autant de monde pour picoler à dix heures du matin ? Quel pays de poches ! Allez, ça y est je l'ai trouvé, ça peut être que lui. Il a pas l'air paumé, car il le cache bien, mais quand même un peu. Sa moustache frétille, c'est signe qu'il m'a vue. On a dû lui dire que je suis borgne. Je m'avance jusqu'à lui, et me décharge de mes obligations, avec une voix grave, pour me donner du sérieux.

- Salut. Ça farte ? Tu es là pour la mission, non ? Tu sais qui je suis, hein. Tu peux m'appeler Miss Sweetsong. T'as l'air cool, j'aime bien ta stache-mou. Bon, tu m’offriras bien une bibine, vu que les gens comme toi sont pétés de thunes ?



Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 31 Mar 2014 - 19:40, édité 2 fois
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Miss Sweetsong hein…ca a tout de suite 13 ans et ca se figure déjà être une dame…à cet âge là, elles ont leur système biologique en branle et les hormones qui jaillissent. En toute honnêteté, je ne m’attendais guère à tomber sur une gamine tout droit sorti des jupes de Ao Novas et assez prétentieuse pour aborder ouvertement la mission en public. Je m’étais trompé, c’est qu’ils sont loquasses au CP8. Elle enchaînait les questions et les réponses avant même qu’elle ne me laisse rétorquer quoi que ce soit. Cette fille, en dépit de son jeune âge, semblait bien niaise et innocente tout du moins en façade. Je ne sais les circonstances qui l’avaient poussé à perdre un œil, si la chose était récente ou relevait déjà d’un long passé tumultueux mais une chose était claire, la gamine, avait ce soupçon d’étrange qui, me dérangeait la glotte. Novas était un leader avisé, il mettait un point d’honneur à choisir ses pouliches mieux que personne, je me leurrais pas une seule seconde quant à son choix de Miss Sweetsong. J’allais découvrir bien assez tôt ce que la gamine avait de sensationnel. L’auberge avait aussi son lot d’oreilles disconvenues qui n’attendait que pareil comportement pour aller cafter à leurs employeurs ce qu’ils avaient entendus ici bas :  

« hmmh. Plutôt bavarde comme cht’tiote. Je ne t’invite pas, non, je suis fauché comme les blés ma petite. Allons faire un tour plutôt et imprégnons tout d’un peu d’air frais, tu veux ?«

Il n’était nulle question de tendre la perche aux petits fouineurs que contenait cette île putride marqué du sceau du démon. Incognito était le mot d’ordre, du moins jusqu’à ce que cette môme en décide autrement. Sweetsong devait aussi avoir été briefé quant aux motifs de notre venue mais je voulais m’assurer avant toute chose qu’on avait eu les mêmes renseignements. Je jouais cartes sur table avec la demoiselle et ce quand bien même, elle aurait reçu des ordres différents des miens. On arpentait les rues de la capitale du crime de manière à s’immerger de l’atmosphère vermineuse qui y régnait de manière à entamer notre besogne avec l’œil avisé. Toutes ces raclures, ces ordures de bas étage, protégés par des grands pontes et autres barons de la drogue qui, eux avaient élus domicile sur les hauteurs de Manshon dans de sublimes villas. Toutes ces souillures, ces rebut de la société, réduits à se terrer sur cette île à négocier comme des quincaillers et à se figurer qu’ils en avaient dans le pantalon parce qu’ils défiaient la loi. Ils se sentent plus pisser dés qu’il est question d’affirmer son existence, comme si la leur d’existence valait la peine qu’on y jette ne serait-ce qu’un regard, tous les mêmes, tous coupables. Ca me foutait les glandes de pas pouvoir tous les coffrer et leur faire cracher le nom de leurs commanditaires, ca me donnait des aigreurs au cœur. Tout du long de notre petite vadrouille, Anna m’interrogea tantôt sur mon âge, sur les raisons qui m’avaient poussé à rejoindre le gouvernement, parfois des questions qui tournaient davantage sur l’ordre personnel. Je présumais qu’elle avait pigé mes véritables intentions et qu’elle avait aussi finit par se rendre compte de notre petit importun. On finit par arriver sur un ponton des docks, pas l’ombre d’un gus à l’horizon ou du moins, pas l’un sauf lui.

« Eh bien, Anna, hmmmh désolé de n’avoir pu t’offrir un coup. Ca aurait pas été très prudent de ma part et ca ne l’a pas été de la tienne hmmh mais passons… je ne t’en tiens pas rigueur. »

« Eh bien, qu’attends du donc pour sortir de ta tanière, vermine ? »

Sous le petit édifice de fortune, une silhouette s’agite fébrilement dans l’eau silencieuse, créant une ondulation à la surface de l’eau de manière suffisamment claire et précise pour que l’on n’ait aucun doute sur l’identité de qui se terrait en dessous. Sweetsong affiche une expression satisfaite, comme si la chose en soi semblait quelque peu l’amuser, la divertir. Elle en rirait presque. Elle avait discerné l’énergumène bien avant que je le force à se révéler. L’aurait t’elle démasqué si je ne l’avais confondu de manière si évidente ?  

L’homme se précipite sur le rivage, fiévreux, esseulé, il n’est guère serein, et tente de nous faut fausser compagnie en pénétrant dans le bosquet à quelques foulées de là. L’espoir de rentrer sain et sauf auprès des siens, l’espoir de pouvoir ingurgiter sa pitance, l’espoir de voir l’aube se lever sur un nouveau jour cependant les choses en avaient décidés autrement. Tous pêcheurs, tous coupables.
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Roh l'autre il m'avait même pas payé de verre. Au fond j'suis sûr qu'il était déjà en train de me juger. Bah, ma technique d'approche pour avoir une bière à dix heures du mat' n'est pas vraiment très performante. Néanmoins, le véritable but de ceci n'avait pas été la bière.

- Bien joué Anna, on est suivis. C'est ce que tu voulais non ? T'as ptet pas un cerveau si vide que ça, au final.

Héhé. Des fois y'a du bon à être schizophrène. J'ai beau n'avoir qu'un œil, je ne rate jamais rien à ce qui se passe autour de moi. Car ce que je distingue mal, Bachibouzouk l'analyse avec plus de détails, une sorte de troisième œil, enfin deuxième héhé. Un p'tit gars à l'aspect misérable nous collait aux fesses, mais l'autre vieux, trop fier que je m'intéresse à lui - il le cachait bien - n'en avait que pour sa pomme. C'est ça, les agents irréprochables du CP9. Un égo surdimensionné, et une rigueur d'acier.
- Et du coup, t'as quel âge ? Non car pour avoir une moustache pareille, faut des années d'expérience. Eh, et pourquoi t'es agent du CP9 ? T'as une femme, des enfants ?
Pas de réponse, il commence à se douter qu'on est suivis. Il était temps.

- Eh bien, Anna, hmmmh désolé de n’avoir pu t’offrir un coup. Ça aurait pas été très prudent de ma part et ça ne l’a pas été de la tienne hmmh mais passons… je ne t’en tiens pas rigueur.

C'qui ce gus, franchement ? Il me reproche de pas être assez prudente ? Il ne me connaît pas.

***
Je suis pas agent du Cipher Pol depuis quatre ans pour rien, je connais les bonnes vieilles techniques pour avoir des informations. Et plutôt que d'aller constamment à l'ennemi, mieux valait le laisser venir vers nous. Ce qu'il y a de bien avec les espions, c'est que quand les employeurs sont plutôt radins, ils embauchent des faibles à qui il est très facile de soutirer des informations. Et, coup de bol, on en avait un juste derrière nous.

- Eh bien, qu’attends du donc pour sortir de ta tanière, vermine ?

Enfin, la punchline qu'on attendait tous. Pour accompagner cette phrase magnifique, je dégaine Wallace et Grommit de ma ceinture dorsale, canons pointés sur l'invité. L'homme se camoufle dans un bosquet, pensant que c'est ce qui va le sauver. Je stoppe directement mon compagnon d'un geste de la main, à l'expression terrifiante et synonyme de décès : il nous le faut vivant.

- T'as entendu le monsieur ? Si j'étais toi, j'essayerais pas de prendre la tangente. A cette distance, t'as deux cent pour cent de chances de te prendre une balle dans le crâne.

Comme on peut s'y attendre, un espion de pacotille ça tient à sa vie, ça a beaucoup à perdre. Du coup, les mains levées, ce-dernier sort, pointe le bout de son nez. J'ai plus qu'un œil, mais j'en ai un bon. Je discerne jusqu'à ses iris marrons, jusqu'à sa mèche de cheveux rebelle qui lui barre la vue. Son teint est olivâtre, sa barbe naissante, ses yeux fiévreux et fuyants, tout autant que son front. Il doit pas avoir plus de trente ans. C'est bien un mafieux ça, il a ça dans le sang. Mais c'en est un sans couilles, et ça n'est notre veine.

Du coup je range mes flingues. Je m'approche de lui, et lui prends le bras, le tire vers moi, à proximité de mon visage, de sorte à ce qu'il ne puisse dévier son regard, que mes yeux soient plongés dans les siens.

- Qui-es-tu, mon petit ? Non ne me réponds pas déjà, je finirai par le découvrir. Allez-suis moi sans faire de conneries.

- Arrache-lui l'oreille, ma grande. Résonne une voix dans mon crâne.

- Pause clope, tiens occupe-toi de lui s'teuplaît. Annoncé-je tout en balançant le petit gars tremblotant dans les bras de Kaitô.

***
La fièvre commence à diminuer, j'aurai pas à lui supprimer l'oreille au bougre, ouf. C'est un peu trop tôt pour ça, j'me dis. Tout en fumant ma cigarette, je suis Kaitô qui préfère poursuivre l'interrogatoire dans un endroit moins exposé. L'a raison, le vieux. Les docks sont grands, y'a des cabanes de pêcheurs un peu partout, et elles sont majoritairement vides. D'un geste du pouce, j'indique à mon camarade l'un de ces bâtiments. C'est fermé, mais la porte est plutôt en sale état, alors un coup de botte suffit à l'ouvrir. C'est plutôt étroit à l'intérieur, et y'a pas vraiment de lumière. Mais mine de rien, c'est plutôt bien isolé. Comme on peut s'y attendre, ça pue la poiscaille, et pour cause : y'en a partout, sur les murs, sur le plan de travail central ou encore pendus au plafond.

- Va falloir faire vite, le vieux. S'il disparaît trop longtemps, t'imagines bien que ça va faire louche.

- Vous... vous n'allez pas me tuer ? Demande le prisonnier d'un air penaud.

- Pourquoi ferait-on ça, hein ? Dis-je tout, toute souriante, en prenant la seule chaise de la baraque, et en incitant l'espion à s'y assoir. Tu veux bien poser tes bras sur la table s'il-te-plait ? Au cas où tu refuserais de coopérer...

L'homme s'exécute, c'est bien. Kaitô me regarde, soupçonneux. Il doit se demander ce que je suis en train de faire. J'affiche toujours un grand sourire, c'est mieux, je poursuis :

- Sais-tu ce que ça fait de se faire arracher l’œil sans aucune anesthésie ? Non, bien entendu, mais est-ce que tu peux t'imaginer le mal que ça fait ? Je vais t'expliquer : c'est comme si on te retirait un gros morceau de ton visage d'un seul coup. Le plus terrible, c'est qu'avant d'avoir mal, tu as le temps de voir ton globe oculaire quitter ton orbite. Et ensuite, ensuite c'est un festival de douleurs qui se présente à toi. Une souffrance terrible dans un coup chirurgical.

Je tire une dernière taffe sur ma clope, avant d'emprisonner le bras de l'espion dans l'étau de ma main, et de lui plonger le mégot au centre du dos de la sienne. Juste pour prouver que y'a pas de paroles en l'air, que pour moi c'est juste un tas de viande. Il hurle, ça j'aime bien, je souris.

- Alors tu vois, plutôt que de te demander ton nom ou pourquoi tu nous suis, je vais te demander ceci : quel est l’œil auquel tu tiens le plus ? Je te ferai un plaisir de te l'arracher...

Je finis par lâcher mon étreinte, et recule jusqu'au mur. Les larmes dégringolent sur ses joues. En fait, je me surprends moi-même à faire preuve d'autant de cruauté, de méchanceté, à l'égard d'un être humain. Je n'aurais jamais fait ça auparavant, et je dois m'avouer aussi effrayée que le pauvre homme, à l'intérieur. Je contrôle mes tremblements, bien que ceux-ci ne soient pas dus à peur, mais à une forme d'excitation sadique. Je me dis que tout ça, c'est à cause des derniers événements, hein. Que y'a quelque chose a changé en moi, que quelque chose s'est brisé. Alors je sors pour prendre l'air pendant que notre petit espion nous prie lamentablement de ne pas lui ôter l’œil et lâche à Kaitô tout un tas d'informations, certaines plus utiles que d'autres. Il balbutie, sa lippe tremblotte quand il parle. Qui il est, pourquoi il nous suit, qui le commande... Héhé. La porte se referme dans mon dos. Faible, je l'avais dit. Une bouffée fraiche d'oxygène me remet les idées au clair. A ce moment, je découvre une autre facette de ma personnalité, je découvre que j'aurais pu lui prendre son œil ou son oreille sans aucun remords...

...Et je réalise que j'ai perdu mon humanité.



Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 31 Mar 2014 - 19:43, édité 1 fois
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Mademoiselle Sweetsong avait en toute logique révélé son pendant, cette petite lueur de folie singulière, d’extravagance, de démence passagère, qui nous caractérise nous autres, éléments du Cipher Pol. Cette excentricité chronique qui subsiste en chacun de nous sous autant de formes multiples et variées que tous les bouquins de la bibliothèque de Marie joie ne suffirait pas à  dénombrer les pathologies. En ce qui concerne Annabella, j’aurais opté pour le tortionnaire réfréné ou quelque chose qui donnait davantage dans la psychose, ou du dédoublement de personnalité, du moins c’est ce que laissait présager ce sublime effet Papillon et l’apparition d’une bonne dose de schizophrénie des chaumières ! Remarque, le bon point, c’est qu’elle avait fait forte impression sur notre petit gêneur qui ne demandait sans doute pas une telle démonstration d’intimidation et de mépris de la vie humaine. Ces méthodes commençaient à me plaire et je me délectais silencieusement du spectacle, du moins jusqu’à ce qu’elle décide de prendre l’air.

« Hmmh, elle a décidé de jouer le mauvais flic, pourtant on s’était guère concerté avant, je te jure. Tu connais la rengaine ? Je te laisse délayer, je t’écoute avec toute mon attention » .
« Mais..MAIS, elle est complètement cinglé votre copine ! Encore un peu et elle me l’enlevait cet œil ! »

Mon sourcil se fronce, ma moue se crispe, le gus s’en apercoit et poursuit anxieusement son speech.

« Je, non, je peux pas vous le dire. Si je parle, ils me tueront, moi et ma famille. C’est qu’ils ont les moyens de vous faire taire, ce genre de types, je vous jure."
« Et moi, les moyens de te faire parler et permets moi de te donner un conseil avisé, parce que t’as l’air d’avoir un cervelet encore suffisamment rose pour qu’il cogite normalement. Ta vie ou même ta famille est présentement le dernier de tes soucis, mon pote, t’as filé les mauvais mecs… derrière moi c’est le chenal et mon petit doigt me dit que tu sais ce qu’on y fourre dans le chenal lorsque la chose a la tête trop dure… »

L’homme se résigne, dépité et finit par jacter.

« Je bosse pour Andreu Callagio Pepe, l’un des parrains du crime local. J’ai pensé que vous faisiez parti d’une des autres familles d’ici bàs. J’avais jamais aperçu vos trombines du coup j’ai songé que vous prépariez un mauvais coup pour vous accaparer la relique. Et je…s’il vous plaît, j’ai une femme et 2 mômes dont l’un doit avoir l’âge de votre partenaire. »
« Hmmh parle moi de cette relique d’abord. On verra ensuite. »
« La relique ? euh c’est que… il s’agit d’écrits récemment retrouvé par Callagio Pepe, qui sont censés, à en croire le quand dira t-on, attester de la responsabilité du gouvernement dans la traite des esclaves avec les parrains locaux lors de la découverte de l’île. Ca a fait grand bruit dans le milieu, tous les parrains se réclament héritier de ce qui n’est rien d’autre qu’un papelard auquel il décerne le titre de relique, justifiant leur légitimité dans le business. »

Entre temps, Sweetsong avait fini par me rejoindre dans la bicoque. J’avais dorénavant besoin qu’il affirme ma pensée, histoire de ne plus laisser persister le moindre doute.

« Ou se trouve t’elle cette fameuse relique ? et Callagio Pepe, fais m’en donc une brève description. »
« Je ne sais pas du tout où elle se trouve, ce n’est pas le genre de renseignement qu’on balance à un larbin. Des rumeurs courent sur l’église de Manée, mais je n’en ai aucune idée. Pour Callagio, il fait dans la trentaine, la boule à zéro, des petits lunettes à verres bleutées, sapé comme un prince, un parrain quoi ! «

Je m’accorde quelques minutes de réflexion. La rumeur lancé serait donc ainsi véridique, il ne s’agirait pas que d’un simple bruit de couloir sans fondements. Ca corsait singulièrement la chose et ca nous faisait modifier le scénar’ dans les grandes lignes. A en croire les dires de ce type, ils seraient tous prêts à faire cracher l’acier pour récupérer la précieuse relique, il allait falloir la jouer fine et pas faire les effrontés dans ce climat de guerre des gangs. Les choses risquaient de finir par s’envenimer si on n’agissait pas rapidement. On se tirera comme on est arrivé, en incognitos, c’est notre seul chance pour ainsi dire.

Je me levais de la chaise poisseuse sur laquelle j’étais juché avant de jeter un œil interrogatif du côté de Sweetsong qui semblait en tout état de cause s’être remis de sa petite crise passagère. La règle 34 du Cipher Pol stipule de ne jamais laisser aucun témoin de sa présence, le règlement était formel et pourtant je me sentais pousser une certaine bonté d’âme dans cette cahute. Par ailleurs, je ne voulais pas choquer davantage Annabella et me confondre dans le rôle du type impitoyable bien que les usages du CP9 me le recommandaient foncièrement.

« Hmmh Question de principe, on ne peut pas te laisser déambuler l’ami. M'en veux pas hein, rien de personnel. «  

Tt avant qu’il ne puisse rétorquer quoi que ce soit, je le ligotais solidement, bâillon en bouche, à la canalisation du réchaud d’angle, histoire qu’il puisse pas nous faire faux-bord. Chose faite, je l’assommais d’un coup sec sur la tempe, le long d’un séjour chez Morphée.

On déguerpit aussitôt du point de chute et de sa pestilence pour s’isoler et préparer l’opération qui devrait se dérouler le soir même. Je réussis à dégoter un trois-quarts opaque pour Sweetsong de manière à ce qu’on agisse en toute discrétion et éviter tout recoupement avec ceux qui pouvaient hypothétiquement la cataloguer comme «  la gamine du talon d’or ». Question de principe, on est procédurier au Cipher Pol, c’est la secrétaire qui nous serre le thé et nous apporte les petits gâteaux et personne d’autre.

Le crépuscule venue, on se dirige vers la maison de Dieu ou plutôt comme on l’appelait ici bas «  Notre-Dame du crime » la bien nommée. L’édifice en pierre de taille, merveille architecturale, brille de mille feux et illumine la nuit de sa douce lumière, les vitraux reluisent d’un vert opalin l’intérieur. Sur le parvis, quelques présumés fidèles qui n’ont rien des grenouilles de bénitier qu’on a l’habitude de croiser à l’endroit, des mecs sapés comme des princes parés dans de la fringue de haute volée, de la joaillerie à vous en faire péter la rétine tant ca clinque, pas de coupes ajustés comme chez les péquenauds, on se vêtit de manière ample et confortable, les conventions font foi et les padre sont maîtres. La messe se termine et la procession de truands et autres malfrats de la pègre s’essaime progressivement. Le prêtre accorde le pardon aux derniers du lot et finit par retourner dans son sanctuaire. Il s’apprête à bientôt clore les portes de l’église.

Il est l’heure de passer la bâtisse au peigne fin. Nous pénétrons dans la bâtisse silencieusement, comme l’exige la tradition. Pas de prêtre, ni même de quelconques personnes dans l’enceinte, pourtant une atmosphère pesante se fait sentir. On se sent épié, scrupuleusement scruté par un ou plusieurs types, effet big brother garanti. On finit bien assez tôt par se rendre compte des visio den den disposés çà et là dans tout le bâtiment,  instincts précautionneux du Cipher Pol obligent. On se sépare brièvement pour passer au crible, Annabella  à droite, moi à gauche. Je suis stupéfait d’être témoin d’une telle ostentation de richesses, des ex voto richement décorés, aux chandeliers serties de pierres précieuses, aux colonnades de grès sculptés de personnages. Tout était fait pour vous en mettre plein les dents et ca ne m’étonnait guère. Tous ces misérables avaient beau avoir choisi le crime organisé comme mode de vie, ils restaient étrangement des types pieux qui respectaient non pas l’ordre établi mais leur propre hiérarchie. Pêcheurs, ils l’étaient, ils avaient tous fais les 400 coups et le referaient si c’était à choisir, ils étaient coupables et cherchaient par leurs riches attentions à se racheter le pardon du seigneur. Un graissage de pâte en règle en somme.

Nous poursuivions l’inspection jusqu’à arriver à l’autel central à partir duquel le prêtre déclamaient ses sermons et au moment même où nous nous apprêtions à ouvrir le dit autel. Le prêtre fit son apparition dans l’une des chapelles de la nef.

« Mais qu’est ce que…Qu’est ce que vous faites la ? La messe est pourtant terminée. «
« Eh bien, mon père, c’est que je dois me confesser ! J’ai commis tant d’atrocités mon père que je n’en dors plus la nuit. Veuillez prendre le temps de m’écouter s’il vous plaît «
« Non, c’est impossible puisque je vous dis que… »
« Mon père s’il vous plait ! »
« Bien, bien, bon mais rapidement. C’est que j’ai une oraison funèbre à préparer, moi «

Je devais laisser le soin à Sweetsong de poursuivre l’enquête, le temps que je me charge de gagner un temps précieux avec le prêtre.
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Et bien. On dirait que la providence veut que je sois à même de mener l'enquête seule pour le moment. Pour la première fois, ça me fait un peu chier de redevoir bosser en solo, surtout que l'endroit me fout grave la pétoche. En fait, c'est même qu'après avoir passé la soirée avec Kaito, j'ai fini par l'apprécier le petit vieux, il est cool ouep. Tout repose donc sur mes épaules à présent, héhé. Bah, j'imagine bien que mon compère arrivera à se libérer assez tôt de l'emprise religieuse et paternaliste du vieux prêtre en robe immaculée pour venir me rejoindre dans les fondations du bâtiment. Mais pour l'instant, le problème est tout autre, ce qui m'impose un certain moment de réflexion.

En effet, l'endroit est gigantesque. Déjà que de l'extérieur, cette formidable bâtisse qui empruntait son style tantôt au roman, tantôt au gothique, envoyait plutôt du pâté, et bien de l'intérieur c'était un véritable labyrinthe aux murs décorés de vitraux et éclairés de flambeaux. La porte d'entrée en elle-même m'avait surprise : qui sait quel géant devait l'emprunter cent ans plus tôt pour qu'elle soit aussi grande, et que ce ne soit qu'un minuscule pan de celle-ci qui s'ouvre lorsqu'un être humain vient à désirer la traverser. D'ailleurs, une fois le seuil passé, une seconde impression de gigantisme s'incarnait dans l'infini enchaînement de bancs en bois de chêne grossier qui défilaient des deux côtés de l'allée principale et sur lesquels les pieux invités venaient délicatement poser leurs chastes fessiers. Du coup on avait fait de même, et au bout de cinq minutes devant le prêcher du père j'avais déjà paresseusement rejoint le monde des songes, jusqu'à ce que je sois réveillée par mon compagnon, qui me fit signe de traverser la nef jusqu'au tabernacle du vieux monsieur. Abandonnée suite au besoin hypothétique de se faire confesser de Kaitô, je regardais les somptueuses parois de l'édifice, plongée dans une intense perplexité, les paupières semi-closes.

***
Tout autour de moi se trouvaient des dizaines de portes de toutes tailles comme de toutes les teintes, allant du marron foncé au blanc éclatant en passant par un gris sombre. Certaines menaient sûrement sur des escaliers qui montaient dans l'incommensurable hauteur des nombreuses tours de cette cathédrale, alors que d'autres descendaient dans les profondeurs abyssales des cryptes de l'établissement. Devant ce choix cornélien, je me tâte à poursuivre vers l'une des sorties. Par une certaine logique, je me dis que l'accès le plus atteint par les ouvrages du temps est possiblement celui qui mène sur l'endroit le plus susceptible de répondre à mes attentes. Ah, trouvé ! Impossible de manquer cette antiquité facilement reconnaissable à ses gonds rouillés et à sa peinture qui - même de loin - semble s'écailler rien que lorsqu'on la touche. Je me glisse furtivement jusqu'à elle, tire sur le lourd anneau en bronze tout en la faisant pivoter lentement. C'est fermé, merde. J'agite ma main droite dans l'une des trop nombreuses poches que l'on peut trouver cousues à l'intérieur comme à l'extérieur de mon manteau - honnêtement je sais pas pourquoi il y en a autant - et en ressors une barrette à cheveux violette. Satisfaite de ma trouvaille, je commence alors à trifouiller avec moult maladresse dans le trou de la serrure bouffée de rouille juxtaposant la poignée mentionnée auparavant.

Clac.

Ah ah ! Un profond sentiment de satisfaction me submerge, je célèbre déjà ma victoire en affichant un sourire stupide. Je pèse sur la poignée, ça bouge, mais ça grince un peu. Alors doucement je pousse jusqu'à avoir libéré assez d'espace pour entrer, et derechef, je referme sur mon passage.

***
- Fait noir comme dans un cul ici.
A ces douces paroles, je me mets à chercher mon briquet dans l'une de mes poches - un fantastique zippo avec le yin-yang gravé dessus - le trouve et l'allume tant bien que mal. Après deux ou trois essais infructueux, la mèche probablement trop humide finit enfin par prendre feu. A mon grand réconfort, je remarque que je me trouve effectivement au sommet d'un escalier qui est, fort heureusement, descendant. Non loin, une torche éteinte git dans son encoche brunie par les nombreux dépôts. A côté, un petit bassin d'huile solidement fixé au mur permet d'imprégner un matériau textile avec le combustible. En revanche, je note rapidement que le tissu lui, n'est pas fourni. Je regarde à nouveau dans mon trois-quart, espérant qu'il me sauvera encore cette fois. Arf, rien pour ce coup-là. Tant pis, je vais devoir faire avec les moyens du bord.

J'éteins le briquet, le range dans ma poche ; et dans le noir je déboutonne à vitesse grand v ma veste et me débarrasse tout aussi prestement de mon débardeur Pandaman que je déchire - non sans ressentir une grande peine - en une longue bande de tissu noir. Je claque des dents involontairement, étonnamment surprise par la fraicheur de l'endroit et du coup je m'empresse sur le champs de camoufler la légèreté de mon soutien-gorge. Et là, c'est le drame. Car merde, j'ai dû perdre un bouton dans la précipitation et c'est impossible de le retrouver ! Je souris vertement à la malchance qui me tanne, et choisis de continuer avec le manteau ouvert, sacrifiant la tendresse et le confort de la chaleur de mes vêtements par deux fois. Alors, toujours dans l'obscurité la plus complète, j'enroule mon lambeau de tee-shirt autour de la torche et fais tant bien que mal un nœud grossier en espérant que ça tienne. Je trempe le tout dans l'huile, ressors mon briquet, et mets le feu au mélange.

- Fwoush ! Héhé

Et oui, même avec l'âge que j'ai, j'aime toujours faire des onomatopées avec ma bouche, comme les gosses. Une douce lueur orangée baigne les lieux. Je me rends alors compte de mon bonheur : le feu de la paléolithique lanterne réchauffe l'air ambiant. Soulagée mais toujours trop frileuse, je fais tout de même attention à ne pas me cramer les seuls vêtements qu'il me reste. Bon, c'est pas tout mais il serait temps de descendre.

***
Spoiler:

Je demeure surprise par le caractère vaste et somptueux de l'endroit. J'ai enfin atteint une sorte de crypte, et c'est même pas le dernier palier. Pouvant sentir l'humidité et palper la noirceur qui règnent au détour des marches descendantes, je fais facilement une croix sur la curiosité qui me ronge de savoir ce qu'il peut bien y avoir là-dessous. Je poursuis donc ma route à travers un petit vestibule qui précède apparemment une large salle dont je perçois déjà la lumière blafarde des torches qui l'illuminent. J'y entre d'ailleurs sans vraiment faire attention à où je mets les pieds, ni à la présence de potentiels membre de la mafia. Ouep, comme je l'avais deviné, l'espace est très faiblement éclairé par les gigantesques torches qui s'alignent long des murs, mais c'est bien assez pour qu'une borgne comme moi puisse discerner les menus détails de l'endroit.

Notablement plus bas de plafond que l'intérieur de l'église, la crypte offre tout de même un spectacle aussi fantastique qu'ahurissant. Je me sens pliée sous piliers en granit aussi hauts que larges qui supportent les puissantes arches taillées à même le roc. Le sol impeccablement dallé de marbre brun s'accorde avec l'élégance des murs décorés de fresques et je me surprends même à admirer les gravures et les mosaïques présentes à chaque endroit où l’œil peut se poser. Mais le plus incroyable ici n'est pas l'architecture, mais la présence d'éléments riches et somptueux : objets en or ou en argent, liasses de billets, porcelaine et cristaux en tout genres... tout ce qui peut avoir de la valeur marchande recouvre le sol ! Rendue ivre par un tel spectacle, je traverse finalement la pièce tant bien que mal, essayant de ne pas occasionner trop de chocs avec les éléments métalliques sur mon chemin. J'arrive finalement sans encombres à l'autre bout, et traverse un espace plus étroit entre deux piliers caractérisant le seuil menant vers une seconde salle.

La beauté de cette nouvelle cave me laisse définitivement coi. De ce fait, je l'identifie directement comme la pièce principale des souterrains. Quasiment semblable à la première salle, la principale différence réside dans la présence de canalisations plus ou moins larges creusant et sillonnant le sol dans tous les sens possibles avant de s'enfoncer dans les anfractuosités naturelles des murs. En revanche, il n'y a pas d'objets de valeur ici et l'endroit est aussi nettement moins bien illuminé. Satisfaite de mes découvertes jusque là, je choisis de poursuivre en prenant une sortie au hasard, débouchant sur un couloir. Plus j'avance et plus ma curiosité se fait violence. Je ne prête quasiment plus attention au fait que cet endroit est totalement labyrinthique. Au final, j'arrive dans un endroit beaucoup moins somptueux, où les murs en plâtre ont laissé place à la terre, où seule la lumière de ma torche m'aide encore à voir ce qu'il se cache dans les cavités au creux des murs. Des crânes, ce sont des crânes et des os ! Un sentiment malsain me ronge les sangs. J'ai plus que l'impression d'avoir mis les pieds dans un endroit maudit ! Les morts semblent rire de moi. Je crie spontanément :

- AAAAAAAAAAAAAH ! KAITÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔ !!

J'ai trouvé les catacombes.



Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 31 Mar 2014 - 19:50, édité 1 fois
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« Mon père, j’ai pêché… »
« Je vous écoute, allons bon. Dites moi donc vos pêchés que je puisse vous accorder le pardon de Dieu »
« J’ai mené une vie très dissolue mon père, où plaisirs et hédonisme accaparaient toute mon attention. Je regrette tellement cette vie de débauche et à l’approche de la faucheuse, je souhaite recevoir l’absolution. »

Ce prêtre ci, n’avait que faire de la confession, de la pénitence et du repenti de ses fidèles. Il n’y accordait d’intérêt uniquement parce qu’il en incombait à son éminente fonction. Son timbre de voix, son débit de parole tout comme son élocution ne témoignaient d’aucune attention manifeste aux propos que j’étais amené à lui révéler. Je subodorais bien évidemment que le secret de la confession soit levé et que dans le confessionnal taillé en bois de sapin figure quelque enregistro den den pour prendre acte des allégations sensibles qui avaient le malheur de tomber dans des oreilles intéressés. Bien évidement, je présumais que les écoutes s’ensuivaient de pressions, et de chantages effrénés auprès des principaux pêcheurs, lesquels versaient des pots-de-vin de manière à ce qu'ils ne perdent pas la face et voient leurs noms bafoués. Pas étonnant que le clergé de la contrée soit foutrement nanti, il devait se faire arroser par un paquet de types qui devaient immanquablement cracher au bassinet leur vie durant pour repentir leurs fautes. Étrangement, l’expression populaire qui veuille que l’habit ne fasse pas le moine trouvait en moi et à l’aune de la situation présente un écho certain. A travers les interstices du panneau décoré, je l’observais tout en lui narrant un paquet d’histoires rocambolesques, tantôt véritables, tantôt d’odieux mensonges de manière à le maintenir occupé avec moi jusqu’à ce que l’impatience lui fasse défaut.

Le prêtre m’interrogea grossièrement sur ma vie privée, comme les usages le recommandaient, puis s’ensuivit la confession des dits pêchés : l’adultère d’abord parce que c’est le plus récurent, la cupidité ensuite puisqu’il est partout, puis l’orgueil. Je profitais de l’occasion pour lui poser à mon tour des questions d’ordre personnel bien que le parloir religieux n’ait été institué dans cette finalité. On inversait les rôles, c’était dorénavant à moi de sonder l’ami. L’homme manifesta son mécontentement, le plaçant délibérément dans un profond embarras. Il n’était pas du tout serein, s’interrompant dans ses déclarations pour choisir ses mots et restait en tout état de compte particulièrement évasif. Bientôt, il m’accorda le pardon et tandis qu’on s’apprêtait à sortir tous deux du confessionnal, une voix difforme émergea, des tréfonds de l’auguste maison de dieu comme si le seigneur lui-même semblait avoir manifesté sa présence. L’envergure de l’Eglise et sa construction semi traditionnelle étaient telles qu’un son aussi intense et clair soit t’il était automatiquement déformé par un écho omniprésent et une acoustique déplorable.

Le son semblait venir tout droit d’en dessous. A l’écoute du dit son, le prêtre sembla angoissé, fiévreux et ne put s’empêcher d’extérioriser son anxiété manifeste. Le panneau du confessionnal s’abaissa dans un bruit sourd tel la guillotine sur la nuque du condamné, il s’ensuivit un grincement strident consécutif à ce que je présumais être l’ouverture d’une porte dérobé.

« Mon père…êtes vous là ? »

Dans l’expectative, je sortais du réduit et pénétrais du côté de l’abbé. Le prêtre s’était éclipsé par son astucieux stratagème et m’avait laissé bonne poire. J’inspectais la cabine, palpant tous les renfoncements dans le bois et de la cloison creuse jusqu’à ce que je finisse par lever la chandelier, actionnant de facto l’ingénieux mécanisme et révélant le boyau étroit qui menait en contrebas. M’aventurant dans l’exigu passage, je poursuivis ma route jusqu’à mon irruption une antichambre ténébreuse où des colonnades surmontés de gargouilles lançaient aux visiteurs inopinés leurs regards inquisiteurs. Plus loin, des mouvements de portes se faisaient entendre, témoignant d’un tumulte inaccoutumé dans la bâtisse. Un second sas puis mon passage à travers une énième ouverture me fit déboucher sur un mortuaire où les ténèbres régnaient presque en maître. Les chandeliers éclairaient laborieusement le souterrain, témoignant de la venue d’un personnage en ces lieux obscurs. Je prenais lentement conscience que j’avais atteint le mortuaire ou du moins la crypte délaissé. Les squelettes décharnés, dépouillé de toute forme de chair, étaient légions, ravissant les rongeurs et autres joyeusetés du registre animal. J’aperçus bientôt le visage du Papillon, éclairé fébrilement par une torche de fortune.

« Hmmmh… Sweetsong, où t’ont donc mené tes investigations ? T’as déniché une piste au moins ? De mon côté, le prêtre m’a fait faux-bond et j’ai fini par me retrouver ici bas. Plutôt cocasse comme atmosphère n’est-ce pas ? Sinon plutôt classe, je dois dire, ta lingerie fine. Hmmh »

Elle me narra son petit périple dans l’église et la façon dont elle avait débouché dans le dit endroit. Bref, rien de nouveau sous le soleil. Nous poursuivîmes bientôt l’investigation et finirent par parvenir dans l’ossuaire. La pièce lugubre au possible faisait froide dans le dos, au fond de la pièce, un cercueil de marbre surmonté d’une stèle trônait. Un charnier de restes humains en tous genres enveloppait le cercueil, comme si ceux-ci avaient pour volonté au-delà du trépas de protéger celui qui se terrait dans le caveau. Le prêtre fit bientôt son apparition dans l’ombre de l’un des piliers sous-tendant la catacombe, croix doré en main.

« Maudits hérétiques ! Pilleurs de tombes ! Vous êtes venus pour lui, n’est-ce pas ? bwéhéhé, je nous vous laisserai guère approcher le tombeau de notre Saint ! A moi, mes fidèles !«

Tout un tas d’énergumènes encapuchonnés firent leur apparition. Le prêtre avait su rallier à sa cause un sacré lot d’adeptes endoctrinés au lait de je ne sais quel dogme occulte. Tout portait à croire que nous touchions au but et que le prêtre était de mèche avec Callagio Pepe, il nous le fallait vivant. Raisonner l’irraisonnable semblait invraisemblable, il allait falloir en venir à des moyens plus drastiques. Les adeptes frappèrent les premiers, essayant de nous embrocher de leurs longs cimeterres. Je procédais à quelque parade puis assénait des frappes directement dans le buffet de nos fiers amis. Sweetsong s’était mis aussi en mouvement et taillait dans le vif, elle ne faisait pas dans la dentelle le petite, enfin du moins pas dans la même dentelle que son sous-vêtement le laissait suggérer. Bien que les recrues du prêtre soient faibles, ils étaient animés du fanatisme religieux qui pousse l’homme dans ses retranchements, ils se mirent bientôt à plusieurs à la tâche tandis que le prêtre, à l’arrière, proférait des sermons pour encourager ses fidèles. A mon tour, je propulsais Anna en direction de tout ce beau-monde, laquelle tournoyant sur elle-même, faisait déguster les fidèles en faisant cracher l’acier de ses calibres. Les adeptes neutralisés, c’était dorénavant au tour de Monseigneur de dérouiller. Je saisissais l’intéressé par son lourd chapelet, laissant le soin à Miss Papillon d’ouvrir la pierre tombale.

« Ne m’approchez, suppôts de Satan ! «
« Ahlala, mets-la en veilleuse et vient pas me gueuler dans les oreilles. Il y a qui, la dedans ? et cette relique est aussi à l'intérieur? »
« Repentez-vous misérables ! Repentez-vous ! »

Annabella finit par ouvrir le caveau, où un linceul recouvrait un défunt. Rien ne figurait sur la dépouille. Aucune joaillerie, aucune relique ancienne, aucun objet ou élément particulier, le cadavre était parti comme mère nature nous avait mis au monde, totalement nu.

« Bwahahaha, vous arrivez trop tard, les écrits se trouvent chez Callagio Pepe. C’était sans doute l’un des endroits les mieux gardés de l’île, vous n’avez aucune chance de les récupérer ! Bwahaha »
« Une ultime prière peut-être avant de tirer votre révérence, révérend ? »
« Vous n’oseriez pas ?! Liquider un homme de foi vous condamnerait aux enfers éter…eee »

Sa trachée, enfoncée, il ne proférerait plus aucune forme de tirade ou de prédication pernicieuse. Mon âme ? Le démon nous avait d’ores et déjà, marqué de son sceau. Ma rédemption, je la gagnais en envoyant les pénitents face au très haut. Tous pêcheurs, tous coupables.
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- Qu'est-ce que tu regardes toi ? Tiens, vilain !

A ces mots j'assène un bon coup de crosse dans la nuque du fidèle. Pas tous très jeunes ni très doués pour se battre, les hommes me font plus penser à une sorte de subterfuge pour faire gagner du temps au vieux croulant gueulant derrière. Je note tout de même qu'ils sont armés de battes, de masses et d'autres objets contondants que, si on se les prend dans la tronche, on se relève pas de sitôt. Eh, qu'est-ce qu'il fait l'autre ? Je rêve, il vient de me pousser dans le tas ! J'avance, trébuchant dans la masse, bousculée et déséquilibrée. Les quatre ou cinq individus restants s'écartent, ils ne profitent pas de ma faiblesse pour m'attaquer. Grosse erreur. Je retombe sur mes pattes, relève la tête et tire à tout va, pivotant d'un coup sec sur moi-même à trois reprises.

BAM ! BAM ! BAKAM !!

Trois coups partent à chaque fois. J'fais pas toujours mouche, mais quand la balle touche, c'est un serviteur à terre. Je constate. Pour la plupart, c'est une douille vissée dans la jambe ou l'épaule qui les maintient au sol et les fait chialer, mais pour deux d'entre eux, la vie s'est brusquement arrêtée quelques instants plus tôt. Ah, Kaito n'a pas vu, mais l'un de mes projectiles est fiché dans le mur juste derrière sa tête, héhé. Les ennemis n'ont plus rien de menaçant, je m'avance jusqu'à la sépulture et pousse de toutes mes forces sur le côté de l'épais couvercle rocheux. Argh, humpf. J'ai pas assez de force dans mes bras. Je me mets face au mur et - les mains pressées sur la paroi - pousse la lourde dalle avec mon postérieur. Ah, cette fois-ci il bouge, je sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle.

La tombe est vide, pas de cadavre, pas de document. Le vieux crouton - non pas Kaito, l'autre - jubile :

- Bwahahaha, vous arrivez trop tard, les écrits se trouvent chez Callagio Pepe. C’était sans doute l’un des endroits les mieux gardés de l’île, vous n’avez aucune chance de les récupérer ! Bwahaha !

Ses beuglements suscitent mon énervement, je garde les yeux fixés sur lui tandis que mon compère s'avance vers lui à pas de loup. Bachibouzouk me fait signe :

- Défonce lui la machoire à ce vieux pédant !

Je souris et réponds à voix basse :

- Pas besoin, héhéhé...

- Une ultime prière peut-être avant de tirer votre révérence, révérend ?

Un sourire déforme mon visage. A mon tour de ricaner, sauf que je le fais en silence.

- Vous n’oseriez pas ?! Liquider un homme de foi vous condamnerait aux enfers éter…eee

Clac ! Une minute plus tard, le religieux n'est plus. J'entends des jurons provenir des disciples encore en vie, mais nul ne s'en inquiète. Le bougre d'âne, avant de clamser, nous a tout de même donné l'emplacement exact des écrits. Je refais machine arrière à travers les souterrains, suivi de Kaito. Malheureusement, il n'y a plus aucun objet de valeur qui traine dans l'espèce de salle du trésor que j'avais traversé plus tôt. Quatre à quatre on grimpe les marches nous ramenant à la surface, et on ressort rapidement de l'imposante bâtisse dans laquelle on venait de perdre un temps précieux.

***
La lune était haute dans le ciel, il devait être aux alentours de minuit. Le temps était aussi glacial qu'il avait l'habitude de l'être sur North Blue. Il s'en fallait d'un chouia pour qu'il se mette à neiger ou grêler sur nos têtes ! Nous marchions sous cette épée de Damoclès depuis déjà une vingtaine de minutes. Lasse, je me pose des questions sans réponses. Qu'allions nous faire maintenant ? Comment allions nous pénétrer dans la villa du parrain ? Je veux dire, le vieux prêtre a sûrement donné l'alerte et nous sommes désormais menacés de nous prendre une balle à n'importe quel coin de rue. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on évite les endroits trop éclairées ou trop peuplées. On évolue dans l'ombre, comme tout bon agent du Cipher Pol. Non la meilleure solution pour le moment semble d'aller directement jusqu'aux villas à l'extérieur de la ville. Mieux vaut continuer à avancer, on en est plus très loin d'ailleurs. On peut d'ores et déjà voir l'un des grands terrains illuminés au bord de la route. Un peu décontenancée, j’essaye de gratter quelques informations supplémentaires sur le document qu'on doit trouver auprès de Kaito. Sans succès.

Soudain, quelque chose m'empoigne au bras et, quasiment au même moment, une main gantée de cuir me bâillonne la bouche. J'essaye de crier mais rencontre la barrière de doigts de l'individu qui me tient fermement contre lui. Mon camarade ne remarque pas que deux autres comparses se dirigent sur lui. Et merde, je ne peux pas nous laisser nous faire tous deux emprisonner ! J'ouvre la bouche le plus grand que je peux et mords les doigts de mon ravisseur jusqu'à ce que je sente le sang qui coule dans ma bouche. L'homme pousse un hurlement de douleur, Kaitô se retourne, il note la présence des deux individus en noir. Je profite de l'inattention de mon adversaire et prends une grande bouffée d'air avant de crier :

- COUUUURRRS ! Ahmpfh...

Une chiffon s'enfonce dans ma gorge, impossible d'en dire plus. Avec soulagement, je vois Kaitô prendre ses jambes à son cou, poursuivi par les deux silhouettes chapeautées. Mais mon répit est de courte durée, car quelque chose vient frapper la base de mon crâne. J'ai à peine le temps de sentir un liquide chaud - mon sang probablement - couler abondamment au niveau de mon oreille gauche que ma vue se trouble et que je tombe dans un sommeil sans rêve. La dernière chose que j'entends c'est une voix de femme dire :

- Charogne du gouvernement.



Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 31 Mar 2014 - 19:53, édité 1 fois
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Je me serais bien passé de cette cavale à l’orée de la pleine lune. Derrière moi, Mademoiselle Papillon avait à faire avec ses ravisseurs et bien qu’elle semblait tenter vainement de s’en débarrasser, je subodorais l’idée qu’il s’agissait d’un plan élaboré par ses soins pour prendre Callagio Pepe au dépourvu. Les deux gusses sont sur mes talons et tandis que je m’engouffre dans les ruelles, Annabella disparaît dans les ténèbres de minuit. Je poursuis ma course effrénée en prenant soin de renverser quelques obstacles dans mon sillon, histoire d’en faire profiter les sieurs qui me collent aux basques. Leurs calibres dégueulaient leurs bastos  dans toute l’artère sinueuse, j’attendis le prochain angle pour les prendre de court. Je fis glisser mon bras le long du canon puis par une véloce manœuvre de rotation vint lui claquer la crosse directement dans les gencives pour un effet détonant. Profitant de l’habile manœuvre, je profitais de l’effet de surprise pour tirer une balle au plus profond de l’épaule du second en vue d’éviter tout tir impromptu de sa part. Je collais une trempe au premier énergumène et l’envoyait rejoindre Morphée d’une frappe sèche sur la nuque.

M’emparant du borsalino typique en feutre d’oie de ce type de lascars, je m’approche de l’énergumène restant et plaque précautionneusement mon talon sur la plaie ensanglantée où une gerbe d’hémoglobine menace de poindre instantanément de la cavité. Le lascar n’a pas pour autant ravaler sa fierté, il esquisse des traits confiants et un sourire narquois qui, outre le fait qu’il me rappelle toute la vermine qui rampe ici bas, me donnerait presque envie de le renvoyer en paquet de douze chez la Mama et ses bambinos.

« Hmmmmh La demeure de ton maître ? «
« Comme si j’allais te le relever, sombre idiot héhé «  rétorqua t’il avec suffisance »
« Charognards du gouvernement »

Une main féline s’apposa sur mon épaule puis des ongles manucurés vinrent me perforer le muscle. Le temps de jeter un œil au dessus de l’omoplate, une barre à mine vint heurter dans un bruit sourd le caisson, ne me laissait autre alternative que celle de tomber dans les vapes. Maladresse de bleu, boulette de novice, une bévue que seul un des lascars du CP8 aurait pu commettre… je suis bien plus rouillé que je ne l’appréhendais.

« Debout ! Charognard ! «

Des seaux d’eau glacé me sont balancés sur le coin de la trogne. Je m’éveille en sursaut et prend rapidement conscience de mon état du moment. Des liens d’acier entravent mes poignets et mes mollets, un couvre théière attaché fermement sur la caboche, où l’oxygène contenu finirait d’ici quelques heures par manquer. Assujetti à la bonne volonté de mes geôliers, je demeurais captif mais taciturne, attendant l’erreur de trop qui finirait tôt ou tard par pointer.

A travers les mailles du couvre théière, j’aperçois une lumière diaphane, assez forte pour que je ne puisse la scruter pendant des minutes durant. Je n’entrevois pas la silhouette plantureuse de mon illustre partenaire, ils ont doivent la garder dans une autre endroit et je subodore, dans les mêmes conditions de détention.

« Le prêtre Ernest Dufourretout était l’un de nos protégés. Un bienfaiteur qui servait la cause de Pepe depuis des lustres. Tu te doutes bien qu’on ne va pas laisser un tel affront impuni… moi c’est Frankie, l’ami, et je m’en vais t’enseigner les bonnes manières ? «

Je maugréais quelques insultes dans ma moustache à l’encontre du dit Frankie qui, je le présumais, allait me refaire le portrait. Alors que Frank se payait une bonne tranche de bastonnade comme il aimait s’empiffrer des spaghettis de la Mama, qui les préparaient aux fourneaux toute la journée durant. De la chique et du mollard, il aimait que ses poings s’entrechoquent sur l’ossature, entendre l’os se craqueler, se fissurer par endroit, il en trépignait et donnait du cœur à l’ouvrage. Douce mélodie,  Frankie devait bien faire dans les 5 pieds de hauteurs, taillé comme un pilier de bar et des poignes aussi solides et volumineuses que des boules de pétanques. Il ne faisait pas dans la dentelle mais je ne lui lâchais rien jusqu’à retenir le filet d’hémoglobine dans la bouche, ne voulant lui accorder ce genre de petits plaisirs mesquin. Dans sa transe vengeresse en l’honneur de Ernest Dufourretout, notre ami commun alla même jusqu’à me retirer le couvre-chef de la tronche, me dévoilant l’identité supposé de celui qui se targuait d’être mon bourreau.

« Et si on t’enlevait un doigt ? J’ai un petit faible pour le majeur je dois dire. A moins que..mais oui c’est ca ! On va aussi t’enlever l’œil pour que t’aies un air de famille avec ta tendre et sulfureuse amie héhé «
Saisissant un surin dans la doublure de sa veste, il la rapprocha progressivement de ma rétine en la faisant onduler sinueusement, délectant ce plaisir de tous les instants. Coup de crâne dans les molaires, le lascar tombe à la renverse, laissant échapper le surin au sol. Je soulève dans un effort certain le poids du siège tout en gardant les membres liés et vient plaquer les pieds d’acier de parts et d’autres de la nuque de ce bon vieux Frankie. Pris au piège comme la vieille lotte qu’il était, il n’est plus à même de bouger la trombine.  

« Charognards de truands »

Par un mouvement de balancier, je finis par récupérer du bout des lèvres, la lame et m’évertue à cisailler les liens qui m’entravent. Le premier d’abord puis le second. Frankie se figure pendant un instant d’appeler la cavalerie, je ne lui concèderai pas non plus ce plaisir, ma semelle vient lui vint défoncer ce qui lui restes de gencives. Il s’avise avec ardeur, tente frénétiquement de balbutier quelque parole mais rien de cohérent ne sort de sa trachée, du moins rien de suffisamment audible pour alerter les loubards qui doivent rôder. Je me substitue aux derniers liens qui retiennent mes panards et finit par mettre K.O le bon Frank.

Je m’éclipse de la pièce et débouche dans une alcôve nauséabonde. J’entrouvre la seconde porte pour m’enquérir de ce qui y figure derrière. Une somptueux hall en cathédrale, lumineux comme pas un, se profile devant mon œil ébahi. Au plafond, des lustres de cristal d’époque trônent, magnifiques, magistraux, et illuminent d’une lueur harmonieuse un lieu caricatural. Sur les pans de mur, un papier peint carmin où figurent des portraits de ce que je pressens être les ancêtres de Callagio Pepe. Des mise en scènes authentiques où les don et autres padre posent et se mettent en scène pour la toile.
Un brouhaha au fond de la pièce adjacente attire mon attention. Je sors sur la pointe des pieds de ma cachette de fortune pour aller épier, l’oreille tendu, ce qui se dit dans la pièce annexe. Je glisse un œil et découvre une immense table de banquet dressé pour l’occasion où une bonne vingtaine de convives sont attablés et écoute l’homme du bout du table, le seul qui se permet d’avoir les coudées franches sur la tablée.


Incognitos  Sdsds10

Smoking noir, taillé aux proportions du corpulent bonhomme, rose rouge au bouton, noeud papillon, la boule à zéro presque lustré où on arriverait sans peine à apercevoir son reflet. A ses côtés, une femme magnifique, le teint mat, les ongles manucurées, de longs cheveux mi-longs bouclés, une silhouette presque angélique... sans doute celle qui s'est occupé de mon cas. Aucun doute possible, ce type là était le chef de famille et tout portait à croire, du moins au silence qui régnait parmi l’assemblée, qu’il allait débuter son speech inaugurale :

« Mes amis, mes frères, c’est une véritable joie de vous avoir comme hôtes ce soir. Aujourd’hui est un grand jour, un jour à marquer d’une pierre blanche, un jour mémorable où le nom de Callagio va s’inscrire dans les livres d’histoires et dans l’inconscient collectif de toutes les âmes qui vivent ici bàs. Mes frères, réjouissez vous donc, buvez et mangez comme jamais car après moult recherches, nous l’avons finalement perçu au jour."

Le don plonge sa paluche, sertie de 24 carats, dans son veston avant d’en sortir un parchemin entouré d’un fil rouge, surmonté du cachet du gouvernement mondial. Il saisit un coupe-papier et décachette scrupuleusement le document.

« Permettez moi donc vous lire ce parchemin, retrouvé dans la crypte de Notre dame du crime la bien nommé. Ahem. «


Il s’arrêta un instant pour prendre une grande inspiration, comme l’instant précieux l’y incombait.

« Moi, Henry Farnidand, admet, en ma qualité de représentant du gouvernement mondial sur le territoire de Manshon, avoir à titre onéreux procéder à des transactions portant sur la traite et la vente d’esclaves au profit des 7 familles de Manshon et je reconnais ainsi… »

Les vitres gigantesques de la salle de banquet s’éclatèrent bientôt dans un fracas assourdissant, projetant les éclats sur les invités du Don. Tout un lot de lascars s’engouffra aussitôt à travers les ouvertures, fusils en main. De l’autre côté, les invités, dont les membres les plus éminents et les plus proches du don, avaient déjà sorti leurs calibres, élément indéfectible de la panoplie de truand de leurs beaux ensembles haut en couleurs. Les deux camps se menaçaient de part en part, paré à l’éventualité du bain de sang qu’ils auraient à occasionner si la chose venait à s’envenimer. Ici, il n’y avait guère de coup de semonce, de balles à blanc ou des menaces en l’air, ici, on tirait pour tuer salement et répandre l’hémoglobine infectieuse d’une des deux familles. Le don avait eu le temps de remettre à l’un de ses sbires le précieux parchemin, lequel avait foncé à l’étage pour le mettre sans doute en lieu sûr.
Un homme s’enfonça dans la pièce, cigare rougeoyant au bord des lèvres, l’air serein, les chicots reluisants d’une blancheur à toute épreuve, une paire de lunette à verres fumées sur le coin du nez.

« eh bien ! eh bien ! Callagio Pepe, tu fais une petite sauterie privée et t’invites pas les amis ? C’est que le succès t’est monté à la tête mon gros lourdaud »

La tension est palpable, les hommes de Callagio n’aiment guère ce genre de ton insidieux et foutrement impétueux envers leur boss, ils savent que l’honneur mais avant tout le respect font partie du code implicite des grands de la pègre. Ils sentent l’honneur de leur boss bafoué et rares sont ceux qui ne veulent appuyer sur la détente, faire parler la poudre et déclencher les hostilités.

« Angelo di Matrioni, espèce de petite frappe. Tu oses venir, chez moi, menacer mes enfants et ma famille et oser te figurer que je vais te laisser repartir, sans le moindre bout de ferraille logé dans ta carcasse infecte. Ma que, tou es encore plous sot que je l’imaginais, pardi «
« Remets-moi le parchemin Callagio ou il risque de t’en cuire. J’ai un sacré paquet de types qui m’attendent dehors et je ne crois pas avoir besoin de te rappeler que Tempiesta n’aime pas tes petites affaires, ca lui fait de l’ombre. Autant te dire que s’il venait à m’arriver quoi que ce soit, tu pourrais faire une croix sur tout ce que tu as bâti dans ta misérable existence «

Un long échange de regard s’ensuivit, de ceux qui dure plusieurs minutes où l’adversaire jauge son prochain, où le suspens grandit frénétiquement, où il ne fait pas bon d’avoir les moins moites, où la sueur froide apparaît le long de la tempe, où l’homme dans un illustre choix cornélien, doit prendre une décision. L’honneur ou le discrédit, la dignité ou la honte, le sang ou l’urine dans le falzar, la vie ou la mort.

Une balle part, le sang jaillit. Les hostilités commencent.
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Bam, bam, bam !

- Ah ma tête...

Je me réveille, allongée sur le sol, les bras liés dans le dos et les chevilles attachées entre elles. Enfin « me réveiller » c’est un grand mot, en fait je sors surtout d’une sorte de semi-coma douloureux. Entre le sang séché qui m’a coulé dans l’oreille, les fourmis dans mes bras et l’impression d’avoir été rouée de coups, j’ai pas vraiment le sentiment d’avoir piqué un bon petit roupillon réparateur.

Bam, bam, BOUM !

Le sol tremble, mais je fais pas de cas. Ma vue s’habitue tranquillement à l’obscurité de la pièce : il s’agit d’un petit placard d’environ cinq mètres carrés, avec des murs en béton, pas de fenêtre et une porte en bois. Il me faut encore au moins une bonne minute pour me rendre compte des bruits environnants, rappelant étrangement ceux de coups de feu. Ca semble venir d’en dessous.  Je papillote des yeux, j’ouvre la bouche, j’essaye de rétablir mes capacités motrices. Des coups de feu, ma mission, Kaitô… Ah merde ! Il est venu me sauver ! Je souris l’espace d’une seconde. Puis je me dis que, si un agent du CP9 était venu me sauver, il aurait pas provoqué un no man’s land pour le faire. En fait non, j’en sais rien pourquoi j’entends les balles fuser depuis ma cellule, mais j’me dis qu’il faut pas rester là.

Bakam, bakam, bam !

Cependant voilà, comment se détacher ? J’ai pas de supers pouvoirs, je peux pas couper mon corps en tranches pour m’enfuir ! Y’a pas d’alternative, pas de truc tranchant : la pièce est vide, le sol aussi nu que les murs. Je désespère, détends mes muscles. A quoi bon. Soudain, au beau milieu de ma contemplation des détails du sol, j’entends un petit bruit venant de derrière moi, un truc quasiment indistinct, qui serait passé inaperçu si y’avait pas eu un blanc entre deux rafales de tirs.

Kiii, kiii, kiiiii !

- Hein ?

Kiiii, kiiiiiiiiiiiii !

Oh merde, c'est sûrement un rat, j'aime pas les rats. Les rats, ça te becte les fesses pendant que tu dors et ça te refile des maladies. Je suis perdue. Mes muscles se tendent, se nouent. J'entends les petites pattes de la bestiole cliqueter sur le sol pendant qu’elle s’avance vers moi. Tout ça va beaucoup trop vite, j’arrive pas à me résigner à mourir de cette façon. Argh, je sens ses minuscules griffes se poser sur mes doigts. Hein, quoi ? Les liens se desserrent, mes mains sont libres à nouveau. Muette d’étonnement, je me redresse sur mon séant. C’était pas un rat, mais un écureuil. J’arrive pas à le croire, il est tout habillé et tient dans sa main un petit couteau. Sa fourrure rousse est magnifiquement lustrée et sa queue en panache semble aussi douce et étoffée que de la soie. C’est trop mignon. Il me regarde fixement avec ses deux grandes prunelles noirs, je sais pas ce qu’il attend. Je m’empresse de défaire les cordages au niveau de mes pieds. Et puis voilà que j’entends une voix dans ma tête, pas celle de Bachibouzouk non, une autre, une que je connais pas.

- Hola, gente dame, je suis Ballisto O. Noisettes ! Je suis venu vous délivrer !

La bestiole ne bouge pas d’un poil, tout en continuant à me fixer. Elle a même un petit arc dans le dos avec un tout petit carquois et des cure-dents à l’intérieur. Je suis fascinée tout autant que dubitative. Je me dis que c’est une blague, que c’est à cause du coup sur la tête, mais j’ai comme l’impression que c’est elle qui me parle. L’écureuil pivote légèrement sa tête. Ca recommence à parler dans mon crâne.

- Est-ce que vous me comprenez au moins ? Eyh, nous ne devrions pas rester ici ! Les méchants peuvent revenir d’un moment à l’autre !

- Est-ce que c’est toi qui me parles ? Demandé-je en me penchant vers le petit animal, dévoilant accidentellement mon soutien-gorge sous mon manteau.

- Bien sûr que… Oh mon dieu les beaux nénés que voilà ! Ahem oui, c’est bien moi, Ballisto O. Noisettes, le super-héros qui pourfend les méchant et sauve les demoiselles en détresse. Oh oh ! Allez partons ! Annonce la voix pendant que le machin me grimpe dessus et se love entre mes Fifi et Loulou.

Moi de mon côté j’arrive pas à y croire. Je retombe en enfance, moi qui ai toujours rêvé d’avoir un animal domestique doté de la parole. J’en oublie même la présence de Balisto auprès de mes poumons, ce dernier n’y fait pas de cas non plus. Sa fourrure est toute douce sur ma peau et me tient chaud. Je referme mon manteau du mieux que je peux, comme si j’essayais de camoufler un trésor royal. J’exulte :

- Oh mon dieu c’est le rêve de ma vie ! J’ai trouvé un animal qui parle, comme l’illustre Tony Tony Chopper des Mugiwara ! C’est incroyable !!

- Évidemment, je suis un héros. Bon allez partons gente demoiselle.

***
C’est un véritable capharnaüm au rez-de chaussée. Dans le grand hall, des dizaines de corps gisent à terre morts ou blessés, et il en reste encore pour se tirer dessus. J’avais vite fait remballé mes armes qui étaient sur un guéridon en sortant de la pièce - sachant que celle-ci n’avait même pas été fermée à clé. A croire que mes geôliers étaient partis dans la précipitation en entendant les premiers coups de feu. Je me penche au dessus de la rambarde délimitant le vide, donnant une vue complète sur la pièce centrale et tente de trouver mon camarade. Les balles sifflent dans tous les sens, du coup j’prête quand même attention à ne pas m’en prendre une par inadvertance.

Après une bonne minute à épier le méli-mélo de combattants, je remarque la silhouette moustachue de l’agent du CP9. Ce dernier est au milieu de la bataille. Il me voit à son tour, pointe du doigt un homme montant à grandes enjambées les marches de l’escalier menant aux étages, c'est-à-dire dans ma direction. Je ne comprends pas bien ce qu’il veut, fin c’est un peu flou quoi. Mon regard passe du mafieux à Kaitô et de Kaîto au mafieux. Soudain, je la vois, dans sa poche, la fragile lettre de papier froissé. Rien de plus facile, il vient vers moi mais ne m’a pas vu, trop concentré dans sa course. Je me glisse en catimini jusqu’au sommet de l’escalier et le prends par surprise. Il s’arrête soudainement à la vue de mon arme pointée sur sa frimousse et lève les mains. Je lui arrache la feuille de sa poche. Ses yeux sont suppliants, il a peur. Je remarque des traces de bandages sur sa main. Il me supplie :

- Pitié.

Je conserve une expression indéchiffrable.

- Si j’étais Dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes… Mais je ne suis pas Dieu et je n’ai pas de pitié.

J’appuie sur la détente et la balle part dans son genou droit. Privé de force dans cette jambe, l’homme dégringole dans les escaliers et finit par s’ouvrir le crâne sur le carrelage en bas.

- Amen.

A mon tour je descends les marches et enjambe le corps, direction la sortie à l'arrière de la villa. Je remarque que Kaitô a déjà quitté l’endroit. Je prends la porte et arrive dans l’immense jardin qui entoure la baraque. Balisto sent l’air frais et sort le bout de son museau. L’aube se pointe, j’arrive quasiment à discerner les fontaines présentes ça et là, avec leurs sculptures taillées dans le grès. Le portail est à quelques mètres, je me dépêche de l'atteindre.

***
C’est alors que j’entends un rire, un rire tonitruant, un rire de femme. Ce rire me stoppe, il ne me fait pas peur, ne me glace pas le sang. Non, ça fait trop longtemps que j’ai appris que la peur, soit on la sent, soit on l’incarne. Alors je préfère l’incarner. Je me retourne lentement pour faire face à mon adversaire. Je reconnais son timbre de voix, c’était cette femme qui m’avait kidnappée. J’admire sa beauté, celle de sa peau et de son teint mat, de ses cheveux pourpres mi-longs et de sa superbe robe noire et rouge… de sang.

- Tu aurais dû rester à l’intérieur, tu aurais eu moins de chances de mourir.

Elle continue à se moquer, et enchaine dans une voix enchanteresse :

- Vous autres, chiens du gouvernement, vous ne savez même pas pourquoi vous êtes ici. Vous pensez rétablir la justice ? Ha ! C’est pas votre justice qui doit décider de qui est criminel ou non. Tu vas voir ce qu’il en coûte de se frotter à Catarina Ginoveli.

Je pousse de l’index mon comparse écureuil dans son refuge. Bachibouzouk me parle, il n’aime pas cette femme :

- Finis-en, j’en ai marre de cet endroit.

- Nous autres ne sommes pas là pour juger de ce qui est juste ou non. Nous autres sommes là pour exécuter les ordres de ceux qui pensent de ce qui est juste ou ne l’est pas. Nous autres sommes la main du Gouvernement, nous ne réfléchissons pas, nous ne jugeons pas, nous éliminons.

Je me passe les mains dans le dos et attrape mes armes de poing. Je les fais agilement tourner autour de mes indexes et les pointe sur l’ennemi. Celui-ci a déjà commencé à se déplacer et me fonce dessus en zigzag. Elle a sorti un katana, et compte m’attaquer de front. Défiant la logique, je fonds sur elle tout en la mitraillant. Mes balles ne l’atteignent pas, comme si elle savait utiliser le Kami-E, en revanche elle ne peut pas se concentrer sur l’attaque et donc manœuvrer son arme. Je la croise, il est déjà trop tard pour elle pour utiliser son sabre. Je lui tire dans la main droite, elle lâche son épée, mais son autre poing vient rencontrer l’arcade de mon œil valide et - prise par surprise - ma main droite lâche Wallace à son tour. La dénommée Catarina crache un juron et essaye de récupérer son bien à terre du mieux qu'elle peut.

Légèrement sonnée, je tente d’éponger le sang qui me coule dans l’œil avec ma main. Mon ennemie a déjà fait passer son katana dans sa main gauche et tente de me couper en tranches.
J’évite le premier coup de justesse, ce qui me vaut une coupure au niveau du bras. Le deuxième coup en revanche, m’entame le milieu de la cuisse d’une longue balafre sanguinolente. Je pousse un mugissement et me cambre légèrement, offrant ma tête à la jeune femme. Celle-ci a déjà son arme levée au dessus du crâne, quand je reprends conscience de la situation et me roule à terre sur quatre ou cinq mètres. Elle baisse sa lame - mais trop tard - et l’enfonce dans le gazon fraichement tondu.

Je tente de me remettre sur pattes maladroitement mais échoue. Elle récupère son sabre et avance vers moi d’un pas lent, comme si elle savourait d’avance sa victoire.

- Abandonne, chienne.

Je baisse Gromit et me dis que ça serait futile de gaspiller des balles sachant qu’elle allait les éviter à nouveau. Je porte ma main au niveau de ma poitrine et en retire la bestiole prostrée et innocente, que je dépose près de moi.

- Mademoiselle ?

Je me relève tant bien que mal et marche cahin-caha jusqu’à la femme à la robe déchirée. Elle sourit. S’il fallait que ce dernier coup soit le der’ des der’, alors je préfère en être l’unique victime. La scène se passe au ralenti, comme dans un vieux film ; progressivement le pas de mon adversaire s’accélère, puis elle fond sur moi, la lame inclinée pour une estoque.

Je l’attends, mon doigt prêt à appuyer sur la gâchette. Elle est à un mètre, trente centimètres, dix centimètres, je peux sentir son haleine de rose, le parfum envoutant de ses cheveux, je peux toucher ses courbes voluptueuses. Je danse avec elle, je me décale légèrement, elle rate son pas de danse et me transperce les côtes. Plus tard. Je remets la douleur à plus tard. De ma main libre j’empoigne son bras et l’empêche de bouger, tandis que je lève mon flintlock vers son visage.

- Je… vise toujours l’œil… Dommage de gâcher… un si beau visage. Héhé.

Les yeux de Catarina s'agrandissent, une étincelle parcourt son regard. Le coup part, la balle traverse la rétine comme si c’était de l’eau, et rejaillit de l’autre côté du crâne. Le sang fuit à gros bouillons comme un geyser. La vie se retire paisiblement du corps de mon adversaire, dont l’emprise sur l’épée se relâche avant de s’effondrer sur le sol.

***
Je retire - non sans souffrance et perte de sang - le katana de mon entrecôte et boite jusqu’au portail. J’y suis presque, bientôt sortie, enfin. Mes forces me lâchent, j’ai perdu beaucoup trop de sang, même la douleur devient sourde. Je m’agenouille, et tombe sur le côté. Balisto me renifle le visage, me lèche la joue tendrement, puis grimpe sur mon torse pour se lover sur mes poumons. Décidément, je l’aime bien cette bestiole. J’ai très envie de dormir, je me dis que la chance sera peut être avec moi, encore une fois. Que je me réveillerai à nouveau. J’ai même plus mal tiens. Et si j’étais pas aussi fatiguée, je me lèverais bien. Mais je suis trop fatiguée. Le soleil se lève et baigne l’endroit d’une lumière chaleureuse. Ça me rappelle qu'au moins j’ai réussi à sortir de cette villa qui pue la mort, héhé.

Alors je m’endors, sous l’ombre de l’arbre en bord de route…


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 3 Avr 2014 - 3:21, édité 2 fois
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Le déluge de feu s’était abattu sur la propriété multicentenaires des Callagio, Pepe avait finalement fait ses choix, lourdes de conséquences cela va s’en dire, mais il conservait son honneur sauf. Matrioni et ses gusses ne se privaient guère pour dézinguer tout le mobilier de l’opulente demeure, les balles fusaient, ricochaient dans les corps criblés et haletants des convives de Don Callagio dans une cataracte d’hémoglobine et de larmes. La chose avait presque quelque chose de sentimentale, la mélodie presque harmonieuse du fer dégueulant l’extinction d’une hérédité, la rupture des liens du sang et la mort comme consécration absolue d’une vie mafieuse mené par et pour l’infamie. La possession d’un parchemin comme objet de leur querelle, le prestige que revêtait celui qui l’aurait entre ses mains avait presque une tonalité sacré, tous ces macaronis qui prenaient plaisir à faire couler le sang de leurs lignées presque consanguines où l’on épouse cousins et cousines pour perpétrer le nom et leur ascendance maudite, tout ca allait dorénavant arriver à son terme. Dans la mort, il n’y aurait plus rien qui les différenciera, plus d’oseille, de territoire, de fripe, de règlements de compte aux douze coups du soir, de malversations et de corruptions, et tout ce qui est érigé comme règles d’or dans leurs codes. Au bout du compte, tout ce ramassis de truands n’avaient de cesse que de tirer des plans sur la comète au point d’en oublier le présent véritable de sorte qu’ils n’existaient ni dans l’un ni dans l’autre de ces scénarios. Finalement, ils vécurent comme s'ils n'allaient jamais mourir et meurent comme s'ils n'avaient jamais vécus.

Tout s’était rapidement précipité depuis l’irruption des invités surprises, l’apparition de Miss Papillon en haut des marches à qui j’avais expressément fais signe de s’occuper du porteur du parchemin. La nuit de cristal version guerre des mafias risquait de s’envenimer bien assez tôt si on ne prenait pas la poudre d’escampette d’emblée. La marine allait finir par débarquer pour calmer les ardeurs de ces accrocs de la gâchette et il ne fallait en aucune façon qu’on ait à leur rendre quelque compte que ce soit. De ce fait, j’avais emboîté le pas à ma partenaire de manière à nous frayer un corridor entre le déferlement de feu et les types de Matrioni postés en embuscade derrière les haies, fontaines ou encore statues que comptaient en son sein le parc privé de Callagio Pepe.

Je devais reconnaître que Matrioni n’avait pas fait les choses à moitié, le gus avait sorti la grosse artillerie tant au niveau du nombre de lascars mobilisés qu’au niveau de leurs équipements. Je descends les quelques marches du parvis en empruntant la porte de derrière et aussitôt 2 types armés jusqu’aux dents, la ceinture de balles en bandoulière, surgissent des fourrés et essaiment sur tout ce qui bouge. Instinctivement, je me précipite sur la colonnade à quelques mètres en tentant un saut aérien audacieux mais le fer a d’ores et déjà fait son œuvre macabre en me perforant l’avant bras qui suintant abondamment. Je me vois obligé de dégainer mon colt qui, d’habitude dort sagement dans la sciure de son étui. Je finis par me crée une ouverture de l’autre côté du pilonne et élimine les 2 comparses de sang froid. L’odeur de la poudre chaude me fait frémir quelques instants avant que je ne poursuive ma route parsemé d’embûches. Notre chance réside dans le fait que le gros des troupes se situe devant la baraque du don et fait office de réserve à ceux déjà présents dans la demeure.

Je continue ma course dans l’arrière cour et dégomme sans distinction les éventuels loubards de Matrioni que je suis amené à croiser, histoire qu’ils n’aient pas la bonne idée de transmettre notre présence aux gaillards du devant. Bientôt, une voie de sortie précaire nous est offerte, c’est notre billet gagnant pour s’éclipser de cet endroit qui allait finir, aux vues des forces déployés, carbonisé par Matrioni bossant pour la solde de Tempiesta. Je scrute l’arrière pour apercevoir ma consœur aux prises avec celle que je présumais être l’épouse de Pepe. Crêpage de chignons en règle entre les deux femmes, s’ensuit une féroce échauffourée, l’une voulant cribler de ferraille son opposant, l’autre ayant la fervente volonté de lui faire un scalp à l’aide d’un katana. Je pourrais revenir sur mes pas et lui porter assistance mais je veux voir ce qu’elle a dans le ventre, ce qui figure dans ses tripes et à quel point elle est prête à suer sang et eau pour garder la main mise sur le parchemin. L’affrontement se poursuit quelques instants et se solde par une décharge salvatrice de l’agente du CP8. La balle avait traversé le cartilage, Sweetsong avait fait falloir la primauté de ses états d’âme sur ceux de sa farouche adversaire. L’épouse de Pepe n’y était pas allé de main morte avec Sweetsong, elle avait eu la main lourde et ne s’était pas privé pour lui entailler sévèrement l’abdomen. Elle maintient sa paume sur la plaie de manière à en réduire le flux incessant d’hémoglobine pointant puis se traîne péniblement au portail avant de tomber dans les vapes sous l’ombrage d’un chêne.

Elle ne m’avait manifestement pas aperçu, la douleur intense qui la tiraillait lui ayant fait perdre une part notoire de son discernement. Je m’approchais d’elle, vérifiait son pouls au poignet de manière à m’assurer qu’elle n’était pas passé de l’autre côté de la barrière puis lui tapotait légèrement les joues au cas où elle ne serait que partiellement dans le cirage. Aucun signe d’un état de conscience avéré. Je récupérais le précieux parchemin qu’elle avait glissé dans son sous-tif puis la posait de part en part sur mon épaule comme office de soutien. Mes présomptions sur son cas s’étaient finalement avérés juste, cette gamine avait quelque chose de singulier en elle, un potentiel suffisamment important pour que Novas l’accepte dans ses rangs. Je ne saurais encore dire ce dont il s’agissait, je ne pouvais résolument mettre le doigt dessus mais une chose demeure certaine, j’allais devoir garder un œil sérieux sur elle.  Je m’éclipsais bientôt de la macabre propriété, Sweetsong sur le coin de l’épaule, nous nous étions tiré d’affaire avec pertes et fracas mais l’objectif qu’ils nous incombaient avait été mené à son terme.

2H plus tard

Nous nous étions réfugiés à l’orée d’une clairière avoisinante où j’avais pris soin de panser les blessures de Miss Papillon qui, désormais dormait d’un sommeil réparateur près d’un arbre. Je m’étais isolé quelques dizaines de mètre plus loin.

Pulupulupulu

« Vous avez pu mettre la main dessus ? »
« Hmmh ca n’a pas été sans peine mais nous sommes effectivement rentré en sa possession, Monsieur. »
« Et pour l’agent Sweetsong ? Vous pensez qu’elle pourrait être viable quant à notre projet ?»
« Hmmmh il s’agit d’un élément à pas prendre à la légère mais j’ai besoin que vous me communiquiez l’intégralité de son dossier pour vous rendre un avis unanime, Monsieur. »
« Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle a des qualités irréfutables sur le terrain mais je m’intéresse à son histoire et à son moi profond hmmh. »
« Je m’efforcerai de vous transmettre les renseignements que vous sollicitez. Tâchez de revenir au Q.G sans traîner, les 7 familles vont bientôt se réveiller et il faut que vous ayez déguerpi de là à ce moment là. »

Katcha
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