Please, gimme a thrill. [Sören]

Un halo laiteux enveloppe les rues du village. Il n'y a jamais pas grand monde dehors aussi tôt le matin. Tu regardes vers l'extérieur, accoudé des deux bras sur le rebord de la fenêtre. Tu as passé une bonne partie de la nuit la tête dans les bouquins, et voilà que quelques rayons de soleil relativement pâlots venaient te rappeler que le jour était levé. Le visage posé sur le poings, tu observes, sans grande convictions. Tu étouffes un bâillement de fatigue. Non. Non, pas de fatigue. Car tu n'es pas fatigué. Les génies ne sont jamais fatigués voyons. Les gens comme toi n'ont pas besoin de sommeil. Ils ont besoin de stimulation. Tu as besoin d'occuper tes neurones. De les exciter. De les dérouiller. Les décrasser. Tu t'ennuies. Tu t'encroûtes. Et c'est typiquement le genre de choses qui te fatigue. Sortir de cet ennui harassant est un véritable défi. Et tu n'as rien ni personne qui soit capable d'accomplir cet exploit. C'est pour ça que tu détestes les vacances d'été. Parce qu'elles sont totalement dénuées d'intérêt. Tu ne peux qu'écrire. Echanger des lettres avec le bureau du Cipher Pol. Des lettres plates. Mornes. Sans aucun goût. Aucune saveur. Car tu n'as aucun contenu pour les remplir. Et ils n'ont rien d'intéressant pour toi. Surtout en ces lieux.

Tu fermes les yeux un instant. Tu ne sais pas vraiment quelle heure il est. La seule chose que tu peux affirmer, c'est que l'aube point à peine, et que tes grands parents doivent encore être en train de dormir. Tu inspires profondément. Tu te dis, dans un coin de ta tête, que tu aimerais bien pouvoir partir en mer. Que tu aimerais bien pouvoir aller voir du pays. Mais jamais on ne te laissera faire. Tu es trop frêle après tout. Trop fragile pour naviguer seul. Oui. C'est stupide. Mais tu ne peux pas te révolter, monter au créneau, hurler ton indignation et partir malgré tout ce qu'ils pourront te dire. Non. Parce que tu es le gentil petit Caleb. Alors tu n'as pas vraiment d'autres moyens que d'attendre. Si tu ne peux pas aller voir le monde, tu ne peux qu'attendre que le monde vienne à toi. Tu ne peux qu'espérer qu'un aventurier s'arrête sur l'île un jour où l'autre.

Tu soupires finalement. Tu ronges ton frein. Dans l'attente que quelque chose de spécial se passe. Qu'un événement tombe du ciel. Tu voudrais bien un peu de nouveauté. Non. Tu veux de la nouveauté. Tu en as besoin. Un besoin urgent. Pressant. Rester ainsi dans l'inaction et l'attente est une torture. Une torture vicieuse, pernicieuse, presque visqueuse, prête à t'engloutir, comme un suc corrosif prêt à te digérer. A ronger ton esprit. A consumer ton génie, le ramollissant jusqu'à le rendre difforme. En changeant ton cortex en un cerveau monstrueusement banal. Et tu ne peux pas t'y résoudre. Il te faut de l'occupation. Une stimulation cérébrale. Un truc. N'importe quoi. Mais quelque chose d'excitant. D'exaltant. De nouveau. Oui. Oui. OUI. Il te faut de la nouveauté. Immédiatement. Tu ne peux pas rester encore des semaines et des semaines sans rien pour assouvir ce besoin obscène. Tu dois occuper ton esprit. Il le faut.

Tu te lèves brutalement. Tu attrapes ton gilet, l'enfilant rapidement, alors que tu quittes les lieux. Tu ne laisses rien. Pas même un message. De toutes façons, tu ne seras pas perdu. Mais tu as besoin d'air. C'est urgent. Tu suffoques. Tu étouffes. Tu es comme coincé dans une bulle d'air vicié. Une bulle d'air toxique. Qui te brûle chaque seconde un peu plus. Tu dois te calmer. Tu dois reprendre ton calme. Tu dois faire bonne figure. Te calmer. Tu dois te calmer. Tu dois te calmer. Et tu respires. Tu fermes les yeux. Tu tentes d'oublier tout ce qui t'entoure. Tu fais quelques pas dans la rue, alors que le village se réveille petit à petit. Tu coupes à travers les ruelles que tu sais par avance désertes. Tu finis par reprendre un air normal. Moins crispé. Plus détendu. Plus naturel. Tu plaques ton gentil sourire sur tes lèvres. Tu reprends un air sympathique. Et tu te calmes, petit à petit. Mais il va falloir que tu trouves quelque chose. Quelque chose sur lequel tu pourras jeter ton attention. Sur lequel tu pourras lâcher ta curiosité. Tu es comme un affamé en recherche de nourriture. Comme un miséreux prêt à se jeter sur la première piécette qui passerait à portée... Tout, n'importe quoi aurait pu te convenir. Tu ne demandais pas grand chose. Juste un brin de nouveauté. Juste une once d'originalité. Quoi que ce soit. Tant que tu pouvais l'utiliser pour tuer cet ennemi. Pour tuer cet ennemi mortel. Pour tuer cet ennui. Cet ennui mortel.
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Tu es couché dans la paille, sur le dos, à-moitié recouvert par ton vieux manteau. Propre, tu as eu le bonheur de faire un brin de toilette à la fontaine à l'entrée du village hier. Tu viens juste de quitter une mer pour une autre, et tu bénis le ciel et la terre, dans ton sommeil de grand enfant, de t'avoir mené sur une île si accueillante.

Tu t'y sens chez toi. Les odeurs, les gens, les ragots, les fêtes sont de la teneur de ce que tu as toujours connu. Oh, tu sais que tu ne t'en satisferas pas longtemps. Tu séjournes sur Kage Berg comme d'autres vont boire un bon chocolat chez leur grand-mère avant de repartir affronter l'existence. A la différence près que pour toi, la vie a cessé d'être une lutte. Il y a eu des hauts et des bas, bien sûr, des moments forts où tu as dansé avec la mort, bravé le danger. Mais les choses te sont passées dessus sans laisser dans ta chair la moindre blessure véritable. Tu sais que le monde a son lot d'absurde, d'incohérence, tu le sens confusément. Mais tu sais aussi que chacun fait comme il le peut pour s'en sortir, sans méchanceté réelle.

Tu t'étires comme l'un des nôtres, à l'heure où le soleil commence tout juste à dessiner sa herse d'or dans la brume qu'on aperçoit, là-bas, entre les chaumières et les maisons basses. Tu ouvres les yeux.

-'jour Morgan. Ben dormi, p'tite bête ? Eh. J'suppose que t'as veillé et qu'tu vas ronfler dans l'manteau toute la sainte journée...

Tu exagères, compagnon. Miawah !

-Aller, tire pas cette tête. Viens là.

Tu m'attires contre toi, ta main usée par les travaux des champs me caresse doucement. Je ferme les yeux. Ronronnement de contentement.

-On va chercher le p'tit déj' !

Tu es débout, occupé à chasser les débris de paille de tes vieux vêtements. Que tu réajustes correctement, toujours poussé par l'habitude qui te vient de loin, de ton ancienne vie. Une vie où les garçons étaient tirés à quatre épingles le dimanche et à chaque fois qu'ils descendaient « en ville », tandis que dans le domaine paternel, cachés, ils usaient leur culotte jusqu'à la corde, en travaillant les deux mains dans la terre. Tu n'as pas encore eu tellement l'occasion de rencontrer de vrais bourgeois, ou alors, seulement de loin. Mais je ne crois pas qu'ils puissent veiller sur leur apparence avec autant d'orgueil qu'un paysan. A ce niveau, on est déjà dans le registre de l'infini. Comme si la boue et le travail forcené étaient une honte qu'il fallait dissimuler à toute force ; ou au contraire, comme s'il y avait besoin d'une auréole. Tu n'as jamais tellement compris, avec tes manières de rôdeur nocturne en manque de sommeil – que tu as récupéré en voyageant, même s'il t'arrive encore d'être insomniaque. Ou somnambule, parfois –.

Bouzouki en bandoulière, besace sur l'épaule et pieds nus sur le pavé, tu t'en vas en sifflant joyeusement en pensant au bon accueil que tu ne manqueras sûrement pas d'avoir au village. Pour un peu, tu serais presque séduit par l'idée d'y passer l'été, mais tu sais que la saison est brève, et qu'il te reste encore une mer à explorer avant que tes maigres réserves ne soient épuisées. Et te livrer à une traque... tu n'en as pas la moindre envie, à moins qu'un forban ne te tombe dans les bras. Mais cela ne t'arrive jamais, à toi. C'est toujours au terme de longues semaines d'efforts que tu parviens, parfois, à encaisser une prime dont il ne reste pas grand chose une fois tes frais de voyage prélevés. Mais que t'importe ? Tu es en vie, tu es libre, tu es indépendant. Tu n'as besoin de rien de plus pour être heureux. Tes journées, même les plus paresseuses, rendent hommage à l'existence.

Tu entends les frères et les sœurs miauler dans les gouttières. Ils te sentent, ils t'aiment eux-aussi. Tu ne te retournes pas. Mais un cortège de griffes et de poils plus ou moins soignés te suit. Feulement. Tu me caresses en riant doucement.

-Sois pas jaloux, mon grand.

Tu es tellement habité par ton pas d'empereur que tu ne t'aperçois pas que depuis cinq minutes, un garçon te dévisage. Il doit te prendre pour un magicien, tu ne crois pas ? Tu n'as jamais vraiment l'air d'un clochard lorsque tu marches ainsi, le cœur saturé d'un sang que l'alcool ne souille pas, le dos droit et la barbe brillante, remplie de lumière.
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Quelque chose. Par pitié. S'il est une force supérieure qui régit ce monde, qu'elle t'envoie quelque chose pour calmer tes nerfs. Tu es pire qu'un lion en cage. Tu as besoin de quelque chose pour t'occuper. Rapidement. Très rapidement. Et c'est à cet instant que tu le vois. Ou du moins, que tu l'aperçois. Ce type, au milieu de cette ruelle. Cette ruelle qu'un rayon de soleil matinal a eu la bonne idée de venir éclairer. Et il attire ton regard. Il pique ta curiosité. Il n'est pas comme les autres. Il y a quelque chose d'autre. Et au milieu de ce jeu de lumière, il paraît tout autre. Tu n'as pas l'impression de voir un clochard. Tu n'as pas vraiment l'impression de voir un pauvre hère comme tu en vois régulièrement. Tu sais que ce n'est qu'une impression. Que malgré tout, ses vêtements sont en piteux état, et qu'il ne doit pas valoir mieux que la plupart des autres. Et tu hésites. Tu hésites à te pencher un peu plus sur le sujet. Car il faut bien l'admettre, il ferait un sujet d'étude convenable. Peut-être pas extraordinaire, mais tout de même. A le voir ainsi, il dégage cette sorte d'on ne sait quoi. Cette sorte d'impression de différence. Et tu finis par céder. Tu te dis que dans tous les cas, mieux vaut encore ça que de devoir attendre des jours, voire des semaines pour avoir quelque chose d'intéressant sous la main.

Tu remarques le chat à côté de lui. Il t'a probablement vu. Mais il ne doit pas y avoir prêté attention. Et tu fais volte-face, retournant vers les artères principales du petit village. Tu te diriges vers les étals qui commencent à s'installer, pressant le pas. D'après la direction dans laquelle il semblait se diriger... Tu as un peu de temps avant de prendre par cette ruelle, tourner à gauche dans celle-ci, puis revenir par la droite. Et techniquement, tu devrais avoir tes chances de croiser son chemin. Tu traces le plan des ruelles dans ta tête, y dessinant petit à petit ton trajet ainsi que celui de l'inconnu que tu viens de voir. Parfait. Si tout se passe bien, et s'il ne lui prend pas l'envie de faire de longs détours, tu devrais couper sa route au bon moment. Ou presque. Ce ne devrait être qu'une question de timing. En attendant, tu en profites pour t'arrêter, achetant quelques pommes à l'un des maraîchers, un de ces habitués du coin, que tu finis par connaître. Tu lui souris à lui aussi. Et sur lui aussi, tu craches insultes et jurons. Par la pensée, évidemment.

Tu reprends ton chemin, quittant le marchand. Pauvre homme. S'il pouvait savoir ce que tu penses, il serait probablement horrifié. Enfin, il faut dire que beaucoup de monde le serait s'ils pouvaient voir ce que tu fais d'eux en pensée. Personne ne s'attendrait à se découvrir pendu par les pieds, la langue coupée et les veines couvertes d'estafilades, le visage tailladé, les chairs charcutées. Et le tout dans la tête d'un gentil petit garçon du quartier. Non, personne ne s'y attendrait. Et c'est avec un plaisir quasi-jouissif que tu les imagines si cela venait à arriver un jour. Tu imagines à quel point ils tomberaient de haut. A quel point ils se rendraient compte de leur méprise. Et à quel point ils découvriraient toute l'étendue de leur bassesse. De leur stupidité.

Et tu continues à avancer, tout en laissant défiler tes pensées. Tu suis le trajet que tu t'étais fixé, à bonne vitesse. Tout va dépendre de s'il est pressé ou pas. Mais vu son allure et son attitude, tu dirais que tu ne t'attends pas à le voir débouler en flèche. Et tu ralentis un peu le pas. Tu prends un premier virage. Tu avances. Tu vois le prochain croisement approcher. Bientôt. Bientôt, il tombera dans tes filets. Et tu continues à avancer. Tranquillement. Jusqu'au croisement. Jusqu'à le percuter. Encore une fois, tes calculs étaient parfaits. Encore une fois, ton génie à frappé. Et tu tombes sur le cul, une expression de surprise gravée sur le visage. Expression rapidement remplacée par une grimace de douleur, alors que tu te retrouves assis par terre, ton sachet de pommes répandu à même le sol, ainsi que les fessiers légèrement douloureux. Mais il le fallait. Il le fallait, et le voilà à portée de main. Tu fermes les yeux, les dents serrées, tout en te massant le bas du dos, sans oser te relever pour l'instant. Tu te contentes de lancer quelques mots, les dents toujours serrées.

    Eurgh. Je. Euh. Je. Excusez-moi !


Tu serres les dents. Tu souffres. Ca fait mal, de tomber ainsi sur du pavé. Surtout pour un gamin gringalet comme toi. Tu profites de la situation pour surjouer légèrement. Pour surjouer si bien qu'il ne se rend même pas compte de ton petit numéro. Et tu continues à jouer les gamins blessés. Dans ce parfait rôle du petit gars qui n'avait rien à faire là, mais qui qui s'y trouvait malgré tout. Et tu pries, dans un coin de ta tête. Tu adresses une prière silencieuse aux cieux. Pour que tes impressions ne t'aient pas trompé. Pour que tu sois vraiment tombé sur une personne exceptionnelle. Une personne au caractère un peu original. Une personne susceptible de t'intéresser.
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-Oh.

Relâché, profondément détendu, tu n'as pas vu le garçon arriver. Le choc t'a même fait reculer d'un pas vite maîtrisé. Une chance que je me trouvais dans ton manteau, les yeux ouverts !
Tu es distrait, compagnon. Mais tu te rattrapes. Ta main d'ancien vigneron, lourde et couverte de sillons, vient chercher son épaule. Tu veux t'assurer qu'il ne s'est pas blessé en tombant. Ton autre main le remet sur ses jambes d'un geste souple, mais ferme. Il est léger. Presque un peu trop pour son âge ? C'est ce que tu penses. Tu chasses la poussière de sa veste, comme pour effacer les traces de sa chute.

-Voilà. Ça va aller ?

Ton accent de North Blue couplé à celui de l'île de Loupiac éveille une réaction un peu curieuse dans son regard. Il plisse les yeux, comme pour mieux comprendre, et ses iris brillent d'un éclat nouveau. Tu n'as rien remarqué. Tu vois juste qu'il bredouille, qu'il a l'air très intimidé, qu'il rougit même un peu en regardant ses pommes abîmées d'un air triste. Tu as retrouvé quelques berrys au fond de tes poches, avant le double-fond de ta réserve pour la suite du voyage. Derniers vestiges de ton dernier spectacle de rue. De quoi payer un bon petit déjeuner pour deux. Tu ébouriffes gentiment les cheveux du garçon, sans brutalité.

-Aller, aller, c'est rien mon bonhomme. T'es un grand, hein ?

Tu t'accroupis pour être à sa hauteur, et ramasser les pommes les plus proches. Tu souris, si franchement que même un enfant en proie à l'émotion et à la méfiance la plus farouche ne pourrait douter de la sincérité de tes intentions. C'est ce que tu es, Sören : un saint homme en tenue de mendiant. Je crains simplement que ta bonté n'ait pas encore eu à traverser de désillusions suffisamment grandes pour l'ébranler, comme la pointe de bois que l'on passe au feu pour la durcir, et qu'elle ne soit encore qu'une surface !

-J'me réveillais juste, j'allais manger un bout. Et boire un café, aussi. Tu dois êt' du coin, non ? Tu saurais ben où il fait bon aller ?

Tu tiens le sachet avec les pommes, que tu rends au garçon. Son silence bredouillant ne te dérange pas. Tu tiens la place intermédiaire d'une grande fratrie, et s'il est vrai que tu as grandi un peu à part à cause de ton goût pour les sentiers obscurs et par la faute de tes insomnies qui te poussaient à aller les arpenter en apprenant à miauler plutôt qu'à parler, tu as eu bien des querelles, des caprices et des bouderies à gérer. Ça t'a rendu père avant l'âge, d'une certaine manière, ou au moins grand frère.

-J'm'appelle Sören. J't'offre le café s'tu veux. Mais j'pense, tu courrais, eh ? Y'a p'têtre tes parents qu'attendent leurs pommes, ou bien ?

Il se tord les mains, tu lui laisses le temps, tu te laisses aller contre le mur, sans te relever. La journée sera belle et sans nuages. Le soleil descend petit à petit dans la rue, et si tu le pouvais, tu ronronnerais de contentement lorsqu'il caresse les touffes d'or qui dépassent de ton vieux chapeau. Ce n'est pas le cas de l'enfant qui tressaille, comme s'il était pris en flagrant délit de tu n'imagines pas quoi par une lumière à laquelle rien n'échappe.
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La force est-elle forcément critère d'intérêt ? Non. Mais il fallait reconnaître que sa main était assurée. Et que sa poigne était ferme. Il venait de te remettre debout comme si de rien était. Sans d'avantage d'efforts. Un point intéressant. Et ses mains n'étaient pas immaculées. Loin de là. Tu as pu observer sa peau. Son grain de peau. Les marques qui s'y étaient dessinées avec le temps. Ou plutôt avec le travail. Tu juges. Tu essaies de deviner. Il a été un travailleur. Un travail manuel. Et en extérieur à en voir la teinte hâlée qu'a pris sa peau. Il n'y a qu'à voir la différence de teinte entre la peau de ses mains, et celle de ses avants-bras. Tu ne les a aperçu que peu de temps, mais tu as pu remarquer la différence de pigmentation. Probablement un travail en plein air. Tu n'as pas vu ces blessures propres aux charpentiers, ces blessures d'échardes et de copeaux de bois, semblables aux marques que porte ton père. Il n'est pas non plus forgeron. Marin ? Peu probable qu'il en ait vécu un jour, bien que les marques puissent s'apparenter à des traces d'hameçons. Il n'a pas une dégaine de marin de toutes façons. Alors quoi ? Tu passes rapidement toutes les professions capables de marquer le corps ainsi. Tu ne vois pas grand chose. Ces marques ne sont pas dues à des échardes, tu écartes donc l'idée du bûcheron. Tu ne vois plus qu'un possibilité. Un travail agricole. Ou plutôt viticole. Les crochets et les agrafes placées dans les rangs de vigne sont tout à fait capable de laisser de telles traces. Pas comme une faux ou une charrue. Et puis, sa façon de s'accroupir ne trompe pas. C'est une affaire d'habitude. Que ce soit dans une rue ou dans un rang de vigne. C'est intéressant. Oui. Mais il y a toujours un mais.

Oui. Sinon, ce serait trop simple. Et le problème vient bien de là. C'est bien trop simple. Tu t'attendais à tomber sur un être exceptionnel. Sur une personne un peu plus divertissante que ces... De ces. De ces gens. De ces gens médiocres. Moyens. Mauvais. Mais on dirait que non. Tu t'es laissé avoir. Il est différent. Il y a autre chose. Quelque chose en plus. Quelque chose qui... Qui ne tourne pas rond. Mais quoi. C'est là toute la question. Tu ne sais pas. Pas pour l'instant. Alors tu observes. Tu observes, mais pour l'instant... Tu ne vois pas. Non, vraiment pas. Tu te contentes de sourire. D'essayer de sourire. Un sourire qui se perd dans une demi-grimace. Parce que t'as encore un peu mal, après ta chute... Mais ça va. Ca ira. C'est ce que tu lui dis. Ce que tu essaies de lui dire, avec ce petit sourire.

    Euh. Je. Merci. Et. Je. Non, je vis avec mes grand-parents. Et je. Je ne suis pas pressé alors je. Je peux vous faire visiter le coin si vous voulez ? Moi c'est Caleb.


Ton innocent. Air candide. Et te voilà lancé. Te voilà reparti dans ce perpétuel jeu d'acteur. Tu le vois, tranquillement installé contre un mur. Tranquillement caressé par ce rayon de lumière. Et non. Décidément. Il y a quelque chose de spécial. Tu en es presque sûr. Ce type a quelque chose d'intéressant en lui. Mais tu ne sais pas quoi. Et probablement ne sait-il pas non plus. Mais tu as un peu de temps. Beaucoup même. Et même s'il était médiocre. Même s'il s'avouait faire partie de la fange. S'il n'était qu'un être moyen. Ce serait toujours mieux qu'une de ces journées monotones. Moroses. Alors tu vas bien voir. Tu n'as qu'à attendre sa réponse. Et tu verras bien ce que tu peux en découvrir. Si tant est que tu mettes la main sur quelque chose d'intéressant. De suffisamment intéressant pour toi.
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Tu ne cherches pas à dissimuler un soupir. C'est bête, mais tu n'as jamais tellement aimé le tourisme. Ta nature curieuse, imprudente, téméraire t'a toujours fait préférer les moments qui te permettent d'infuser dans une ambiance comme les peaux de raisin rouge dans le moût. Pour toi, un moment posé dans un bistrot ou sur une colline à respirer un air qui n'est pas celui de chez toi vaut mieux que tout un bagage culturel aussi vite récolté qu'oublié. Tu as souvent suivi des enthousiastes qui voulaient te faire visiter leur île. Mais dans ta mémoire, les « ça, c'était ma maison quand j'étais petit », les « là-bas, c'est le vieux cimetière qu'on a fermé après Marie-Joa », et les « je te présente la taverne la plus ancienne du coin » se sont mélangés. Tu n'as rien retenu de précis de ces leçons, toi qui sait retenir, à la virgule près, une histoire racontée sur un coin de comptoir ou à la lueur d'un feu de camp planté sous les étoiles.

D'y penser, ton sourire revient et tu te dis que la vie est belle.

-D'acc', mon bonhomme. Mais d'abord, on déjeune. J'ai une faim de tous les diables.

Ta voix est toujours douce, mais elle ne laisse place à aucune discussion. Alors, tu te mets en route en jouant avec ton chapeau pour mieux profiter du soleil matinal. Tu ne te retournes pas, mais tu ne tardes pas à entendre les pas précipités du garçon.

Quand tu pousses la porte de la taverne, une clochette tinte agréablement à tes oreilles. Tu te poses au comptoir, sans prendre la peine de te débarrasser du manteau, du sac et du bouzouki que tu portes en bandoulière. Miaw ! Du lait, vraiment ? Compagnon... mrrr, rrrh. Rhhh.

-C'est l'fond d'la bourse, faut finir. A chaque jour sa peine, et il est tôt. Merci patron !

Et tu prends le café, les tartines et le lard qu'on te sert en silence, prêtant l'oreille aux conversations. A ta droite, deux piliers qui attaquent le petit matin au blanc, à ta gauche, une ancienne qui prend le thé en lisant la Gazette. Derrière, quelques travailleurs qui préfèrent commencer par la pause. La faune de tous les bistrots, toujours la même, mais toujours extraordinaire. Déjà sur ton île, tu avais toujours le cœur pour ces ambiances chaleureuses et enfumées où le temps ne suit plus la même logique. Ces lieux magiques, toujours ouverts, jamais carcéraux.

Quand tu reposes ta tasse, tu as les yeux d'un enfant.

Lui, pas. Tu t'en fais rapidement la réflexion, mais tu n'as pas le temps d'aller au-delà de l'intention de lui demander si quelque chose n'allait pas.

-Je peux te parler une minute ?
-Pas de problème, Lloyd.
-Euh. Comment tu sais que je m'appelle Lloyd ?
-J'sais pas. J'ai dis ça sans y penser.
-Tu penses que tous les barmans s'appellent Lloyd, c'est ça ?
-Beh, euh...
-Bon, okay, y'a bien mon frère et trois de mes cousins qui ont des rades sur les Blues et Grand Line qui s'appellent comme ça, mais c'est du hasard, hein. J'ai déjà connu un type qui servait des bières à Luvneel, son nom, c'était Bertha.
-C'était un gars, t'es sûr ?
-Hm, maintenant que tu le dis. Bref. Un peu de sérieux. Tu vas faire la manche avec ta guitare, non ?
-Y'a des chances. C'est pas la bonne saison pour la traque...
-Oh ?
-Entre les primes et le plein été, j'préfère le plein été.
-Ah ! Ce genre de chasseur là ! Dur métier.
-Suffit d'être prudent.
-Bon, bon l'ami. Pense à revenir en soirée, l'enseigne crachera pas sur un peu de musique. Notre accordéoniste s'est engagé dans la marine, et depuis, on vit dans le silence. C'est d'un triste !
-Pas de problème, Lloyd.



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