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Grognards, au cap !

SPLASH


« Gnh qu'estceque ?!


- Giah-ah-ah-ah... »


Ça commençait à sérieusement bien faire. Nikolas n'avait jamais autant embrassé le parquet qu'aux côtés de ces deux vieux loups de mer, et force est de dire que ce n'était jamais une très bonne expérience. Chaque fois qu'il fermait les yeux, il angoissait, jamais certain de se souvenir de quoi que ce soit à son réveil. Cela lui avait pris des mois, si ce n'était des années avant de pouvoir faire des nuits complètes. Mais tomber dans les vapes, c'était une autre histoire. Encore une fois, il se réveilla en sursaut ; d'une part, à cause de l'angoisse amnésique, mais surtout grâce à la délicatesse innée du capitaine Balior Blackness, hilare, un seau d'eau vide à la main.


« Palsambleu, capitaine Baeteman ! Cessez donc de bailler aux mouettes, et admirez moi ce foutu bâtiment ! Zagahahahaha ! »


Hngh. La douce mélodie des braillements de la Cloque finit de le tirer de sa torpeur, et il reprit lentement ses esprits. Il n'avait visiblement pas bougé depuis sa furieuse envolée entre les navires, et l’atterrissage presque parfait qui s'ensuivit. Il bougea les mains, tentant de toucher le sol et de retrouver un semblant d'équilibre ; il rencontra des cordages trempés, tout autour de lui, ce qui le laissa penser qu'on l'avait attaché au mât lors de son inconscience. Trop aimable. Il se passa la main sur le visage, et ressentit une vive douleur dans l'épaule ; de même que dans son flanc. Les acrobaties avaient laissé des traces. Il reconnut les pas lourds de l'homme-buffle et le claudiquement sourd de la Cloque, le bruit des vagues, le cri de quelques oiseaux marins, locataires de la Montagne proche. Il ouvrit enfin les yeux, et put contempler le Hollandais de l'intérieur, enfin presque. Il n'y avait pas à dire, à côté, le Sans-Nom ressemblait plus à un canot qu'à un navire. C'était une élégante frégate, au parquet lisse et poli de bois sombre. Les mâts hauts et fiers semblaient percer les nuages, les grandes voiles claquaient et se gonflaient du moindre alizée. Le musicien était impatient d'arpenter les moindres recoins de ce superbe navire, mais pour l'instant, il tentait péniblement de se relever.


D'un geste machinal, il étira son bras et manipula violemment son épaule, la remettant en place dans un grognement de douleur. Sa côte, apparemment fêlée, continuait de lui enflammer le côté, mais il serait toujours temps de s'en occuper un peu plus tard. Un « SPLASH » retentissant attira son attention ; visiblement, une bonne partie de l'ancien équipage du Hollandais n'avait pas survécu au passage, et Balior s'occupait de nettoyer le pont. Il se rendit alors compte que lui non plus n'avait pas assisté au passage sur Grand Line, et s'en voulut énormément d'avoir raté un moment aussi important dans la vie d'un pirate. Il se retourna, pour contempler la poupe du navire finement décorée et ornée de lanternes stylisées, et derrière elle, la grande Reverse Mountain ; désormais, il n'était plus question de faire machine arrière. L'absence du Pride et du Sans-Nom le frappa ; comment avait-il pu ne pas s'en rendre compte avant ? Il s'approcha du bastingage, pris d'une légère nausée due au réveil difficile. Au moment où il se pencha en avant, il comprit. L'océan était littéralement recouvert d'un tapis de débris flottants, de voiles déchirées, de cordages, et de cadavres. Comme il l'avait prévu, le Sans-Nom n'avait pas survécu à l’amerrissage, et visiblement, le Pride non plus, même s'il ne savait pas trop pourquoi ; et à vrai dire, il s'en tamponnait un peu. Il se rappela des trois pavillons, toujours serrés contre sa poitrine, mais décida qu'il n'était pas encore en état pour aller batifoler dans les haubans.


Sur le pont, Tournebroche s'affairait, aux anges. Il ne cessait de caresser le bois du bastingage, d'épousseter de ses vêtements crasseux le moindre bas relief qui croisait son regard. Un vrai gosse au commandes de son nouveau joujou. Baeteman, lui, ne rêvait que d'un coin tranquille où s'installer confortablement, afin de panser ses blessures et reprendre tranquillement ses esprits. Il y avait quelque chose d'irréel en cet instant, comme une espèce de gueule de bois collective après une longue nuit de fête sur les Blues ; désormais, la journée commençait, de même que les choses sérieuses. Et personne ne semblait pressé de quitter l'étreinte sécurisée du Cap des Jumeaux. Nikolas finit par entrevoir la lourde porte ornée qui menait à la cabine du capitaine, et se dirigea vers elle, complètement éteint, une migraine commençant à furieusement lui monter au crâne. Il s'empara de la poignée en bronze, imitant la forme d'un serpent monstrueux, et pénétra dans la pièce, refermant la porte derrière lui.


Grognards, au cap ! Dmc108


La pièce avait ce je-ne-sais-quoi de légèrement oppressant, tout en restant extrêmement élégante dans sa décoration et son agencement. Il semblait que les anciens propriétaires du navire avait un goût pour le spectaculaire et les anciennes traditions pirates ; aussi certains auraient pu trouver le décor légèrement démodé et outrancier. Mais Nikolas ne prêtait alors guère attention à ce genre de détails ; son esprit était entièrement concentré sur l'énorme fauteuil rouge et or, confortablement rembourré, trônant derrière un large bureau de chêne encombré. Il se traîna jusqu'au dit siège, et s'affala sans aucune autre considération, se massant le front et les tempes ; il aurait pu rester ici durant des heures, à se prélasser et faire la sieste dans ce petit bout de paradis. Son regard parcourut rapidement le bureau, et il jeta son dévolu sur une bouteille en verre simple, remplie d'un liquide translucide ; il porta la goulot à ses narines, mais ne sentit aucune odeur particulière. Rien d'autre que de l'eau ; parfait. Il étancha goulûment sa soif, et sentit ses forces lui revenir peu à peu.


Il entreprit alors de fouiller rapidement le bureau et de parcourir la pièce du regard, cherchant quoi que ce soit d'utile pour bander ses plaies et de quoi soulager la douleur de son flanc. Il trouva plusieurs bouteilles d'alcools exotiques, des bandes de tissus entreposées dans une petite armoire, divers onguents et pommades, et quelques poudres, qu'il reposa à leur place, faute de connaître leur utilité pour le moment. Au moins, la cabine était fournie en matériel divers, en ouvrages et parchemins ; en fait, il s'agissait d'un joyeux bazar, fruit de nombreuses pérégrinations, et visiblement, personne ne s'était inquiété d'un quelconque système de classement ou de rangement. Baeteman se jura d'y remédier, certain que ce fatras pouvait contenir foule de choses utiles pour leur voyage. En attendant, il s'installa dans le fauteuil, avala une lampée de gnôle, entreprit d'appliquer les remèdes sur son flanc, où un hématome violacé de la taille d'un boulet s'était installé. Après avoir appliqué une large couche de pommade, il se banda l'abdomen à plusieurs reprises, de façon à empêcher le plus possible l'exposition aux chocs et aux mouvements de la zone sensible.


Le tout lui prit bien une bonne demi-heure, et il commençait à se demander pourquoi les autres ne l'avaient pas encore dérangé. Il se leva, s'habilla, rassembla ses affaires et se dirigeait vers la sortie quand son œil malin fut attiré par un léger reflet doré, au sol. En effet, sous une étoffe rouge vif, un objet assez massif semblait avoir été dissimulé à la hâte ; un petit coffre orné de dorures, à en juger par le bout de métal jaune qui se dévoilait au regard du jeune homme. Celui ci s'empressa de dévoiler le coffret et le saisit à deux mains, le soulevant jusqu'à lui. Léger. Trop léger pour un coffre comme celui-ci ; la serrure était renforcée, le bois précieux, et les finitions du plus bel ouvrage. Il le secoua légèrement, portant son oreille près de lui ; en vain. Pourtant, il en était certain, ce coffre était plein. Sinon, pourquoi prendre la peine de le verrouiller ? La serrure ne semblait pas vouloir céder, et Niko luttait contre l'envie de la forcer à grands coups de bottes ; ce qu'il aurait fait, sans la crainte d'endommager le contenu de la boite. Il finit par sortir de la cabine, portant sous le bras sa trouvaille, et rejoignit sur le pont ses camarades... et une espèce d'homme-poisson-chat, à la coupe de cheveux tout à fait ridicule, et solidement ligoté au grand mât. Le prisonnier semblât aussi étonné de voir Baeteman que lui même ne l'était de contempler cet inattendu passager.


« Ah ! Nikolas, vous tombez bien. Un peu plus et je relâchais cette sardine géante par dessus bord ! Mais ma parole, à peine arrivé que vous dénichez déjà le trésor du navire ? Zagahaha ! »


Baeteman ne répondit pas tout de suite, attendant d'arriver au niveau de ses camarades pour poser le coffre à terre et exposer le problème à ses camarades.


« Quoi qu'il y ait là-dedans, on s'est donné du mal pour le cacher... »


Il sortit de sa poche une bouteille qu'il avait déniché dans la cabine, et la lança à Balior, visiblement assoiffé. Le vieil homme remercia la blondin d'une gigantesque tape dans le dos et d'un rire gras, et entreprit la descente du contenu. L'homme-poisson, visiblement terrifié, regardait le coffre avec une certaine curiosité ; pas la peine de chercher à lui soutirer des infos, pensa Nikolas. Il ne semblait pas plus au courant du fin mot de l'histoire que ses geôliers. Alors qu'il était perdu dans ses pensées, le Grognard sursauta.


VLAN  


La Cloque n'était vraiment pas quelqu'un de patient. D'un coup de sa béquille de fortune, il avait littéralement explosé la petite serrure du coffre, et l'ouvrait désormais du bout de sa canne. Tous se penchèrent pour admirer le contenu du trésor... Et quel trésor.


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Niché dans un écrin de velours rouge, un fruit étrange, bleu électrique, attendait patiemment que l'on se délecte de sa chair. Les volutes caractéristiques se détachaient sur toutes ses faces, témoignant de sa nature démoniaque. Nikolas se figea. C'était la deuxième fois qu'il voyait ce genre de fruits ; mais cette fois, c'était différent. Sans trop savoir pourquoi (était-ce la faim qui lui tiraillait l'estomac?), ce fruit du démon l'interpellait, et il ne pouvait détacher son regard de sa chair bleutée unie et parfaite. Sans même s'en rendre compte, il s'était accroupi, et effleurait du doigt cette malédiction ; ou bénédiction, il n'en savait plus rien. Il avait vu la dangerosité d'un tel fruit, entre les mains d'un inconscient ; mais il avait aussi contemplé la puissance brute, le potentiel d'un tel pouvoir. Il ne s'était jamais trop posé la question, mais là, maintenant, il n'avait qu'une envie ; croquer à pleine dent cette satané chose. Ce n'était pas vraiment une question de puissance, mais plutôt... de hasard. D'aventure. Manger ce fruit pourrait lui apporter le plus inutile et grotesque des talents, comme la maîtrise de la plus dévastatrice des forces primitives. Un simple coup de poker, comme Nikolas les aimait ; une unique carte à tirer, sur laquelle repose toute la partie. Il agrippa l'objet convoité à pleine main ; et rencontra la paluche crasseuse de Tournebroche, lui aussi penché sur le coffret, et décidé à emporter le fruit. Les deux hommes se regardèrent dans les yeux, circonspects. Les dents serrés, Nikolas finit par entamer la discussion.


« Lâchez ce fruit, Scab.


-Zagaha ! Dans tes rêves, gamin. »
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Satanée chienne de vie, hein ?

Alors que je rêvassais après avoir mouillé aux abords du cap des jumeaux, le poisson-chat était remonté à bord pour revendiquer la récupération du Hollandais. Plusieurs coups de rames plus tard et une demi-longueur de cordages d’enroulée autour du mât, il continuait de se questionner sur la véracité des menaces de ses anciens capitaines. Ce mioche s’était tellement fais bourrer le mou qu’il refusait de croire que les gars du Hollandais avaient abusé de sa naïveté. Palsambleu, évidemment qu’on ne peut pas liquider une famille d’Homme-Poisson sur leur île natale depuis South Blue d’un simple appel escargophonique. Con de poisson.

Crème de la crème, Beateman, jeune filou, tu trouves un trésor inestimable comme si le ciel nous félicitait notre audace. Le ciel ou le navire lui-même, va savoir.

« C’était dans la cabine du capitaine, non ? Potentiellement gamin, c’est autant à moi, qu’à toi ou Monsieur Blackness »

« Non, moi, je suis plus fan du goût de ces petites saloperies ! Giah-ah-ah »

« Celui qui trouve garde Scab »

« Justement blondin, t’as trouvé un coffret. Revends-le, t’en tireras un bon millier de Berrys. Moi j’ai ouvert le coffret et j’ai trouvé le fruit. Celui qui trouve garde. »

Depuis que je suis pirate, la hantise de ne pouvoir plus jamais nager me déchire la caboche. Palsambleu, il faut dire aussi que depuis que ma guibolle droite m’a quitté, je frissonne de ne plus jamais pouvoir marcher. Alors va savoir pourquoi, le trop plein de joie, l’élan au fond des tripes de revivre encore un début d’aventure, le fait de voir Blackness déborder de force grâce à son ingestion de fruit ou la certitude que je mourrais dans deux piges… Je suis un nain, unijambiste, maladif et prêt à en découdre avec le pire des océans. J’ai tout les droits sur ce pouvoir.

Beateman et moi reposons le fruit dans son écrin et on se redresse bien droit. Je penche la caboche en arrière pour le mater, il me regarde avec les yeux tombant sur ma petite carcasse. Conflit d’intérêt comme on dit.

« Je connais le règlement de notre équipage pour l’avoir composé avec vous. On vient de tomber dans une saloperie de vide juridique comme on peut dire. J’ai pas à t’exposer pourquoi je veux ce fruit, alors le capitaine Blackness va faire office de témoin de foi. Si je gagne, je mange le fruit et tu me donnes ton drapeau. Vice-versa. Le gagnant redonnera le drapeau de l’autre quand bon lui semblera. Qu’en dites-vous capitaine Beateman ? »

Je retourne au vouvoiement sur la fin, j’ai le sang qui a bouillonné, mais je fais repartir les méninges.

« Ça me semble honnête »

« Ta gueule le poiscaille »

Je suis un pirate, pas une danseuse, ce que je veux, je le prends. Depuis toujours et pour toujours. J’agrippe un couteau et taille la pointe de la rame, un coup de crâne pour la fendre au quart et j’emboite le bois sous le genou droit. Nouvelle patte fonctionnelle.

Zagaha. Enfin, on va pouvoir en découdre le blondin. Ça me démangeait le membre fantôme depuis l'épisode du Baffeur.
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Dire que Baeteman accepta sans hésitation serait une erreur. En effet, il lui fallut bien quelques secondes pour digérer la proposition de Tournebroche, et remettre en question son droit sur ce fruit. Il ne savait même pas pourquoi cette satanée poire infernale l’attirait tant ; tout ce qu’il savait, c’est qu’il la désirait, plus que tout. Le genre d’attraction qui ne s’expliquait pas. Quitte à faire un parallèle douteux, Niko pensa alors que le coup de foudre devait ressembler à un truc dans le genre. Pour la première fois depuis son réveil, il avait les idées claires: il voulait ce fruit, point à la ligne ; et pour l’avoir, il était prêt à se battre. Ce qu’il s’apprêtait d’ailleurs à faire. Il déglutit, encaissant les conséquences de son geste : il ne savait même pas quel pouvoir ce fruit renfermait, et il jouait tapis sur un coup de poker. S’il perdait, il ne pourrait jamais plus regarder la Cloque dans les yeux ; satanée fierté que la sienne. Il se promit de ne jamais oublier cette leçon ; un pirate reste un pirate, quoi qu’il advienne. Un mot à ne pas prendre à la légère, et dont il avait peut être mal interprété le sens jusqu’à présent. Et contrairement à ses deux camarades, lui devait encore faire ses preuves en tant que tel.


Il annonça d’une voix ferme et assurée :


« J’accepte ces conditions, capitaine Tournebroche. »


Après quoi il tendit le bras, et comme le voulait la tradition, conclut l’accord par une solide poignée de main. Il recula d’un pas, et la Cloque fit de même. Les deux adversaires se jaugeaient, attendant que le capitaine Blackness annonce le début des hostilités. Nikolas n’était pas franchement enchanté par ce petit duel ; pour deux bonnes raisons. La première, c’est qu’il avait en horreur la violence gratuite, surtout à l’encontre d’amis. Quant à la seconde… C’est qu’il n’était vraiment, mais alors, vraiment pas sûr de sa victoire.  Scab avait à maintes reprises démontré que la taille importait peu, surtout quand il s’agissait d’éventrer, fracturer, éclater et autres joyeusetés sanglantes dont il semblait friand. Il espérait juste que son camarade saurait s’arrêter en temps voulu, et éviterait à Balior un autre cadavre à dégager du pont.


Ce dernier regarda ses deux camarades, face à face, eut un petit rire sardonique et porta à ses lèvres la bouteille confiée auparavant. Il but, gorgée par gorgée, plongeant les deux autres capitaines dans une concentration sans failles, à l’affut du moindre signal. Toujours attaché au mât, l’homme-poisson, regardait, une once de peur au fond des yeux, deux de ses bourreaux prêt à s’étriper pour un simple fruit ; sans aucun doute que la situation devait lui sembler ridicule, sinon effrayante.


Enfin, Blackness termina la bouteille, éructa avec force, et la jeta au sol, l’éclatant en centaines de fragments dans un fracas retentissant.


En un instant, Scab avait bondi, sans laisser le temps à Nikolas de dégainer son arme. Sa patte de fortune pointée en avant, menaçant de transpercer la poitrine du jeune homme, la Cloque fendait les airs à une vitesse folle. Le musicien réagit presque trop tard, esquivant de justesse le coup d’un pas de côté. Le nabot rata son coup, atterrit un peu plus loin dans une roulade, se retournant et attaquant de plus belle, laissant Niko sur la défensive. La Cloque virevoltait, sautant et frappant dans une danse incontrôlable et imprévisible, sans jamais permettre à Baeteman de construire une défense ou de penser une contre-attaque. C’était plutôt mal engagé ; mais Scab se fatiguerait certainement plus vite que lui, pensa-t-il… Certainement. Il esquiva un coup de patte en direction de sa tête, sans réussir à prévoir le prochain coup ; se tenant en poirier sur une seule main, Tournebroche envoya un puissant coup de pied dans le ventre du bretteur, lui coupant la respiration et le faisant violemment reculer. Il fallait se ressaisir, et vite. Son opposant ne feraient preuve d’aucune pitié et d’aucune sympathie, il le savait. La rigolade, la picole, c’était une chose, le combat, une toute autre. Il raffermit sa prise sur Menteuse, toujours dans son fourreau, et se promit de ne pas hésiter une seule seconde. Il fallait se battre et saigner pour ce qu’on voulait. Encore une leçon à retenir.


Tournebroche courait vers lui, à toute allure, la hargne au fond du regard. Nikolas tenta de contrôler sa respiration et ses nerfs, saisissant de sa main gauche le fourreau de Menteuse, et de l’autre serrant la poignée de l’arme à s’en blanchir les phalanges. Une petite part de lui espérait que la Cloque esquiverait le coup, le reste n’était branché que sur l’instinct de survie et la fureur du combat. Ainsi, sa main ne trembla pas.


SEN IAI

Spoiler:
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SEN IAI

Ce n’est que grâce au soleil pesant du cap des jumeaux que je dois ma vie, un éclat solaire vient me bousiller les yeux au moment où sa lame jaillie de son fourreau. Il est encore trop loin pour me perforer la peau, mais ma vitesse va me conduire droit au trépas. Son mouvement n’est pas encore fini que je glisse sur le flanc.

SLIDE:
Un vent frais me décoiffe le bandana tandis que je fonds sur lui. Une sorte de spirale d’air bien visible qui fuse depuis la droiture de sa lame comme un tir de carabine. Sacré Beateman, tu nous as caché combien de farces de ce genre ? On dirait bien qu’il est de la même trempe que Bylly Brandson et tous les bretteurs de renoms qui maîtrisent la mélodie.

Sproark Boarf

Ma guibolle de bois lui fauche la droite et il vient manger le plancher, sa lame d’air explose l’un des tonneaux solidement harnaché sur le pont principal. Je me relève vivement et entame une nouvelle course quand je me stoppe net. Je sens un liquide couler de mon front, je touche avec ma paluche et je me retrouve avec la main en sang.

« Sacré coup Capitaine Beateman, vous gardez des atouts dans votre manche, hein ? La confiance n’était donc que de façade… Zagahaha ! Vous êtes définitivement un pirate ! »

Continuons gamin, les vieux ont encore quelques enseignements à te transmettre. Je fuse vers lui, je saute en l’air et lui décoche un coup de pied, sa lame vient me menacer le bide, je décale de ma guibolle. Je roule entre ses jambes, il envoie un moulinet d’épée en arrière, je sens la pointe me fissurer la peau. De peu, Beateman, de peu. Coup de pied retourné pour parer son nouveau coup, son bras armé ouvre sa défense et me dévoile ses beaux habits de nobliau. J’envois le crâne en premier et je sens l’une de ses plaies s’ouvrir sous la puissance du choc, il recule et j’agrippe son poignet pour l’empêcher d’utiliser son arme. Il balance son genou dans mon menton, je ne lâche pas et redonne un coup de boule. Il réitère l’animal tandis que je prends une bonne impulsion, son genou me remonte la mâchoire jusqu’au museau et je décolle à hauteur de sa plume violette. Ma paluche tient toujours fermement son objectif et j’envois la patte en bois.

MATRIX KICK:
Il vole en arrière, un flot de sang sort de ses narines et il retombe lourdement sur le dos.

Poc

Ma quille retouche le parquet je resaute vers lui, bras écart. Mange mon gras pied-tendre comme dirait les gars de Kage Berg. Zagaha. Je m’éclate. Frustré d’avoir quasi rien foutu sur la prise du Hollandais.

AIR SPLACH:
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« Ouch ! »


Un sale coup. L’animal était encore plus dangereux blessé, tel un vieux lion qui sentait son heure approcher. Baeteman n’avait même pas compris comment il avait réussi à toucher son adversaire ; il était absolument certain que Menteuse ne l’avait même pas effleuré, et pourtant, le sang s’écoulait bien de son front. Il n’avait cependant pas le temps d’y réfléchir. Les petits tours de Nikolas faisaient leur effet, mais ce n’était pas un ballet ; il s’en rendit compte de la manière la plus douloureuse qui soit, projeté au sol, en position de faiblesse. Et le Tournebroche qui ne perdait pas une seule seconde, comme à son habitude. A peine atterri, le jeune homme devait faire face à un Scab projeté dans les airs, bras écartés à la manière d’un ange grotesque. Il en voulait, le bougre. *Mais ça l’ami, c’est une invitation.*


CHOC IMMORAL

Spoiler:


Sans même chercher à esquiver, Nikolas avait attendu le dernier moment pour lancer sa jambe droite de toutes ses forces, en plein dans les parties exposées de la Cloque. Le musicien jura plus tard avoir vu une larme rouler sur la joue du barreur à ce moment précis, ce que nia toujours fermement l’intéressé. Quoiqu’il en fut, le nabot, atteint dans sa fierté la plus profonde, fut projeté par le coup vers l’arrière, et termina son envol bien loin de sa cible ; qui en profita bien entendu pour se relever et souffler un coup, avant de reprendre l’offensive. Mais la douleur ne semblait pas vraiment handicaper Tournebroche, déjà debout et prêt. Peut-être un peu trop confiante, la première passe de Niko se solda par un échec cuisant lorsqu’une patte de bois virevoltante vint dévier le coup, plantant par la même occasion Menteuse dans le pont du Hollandais. A peine à bord, que les Grognards saccageaient déjà cette petite perle des océans ! Scab n’allait certainement pas apprécier, une fois la fureur du combat retombée.


Mais pour le moment, le plus court sur pattes des Grognards jubilait, alors qu’il envoyait un direct du droit dévastateur en pleine face de l’insolent blondinet, déstabilisé par son arme bloquée au sol. La victime décolla, lâchant prise, et retomba quelques mètres plus loin, encore une fois au sol. Entre ce coup et le précédent, son visage dégoulinait désormais de sang, entachant sa fine barbe taillée et lui rentrant dans la bouche. Il passa sa manche sur sa bouche, haletant, essuyant le liquide poisseux, et cracha par-dessus bord, les traits durs et concentrés. Scab riait de bon cœur, narguant et provocant son homologue et adversaire, Menteuse dans les mains. Il jouait avec la lame, la faisant tournoyer, puis finit par dire :


« Joli joujou, Capitaine, mais rien de plus qu’un bout d’métal  si vous avez pas les roustons de l’utiliser correctement. Zagahahaha ! »


Puis il lança nonchalamment la lame derrière lui, sans plus de considération, certain de sa victoire. Le sang de Nikolas ne fit qu’un tour. Menteuse, balancée comme un vulgaire cure-dent de taverne ! Tournebroche avait beau être un ami, et certainement parler sans méchanceté, il allait trop loin. Alors qu’il entamait une ultime course claudicante pour mettre un terme au combat, et clore le clapet du nobliau, le musicien s’était déjà saisi d’un petit objet sphérique à sa ceinture. A mi-distance, anticipant les mouvements de la Cloque, il le lança de toutes ses forces en pleine poire de son opposant, interloqué puis carrément surpris. La fumée explosa au milieu du visage de Tournebroche, qui ralentit sa course, toussant à en cracher ses poumons, battant des bras pour dissiper la satanée brumasse qui lui piquait les yeux et la gorge.


PERCE-FUMEE

Spoiler:


La torgnole fut proprement titanesque. Le poing ganté du musicien s’écrasa tel un boulet en pleine face du barreur, faisant craquer son nez et lui aplatissant le visage durant un court instant. Certes, Baeteman n’avait pas la force physique de Balior ou de Scab, mais aidé par la vitesse de ce dernier, et la belle ouverture laissée par la mini-bombe fumigène, il parvint à renvoyer bouler l’unijambiste à son point de départ, le faisant rouler sur le parquet dans une série de grognements douloureux. Le musicien, plutôt fier de son coup, et secouant sa main endolorie par le choc, n’eut presque pas le temps de réagir quand Tournebroche, furax et hurlant, la gueule en sang, lui sauta à la gorge. Sans aucune idée de comment le nabot s’était relevé aussi vite, Baeteman poussa à son tour un cri de surprise assez peu viril, et ne trouva rien de mieux à faire que de plonger sur le côté pour échapper à la charge de son compagnon. Il se vautra littéralement sur le parquet, tandis que le hurlement guerrier de Scab se mutait progressivement en complainte désespérée, accompagnée d’un troisième cri, plus aigu, venant de la direction opposée.


VLAAAN


L'empressement de Scab causa sa perte ; il avait foncé tête baissée, une fois de plus, et avait fini son tacle par un violent câlin avec la sardine ligotée au grand mât. Le petit corps de la Cloque était désormais inerte, agité de légers spasmes. L’on aurait pu le croire mort ou évanoui, si de sa bouche ne sortait pas un flot d’injures toutes plus senties les unes que les autres, devenant de plus en plus incompréhensibles à mesure sa langue s’engourdissait. Le ligoté, quant à lui, ne semblait pas avoir trop souffert du choc. Il secoua la tête, puis réalisant  la situation, s’exprima :


« Oh ! Désolé, j’aurais dû vous prévenir ; quand j’ai peur, mes épines secrètent un venin paralysant… Vous feriez mieux d’enlever votre ami de là, ça devrait aller mieux d’ici quelques minutes. La toxine n’est pas très puissante. »


Nikolas, qui avait entretemps récupéré son arme, certain que Scab n’en resterait pas là, regarda à tour de rôle son adversaire et l’homme poisson, puis éclata d’un rire franc et clair ; avant que le tiraillement sur son abdomen ne lui rappelle sauvagement ses blessures rouvertes. Il rengaina sa rapière et souleva Tournebroche par le col, le libérant de l’emprise empoisonnée qui avait causé sa défaite.


« Sans rancune, l’ami !


-Giahahahah ! Tournebroche, on dirait bien que la Providence n’était pas d’votre côté pour aujourd’hui ! Par la couille gauche du Prophète, ce freluquet en a dans l’ballon, ou je n’m’appelle pas Balior Blackness ! »


Quelques minutes plus tard, Tournebroche se releva plutôt péniblement, enfin libéré des effets du poison. Nikolas avait préféré attendre que Scab retrouve sa dignité avant de fondre sur le fruit de sa victoire tel un rapace ; il voulait absolument conclure ce combat dans les formes. Il ouvrit le coffret, se saisit du fruit bleuté, et le porta au-dessus de sa tête, prononçant ces mots :


« Moi, Nikolas Baeteman, Grognard et Capitaine du Hollandais Voleur, je clame ce butin comme le mien, en vertu des Anciens et Nouveaux Codes de la Piraterie. Puisse la Fortune me sourire et sourire à mes camarades grâce à ce don. »


Puis il s’approcha de Scab, qui se mettait de grandes paires de claques rageuses pour « accélérer ce foutu sang intoxiqué », et lui tendit sa main libre en signe de réconciliation, un grand sourire ensanglanté sur le visage. Il n’avait désormais plus rien à prouver ; et ses camarades s’en souviendraient aussi nettement que lui.
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Quand ça veut pas, y a rien à faire. Ce ne sera pas pour aujourd’hui le coup des pouvoirs et tout ça. Je vais devenir le faiblard du lot ? Bordel, le seul à nager ? Qu’ils coulent, alors !

Me prendre une rouste à base d’artifices dont Beateman a les malices et finir comme si j’vais pris une décharge de venin sur tout le poitrail, clair que c’est pas le combat glorieux auquel je m’attendais. Tant bien que mal, je tend le bras vers le haut pour serrer la poigne à la Plume. Il n’y a pas à dire, le destin fait les choses avec merveille, ce type méritait d’être connu avant de crever.

« Des coups de vicelard, une victoire discutable et un bras tendu sur la fin… Vous êtes bien un capitaine des Grognards monsieur Beateman ! Zagaha… Bouffez le votre foutu fruit et conserver mon drapeau autant de temps qu’il vous le plaira ! Mais vous irez le raccrocher vous-même ! »

Oué, je pique un coup de gueule quand même. J’ai une fierté bordel de cul-de-jatte. Il me lâche un large sourire et Blackness me claque le dos avec la mine illuminée.

« Par la jambe de Jones ! Je propose de prendre notre temps quelques temps pour découvrir ce navire et décider de la suite. J’ai besoin de repos moi messieurs »

Je m’installe le derche sur un tas de cordages tout en épongeant mon front avec le bandana.

« Je suis de votre avis… Je vous parlerai ensuite de la marche à suivre si nous voulons récupérer le reste de la carte de Brandson. Bik’ ne l’avait plus sur lui, mais je connais celui qui lui a pris. Un ancien camarade de bordé, un canonnier de renom qui vous plaira surement capitaine Blackness »

« Nous irons tout droit à l’aveuglette ? Plein Nord ? »

Hein ? Plein nord sur les Périls ? Ah… Cornebleu, ce n’est pas comme ça que ça marche jeune homme ! Zagaha… Ah ! AAAAAAH ! Morbleu de bouc ! Un Log Pose ! Un putain de compas au poignet ! C’est ça qu’il manque ! Bordel de dieu de nabot que je suis ! La honte si les autres apprennent que j’ai pas pensé au Log Pose ! Sept voies possibles et aucun moyen d’en changer une fois qu’une est choisie ! Un océan tyrannique qui ne laisse place à aucun savoir faire et aucune anticipation climatique. Voilà ce qu’est Grand Line ! Si je leur raconte ça de but en blanc, ils vont me maudire de ne pas y avoir pensé avant de traverser cette foutue montagne. Une craque, je vais leur raconter une grosse craque.

« Non, faut pas une montre spéciale ou quelque chose du genre ? C’est impossible de naviguer autrement sur Grand Line, non ? C’est bien ça Tournebroche ? Giah-ah-ah »

Je déteste les vieux. Me voilà bien.

« Je.. »

Cornebleu.

« Oui, oui, parfaitement »

Ta gueule le poiscaille ! Merde, impossible de lui envoyer un taquet dans la nouille.

« Keuf… Eurf… »

Ils me regardent avec insistance les asticots. Alors, tu la ramènes moins ta grosse bouille, hein La Cloque ? Que la grande crique me croque la seconde tangente tiens ! Deux défaites dans la même journée, je vais sombrer dans le rhum ce soir.

« Un log pose ? J'en ai un dans ma cabine si vous voulez »

« Hm ? Parce que tu crois que je n’en ai pas un, sale poiscaille ? Hein ? »

« Ah ? Tant pis alors ! »

Le con.

« Ventrebleu ! Je.. Euh.. Keuf… Je veux bien voir le tiens quand même… Le mien date de 10 ans, il est pas tout jeune »

« Montrez-voir, je connais le mien par cœur, je pourrai vous le dire comme ça »

J’envois un coup de patte dans les cordages du mât pour le libérer, il tombe aussitôt à genou.

« J’insiste pour voir le tiens avant »

Je l’accompagne vers la cale et nous nous séparons tous pour visiter les lieux. J’ai un sacré coup de veine si ce poisson me raconte pas de craques.

« Par contre, je vous l’échange contre le navire »

« On verra pour ça, mais pourquoi pas »

« Chouette ! »

Pauvre gamin, t’as pas du avoir la vie facile.
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Le soleil était revenu, paisible, sur le cap des Jumeaux, et déclinait. Les majestueuses voiles du Hollandais Voleur claquaient la mesure d’une symphonie de brises légères et poétiques, annonciatrices des furieuses tempêtes à venir. La tranquillité de ce moment n’avait aucun prix ; les derniers instants d’un jour à la fois béni et maudit, première pierre pavant la voie des rêves de trois hommes… ou celle de leur chute. Profitant d’une chaleur qui disparaissait peu à peu, Nikolas restait là, accoudé au bastingage, un fruit du démon dans une main, un fond de cognac dans l’autre. Il avait bien mérité cette petite pause contemplative. Son regard portait tantôt sur le Cap et son unique phare encore debout, tantôt sur l’horizon prometteur d’un magnifique coucher de soleil d’ici une ou deux heures. La journée avait défilée à toute allure, et n’avait pas été chiche en émotions. Depuis l’abordage du Hollandais dans la matinée, jusqu’aux récents événements de la fin d’après-midi, Baeteman pensait soudain avoir peut-être vécu la journée la plus importante de sa vie ; aussi loin qu’il puisse s’en souvenir. Balior ronflait entre deux tonnelets évidés, et Scab avait disparu depuis plusieurs minutes avec l’homme-poisson-chat dans les entrailles du navire. Il frissonna. La fraicheur s’installait ? Ou peut-être était-ce la beauté de ce moment gracieux, entre deux Mondes. Il souriait.


Il vida son verre, inhibant encore un peu plus ses sens et la douleur lancinante de ses trop nombreuses blessures. Puis il s’éloigna vers la cabine du capitaine, celle-là même où il avait déniché ce trésor qu’il tenait fermement dans sa main, comme un enfant serrant son nouveau jouet de peur qu’il ne s’échappe. Le moment était parfait pour le début d’une nouvelle vie ; après tout, il commençait à avoir l’habitude. Il entra dans la petite pièce, dans l’état exact où il l’avait abandonnée. Il referma soigneusement la porte, et resta là, pensif, durant plusieurs minutes. Il pesait sérieusement le pour et le contre de ce qu’il s’apprêtait à accomplir ; mais au fond, il savait parfaitement qu’il était déjà trop tard pour reculer. Sa fierté lui dictait de manger ce fruit, de concert avec cette inexplicable attirance qui lui tenait les tripes depuis l’ouverture du coffret. Enfin, le capitaine Baeteman prit ce qui lui restait de courage à deux mains, et alla s’installer dans le large fauteuil rouge (décidément, ce satané séant lui plaisait). Il posa la pomme bleue sur le bureau, et l’étudia sous toutes ses coutures, la retournant et l’examinant. Il ne savait absolument pas par où commencer. Aussi, au bout de quelques secondes, haussa-t-il les épaules, et croqua à pleines dents dans la chair juteuse du fruit.


La première bouchée fut une épreuve à elle seule. Il s’agissait sans aucun doute du met le plus immonde jamais dégusté par Nikolas, qui hésita même un instant, pensant sérieusement tout recracher et abandonner l’affaire. Mais sans renseignement sur les conséquences d’un tel geste, il se résigna à continuer jusqu’au bout, et déglutit avec difficulté, continuant d’entamer goulument le fruit. Il lui fallait en finir le plus vite possible, car le cas échéant, il n’était pas sûr de pouvoir retenir assez longtemps les féroces haut-le-cœur que le plat lui inspirait. Il se rassura en se disant qu’en comparaison, la cuisine de Böll ne devait pas être si terrible que ça. Les bouchées suivantes ne furent pas meilleures ; l’impression qui resta en mémoire du musicien fut celle d’un savant mélange entre cendres, boue et vieux lait. Pourtant, portion par portion, il continua sa tâche, palissant à vue d’œil. Lorsqu’il arriva enfin au bout de ce véritable marathon, ingérant d’un coup le trognon et la tige, il se précipita vers l’armoire à alcools du fond de la pièce, se saisit de la première bouteille à sa portée, et engloutit furieusement près de la moitié de son contenu d’une seule traite, dans l’espoir de faire disparaitre cet affreux gout. Il n’y parvint pas tout à fait, mais se refusa à boire plus, de peur de rendre sur le flamboyant parquet de la cabine. Il alla se rassoir (ou plutôt se laissa lourdement tomber au fond du fauteuil), blanc comme un linge, en sueur et essoufflé par l’effort.


Il attendit. Plusieurs minutes passèrent, qui semblèrent durer des heures, et durant lesquelles Niko retrouva ses forces, sans jamais ressentir quoi que ce soit de particulier ; excepté un horrible arrière-gout en bouche. Il commençait même à se demander s’il n’était pas le dindon d’une très mauvaise farce. De fait, il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Peut-être espérait-il une impressionnante démonstration de pouvoir ; il prit la décision d’effectuer quelques tests, et se leva. Sans trop de conviction (à part celle d’être parfaitement ridicule), il jeta violemment ses bras devant lui et se concentra du mieux qu’il put. En vain. Il resta ainsi quelques secondes, sourcils froncés comme ceux d’un grand constipé, avant d’abandonner et se relâcher. Il se retourna, et aperçut sur le bureau un petit coupe-papier en argent.


« OUAOUCH !


-Gnkeskecé ? »


Le cri s’était fait entendre jusque sur le pont, et avait même réveillé Balior, qui se frotta la barbe d’un air parfaitement endormi, lorsque Nikolas sortit comme une furie de la cabine, claquant la porte et grommelant, sa main droite portée à la bouche.


« Hé bien Baeteman, quelle mouche vous pique, par tous les Océans ?


-Au moins, savons-nous que les furieux pouvoirs des éléments ne sont pas les miens… Je commence même à me demander si ce fruit va m’apporter autre chose que la courante. »


Blackness éclata d’un grand rire devant la verve du jeune homme, un tantinet frustré par la situation. Il se leva et s’approcha de son collège, lui tapant amicalement sur l’épaule et lui confiant le fond d’une de ses dernières bouteilles.


« Pas la peine de maugréer, mille sabords ! Souv’nez vous, mes pouvoirs ne se sont révélés que bien tard. Ça vous chutera sur le coin d’la mouille quand vous vous y attendrez le moins, giahahaha ! »


Nikolas resta silencieux, enquillant une gorgée de gnôle. Au loin, le soleil amorçait sa disparition derrière l’horizon, couvrant les flots d’une teinte orangée naissante. La nuit serait fraiche ; et courte en ce qui le concernait. C’est ce moment que choisit la quille de la Cloque pour se faire entendre sur le pont, mettant fin au suspense sur la suite des événements.



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Le gardon me fait descendre des escaliers et on déboule face une porte dont il fait tourner la clé.

Grognards, au cap ! Pirate_cabine2
On déboule sur une grande salle sous le pont principal, les grilles au plafond laissent filer les rayons du soleil et dévoile une large première cale entièrement vide. Au fond, une nouvelle porte et deux tonneaux reposent en paix.

« C’est quoi cette pièce ? »

« C’était le fourre-tout du Hollandais, on l’avait vidé en pensant y mettre la cargaison d’esclaves du Pride »

Le drôle de spécimen se dandine sur le même rythme que le roulis du Hollandais, il traverse les dix mètres jusqu’à l’un des deux tonneaux. Il en retire le capuchon et le pose au sol.

« Attend, c’est ça ta cabine gamin ? »

« Le capitaine m’a donné la plus grande du navire ! »

Ah les salopards. Ils ont poussé le vice à bloc. Il saute et disparait à l’intérieur, le tonneau oscille et il ressort en tenant l’objet de ma convoitise.

Grognards, au cap ! XpL8Vi1BxJIOv42RonPmSZgLOtQ

« Alors ? C’est le même que le tiens ? »

« Non, celui-là est parfait, le Hollandais est à toi »

Je lui prends de ses mains écailleuses et il me regarde avec les yeux emplis de larmes.

« Ma famille me manque… J’ai quelques souvenirs d’eux, progressivement je sens qu’ils s’éloignent dans ma mémoire… Mais je sais qu’un jour, je les reverrai sur l’île des Homme-Poissons et nous vivrons aussi heureux qu’avant… Je sais au plus profond de moi que… »

KLOP

Mon poing vient le frapper derrière le crâne et il sombre dans le royaume des rêves. Je sens mon bras qui s’alourdit à cause du poison de son corps. Je déteste ce genre de situation, quand je découvre la flibusterie de mes homologues et en essuie les pots cassés. Je referme le tonneau en le laissant à l’intérieur et je prends le tout sur mon dos.

Je remonte sur le pont principal, Balior et Nikolas me jugent du regard et je balance le tonneau par-dessus bord.

Plouf

« Il m’est sympathique ce gamin… Mais notre règlement est simple messieurs, les Grognards ne prennent personne sous leurs ordres. Ce gardon n’a pas l’étoffe d’un capitaine et il souffrirait d’être à notre botte. »

Je prend une gorgée de la bouteille que mes comparses se font passer. J’observe un instant les haubans claquer contre le grand mât et repose mon regard sur Beateman. Il semble que son ingestion ne l’ait pas laissé dans les meilleures dispositions. Qu’importe. Je tapote sur le Pose à mon poignet.

« Morbleu ! Messieurs, soyez attentifs ! Capitaines, nous voici sur la route de tous les périls. Elle est surnommée ainsi car ses flots sont imprévisibles et ne protègent d’aucune galères. A partir de maintenant, nous avons le choix entre plusieurs voies de navigation. Lors de ma première fois, mes anciens compagnons et moi-même avons opté pour la quatrième voie. Après deux ans, nous avons atteint la fin de la voie et avons échoué. Aujourd’hui, je prends la revanche sur le passé en votre compagnie. Qu’importe notre chemin, nous aurons besoin de retrouver la piste de l’ancien maître-canonnier de Brandson pour lui soustraire deux morceaux de carte. Un gros spécimen, Big Boum, l'artificier de Jones! »


« Qu’est-ce que nous attendons ? Giah-ah ! »

« Nous attendons un vote capitaines ! Zagaha ! Une voie pour commencer ! Nous réduirons les voiles à une seule grande et un seul foc, nous ne sommes pas assez pour manœuvrer un si beau navire à son maximum. »

Je plonge ma main dans mon froc et en ressort un dé.

« Voilà le choix du capitaine Tournebroche ! Zagahaha! Quoi qu'il advienne dans la suite, nous sommes unis par un même but! »
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'dé à 4 faces' : 4
    Gia-ha-ha-ha-ha
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    'dé à 4 faces' : 2
      Nikolas regarda les dés rouler, affichant respectivement un 4 pour Scab et un 2 pour Balior. Il haussa les épaules, et s'empara de l'objet, l'envoyant à son tour sur le pont. Et ainsi se scella le chemin des Grognards ; sur un simple coup de la Providence. Le Hollandais Voleur glissa lentement sur l'océan encore calme, prêt à affronter les pires saloperies que recelaient Grand Line ; et à son bord, trois Capitaines blessés, épuisés, mais plus que jamais remontés.


      Dernière édition par Nikolas Baeteman le Jeu 3 Avr 2014 - 23:44, édité 5 fois
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