❝ Alexis Meiher ❞
Informations »
Pseudonyme: La gamine. Age: 20 ans. Sexe: Femme. Race: Humaine. Métier: Jeune recrue, soldat en formation. Groupe: Marine. But: Briller en société dans son bel uniforme de gradée. Fruit du démon ou Aptitude: Aucun fruit du démon; Maniement de l'épée; Le combat rapproché au corps à corps. Équipement: Un couteau multifonction; Un livre; Une poignée d’élastiques et de barrettes à cheveux; Un pass pour accéder aux locaux de la Marine; La clé des douches communes pour femmes; Son épée, Lazarus.
Parrain: Aucun. Ce compte n'est pas un DC.
Codes du règlement:
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Physique »
Une des premières choses qu'il faut dire, lorsqu'il s'agit de décrire Alexis, c'est qu'elle ne fait pas son âge. Malheureusement pour elle, on lui donnerait plus facilement seize ans que vingt. Et pourtant elle ne cesse de crier sur tous les toits qu'elle n'est pas une gamine, rien n'y fait. Déjà, elle n'est pas très grande, et ses membres sont fins. Tout est petit chez elle: Des petits pieds, des petits doigts, des petites oreilles... Ceci dit, elle paraît frêle mais ce n'est pas le cas. Bien sûr, elle reste une femme, et elle ne pourrait pas égaler ses pairs masculins, mais elle bien plus teigneuse, en réalité. Sinon, comment aurai-elle fait pour passer les tests d'évaluation à l'entrée dans la Marine? Ajoutez à cela un visage rond et poupin, dévoré par deux grands yeux bleus bordés de longs cils bruns. Bruns aussi sont ses cheveux, une espèce de masse indomptable, toujours en bataille, et qu'elle tente de dominer en les nouant en une longue natte. Elle y ajoute parfois des barrettes serties de perles et autres froufrous, ce qui ne fait qu'accentuer sa réputation. Sa peau de porcelaine, sujette aux coups de soleils, vient compléter le tout. Le seul truc qui fait d'elle une femme, et qui rassure ses camarades masculins quand à son identité, c'est sa poitrine, qu'elle tente de planquer du mieux qu'elle peu derrière des t-shirt à col rond. Pour ce qui est de la tenue, rien de bien original: Du bleu, du blanc, une touche de rouge, l'uniforme classique des novices du métier. Mais cela lui plaît. Vêtue de son petit uniforme, elle se sent prête à battre des records. En revanche, elle y ajoute sa petite touche personnelle: Des mitaines de travail, résistantes, car ses petites mains délicates souffrent vite du maniement de l'épée. Aussi, elle porte sur ses hanches une ceinture blanche assortie d'une pochette, dans laquelle elle range son bordel de fille et autres objets essentiels.
Ce n'est pas la reine du sourire. Non pas qu'elle fasse la gueule en permanence. C'est juste qu'elle ne voit pas l'utilité de se péter la mâchoire par politesse. Et puis de toute façon, si elle le faisait, peut-être qu'on la collerait à la corvée d'épluchage de patates pour un mois, motif: insolence. C'est l'innocence qui se peint le plus souvent sur son visage, mais ne serait-ce pas parce qu'elle n'a encore aucune expérience du monde cruel?
Ce n'est pas la reine du sourire. Non pas qu'elle fasse la gueule en permanence. C'est juste qu'elle ne voit pas l'utilité de se péter la mâchoire par politesse. Et puis de toute façon, si elle le faisait, peut-être qu'on la collerait à la corvée d'épluchage de patates pour un mois, motif: insolence. C'est l'innocence qui se peint le plus souvent sur son visage, mais ne serait-ce pas parce qu'elle n'a encore aucune expérience du monde cruel?
Psychologie »
Alexis est une jeune fille utopiste. Elle s'imagine qu'en tant que membre de la Marine, elle doit se battre pour défendre la population des hordes de pirates qui s'abattent sur elle, et faire régner la justice. Pour elle, le mot « Honneur » n'est pas qu'une chimère, ou un terme pour désigner une idée, c'est une valeur, un motif de vie. Il passe avant tout. Elle est fière de porter haut et fort les couleurs de la Marine. Lorsqu'elle porte les insignes militaires, elle sent le poids de la responsabilité sur ses épaules, et elle en est heureuse. L'union, la symbiose qui l'unit à ses camarade est quelque chose de puissant qui la fait trembler jusqu'au plus profond d'elle-même.
Dans les rangs de la Marine, on entend souvent dire qu'elle a « Deux cœurs, quatre poumons ». C'est une enfant passionnée. Il faut la voir se battre pour comprendre. Elle n'est plus la même personne lorsqu'elle ne fait plus qu'un avec sa lame, comme si elle exécutait une danse hypnotique. Si elle peut parfois sembler distraite, perdue dans ses pensées, c'est du feu qui bouillonne dans ses veines, un feu que ses rêves d'enfant ont fait naître mais que le temps n'a pas tué.
Plus que tout, elle est profondément attachées aux traditions. Les valeurs ancestrales lui importent beaucoup, et c'est en partie ce qui explique son choix de vie. Elle se tient pour représentante de la puissance du passé dans le présent.
A travers ses grands yeux bleus, elle ne voit pas le monde comme tout le monde. Elle possède une sensibilité différente. Elle trouve de la beauté là où elle n'est pas évidente. Elle trouve de la beauté là où quelqu'un d'autre ne verrait que des ruines. Le moindre objet lui apporte une multitude de saveurs, d'émotions. Elle comprend que chaque chose en ce monde possède une histoire, et elle s'abîme dans la contemplation pour tenter de la saisir.
Elle s'émeut pour se genre de choses, et pour tout ce qui relève de l'allégorie. Rien ne soulève mieux le frisson dans son dos qu'une cérémonie officielle, rien ne la fait tant rêver que les grands exploits. C'est son monde, celui qu'elle s'est forgé à force de lire des contes. Quand elle était plus jeune, elle rêvait de devenir un chevalier, et aujourd'hui, elle a trouvé un moyen de transcender le rêve et de transformer l'impalpable en réalité au quotidien.
Elle ne parle jamais de son passé. Si on lui pose des questions, elle sourit. Elle dit « Ce n'est pas grave ». Ce n'est pas qu'elle veuille le cacher, mais elle n'aime pas ressasser le passé. Elle estime que ce qu'elle a vécu n'a rien de plus incroyable que l'histoire de n'importe qui d'autre. Certaines personnes pensent qu'elle a vécu quelque chose de dramatique. Ceux-là, elle leur souffle au visage. « Arrêtez de dramatiser ». Seulement, le passé est loin. Aujourd'hui, elle est différente. C'est pour se construire en tant que femme qu'elle a tout plaqué.
La seule ombre au tableau, la seule chose qui pourrait lui porter préjudice, le seul mensonge qu'elle entretienne, c'est le mystère qui entoure sa mère. Si cela se savait, conserverait-elle sa place?
Dans les rangs de la Marine, on entend souvent dire qu'elle a « Deux cœurs, quatre poumons ». C'est une enfant passionnée. Il faut la voir se battre pour comprendre. Elle n'est plus la même personne lorsqu'elle ne fait plus qu'un avec sa lame, comme si elle exécutait une danse hypnotique. Si elle peut parfois sembler distraite, perdue dans ses pensées, c'est du feu qui bouillonne dans ses veines, un feu que ses rêves d'enfant ont fait naître mais que le temps n'a pas tué.
Plus que tout, elle est profondément attachées aux traditions. Les valeurs ancestrales lui importent beaucoup, et c'est en partie ce qui explique son choix de vie. Elle se tient pour représentante de la puissance du passé dans le présent.
A travers ses grands yeux bleus, elle ne voit pas le monde comme tout le monde. Elle possède une sensibilité différente. Elle trouve de la beauté là où elle n'est pas évidente. Elle trouve de la beauté là où quelqu'un d'autre ne verrait que des ruines. Le moindre objet lui apporte une multitude de saveurs, d'émotions. Elle comprend que chaque chose en ce monde possède une histoire, et elle s'abîme dans la contemplation pour tenter de la saisir.
Elle s'émeut pour se genre de choses, et pour tout ce qui relève de l'allégorie. Rien ne soulève mieux le frisson dans son dos qu'une cérémonie officielle, rien ne la fait tant rêver que les grands exploits. C'est son monde, celui qu'elle s'est forgé à force de lire des contes. Quand elle était plus jeune, elle rêvait de devenir un chevalier, et aujourd'hui, elle a trouvé un moyen de transcender le rêve et de transformer l'impalpable en réalité au quotidien.
Elle ne parle jamais de son passé. Si on lui pose des questions, elle sourit. Elle dit « Ce n'est pas grave ». Ce n'est pas qu'elle veuille le cacher, mais elle n'aime pas ressasser le passé. Elle estime que ce qu'elle a vécu n'a rien de plus incroyable que l'histoire de n'importe qui d'autre. Certaines personnes pensent qu'elle a vécu quelque chose de dramatique. Ceux-là, elle leur souffle au visage. « Arrêtez de dramatiser ». Seulement, le passé est loin. Aujourd'hui, elle est différente. C'est pour se construire en tant que femme qu'elle a tout plaqué.
La seule ombre au tableau, la seule chose qui pourrait lui porter préjudice, le seul mensonge qu'elle entretienne, c'est le mystère qui entoure sa mère. Si cela se savait, conserverait-elle sa place?
~ Biographie ~
« Tout commence il y a plus de vingt ans.
L'action se déroule sur un morceau d'île perdu au beau milieu de Grand Line. Beaucoup de sable, à peine quelques arbres, des oiseaux rares. Rien que le bruit des vagues. Le tout ressemble à une peinture, immobile. L'image vacille au son d'une respiration humaine. Trop irrégulière.
C'est une femme. Elle se traîne avec peine dans le sable pour s'extraire des remous, pourtant pas bien méchants. Ceux-ci viennent lécher ses jambes et ses avants-bras, et à chaque nouvel assaut, elle tremble. Autour d'elle, de la mousse se forme. Son visage est dissimulé sous une cascade de longs cheveux noirs, dont les boucles défaites sont poisseuses d'eau de mer et de sable. La tête dans les épaules, elle fixe le sol, ses traits sont dans l'ombre. De sa bouche ouverte s'échappe un râle, et un filet de bave mêlé de sang.
Le sang. Il macule ses vêtements. Des lambeaux, vestiges d'une robe de bonne facture, en tissus sombre, que le liquide vital assombrit par endroits. Quelques dentelles encore intactes, délicatement ouvragées, laissent un aperçu du passé, et ouvrent la porte aux spéculations.
Comme une sirène qui n'aurait jamais apprit à marcher avec des jambes, elle titube, se relève plusieurs fois, avant de parvenir quelques mètres plus loin, hors d'atteinte de la mer. Et puis elle s'écroule, face contre terre. Le sable qui macule son visage, elle ne s'en soucie pas.
Dans un dernier effort, elle roule sur elle-même, s’étend sur le dos, tournée vers le ciel. Elle ouvre les yeux, lentement, et ses paupières révèlent un regard bleu glacial. De ses lèvres s'échappe un souffle, long mais léger, comme celui d'une longue peine qui vient de s'achever. Et puis elle ferme les yeux. »
Qu'est-elle devenue? Un jour, la femme réapparaît en ville. Guérie, vêtue d'une robe neuve, mais telle une ombre parmi la foule qui se presse entre les étals du marché. Elle avance, sans trop savoir où ses pas la mèneront. Et il est là.
Il est le seul à l'avoir remarquée, malgré son caractère étrange, déplacé. Immobile, il l'attend sur les marches de l'hôtel de ville. Le soleil dans son dos projette devant lui son ombre, comme un reflet démesuré de sa personne. Le regard de glace de la femme est rivé aux pavés. Quand l'ombre entre en contact avec le bout sa chaussure, elle lève les yeux et cherche le regard de l'homme.
A contre jour, il n'est qu'une forme sombre aux contours éblouissants. Il sourit. Elle ne le voit pas. Mais elle le sait.
Un an plus tard, le marché est toujours le même. Ce sont toujours les mêmes personnes qui se hâtent et négocient le prix des tomates. Le même soleil qui brille dans le ciel. Mais les titres de la presse ont changé.
Comme tous les samedis, la feuille de chou locale publie un encart réservé aux petites choses de la vie. Avis de décès, faire-part de naissances... Mariages. Dans un cadre noir, en bas de la page trente-six, une phrase en gras annonce l'union de « Lowell Mieher et Leatrice Menzer ». Une photo en noir et blanc y est jointe. On y voit un grand jeune homme au cheveux foncés, longs jusqu'aux épaules. Ses épaules carrées mettent en valeur le costume de cérémonie qu'il porte, ornementé d'une rose à la boutonnière. A son bras, un fantôme. Blanche sa peau, blanche sa robe, clos sont ses yeux. Seuls ses cheveux, d'un noir d'encre, brisent l'illusion. La mauvaise qualité de la photographie n'arrange pas les choses, et sur le papier froissé, elle semble une apparition de l'au-delà. Aucun des deux ne sourient, leurs visages sont des masques.
Les pages du journal sont refermées, puis on le jette à terre, dans la poussière.
Un mois, puis deux, puis trois... Une année après l'autre... Deux ans se sont écoulés.
Le son régulier de l'horloge résonne dans la bibliothèque. Une pluie légère frappe de grandes fenêtres cintrées de bois sombre. Nous sommes à la fin de la journée. Au loin, le soleil décline pour se noyer dans la mer, teintant le paysage d'une couleur de vin.
La grattement d'une plume sur le papier s'ajoute à la symphonie de la vie. Il est là, tellement droit dans son fauteuil que s'en est effrayant. Seul son bras dépasse du haut dossier. D'une main agile, il trace à l'encre rouge foncée des pleins et déliés sur un petit carton.
Lorsque son travail s'achève, il replace la plume dans l'encrier et se lève sans un bruit. Il jette un dernier regard sur le plan de travail. L'ultime rayon de soleil de cette journée comme les autres éclaire son regard, d'un brun profond.
Cela peut attendre. Il doit aller à son chevet.
Cependant qu'il s'éloigne, la nuit étend ses ombres, et vient couvrir ces mots: « Mademoiselle Alexis Mieher, née ce jour. »
Elle ne savait pas vraiment de quoi sa mère était morte. Père lui disait que c'était le chagrin et le poids du passé qui l'avaient tuée. Quand il disait cela, il détournait toujours le regard, soudain attiré par les fenêtres.
Elle a grandit dans ce manoir. C'est une bâtisse ancienne, aux pièces sombres et au mobilier ancien. Des tas de bibelots qui auraient appartenu à la famille de son père. Mais aucun vestige de sa mère. Quoi que n'étant pas immense, il y avait bien assez de pièces pour qu'une petite fille puisse s'y perdre, et parfois passer ses journée à explorer de nouveaux recoins. Mais il y avait des pièces auxquelles elle ne pouvait pas accéder. Elles étaient touts fermées à clé. Parmi elle, le bureau de père. Et elle, par timidité, elle n'osait rien lui demander. Pas une seule question sur les choses cachées ne fût posée, jusqu'à ce qu'elle soit assez grande pour s'en inquiéter.
Elle n'est jamais allée à l'école. C'est son père qui lui donnait ses leçons, tous les après-midis, dans la grand bibliothèque. L'élever seul, sans présence féminine, était un grand défi. Malgré cela, la petite était sage comme une image. Elle faisait toujours ce qu'on lui demandait, apprenait ses leçons avec application. Elle était polie et parlait très bien, pour une si jeune enfant. Mais son père veillait jalousement sur son enfant, ne la laissant pas souvent sortir de la maison. Les enfants de son âge, elle ne les fréquentait pas beaucoup. Son seul contact avec l'extérieur, c'était les visites des amis de son père. Tous les mois, ils se réunissaient dans son bureau, et s'enfermaient à double tour pour discuter de choses et d'autres.
Il est écrivain, et passe le plus clair de son temps dans son bureau, ou à la bibliothèque. Ce n'est pas un homme très bavard. Un jour, quelqu'un a dit à Alexis qu'il avait changé. Qu'il n'était pas comme ça du temps où sa mère était vivante. Autrefois, disait cette personne, c'était un homme plein de vie, fort d'une intuition grâce à laquelle il aurait pu mettre le monde à ses pieds.
Alexis passait le plus clair de son temps dans la solitude. Ses premiers amis, elle les rencontra dans les livres. Elle se passionna très tôt pour les romans de chevalerie. Elle ne lisait rien d'autre que le registre épique. En parcourant les vieilles pages du bout de ses petits doigts, ses yeux s'illuminaient. Dans sa tête, elle donnait vie à ces récits de batailles. Les beaux chevaliers, magnifiques dans des armures scintillantes, se battant sous la bannière d'un roi ou d'un seigneur, voilà ce qui la faisait rêver. Elle aurait voulut être une princesse rien que pour cela. Pour être la digne représentante d'une noble famille, pour porter haut et fort ses couleurs, pour défendre sa réputation et ses valeurs. Elle aurait été honorée d'accomplir son devoir. En grandissant, elle s'imaginait dans le rôle du chevalier, non plus dans celui de la dame. Et si les femmes pouvaient aussi se battre? Au début, elle rougissait en y pensant. Que des pensées insensées. Si père le savait, comment la regarderait-il?
Et puis un jour, Alexis devint une femme. Et ce fût le début de la fin.
En grandissant, la demoiselle commençait à s'affirmer, à développer une véritable personnalité. Avoir grandit dans un carcan de rigueur lui donnait envie de déployer ses ailes. La petite fille si parfaite s'évanouissait peu à peu.
Pour commencer, elle voulut découvrit un peu son île. Après une grève de la faim, elle obtenu avec réticence de la part de son père le droit de sortir du manoir, de temps à autre. La première fois qu'elle fit jouer ce droit, c'était en fin d'après-midi, et la pluie venait juste de cesser. Elle déambula dans la rue pendant deux heures, avec des mouvements étranges, comme sous l'emprise d'une drogue. Elle sauta à pieds joints dans une flaque d'eau. Ce contact la réjouit et la grisa. Prise de folie, elle poussa jusqu'à la plage. On ne sait pas bien pourquoi, mais ce jour là, elle décida de se jeter dans les vagues, encore toute habillée. Étonnamment, son père ne la punit pas. Mais elle tomba malade et garda le lit plusieurs jours.
Depuis cette aventure, ses ardeurs furent quelque peu ralenties. Mais elle brûlait toujours en dedans.
Quand elle sortait en ville, c'était pour s'acheter de nouveau vêtements, avec un peu d'argent que lui avait donné son père, ou pour s'installer sur les marches de l'hôtel de ville (ou elle apprit plus tard que ses parents s'étaient rencontrés). Elle lisait, heureuse dans son petit monde. Au début, les autres gamins l'observaient de loin. Ils avaient toujours entendu parler d'elle, mais sans jamais la voir, comme d'une légende. Ce qui était au départ une crainte mêlée de respect se transforma avec le temps en indifférence. Dès lors, plus personne ne s'interrogeait sur son passage. Elle, c'était juste l'étrange fille qui vivait dans un étrange manoir, et la vie poursuivait son cours.
C'était une belle affiche, à l'encre bleue imprimée sur un papier de qualité. L'annonce proclamait l'arrivée prochaine d'une grand garnison de la Marine. L'évènement serait honoré par un défilé, suivit d'une réception officielle à l'hôtel de ville et d'un bal populaire sur la grande place. Le cœur de la jeune fille fît un bond dans sa poitrine.
Plus la date approchait, plus la ville changeait. On avait suspendu des guirlandes de petits fanions bleus et blancs entre les maisons dans les rues principales, et même les lampadaires de la grande place avaient été décorés de fleurs aux couleurs de la Marine. L’excitation grandissait, tout le monde n'avait que ça à la bouche. Alexis elle, restait à l'écart du mouvement, comme à son habitude. Elle ne voulait pas trop se réjouir. Elle n'avait jamais assisté à un rassemblement de toute sa vie. La dernière fois que quelque chose s'était produit, elle était trop jeune pour y participer. Mais surtout, elle attendait le défilé avec une impatiente qui l'empêchait parfois de dormir la nuit. Alors elle restait là, étendue dans son lit, à fixer le plafond, et son esprit divaguait, des images dansaient devant ses yeux. Elle fêterait bientôt ses dix-sept ans, et voilà qu'elle se prenait à se sentir seule. Les romans de chevalerie commençaient à la lasser. Elle avait envie de plus que cela. Il manquait quelque chose en elle. Parfois, elle se surprenait à rêvasser, la tête remplie d'histoires à l'eau de rose. D'histoires d'amour.
Quand vint enfin le grand jour, elle resta muette toute la journée, et ne mit pas le nez hors du manoir. Elle sentait le regard pesant de son père sur elle. Il ne lui posa aucune question. Peut-être pensait-il qu'elle n'avait pas l'intention de participer aux festivités. La vérité, c'était qu'elle attendait le moment propice. Une fois qu'il se fût enfermé dans son bureau pour réfléchir, comme à son habitude, elle courut dans sa chambre. Les mains tremblantes, elle s'empara d'un sac en toile dans lequel elle rangeait son barda habituel, et enfila une paire de baskets. Pour la première fois de sa vie, elle fît quelque chose de fou: Elle ouvrit la fenêtre de sa chambre, située au premier étage, et sauta. Elle aurait pu se blesser mais, les joues rougies et le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, elle était déjà loin, s'élançant dans le crépuscule, en direction de la musique.
Un petit sourire excité ornait son visage tandis qu'elle se frayait un chemin parmi la foule, à grand renfort de coups de coudes. Pour une fois, au diable les bonnes manières. La fougue lui donnait des ailes. Elle ne s'arrêta que lorsque le cordon de sécurité lui coupa le souffle. Et ils étaient là.
La cérémonie avait déjà commencé, et elle arrivait au meilleur moment. Ses yeux étaient deux immenses lacs dans lesquels leur image se reflétait. Des étoiles naquirent dans le bleu de ses iris. Sa bouche s'ouvrit sur un son muet. Elle était immobile. C'était une seconde, et pourtant ce fût long.
D'un même mouvement, ils se déplaçaient. Tant de perfection, tant de fierté! Des soldats, des gradés, dans leurs magnifiques uniformes bleu et blanc, certains rehaussés de doré. Quelques uns tenaient à bout de bras des drapeaux ornés du symbole de la Marine.La musique, lourde et pompeuse, faisait vibrer ses os à chaque nouveau coup. Et pour la première fois de sa vie, elle pleura d'émotion. Elle pleura pour la beauté. Elle était venue en espérant trouver l'amour. Elle l'avait trouvé, mais pas de en la présence d'un homme. Ce soir là, elle trouva la réponse à la question: « Qu'est ce que tu veux faire quand tu sera grande? ».
Elle ne savait pas vraiment comment lui faire part de ses envies. Il faudrait qu'elle lui dise. Et elle savait qu'il voudrait qu'elle le lui dise en face. L'honneur avant tout. Après avoir erré dans le manoir toute la journée, elle se décida, en fin d'après-midi, à aller le trouver dans son bureau.
Elle se tenait devant la porte, et sa main tremblait. C'était la première fois qu'elle osait le déranger dans son travail. Le bureau, jamais elle n'y avait mit les pieds. C'était interdit.
A peine sa main avait-elle effleuré le panneau de bois de la porte que celui-ci cédait. Une simple impulsion, pas plus forte qu'une caresse, du bout des phalanges, et la porte s'ouvrait. De quelques centimètres seulement. Mais c'était suffisant pour qu'elle saisisse l'invitation. Et en même temps, elle savait qu'en temps normal, les choses ne se seraient pas déroulées ainsi. Et c'est ce doute, qui vous ronge plus surement que les vers les cadavres, qui la poussa à franchir l'entrée, et à poser le premier pas dans l'espace sacré.
En faisant cela, elle avait la sensation de se trouver dans un lieu saint. Un lieu où elle n'avait pas sa place. Où elle n'aurait pas du se trouver. C'était comme si chaque objet lui lançait un regard de reproche. Comme si on l'observait. Comme si à tout instant, son père allait surgir, et l'expédier hors de la pièce d'un coup de pied. Ce qu'il n'aurait jamais fait, n'est-ce pas? Cela ne lui ressemble pas.
Il y a avait tant de choses, dans cet endroit. Tant d'objets, tant de reliques... Si l’ensemble de la maison était si bien ordonné, le bureau était l'exception qui confirme la règle. Tous ces détails étaient autant d'agressions visuelles. Elle voyait sans voir. Il y a avait trop de choses autour d'elle pour qu'elle puisse comprendre pleinement de quoi il s'agissait. Une seule chose attirait son attention plus que les autres, et cette chose se trouvait bien en évidence sur le meuble principal.
C'était un petit journal à la couverture bleue. Il trônait sur une pile de document, posé de manière trop propre pour être due au hasard. Il n'y a avait aucune indication sur la couverture, mais elle savait déjà qu'il contenait des réponses aux questions qu'elle n'avait pas encore posées. Sans plus de réflexion, elle se jetait dessus pour le lire.
Personne ne vint la déranger pendant sa lecture. Quand d'ordinaire, la présence de son père était omniprésente sur son domaine, cette fois-ci, c'était comme s'il avait disparu. Qui plus est, un soleil radieux dardait ses rayons à travers les fenêtres, chose rare ici.
Le contenu du carnet déclencha une avalanche de chocs en elle. Premièrement, il était rédigé de la main de sa mère. Leatrice Menzer. Son écriture fin et penchée, toujours rédigée à l'aide d'une encore bleu roi, ornait les pages. Par moment, le papier était ondulé. Probablement déformé par des pleurs. Ses pleurs.
Premièrement, elle apprit que sa mère, tout comme elle, avait grandit dans un manoir lugubre. Sauf qu'elle, elle avait fui une famille oppressante pour devenir pirate. Oui, pirate. Par la suite, elle avait intégré un équipage prometteur. Mais, alors qu'elle venait d'atteindre Grand Line avec ses compagnons, un terrible événement été survenu, et ils avaient été décimés dans des circonstances obscures. Sa mère savait que la plupart, et notamment son capitaine, avait été tués. Par un étrange homme dont elle n'avait jamais vu le visage. D'autres avaient peut-être survécu, mais le naufrage l'avait recrachée seule sur une île déserte. Et c'était ses derniers mots.
« Ce jour là, elle a cessé de tenir son journal. Mais tu connais déjà la suite. »
La voix de son père. Qui résonne dans la pièce, soudaine et inattendue. Elle ne sursaute même pas. A quoi bon? Son absence était trop étrange pour être honnête. Une mascarade, rien de plus.
« Un jour ou l'autre, il te fallait apprendre la vérité. »
Elle ne se retourne pas. Elle même ne sait que penser. Est-elle choquée? Elle ne sait pas. Est-elle triste? Elle ne sait pas non plus.
Sa mère était une pirate, alors. Un instant, elle se mord la lèvre. Tant pis. C'est décidé, elle le fera quand même.
Cette femme qui l'a mise au monde n'est rien moins qu'une étrangère. Un pâle fantôme, une présence imperceptible, effrayante. Sur les rages photos ou peinture qu'elle ait jamais vues d'elle, elle lui a toujours fait penser à un esprit d'un autre monde. Un démon, presque. Une créature effrayante, un personnage de cauchemars.
Elle en a plus qu'assez. C'est terminé. Tout cet univers, bien trop lugubre, l'étouffe. Oh, bien-sûr, père n'a rien fait. Ce n'est pas de sa faute. Mais une jeune fille comme elle a toute sa vie devant elle. S'il veut vivre dans le souvenir, tant mieux pour lui. Elle, en revanche, ce n'est pas ce qu'elle veut. Elle a peur, quelque part. Peur de devenir elle-même un fantôme, si elle se laisse gagner par la langueur qui règne sur le manoir.
A ce moment de la vie où l'on se dirige vers la maturité, elle réalise que ses rêves et aspirations sont bien plus puissantes, que ce ne sont pas de simples pensées à mettre de côté. Il lui faut faire un choix. Partir, et tenter l'aventure, quitte à se brûler les ailes, mais tenter le tout pour le tout, ou se morfondre et vivre une vie de frustrations, à regretter de ne pas avoir oser? Le choix est vite fait. Ce qu'elle voulait, c'était briller. Il était temps d'arrêter se se torturer, de faire saigner son cœur à coup d'histoires qui ne seraient jamais que des comptes. Le destin lui offrait l'occasion en or de devenir l'un de ses personnages de roman qu'elle admirait tant. Elle aussi pouvait faire partie d'un tout, défendre de nobles valeurs, se battre pour ce qu'elle jugeait juste.
« Suffisait de d'mander. De toute façon, on est aussi là pour recruter. »
Cet instant, celui où elle s'est emparé du stylo pour tracer son nom sur la fiche, restera gravé pour toujours dans son esprit. Elle revoit encore les lettres se dessiner sous l'impulsion de ses doigts, l'encre s'étaler sur le papier, et sécher, si vite, pour fixer le contrat.
Le premier jour de son arrivée au camp de formation, on lui fit passer une série de tests. Des exercices et des question destinés à établir sa future fonction. Avait-elle un talent particulier pour telle ou telle discipline, pour le maniement d'une arme en particulier? Elle subit aussi une visite médicale. Hormis une légère anémie, tout fonctionnait parfaitement.
On ne savait pas vraiment quoi faire de la jeune fille. Elle refusait d'être affectée aux cuisines, et la branche administrative ne l'intéressait pas non plus. Au grand désespoir des recruteurs, qui se demandaient alors s'ils avaient bien fait de l'embarquer, elle s'entêtait à vouloir devenir soldat. Pourtant, ce n'était pas tant le fait qu'elle soit une fille qui les dérangeait. Le problème, c'était plutôt sa constitution. Toute petite et fragile, il n'était pas certain que le dur entraînement des soldats soit fait pour elle. Quand bien même, elle n'en démordait pas. On voulut lui faire passer une série de tests pour déterminer quelle arme lui conviendrait le mieux. Elle refusa catégoriquement de toucher à l'arc qu'on lui présenta le premier jour, et il en fût de même pour les pistolets et autres. Sa lubie, c'était de posséder une épée. Elle répétait sans cesse qu'elle voulait qu'on lui donne une lame. Excédés par ses caprices, les entraîneurs finirent par céder. Seulement, parmi eux, se trouvait un homme au caractère dur, qui ne pouvait plus supporter ses plaintes. Il décida de lui donner une bonne leçon tout en lui accordant ce qu'elle voulait. Devant l'ensemble des recrues réunies, il lui présenta une lourde épée à deux mains, à lame large. C'était pour Alexis une heureuse surprise... Qui tourna vite au cauchemar. En effet, elle fût incapable de la soulever. Et ce devant les rires de la foule masculine qui l'entourait.
« Trop faible »
« Gamine »
« Te faudra plus de muscles, si tu veux y arriver. En attendant, prends ça ».
C'étaient les paroles de l’entraîneur. A ses pieds, il jeta une arme plus légère, qui se tenait à une seule main. Mortifiée par la honte, elle n'osa rien répondre, et s'empara du présent avant de quitter le terrain d'exercice, la tête basse.
L'action se déroule sur un morceau d'île perdu au beau milieu de Grand Line. Beaucoup de sable, à peine quelques arbres, des oiseaux rares. Rien que le bruit des vagues. Le tout ressemble à une peinture, immobile. L'image vacille au son d'une respiration humaine. Trop irrégulière.
C'est une femme. Elle se traîne avec peine dans le sable pour s'extraire des remous, pourtant pas bien méchants. Ceux-ci viennent lécher ses jambes et ses avants-bras, et à chaque nouvel assaut, elle tremble. Autour d'elle, de la mousse se forme. Son visage est dissimulé sous une cascade de longs cheveux noirs, dont les boucles défaites sont poisseuses d'eau de mer et de sable. La tête dans les épaules, elle fixe le sol, ses traits sont dans l'ombre. De sa bouche ouverte s'échappe un râle, et un filet de bave mêlé de sang.
Le sang. Il macule ses vêtements. Des lambeaux, vestiges d'une robe de bonne facture, en tissus sombre, que le liquide vital assombrit par endroits. Quelques dentelles encore intactes, délicatement ouvragées, laissent un aperçu du passé, et ouvrent la porte aux spéculations.
Comme une sirène qui n'aurait jamais apprit à marcher avec des jambes, elle titube, se relève plusieurs fois, avant de parvenir quelques mètres plus loin, hors d'atteinte de la mer. Et puis elle s'écroule, face contre terre. Le sable qui macule son visage, elle ne s'en soucie pas.
Dans un dernier effort, elle roule sur elle-même, s’étend sur le dos, tournée vers le ciel. Elle ouvre les yeux, lentement, et ses paupières révèlent un regard bleu glacial. De ses lèvres s'échappe un souffle, long mais léger, comme celui d'une longue peine qui vient de s'achever. Et puis elle ferme les yeux. »
Qu'est-elle devenue? Un jour, la femme réapparaît en ville. Guérie, vêtue d'une robe neuve, mais telle une ombre parmi la foule qui se presse entre les étals du marché. Elle avance, sans trop savoir où ses pas la mèneront. Et il est là.
Il est le seul à l'avoir remarquée, malgré son caractère étrange, déplacé. Immobile, il l'attend sur les marches de l'hôtel de ville. Le soleil dans son dos projette devant lui son ombre, comme un reflet démesuré de sa personne. Le regard de glace de la femme est rivé aux pavés. Quand l'ombre entre en contact avec le bout sa chaussure, elle lève les yeux et cherche le regard de l'homme.
A contre jour, il n'est qu'une forme sombre aux contours éblouissants. Il sourit. Elle ne le voit pas. Mais elle le sait.
Un an plus tard, le marché est toujours le même. Ce sont toujours les mêmes personnes qui se hâtent et négocient le prix des tomates. Le même soleil qui brille dans le ciel. Mais les titres de la presse ont changé.
Comme tous les samedis, la feuille de chou locale publie un encart réservé aux petites choses de la vie. Avis de décès, faire-part de naissances... Mariages. Dans un cadre noir, en bas de la page trente-six, une phrase en gras annonce l'union de « Lowell Mieher et Leatrice Menzer ». Une photo en noir et blanc y est jointe. On y voit un grand jeune homme au cheveux foncés, longs jusqu'aux épaules. Ses épaules carrées mettent en valeur le costume de cérémonie qu'il porte, ornementé d'une rose à la boutonnière. A son bras, un fantôme. Blanche sa peau, blanche sa robe, clos sont ses yeux. Seuls ses cheveux, d'un noir d'encre, brisent l'illusion. La mauvaise qualité de la photographie n'arrange pas les choses, et sur le papier froissé, elle semble une apparition de l'au-delà. Aucun des deux ne sourient, leurs visages sont des masques.
Les pages du journal sont refermées, puis on le jette à terre, dans la poussière.
Un mois, puis deux, puis trois... Une année après l'autre... Deux ans se sont écoulés.
Le son régulier de l'horloge résonne dans la bibliothèque. Une pluie légère frappe de grandes fenêtres cintrées de bois sombre. Nous sommes à la fin de la journée. Au loin, le soleil décline pour se noyer dans la mer, teintant le paysage d'une couleur de vin.
La grattement d'une plume sur le papier s'ajoute à la symphonie de la vie. Il est là, tellement droit dans son fauteuil que s'en est effrayant. Seul son bras dépasse du haut dossier. D'une main agile, il trace à l'encre rouge foncée des pleins et déliés sur un petit carton.
Lorsque son travail s'achève, il replace la plume dans l'encrier et se lève sans un bruit. Il jette un dernier regard sur le plan de travail. L'ultime rayon de soleil de cette journée comme les autres éclaire son regard, d'un brun profond.
Cela peut attendre. Il doit aller à son chevet.
Cependant qu'il s'éloigne, la nuit étend ses ombres, et vient couvrir ces mots: « Mademoiselle Alexis Mieher, née ce jour. »
***
Elle est morte quand elle était beaucoup plus jeune. Elle avait deux ans. Elle ne se souvient pas d'elle. Père garde dans son bureau un portrait d'elle, très grand et imposant. L'objet l'a toujours impressionnée. C'est une reproduction grandeur nature de mère. Son expression fermée est effrayante. Où qu'on aille, on a l'impression qu'elle vous suit. Toute petite dans sa chemise de nuit blanche, elle ne parvenait pourtant pas à détacher ses yeux du portrait, des heures durant. Souvent, elle revoyait ce regard en rêve, la nuit. Elle avait l'impression d'être surveillée par son souvenir. Un jour, elle lui est même apparue. Elle était là, elle l'aurait juré. Elle se tenait en haut du grand escalier, la main sur la rambarde de bois sombre. Sa robe, une chemise de nuit pâle, voletait légèrement. Et pourtant, il n'y avait aucune fenêtre ouverte. Quand elle en a fait part à père, il n'a pas dit grand chose. Juste que « Les fantômes n'existent pas, Alexis ».Elle ne savait pas vraiment de quoi sa mère était morte. Père lui disait que c'était le chagrin et le poids du passé qui l'avaient tuée. Quand il disait cela, il détournait toujours le regard, soudain attiré par les fenêtres.
Elle a grandit dans ce manoir. C'est une bâtisse ancienne, aux pièces sombres et au mobilier ancien. Des tas de bibelots qui auraient appartenu à la famille de son père. Mais aucun vestige de sa mère. Quoi que n'étant pas immense, il y avait bien assez de pièces pour qu'une petite fille puisse s'y perdre, et parfois passer ses journée à explorer de nouveaux recoins. Mais il y avait des pièces auxquelles elle ne pouvait pas accéder. Elles étaient touts fermées à clé. Parmi elle, le bureau de père. Et elle, par timidité, elle n'osait rien lui demander. Pas une seule question sur les choses cachées ne fût posée, jusqu'à ce qu'elle soit assez grande pour s'en inquiéter.
Elle n'est jamais allée à l'école. C'est son père qui lui donnait ses leçons, tous les après-midis, dans la grand bibliothèque. L'élever seul, sans présence féminine, était un grand défi. Malgré cela, la petite était sage comme une image. Elle faisait toujours ce qu'on lui demandait, apprenait ses leçons avec application. Elle était polie et parlait très bien, pour une si jeune enfant. Mais son père veillait jalousement sur son enfant, ne la laissant pas souvent sortir de la maison. Les enfants de son âge, elle ne les fréquentait pas beaucoup. Son seul contact avec l'extérieur, c'était les visites des amis de son père. Tous les mois, ils se réunissaient dans son bureau, et s'enfermaient à double tour pour discuter de choses et d'autres.
Il est écrivain, et passe le plus clair de son temps dans son bureau, ou à la bibliothèque. Ce n'est pas un homme très bavard. Un jour, quelqu'un a dit à Alexis qu'il avait changé. Qu'il n'était pas comme ça du temps où sa mère était vivante. Autrefois, disait cette personne, c'était un homme plein de vie, fort d'une intuition grâce à laquelle il aurait pu mettre le monde à ses pieds.
Alexis passait le plus clair de son temps dans la solitude. Ses premiers amis, elle les rencontra dans les livres. Elle se passionna très tôt pour les romans de chevalerie. Elle ne lisait rien d'autre que le registre épique. En parcourant les vieilles pages du bout de ses petits doigts, ses yeux s'illuminaient. Dans sa tête, elle donnait vie à ces récits de batailles. Les beaux chevaliers, magnifiques dans des armures scintillantes, se battant sous la bannière d'un roi ou d'un seigneur, voilà ce qui la faisait rêver. Elle aurait voulut être une princesse rien que pour cela. Pour être la digne représentante d'une noble famille, pour porter haut et fort ses couleurs, pour défendre sa réputation et ses valeurs. Elle aurait été honorée d'accomplir son devoir. En grandissant, elle s'imaginait dans le rôle du chevalier, non plus dans celui de la dame. Et si les femmes pouvaient aussi se battre? Au début, elle rougissait en y pensant. Que des pensées insensées. Si père le savait, comment la regarderait-il?
Et puis un jour, Alexis devint une femme. Et ce fût le début de la fin.
En grandissant, la demoiselle commençait à s'affirmer, à développer une véritable personnalité. Avoir grandit dans un carcan de rigueur lui donnait envie de déployer ses ailes. La petite fille si parfaite s'évanouissait peu à peu.
Pour commencer, elle voulut découvrit un peu son île. Après une grève de la faim, elle obtenu avec réticence de la part de son père le droit de sortir du manoir, de temps à autre. La première fois qu'elle fit jouer ce droit, c'était en fin d'après-midi, et la pluie venait juste de cesser. Elle déambula dans la rue pendant deux heures, avec des mouvements étranges, comme sous l'emprise d'une drogue. Elle sauta à pieds joints dans une flaque d'eau. Ce contact la réjouit et la grisa. Prise de folie, elle poussa jusqu'à la plage. On ne sait pas bien pourquoi, mais ce jour là, elle décida de se jeter dans les vagues, encore toute habillée. Étonnamment, son père ne la punit pas. Mais elle tomba malade et garda le lit plusieurs jours.
Depuis cette aventure, ses ardeurs furent quelque peu ralenties. Mais elle brûlait toujours en dedans.
Quand elle sortait en ville, c'était pour s'acheter de nouveau vêtements, avec un peu d'argent que lui avait donné son père, ou pour s'installer sur les marches de l'hôtel de ville (ou elle apprit plus tard que ses parents s'étaient rencontrés). Elle lisait, heureuse dans son petit monde. Au début, les autres gamins l'observaient de loin. Ils avaient toujours entendu parler d'elle, mais sans jamais la voir, comme d'une légende. Ce qui était au départ une crainte mêlée de respect se transforma avec le temps en indifférence. Dès lors, plus personne ne s'interrogeait sur son passage. Elle, c'était juste l'étrange fille qui vivait dans un étrange manoir, et la vie poursuivait son cours.
***
Un jour, on annonça un événement exceptionnel sur l'île où chaque jour était le même. Le murmure se transforma en rumeur, et bientôt toute la vie était mise au courant, bien avant que les affiches officielles ne fleurissent sur les murs. Alexis fût une des dernières personnes à le savoir. Personne n'avait jugé bon de la mettre dans la confidence, et son père n'était pas homme à s’épancher sur les racontars. Elle se rendait sur la place principale, comme à son habitude, quand son regard fût attiré par un feuillet qui se balançait dans le vent.C'était une belle affiche, à l'encre bleue imprimée sur un papier de qualité. L'annonce proclamait l'arrivée prochaine d'une grand garnison de la Marine. L'évènement serait honoré par un défilé, suivit d'une réception officielle à l'hôtel de ville et d'un bal populaire sur la grande place. Le cœur de la jeune fille fît un bond dans sa poitrine.
Plus la date approchait, plus la ville changeait. On avait suspendu des guirlandes de petits fanions bleus et blancs entre les maisons dans les rues principales, et même les lampadaires de la grande place avaient été décorés de fleurs aux couleurs de la Marine. L’excitation grandissait, tout le monde n'avait que ça à la bouche. Alexis elle, restait à l'écart du mouvement, comme à son habitude. Elle ne voulait pas trop se réjouir. Elle n'avait jamais assisté à un rassemblement de toute sa vie. La dernière fois que quelque chose s'était produit, elle était trop jeune pour y participer. Mais surtout, elle attendait le défilé avec une impatiente qui l'empêchait parfois de dormir la nuit. Alors elle restait là, étendue dans son lit, à fixer le plafond, et son esprit divaguait, des images dansaient devant ses yeux. Elle fêterait bientôt ses dix-sept ans, et voilà qu'elle se prenait à se sentir seule. Les romans de chevalerie commençaient à la lasser. Elle avait envie de plus que cela. Il manquait quelque chose en elle. Parfois, elle se surprenait à rêvasser, la tête remplie d'histoires à l'eau de rose. D'histoires d'amour.
Quand vint enfin le grand jour, elle resta muette toute la journée, et ne mit pas le nez hors du manoir. Elle sentait le regard pesant de son père sur elle. Il ne lui posa aucune question. Peut-être pensait-il qu'elle n'avait pas l'intention de participer aux festivités. La vérité, c'était qu'elle attendait le moment propice. Une fois qu'il se fût enfermé dans son bureau pour réfléchir, comme à son habitude, elle courut dans sa chambre. Les mains tremblantes, elle s'empara d'un sac en toile dans lequel elle rangeait son barda habituel, et enfila une paire de baskets. Pour la première fois de sa vie, elle fît quelque chose de fou: Elle ouvrit la fenêtre de sa chambre, située au premier étage, et sauta. Elle aurait pu se blesser mais, les joues rougies et le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, elle était déjà loin, s'élançant dans le crépuscule, en direction de la musique.
Un petit sourire excité ornait son visage tandis qu'elle se frayait un chemin parmi la foule, à grand renfort de coups de coudes. Pour une fois, au diable les bonnes manières. La fougue lui donnait des ailes. Elle ne s'arrêta que lorsque le cordon de sécurité lui coupa le souffle. Et ils étaient là.
La cérémonie avait déjà commencé, et elle arrivait au meilleur moment. Ses yeux étaient deux immenses lacs dans lesquels leur image se reflétait. Des étoiles naquirent dans le bleu de ses iris. Sa bouche s'ouvrit sur un son muet. Elle était immobile. C'était une seconde, et pourtant ce fût long.
D'un même mouvement, ils se déplaçaient. Tant de perfection, tant de fierté! Des soldats, des gradés, dans leurs magnifiques uniformes bleu et blanc, certains rehaussés de doré. Quelques uns tenaient à bout de bras des drapeaux ornés du symbole de la Marine.La musique, lourde et pompeuse, faisait vibrer ses os à chaque nouveau coup. Et pour la première fois de sa vie, elle pleura d'émotion. Elle pleura pour la beauté. Elle était venue en espérant trouver l'amour. Elle l'avait trouvé, mais pas de en la présence d'un homme. Ce soir là, elle trouva la réponse à la question: « Qu'est ce que tu veux faire quand tu sera grande? ».
***
Le lendemain matin, elle prit son petit déjeuner dans la salle à manger, avec père, l'un et l'autre à un bout de la grande table. Comme d'habitude. Son visage était aussi fermé que la veille. Elle beurrait ses tartines avec lenteur. La tension était palpable. Elle savait qu'il savait. Elle savait que quoi qu'elle fasse, elle ne pouvait rien lui cacher. Et pourtant, tout deux faisaient semblant. Mais sous sa peau, le sang bouillait comme jamais.Elle ne savait pas vraiment comment lui faire part de ses envies. Il faudrait qu'elle lui dise. Et elle savait qu'il voudrait qu'elle le lui dise en face. L'honneur avant tout. Après avoir erré dans le manoir toute la journée, elle se décida, en fin d'après-midi, à aller le trouver dans son bureau.
Elle se tenait devant la porte, et sa main tremblait. C'était la première fois qu'elle osait le déranger dans son travail. Le bureau, jamais elle n'y avait mit les pieds. C'était interdit.
A peine sa main avait-elle effleuré le panneau de bois de la porte que celui-ci cédait. Une simple impulsion, pas plus forte qu'une caresse, du bout des phalanges, et la porte s'ouvrait. De quelques centimètres seulement. Mais c'était suffisant pour qu'elle saisisse l'invitation. Et en même temps, elle savait qu'en temps normal, les choses ne se seraient pas déroulées ainsi. Et c'est ce doute, qui vous ronge plus surement que les vers les cadavres, qui la poussa à franchir l'entrée, et à poser le premier pas dans l'espace sacré.
En faisant cela, elle avait la sensation de se trouver dans un lieu saint. Un lieu où elle n'avait pas sa place. Où elle n'aurait pas du se trouver. C'était comme si chaque objet lui lançait un regard de reproche. Comme si on l'observait. Comme si à tout instant, son père allait surgir, et l'expédier hors de la pièce d'un coup de pied. Ce qu'il n'aurait jamais fait, n'est-ce pas? Cela ne lui ressemble pas.
Il y a avait tant de choses, dans cet endroit. Tant d'objets, tant de reliques... Si l’ensemble de la maison était si bien ordonné, le bureau était l'exception qui confirme la règle. Tous ces détails étaient autant d'agressions visuelles. Elle voyait sans voir. Il y a avait trop de choses autour d'elle pour qu'elle puisse comprendre pleinement de quoi il s'agissait. Une seule chose attirait son attention plus que les autres, et cette chose se trouvait bien en évidence sur le meuble principal.
C'était un petit journal à la couverture bleue. Il trônait sur une pile de document, posé de manière trop propre pour être due au hasard. Il n'y a avait aucune indication sur la couverture, mais elle savait déjà qu'il contenait des réponses aux questions qu'elle n'avait pas encore posées. Sans plus de réflexion, elle se jetait dessus pour le lire.
Personne ne vint la déranger pendant sa lecture. Quand d'ordinaire, la présence de son père était omniprésente sur son domaine, cette fois-ci, c'était comme s'il avait disparu. Qui plus est, un soleil radieux dardait ses rayons à travers les fenêtres, chose rare ici.
Le contenu du carnet déclencha une avalanche de chocs en elle. Premièrement, il était rédigé de la main de sa mère. Leatrice Menzer. Son écriture fin et penchée, toujours rédigée à l'aide d'une encore bleu roi, ornait les pages. Par moment, le papier était ondulé. Probablement déformé par des pleurs. Ses pleurs.
Premièrement, elle apprit que sa mère, tout comme elle, avait grandit dans un manoir lugubre. Sauf qu'elle, elle avait fui une famille oppressante pour devenir pirate. Oui, pirate. Par la suite, elle avait intégré un équipage prometteur. Mais, alors qu'elle venait d'atteindre Grand Line avec ses compagnons, un terrible événement été survenu, et ils avaient été décimés dans des circonstances obscures. Sa mère savait que la plupart, et notamment son capitaine, avait été tués. Par un étrange homme dont elle n'avait jamais vu le visage. D'autres avaient peut-être survécu, mais le naufrage l'avait recrachée seule sur une île déserte. Et c'était ses derniers mots.
« Ce jour là, elle a cessé de tenir son journal. Mais tu connais déjà la suite. »
La voix de son père. Qui résonne dans la pièce, soudaine et inattendue. Elle ne sursaute même pas. A quoi bon? Son absence était trop étrange pour être honnête. Une mascarade, rien de plus.
« Un jour ou l'autre, il te fallait apprendre la vérité. »
Elle ne se retourne pas. Elle même ne sait que penser. Est-elle choquée? Elle ne sait pas. Est-elle triste? Elle ne sait pas non plus.
Sa mère était une pirate, alors. Un instant, elle se mord la lèvre. Tant pis. C'est décidé, elle le fera quand même.
Cette femme qui l'a mise au monde n'est rien moins qu'une étrangère. Un pâle fantôme, une présence imperceptible, effrayante. Sur les rages photos ou peinture qu'elle ait jamais vues d'elle, elle lui a toujours fait penser à un esprit d'un autre monde. Un démon, presque. Une créature effrayante, un personnage de cauchemars.
Elle en a plus qu'assez. C'est terminé. Tout cet univers, bien trop lugubre, l'étouffe. Oh, bien-sûr, père n'a rien fait. Ce n'est pas de sa faute. Mais une jeune fille comme elle a toute sa vie devant elle. S'il veut vivre dans le souvenir, tant mieux pour lui. Elle, en revanche, ce n'est pas ce qu'elle veut. Elle a peur, quelque part. Peur de devenir elle-même un fantôme, si elle se laisse gagner par la langueur qui règne sur le manoir.
A ce moment de la vie où l'on se dirige vers la maturité, elle réalise que ses rêves et aspirations sont bien plus puissantes, que ce ne sont pas de simples pensées à mettre de côté. Il lui faut faire un choix. Partir, et tenter l'aventure, quitte à se brûler les ailes, mais tenter le tout pour le tout, ou se morfondre et vivre une vie de frustrations, à regretter de ne pas avoir oser? Le choix est vite fait. Ce qu'elle voulait, c'était briller. Il était temps d'arrêter se se torturer, de faire saigner son cœur à coup d'histoires qui ne seraient jamais que des comptes. Le destin lui offrait l'occasion en or de devenir l'un de ses personnages de roman qu'elle admirait tant. Elle aussi pouvait faire partie d'un tout, défendre de nobles valeurs, se battre pour ce qu'elle jugeait juste.
***
Avant que la garnison de la Marine ne quitte l'île, elle s'est rendue à l'hôtel de ville. Prenant son courage à deux mains, elle a demandé à parler à un responsable. C'est alors qu'on l'a dirigée vers un homme âgé et imposant, vêtu de la lourde cape à épaulettes dorées des hauts gradés. Sans s'arrêter, elle lui a fait part de son envie de se joindre à eux, cependant qu'il la fixait d'un regard d'acier, sans ciller. Il n'a pas répondu tout de suite. Ce furent les minutes de silence les plus épaisses de toute sa vie. A peine un sourire, sur son visage, et il lui tendait une pile de papiers.« Suffisait de d'mander. De toute façon, on est aussi là pour recruter. »
Cet instant, celui où elle s'est emparé du stylo pour tracer son nom sur la fiche, restera gravé pour toujours dans son esprit. Elle revoit encore les lettres se dessiner sous l'impulsion de ses doigts, l'encre s'étaler sur le papier, et sécher, si vite, pour fixer le contrat.
***
Ils l'emmenèrent sur une autre île. Pour la première fois, elle naviguait. Enfin, elle quittait l'île qui l'avait vue naître. Peut-être pour ne jamais y revenir. Se faisant, elle se forçait à oublier. L'oublier, pour mieux devenir elle-même, pour se construire toute seule. Pour ne pas faire les mêmes erreurs que ses parents.Le premier jour de son arrivée au camp de formation, on lui fit passer une série de tests. Des exercices et des question destinés à établir sa future fonction. Avait-elle un talent particulier pour telle ou telle discipline, pour le maniement d'une arme en particulier? Elle subit aussi une visite médicale. Hormis une légère anémie, tout fonctionnait parfaitement.
On ne savait pas vraiment quoi faire de la jeune fille. Elle refusait d'être affectée aux cuisines, et la branche administrative ne l'intéressait pas non plus. Au grand désespoir des recruteurs, qui se demandaient alors s'ils avaient bien fait de l'embarquer, elle s'entêtait à vouloir devenir soldat. Pourtant, ce n'était pas tant le fait qu'elle soit une fille qui les dérangeait. Le problème, c'était plutôt sa constitution. Toute petite et fragile, il n'était pas certain que le dur entraînement des soldats soit fait pour elle. Quand bien même, elle n'en démordait pas. On voulut lui faire passer une série de tests pour déterminer quelle arme lui conviendrait le mieux. Elle refusa catégoriquement de toucher à l'arc qu'on lui présenta le premier jour, et il en fût de même pour les pistolets et autres. Sa lubie, c'était de posséder une épée. Elle répétait sans cesse qu'elle voulait qu'on lui donne une lame. Excédés par ses caprices, les entraîneurs finirent par céder. Seulement, parmi eux, se trouvait un homme au caractère dur, qui ne pouvait plus supporter ses plaintes. Il décida de lui donner une bonne leçon tout en lui accordant ce qu'elle voulait. Devant l'ensemble des recrues réunies, il lui présenta une lourde épée à deux mains, à lame large. C'était pour Alexis une heureuse surprise... Qui tourna vite au cauchemar. En effet, elle fût incapable de la soulever. Et ce devant les rires de la foule masculine qui l'entourait.
« Trop faible »
« Gamine »
« Te faudra plus de muscles, si tu veux y arriver. En attendant, prends ça ».
C'étaient les paroles de l’entraîneur. A ses pieds, il jeta une arme plus légère, qui se tenait à une seule main. Mortifiée par la honte, elle n'osa rien répondre, et s'empara du présent avant de quitter le terrain d'exercice, la tête basse.
***
Depuis ce fameux jour, on la surnomme, à son grand désarrois, « La gamine ». Il ne lui est pas facile de s'imposer dans les rangs des soldats, affublée d'un sobriquet pareil. Pourtant, chaque jour, elle travaille pour atteindre son objectif, se faire respecter par ses camarades. Si elle s'en sort plutôt bien à l'entrainement, ses quelques maladresses viennent laminer tous ses efforts. Et pourtant, elle continue à se battre.Informations IRL
Prénom: Manon. Age: 19 ans. Aime: Le fromage, la montagne, ma Haute-Savoie. Doctor Who, Game of Thrones (le Limier!), et des tas de bouquins. L'ésotérisme, les trucs bios, jouer aux Sims 3. Les brocantes, les choses usées, tout ce qui a une âme. N'aime pas: BEAUCOUP de gens, les hypocrites, certaines mesures politiques. Les fruits de mer, la SNCF qui se fiche de moi tous les jours, me lever tard. Avoir les doigts fripés, la mer, le sable. Le soleil en hiver, les coupures d'internet, Paris et ces habitants. Personnage préféré de One Piece: Eustass Kidd. Caractère: Je suis folle, je le sais, et j'entretiens cette réputation. Je suis toujours à côté de la plaque et j'ai parfois du mal à comprendre certaines choses. Je me fais tout le tempsdes films et j'aime ça. Beaucoup de gens me trouvent hautaine, mais je vous promet que je ne le fait pas exprès. En plus, ça ne se voit pas à l'écrit. Et puis de toute façon je ne les aime pas. Je suis grossière, j'adore jurer. Je suis la preuve vivante qu'on peut être féminine et roter comme un gros porc. Fait du RP depuis: Plus de quatre ans. Disponibilité approximative: On va dire trois jours par semaine, parfois plus, rarement moins. Comment avez-vous connu le forum: Vous savez très bien que lorsqu'on cherche "forum rpg One Piece", vous êtes les premiers de la liste sur Google. De toute façon j'ai testé des tas d'autres forum du genre sans accrocher (sauf une fois au chalet).
❝ Test RP ❞
« Le camp de formation, ce n'est pas que des entraînements et l'apprentissage de façon de se battre, c'est aussi une école de la vie. La vie en groupe dans des escouades de la marine. Très tôt, les formateurs te mettent au sein d'une unité qui simulera la vie que vous aurez au sein de la marine. Tout le monde n'est pas aussi idéaliste que toi. Certains sont fermés d'esprit. D'autres sont un peu trop exubérants. Le pire, c'est que pour diriger cette escouade, on te désigne. Et ça ne plaît pas à tout le monde.
Raconte-nous comment s'est passée ton intégration parmi eux. »
Ce jour-là, Alexis faillit s'étouffer avec des céréales.
Elle prenait son petit déjeuner dans le réfectoire quand c'est arrivé. Pendant qu'elle fourrait sa cuillère dans son bol, ses yeux étaient absorbées par le spectacle du soleil, surgissant de la mer à l'aube, pour illuminer peu à peu les grandes fenêtres du bâtiment. Elle mangeait à la façon d'un automate, avec des gestes lents. De sa main libre, elle tapotait un rythme sur la table, et le bruit de ses ongles sur le bois lui valait les regards noirs des types qui l'entouraient. Mais ça, elle ne le voyait pas, perdue dans sa rêverie. Pendant qu'elle regardait le paysage, c'était toute une petite histoire qu'elle inventait dans sa tête à l'imagination fertile. C'était toujours le même thème, en ce moment, mais les personnages évoluaient peu à peu. Ils commençaient à devenir plus réalistes, depuis qu'elle vivait ici. Maintenant, elle aimait leur imaginer des vices et des travers, ce qui ne les rendaient que plus époustouflants à ses yeux.
Le type à sa gauche, assis à distance respectueuse d'elle, lui décochât un regard meurtrier et soupira bruyamment avant d'engloutir un croissant en un seul coup de mâchoire.
Ce matin là, la salle était parsemée, ses occupants habituels semblant absents. C'est au moment où elle sortait de ses songes pour s’inquiéter de ce phénomène que retentirent les bruits de pas. Le martèlement régulier des bottes sur le dallage de pierre augmenta, de plus en plus fort, jusqu'à s'arrêter à quelques centimètres d'elle.
Elle leva un regard vide vers le nouvel arrivant, un type avec qui elle partageait le même dortoir. C'était un gamin, peut-être plus jeune d'elle, au visage parsemé de tâches de rousseur. Elle enfourna machinalement un grosse cuillerée de céréales dans sa bouche. Elle avait encore l’ustensile dans le gosier, quand elle faillit tout recracher sur la table. A la place, elle toussa bruyamment, à plusieurs reprises, et un filet de bave et de lait mêlés dégoulina le long de son menton.
« T'est folle ou quoi ? Merde ! C'est aujourd'hui qu'on commence la formation ! »
Horreur et damnation. Merde, ce qu'elle pouvait être conne, parfois ! Ça c'était tout Alexis : Oublier les dates importantes. Si tous les regards n'étaient pas déjà rivés sur elle, la malade qui ne savait pas manger correctement, elle se serait claqué le front de la paume de sa main.
Se levant avec précipitation, elle renversa son bol d'un coup de coude maladroit, et fit grincer le banc en le déplaçant. Dans la salle, d'autres grincèrent des dents.
Elle abandonna là sa vaisselle, s'empressant de suivre son camarade qui s'éloignait en courant. Du bout des doigts, elle entreprit de se « recoiffer » autant qu'elle pût, histoire d'être un minimum présentable, tout en sautillant. L'autre s'arrêta net devant la porte et lui lança un regard à moitié incrédule, à moitié blasé.
« Tu va faire quoi avec ça ? »
Du geste du menton, il désignait la petite cuillère qu'elle tenait toujours dans sa main.
« Ah. Ah bah oui. »
D'un geste nonchalant, elle lança l'objet derrière son épaule, dans le réfectoire, et celui-ci tinta sur la pierre en s'écrasant sur le sol. L'autre soupira, puis reprit sa course.
« Allez, magne ! »
Réunis sur le terrain d'exercice, ils attendent, bien alignés par paquets de vingt. Ils se tiennent droits comme des statues, dans leurs uniformes de recrues. La poussière à tâché leurs chaussures, mais tout le reste est impeccable de propreté.
Un silence de mort règne sur l'ensemble, que le souffle haletant d'Alexis, et le bruit de ses chaussures qu'elle traîne dans les cailloux, viennent briser. Elle freine brusquement, et lisse sa jupe, malmenée par la course. Elle offre un tableau pitoyable : costume de travers, cheveux en batailles, parsemés d'épis qui s'échappent de sa tresse. Son visage se tord d'un sourire faux.
Alors qu'elle pense que rien ne pourrait être pire que ce qu'elle vit, l'homme qui fait face aux troupes se retourne et plante son regard dans le sien. Gloups. C'est Lui. Le recruteur qui l'a dans le collimateur. Elle va passer un sale quart d'heure...
Elle se prépare à se faire engueuler, mais il se contente de la regarder. Puis il se tourne vers les autres.
« Bien. Je crois qu'on est au complet. Avec mademoiselle Mieher, qui prendra la tête du groupe numéro sept ».
Numéro sept. Prendre la tête. D'accord.
Quoi ? Le sourire d'Alexis se casse la gueule. Est-ce qu'il est sérieux ? Mais pourquoi elle ? Pour être arrivée à la bourre, elle ne mérite pas cet honneur, elle le sait. A moins que... Mais oui, c'est forcément ça. Ce type est pervers, elle le sait. Tout ça n'est qu'un putain de test. Il veut voir de quoi elle est capable ? Okay, il va en avoir pour son argent.
Ses yeux lancent des éclairs. Elle soutient son regard pendant quelques longues secondes, puis se dirige vers le groupe numéro sept.
« A gauche, mademoiselle. C'est le septième groupe en partant de la gauche, et pas l'inverse. »
Ça commence bien. Malgré le sérieux qu'exige la situation, des rires fusent dans les rangs des recrues. Des sueurs froides dégoulinent dans le dos de la jeune fille. Enfoiré. Bien sûr, c'est entièrement de sa faute à elle, mais quand même. C'est un enfoiré.
« Bon, alors... Pour les dortoirs on va... Oh ! Vous m'écoutez quand je parle ? »
Peine perdue. Elle fronce son nez de mécontentement. La vérité, c'est qu'ils n'en n'ont rien à battre. Elle est censée être leur chef, et décider le l'organisation du dortoir fait aussi partie de son travail. Mais pour le moment, la pièce n'est qu'un vaste champ de bataille. Stoïque, elle les regarde se battre avec des oreillers. Oui, c'est bien ça, ils font un bataille de polochons. Quel groupe de crétins ! Et ils n'y vont pas de main morte, se frappant à coup de couvertures comme des malades.
Que des mecs. On lui a refilé un groupe entièrement masculin. Elle est la seule fille, elle a une réputation pourrie, elle a fait mauvaise impression dès le début, et elle est censée les gérer. Ça va pas être du gâteau.
Il faut absolument qu'elle trouve un moyen de se faire respecter. Ou au moins qu'ils l'écoutent, maintenant, pour commencer. D'un regard désespéré, elle cherche dans les objets qui l'entourent une idée. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire ? Ses yeux tombent sur la piles de sacs de ses camarades bruyants. C'est bon, elle sait. Ah ah. Ils vont en chier, les petits cons.
Avec un visage faussement serein, comme si de rien n'était, elle se dirige vers la fenêtre, qu'elle ouvre en silence pendant que personne ne lui prête attention. Puis elle s'empare d'un sac, et fait mine de le ranger... Avant de le balancer par la fenêtre. Et fait de même avec le seconde, et le troisième... Et ainsi jusqu'à ce que l'un des gars prenne connaissance de sa manœuvre.
« Oh ! Elle fait quoi ?! Nan mais t'es malade ! On est au troisième étage ! »
« Je sais... » Répond t-elle, un sourire malin sur les lèvres.
« Et tu crois qu'on va te laisser jeter toutes nos affaires par la fenêtre ? »
« Oh ! Moi j'ai des trucs fragiles ! »
« Ouais et moi, y a la photo de ma mère. »
Elle jette un regard moqueur au dernier qui a ouvert la parole. Puis elle reprend son manège.
« C'est cool. Je lui enverrais une carte postale. »
Une vague de protestations s'élève. Certains d'entre eux sont plus âgés qu'elle, mais la plupart son relativement jeune. Les plus hardis s'élancent déjà vers elle, pour en venir au main. C'est le moment d'annoncer la couleur.
« Vous allez tous fermer vos gueules, ou je continue. »
Quelques grognements fusent.
« Maintenant, vous aller me chercher vos sacs en bas, puis vous remontez et vous installer tout comme il faut. Et en silence. »
« Gamine ! »
Le voilà, le petit surnom. Elle est à deux doigts de craquer, mais elle tient bon. Surtout, ils ne doivent pas savoir que tout ça n'est qu'une façade. Elle doit rester ferme.
L'ensemble du groupe franchit la porte, en direction des escaliers, dans un concert de murmures hargneux. Au passage, elle se prend un ou deux regards mauvais.
Tous les matins, on lui remet une liste d'exercices ou de corvées qu'elle et ses camarades doivent accomplir. La plupart son encadrés par des gradés, mais Alexis est censée mener sa petite troupe. Ce qui consiste principalement à les mener d'un bâtiment à l'autre et à décider de la durée des poses. Une fois le soleil couché, seulement, chacun à quartier libre.
C'est un rythme qui n'est pas pour plaire à tout le monde. La plupart de ses camarades sont de joyeux lurons qui ne pensent qu'à faire les cons, et ça les emmerde de devoir la suivre partout. D'autres sont un peu plus récalcitrants. Ce sont surtout ceux qui sont plus âgés qu'elle, et qui ne supportent pas de recevoir d'ordres de la part d'une « petite fille ».
Le caractère indiscipliné de sa troupe est une épreuve qu'elle doit endurer chaque jour. Elle subit toute sorte de blague plus ou moins foireuses. De la boue dans ses chaussures. On coupe l'eau chaude quand elle est sous la douche. On met du savon dans son bol de céréales. Elle se fait toujours avoir. Au début, elle se contentait de gueuler. Mais le temps et la vie en communauté forge peu à peu son caractère. Elle deviendrait presque fourbe. Maintenant, elle rend les coups. Pour chaque piège tendu, elle leur rend la pareille. Un matin, ce sont leurs uniformes qui ont disparus. Un autre, ils leur fallut récupérer leurs affaire en haut d'un arbre.
Au fond, ce petit équilibre de la mesquinerie, c'est ce qui les tient unis. Jamais ils ne l'avoueront, c'est sûr. Elle n'est pas leur amie, c'est un fait. En attendant, ça les amuse bien, d'avoir quelqu'un à embêter. Ce ne sont que plaisanteries de gamins.
Le seul problème réside dans un seul d'entre eux. Un type renfermé, sombre. Le genre qui ne perd pas son temps à déconner. Celui-là ne participe pas aux blagues. Il a un regard noir qu'elle ne parvient pas à percer. Et quand l'occasion se présente, il lui rappelle toujours que ses rêves ne sont que des niaiseries. Lui n'a pas choisit d'être ici, c'est ce qu'elle a apprit plus tard. Mais que faire, quand on est orphelin, et que la seule chose qu'on sache faire, c'est se battre ? Elle fait semblant de ne pas l'écouter. Elle fait semblant que tout va bien. Mais malgré elle, ces petites remarques tranchantes la rongent de l'intérieur. Ce pourrait-il que le monde ne soit pas aussi beau qu'elle l'imagine ?
Et pendant ce temps là, elle doit régulièrement remettre des rapports à ses supérieurs. C'est toujours l'autre enfoiré qui s'en occupe. Il insiste toujours pour le faire. Il la surveille, elle le sait. Et même si elle feint d'être détendue, ça lui met une pression terrible.
Raconte-nous comment s'est passée ton intégration parmi eux. »
Ce jour-là, Alexis faillit s'étouffer avec des céréales.
Elle prenait son petit déjeuner dans le réfectoire quand c'est arrivé. Pendant qu'elle fourrait sa cuillère dans son bol, ses yeux étaient absorbées par le spectacle du soleil, surgissant de la mer à l'aube, pour illuminer peu à peu les grandes fenêtres du bâtiment. Elle mangeait à la façon d'un automate, avec des gestes lents. De sa main libre, elle tapotait un rythme sur la table, et le bruit de ses ongles sur le bois lui valait les regards noirs des types qui l'entouraient. Mais ça, elle ne le voyait pas, perdue dans sa rêverie. Pendant qu'elle regardait le paysage, c'était toute une petite histoire qu'elle inventait dans sa tête à l'imagination fertile. C'était toujours le même thème, en ce moment, mais les personnages évoluaient peu à peu. Ils commençaient à devenir plus réalistes, depuis qu'elle vivait ici. Maintenant, elle aimait leur imaginer des vices et des travers, ce qui ne les rendaient que plus époustouflants à ses yeux.
Le type à sa gauche, assis à distance respectueuse d'elle, lui décochât un regard meurtrier et soupira bruyamment avant d'engloutir un croissant en un seul coup de mâchoire.
Ce matin là, la salle était parsemée, ses occupants habituels semblant absents. C'est au moment où elle sortait de ses songes pour s’inquiéter de ce phénomène que retentirent les bruits de pas. Le martèlement régulier des bottes sur le dallage de pierre augmenta, de plus en plus fort, jusqu'à s'arrêter à quelques centimètres d'elle.
Elle leva un regard vide vers le nouvel arrivant, un type avec qui elle partageait le même dortoir. C'était un gamin, peut-être plus jeune d'elle, au visage parsemé de tâches de rousseur. Elle enfourna machinalement un grosse cuillerée de céréales dans sa bouche. Elle avait encore l’ustensile dans le gosier, quand elle faillit tout recracher sur la table. A la place, elle toussa bruyamment, à plusieurs reprises, et un filet de bave et de lait mêlés dégoulina le long de son menton.
« T'est folle ou quoi ? Merde ! C'est aujourd'hui qu'on commence la formation ! »
Horreur et damnation. Merde, ce qu'elle pouvait être conne, parfois ! Ça c'était tout Alexis : Oublier les dates importantes. Si tous les regards n'étaient pas déjà rivés sur elle, la malade qui ne savait pas manger correctement, elle se serait claqué le front de la paume de sa main.
Se levant avec précipitation, elle renversa son bol d'un coup de coude maladroit, et fit grincer le banc en le déplaçant. Dans la salle, d'autres grincèrent des dents.
Elle abandonna là sa vaisselle, s'empressant de suivre son camarade qui s'éloignait en courant. Du bout des doigts, elle entreprit de se « recoiffer » autant qu'elle pût, histoire d'être un minimum présentable, tout en sautillant. L'autre s'arrêta net devant la porte et lui lança un regard à moitié incrédule, à moitié blasé.
« Tu va faire quoi avec ça ? »
Du geste du menton, il désignait la petite cuillère qu'elle tenait toujours dans sa main.
« Ah. Ah bah oui. »
D'un geste nonchalant, elle lança l'objet derrière son épaule, dans le réfectoire, et celui-ci tinta sur la pierre en s'écrasant sur le sol. L'autre soupira, puis reprit sa course.
« Allez, magne ! »
***
Réunis sur le terrain d'exercice, ils attendent, bien alignés par paquets de vingt. Ils se tiennent droits comme des statues, dans leurs uniformes de recrues. La poussière à tâché leurs chaussures, mais tout le reste est impeccable de propreté.
Un silence de mort règne sur l'ensemble, que le souffle haletant d'Alexis, et le bruit de ses chaussures qu'elle traîne dans les cailloux, viennent briser. Elle freine brusquement, et lisse sa jupe, malmenée par la course. Elle offre un tableau pitoyable : costume de travers, cheveux en batailles, parsemés d'épis qui s'échappent de sa tresse. Son visage se tord d'un sourire faux.
Alors qu'elle pense que rien ne pourrait être pire que ce qu'elle vit, l'homme qui fait face aux troupes se retourne et plante son regard dans le sien. Gloups. C'est Lui. Le recruteur qui l'a dans le collimateur. Elle va passer un sale quart d'heure...
Elle se prépare à se faire engueuler, mais il se contente de la regarder. Puis il se tourne vers les autres.
« Bien. Je crois qu'on est au complet. Avec mademoiselle Mieher, qui prendra la tête du groupe numéro sept ».
Numéro sept. Prendre la tête. D'accord.
Quoi ? Le sourire d'Alexis se casse la gueule. Est-ce qu'il est sérieux ? Mais pourquoi elle ? Pour être arrivée à la bourre, elle ne mérite pas cet honneur, elle le sait. A moins que... Mais oui, c'est forcément ça. Ce type est pervers, elle le sait. Tout ça n'est qu'un putain de test. Il veut voir de quoi elle est capable ? Okay, il va en avoir pour son argent.
Ses yeux lancent des éclairs. Elle soutient son regard pendant quelques longues secondes, puis se dirige vers le groupe numéro sept.
« A gauche, mademoiselle. C'est le septième groupe en partant de la gauche, et pas l'inverse. »
Ça commence bien. Malgré le sérieux qu'exige la situation, des rires fusent dans les rangs des recrues. Des sueurs froides dégoulinent dans le dos de la jeune fille. Enfoiré. Bien sûr, c'est entièrement de sa faute à elle, mais quand même. C'est un enfoiré.
***
« Bon, alors... Pour les dortoirs on va... Oh ! Vous m'écoutez quand je parle ? »
Peine perdue. Elle fronce son nez de mécontentement. La vérité, c'est qu'ils n'en n'ont rien à battre. Elle est censée être leur chef, et décider le l'organisation du dortoir fait aussi partie de son travail. Mais pour le moment, la pièce n'est qu'un vaste champ de bataille. Stoïque, elle les regarde se battre avec des oreillers. Oui, c'est bien ça, ils font un bataille de polochons. Quel groupe de crétins ! Et ils n'y vont pas de main morte, se frappant à coup de couvertures comme des malades.
Que des mecs. On lui a refilé un groupe entièrement masculin. Elle est la seule fille, elle a une réputation pourrie, elle a fait mauvaise impression dès le début, et elle est censée les gérer. Ça va pas être du gâteau.
Il faut absolument qu'elle trouve un moyen de se faire respecter. Ou au moins qu'ils l'écoutent, maintenant, pour commencer. D'un regard désespéré, elle cherche dans les objets qui l'entourent une idée. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire ? Ses yeux tombent sur la piles de sacs de ses camarades bruyants. C'est bon, elle sait. Ah ah. Ils vont en chier, les petits cons.
Avec un visage faussement serein, comme si de rien n'était, elle se dirige vers la fenêtre, qu'elle ouvre en silence pendant que personne ne lui prête attention. Puis elle s'empare d'un sac, et fait mine de le ranger... Avant de le balancer par la fenêtre. Et fait de même avec le seconde, et le troisième... Et ainsi jusqu'à ce que l'un des gars prenne connaissance de sa manœuvre.
« Oh ! Elle fait quoi ?! Nan mais t'es malade ! On est au troisième étage ! »
« Je sais... » Répond t-elle, un sourire malin sur les lèvres.
« Et tu crois qu'on va te laisser jeter toutes nos affaires par la fenêtre ? »
« Oh ! Moi j'ai des trucs fragiles ! »
« Ouais et moi, y a la photo de ma mère. »
Elle jette un regard moqueur au dernier qui a ouvert la parole. Puis elle reprend son manège.
« C'est cool. Je lui enverrais une carte postale. »
Une vague de protestations s'élève. Certains d'entre eux sont plus âgés qu'elle, mais la plupart son relativement jeune. Les plus hardis s'élancent déjà vers elle, pour en venir au main. C'est le moment d'annoncer la couleur.
« Vous allez tous fermer vos gueules, ou je continue. »
Quelques grognements fusent.
« Maintenant, vous aller me chercher vos sacs en bas, puis vous remontez et vous installer tout comme il faut. Et en silence. »
« Gamine ! »
Le voilà, le petit surnom. Elle est à deux doigts de craquer, mais elle tient bon. Surtout, ils ne doivent pas savoir que tout ça n'est qu'une façade. Elle doit rester ferme.
L'ensemble du groupe franchit la porte, en direction des escaliers, dans un concert de murmures hargneux. Au passage, elle se prend un ou deux regards mauvais.
***
Tous les matins, on lui remet une liste d'exercices ou de corvées qu'elle et ses camarades doivent accomplir. La plupart son encadrés par des gradés, mais Alexis est censée mener sa petite troupe. Ce qui consiste principalement à les mener d'un bâtiment à l'autre et à décider de la durée des poses. Une fois le soleil couché, seulement, chacun à quartier libre.
C'est un rythme qui n'est pas pour plaire à tout le monde. La plupart de ses camarades sont de joyeux lurons qui ne pensent qu'à faire les cons, et ça les emmerde de devoir la suivre partout. D'autres sont un peu plus récalcitrants. Ce sont surtout ceux qui sont plus âgés qu'elle, et qui ne supportent pas de recevoir d'ordres de la part d'une « petite fille ».
Le caractère indiscipliné de sa troupe est une épreuve qu'elle doit endurer chaque jour. Elle subit toute sorte de blague plus ou moins foireuses. De la boue dans ses chaussures. On coupe l'eau chaude quand elle est sous la douche. On met du savon dans son bol de céréales. Elle se fait toujours avoir. Au début, elle se contentait de gueuler. Mais le temps et la vie en communauté forge peu à peu son caractère. Elle deviendrait presque fourbe. Maintenant, elle rend les coups. Pour chaque piège tendu, elle leur rend la pareille. Un matin, ce sont leurs uniformes qui ont disparus. Un autre, ils leur fallut récupérer leurs affaire en haut d'un arbre.
Au fond, ce petit équilibre de la mesquinerie, c'est ce qui les tient unis. Jamais ils ne l'avoueront, c'est sûr. Elle n'est pas leur amie, c'est un fait. En attendant, ça les amuse bien, d'avoir quelqu'un à embêter. Ce ne sont que plaisanteries de gamins.
Le seul problème réside dans un seul d'entre eux. Un type renfermé, sombre. Le genre qui ne perd pas son temps à déconner. Celui-là ne participe pas aux blagues. Il a un regard noir qu'elle ne parvient pas à percer. Et quand l'occasion se présente, il lui rappelle toujours que ses rêves ne sont que des niaiseries. Lui n'a pas choisit d'être ici, c'est ce qu'elle a apprit plus tard. Mais que faire, quand on est orphelin, et que la seule chose qu'on sache faire, c'est se battre ? Elle fait semblant de ne pas l'écouter. Elle fait semblant que tout va bien. Mais malgré elle, ces petites remarques tranchantes la rongent de l'intérieur. Ce pourrait-il que le monde ne soit pas aussi beau qu'elle l'imagine ?
Et pendant ce temps là, elle doit régulièrement remettre des rapports à ses supérieurs. C'est toujours l'autre enfoiré qui s'en occupe. Il insiste toujours pour le faire. Il la surveille, elle le sait. Et même si elle feint d'être détendue, ça lui met une pression terrible.
Dernière édition par Alexis Mieher le Lun 12 Mai 2014 - 11:58, édité 29 fois