Le Royaume d’XXXX.
Un territoire isolé, en bordure large de Calm Belt, qui prospérait paisiblement à l’écart des grands circuits du reste du monde.
Ici, sans surprise, les récits entourant les monstres marins allaient bon train. Ca n’était pas des légendes. Pour bon nombre de marins, il s’agissait d’un dangereux quotidien.
Pour autant…
Personne ne se serait attendu à ça.
C’était une magnifique journée. Les quelques nuages qui moutonnaient paresseusement dans le ciel servaient tout juste à égayer l’immensité bleue qui s’étendait à perte de vue. En levant les yeux, on pouvait apercevoir des nuées entières d’Albatopazes, ces incroyables oiseaux migrateurs au plumage étincelant tel de l'or. Plus bas, une colonie de Cachalions profitait tranquillement de ce début d’après midi pour prendre le soleil à la surface de l’eau. Ces imposants mammifères marins ne s’attaquaient généralement qu’aux bancs de poissons, mais l’énorme carcasse sanguinolente qui flottait non loin d’ici suggérait qu’il en avait été autrement pour l’occasion.
Ce qui nous intéressait se trouvait un peu plus loin de là, au large. C’était un grand navire arborant un pavillon noir, qui sillonnait rapidement les eaux comme si…
-Y’en a un autre !, s’écria la vigie.
-Y’en a un autre !, reprirent en chœur plusieurs marins.
Très vite, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre sur tout le navire. Moins d’une heure plus tôt, l’Arvato avait été aux prises avec un navire de la marine mondiale. La bataille avait été brève, les pirates ayant réussi à pulvériser l’armature de leurs poursuivants d’un heureux coup de canon corrosif. Sans voiles et avec un début d’incendie à bord, les militaires avaient été contraints d’abandonner la poursuite, et d’envoyer un signal de détresse.
Et il était fort probable que le navire qui talonnait maintenant l’Arvato faisait partie de ceux qui avaient reçu ce message.
-Okay. Suggestions ?, demanda la capitaine Barbabsente à sa petite bande de conseillers.
-On leur pourrit la gueule et basta ?
-Ca, ou alors on met le turbo et on les sème.
-C’est quoi cette journée pourrie ? J’vous l’avais dit, qu’on aurait du attendre un mois avant de…
-Boah, pouffa la patronne.
-Pour info, ils ont pas l’air d’être de la marine. C’est de la milice. Des petites frappes, quoi.
-Mmmmh. Pas mal, marmonna la pirate. Et vous dîtes qu’on commence à être low sur les réserves ?
-Yup, indiqua le magasinier du navire.
-Dans le genre ?
-Presque plus de viandes, de cerv’, de papier, de sucre…
-De papier ?
-Papier toilette, précisa l’enseigne.
-QUOI ? ON VA ETRE A COURT DE PQ ET PERSONNE NE S’INQUIETE ?
-Euh…
-TOUT LE MONDE S’ACTIVE, ON VA FAIRE NOS COURSES ICI ET MAINTENANT ! ALLEZ ME LOOTER CE NAVIRE, ET QUE CA SAUTE !
-Il nous reste encore des…
-IL EST ABSOLUMENT HORS DE QUESTION QUE JE FASSE CA AVEC DES MORCEAUX DE CARTON COMME L’AUTRE FOIS ! GOOOOOOOOOOOOO !
Et c’est ainsi que…
*
* *
*
Ça n'avait jamais été aussi facile, songea Barbabsente.
Dans un premier temps, les pirates avaient fait mine de vouloir prolonger leur fuite. Il leur fallait du temps pour se préparer, et ils n'avaient pas chômé.
Pendant cette dizaine de minutes, le navire de leurs poursuivants avait tout mis en œuvre pour raccourcir la distance qui les séparait. Ils n'avaient pas eu besoin d'aide pour y parvenir, d'ailleurs. Barbabsente ricana en pensant avoir prit la bonne décision. S'ils avaient véritablement tenté de prendre la fuite, dieu seul savait combien de temps les miliciens leur auraient collé aux basques.
Mais là, au contraire, les pirates avaient pu frapper un grand coup. Alors que les militaires se rapprochaient dangereusement, l'Arvato manœuvra rapidement, de sorte à basculer d'un coup pour présenter ses flancs à son ennemi. Une manœuvre presque impossible à réaliser aussi vite, et particulièrement dangereuse. Elle aurait exposé n'importe quel autre navire à un éperonnage potentiellement fatal.
Mais pas pour ce navire.
Barbabsente avait concédé de très grosses avances à son fournisseur, en plus de lui servir de factor pour récupérer les commandes de quelques clients particulièrement réticents. En échange de quoi, l'équipe d'ingénieurs chargés de la conception de l'Arvato s'était dépassée pour se procurer les bons matériaux, et satisfaire aux demandes spécifiques de sa cliente.
Les flancs de ce navire avaient été lourdement renforcés, et ne craignaient plus grand chose de ce que la nature ou les humains pouvait lui opposer.
Le navire des miliciens, au contraire…
Un véritable barrage d’artillerie se déversa sur le Tarmac, navire régulier de la marine du royaume d’XXXX. Les uns après les autres, les canons de l’Arvato lui crachèrent dessus. La coque du bâtiment ennemi fut partiellement éventrée, et sa proue ne tenait plus en place. Les quelques groupes de soldats regroupés en escouades sur le pont du navire furent grossièrement nettoyées par ces tirs, et si peu de miliciens furent véritablement blessés, leurs formations serrées n’en avaient pas réchappé.
Dans un second temps, c’était les tirs du mortier de l’Arvato qui fit son office. Dont notamment un boulet incendiaire, largué en plein milieu du pont ennemi, et qui affolerait très certainement les troupes adverses.
A ce stade, les forces de Barbabsente savaient qu’elles pourraient aborder le navire sans prendre de risques. Un pont mécanique s’avança, guidé par quelques acrobates doublés d’ingénieurs, et fut complété par quelques planches bien spéciales. On les doubla de grappins, arrangea le tout de cordages, et la petite bande acheva en moins d’une minute sa bien sombre besogne.
Mais la contrattaque ne tarda pas.
Contrairement à d’habitude, les militaires prirent la peine de réagir. Les pirates notèrent la différence, et l’organisation qui s’était rapidement installée dans les rangs adverses. Ceux-ci s’étaient très rapidement ressaisis après le choc initial, et avaient même rapidement resserré les rangs. Trop rapidement.
Pendant quelques minutes, les pirates furent contraints de se replier. Barbabsente envisagea même de sonner la retraite, voyant comment la situation s’enlisait.
Mais les batailles se jouaient parfois à peu de choses, et ce jour là, elle offrit à ses acrobates les dizaines de secondes qu’il fallait pour qu’ils accomplissent des miracles. Un tir de mortier précéda leur action ; bien coordonnés, les tireurs des pirates en profitèrent pour arroser le pont. Les miliciens manquèrent de se faire pulvériser, et furent contraint de se replier le temps que le barrage de tirs s’adoucisse.
Lorsqu’ils purent enfin se rapprocher, le pont mécanique des forbans était bien en place, et la voie grande ouverte pour que les pirates continuent leur assaut.
Sans surprise, c’était des troupes de chocs qui précédèrent la ruée des malfrats. Des Bark Knights.
Bark Knight, c’était le nom d’un terrifiant équipage, qui avait écumé les mers de North Blue il y a cinquante ans de cela. La troupe s’était démarquée par son usage de combattants en armures lourdes, et rarement homogènes. Un pirate équipé à la manière d’un chevalier pouvait parfaitement côtoyer un guerrier revêtant une armure de samouraï ; chacun marquait librement de sa griffe l’aspect visuel de ses armes, dès lors que son équipement respectait la nomenclature du groupe. Leurs exactions durèrent cinq ans, avant que des dissensions en interne n’entraînent la dissolution de la petite armada qui s’était rapidement formée.
Mais ça n’avait pas sonné le glas des Bark Knights. Plutôt leurs débuts, en réalité. Ces pirates s’étaient dispersés, avaient rejoints d’autres équipages, ou monté les leurs, et bien rapidement, la vision de boucaniers en armure lourdes s’était répandue dans la frange septentrionale de North Blue.
Depuis, l’effet de mode était passé, même si l’on pouvait encore en croiser à l’occasion.
Et aujourd’hui, ces combattants allaient à nouveau démontrer que s’ils étaient appuyé par une logistique adéquate, ils restaient tout à fait à même de faire honneur à leur nom.
-Bombarde demandée : B-6, indiqua la capitaine à ses artilleurs, via escargophone. Okay les Bark, au boulot.
Barbabsente avait fini d’enfiler son armure : elle aussi emprunta le pont pour se lancer à l’attaque. Rapidement, elle gagna l’avant de sa formation, et entra au contact avec la troupe adverse. A ses yeux, les militaires n’avaient visiblement pas compris la futilité de leur combat : elle retint pour preuve le coup de sabre qui plongea droit sur elle. La pirate vit l’attaque venir, et réagit en conséquence pour esquiver l’assaut.
Dans son cas, esquiver signifiait amortir les coups en présentant les parties les plus résistantes de sa carapace de métal. Il s’agissait du torse. Car il ne suffisait pas de porter une armure en espérant qu’elle résiste aux chocs : il fallait la manier, au même titre qu’une arme.
Bien calée sur ses appuis, elle se décala légèrement sur sa droite, et absorba le coup qui ripa sur son poitrail.
C’était complètement contre-intuitif. C’était propre aux Bark Knights.
Satisfaite, la pirate tenta de riposter, mais aucune de ses cibles ne resta à portée. Elle continua donc sa progression, sans tout de suite remarquer que quelque chose clochait.
Et pourtant…
Une minute plus tard, la pirate commença à douter. Ses combattants gagnaient du terrain, et même très facilement. Mais ils n’avaient pas vraiment engagé les miliciens, qui se repliaient inlassablement, petit à petit. Ca n’était pas du tout comme ça qu’un abordage se passait normalement.
C’était trop ordonné. Trop maîtrisé. Le combat aurait du être plongé dans le chaos le plus total, tout spécialement vu l’entrée en matière qu’avaient fait les canons des pirates. Pourtant, les deux camps ne s’étaient pas encore mélangés. Il s’agissait davantage d’une succession de petites escarmouches, trop timides de la part des miliciens pour être violentes.
Et elle n’avait vu aucun gradé adverse… c’étaient généralement les meilleurs éléments des militaires. Non pas qu’elle attende grand-chose de la part d’une milice. Mais quand même.
-Lucky shot : bombarde D-5. J’ai aucune idée de ce qu’ils foutent, mais s’ils veulent jouer à ça… on va partir sur du toucher-couler.
Les artilleurs prirent note de la directive, et orientèrent le mortier sur l’arrière des positions adverses. L’énorme boulet expédié décrivit un large arc de cercle, transperçant la voilure du Tarmac sans pour autant diverger de sa trajectoire.
De là où elle était, Barbabsente n’avait aucune idée de ce qu’ils avaient pu toucher. C’était l’un des inconvénients des capitaines qui s’investissaient directement dans les affrontements. Ils étaient aux premières loges pour observer l’évolution du combat, mais n’avaient pas de recul.
Son adversaire préférait visiblement faire le contraire. Peut être plus du genre chef d’orchestre, songea-t-elle. Elle n’eut pas le temps de s’attarder en réflexions : les attaques s’écrasaient toujours sur elle, en pure perte. Elle-même avait l’impression d’agiter son arme dans le vent.
L’avantage, c’était qu’ils ne pourraient plus reculer longtemps.
Dernière édition par Sigurd Dogaku le Lun 21 Avr 2014 - 21:14, édité 3 fois (Raison : Putain d'blockquote, pas envie de me faire sucrer à la récomp' comme quoi c'est pas une mise en page harmonieuse, nan mais oh. + Optimisations diverses.)