Suite des infranchis
L'ironie se prolonge. Quelques minutes passées à découvrir ce qu'était l'entrepôt 11 a suffit à m'convaincre que l'destin était aussi fin qu'tordu dans son cynisme. Il place ses poupées favorites dans les scénarios les plus retors et les plus lourds de sens... Et après le carnage, la boucherie de la banque...
Nous voici dans un ancien abattoir, dont les entrepôts vont servir aujourd'hui de salles d'interrogatoire. J'te vois derrière le groupe, là-bas, Tark, j'comprends facilement que t'aurais toi-même envie d'étriper des cochons. Des cochons... d'un autre type. Ceux-ci ont les pattes sales, la peau rose, ils grognent, vomissent des sons épouvantables qui choquent mes p'tites oreilles pointues. Ils bouffent tout ce qu'on leur refile, de la mélasse, des cadavres, des billets de banque. Ils prennent tout. Y compris les corps de leurs congénères, ça ne leur pose aucuns problèmes. Vivant dans l'indécence et l'purin, ils en sont bien heureux, ils chient la merde qui leur sert à la fois d'couchette et de table à manger, puis se roulent dedans, et ça les comble complètement. Un cercle vicieux qui s'complait dans l'vice, la saleté et le sang.
La première différence avec les porcs, c'est qu'les sbires de Tempiesta sont toujours bien sapés et que leur bois de pseudo-gentleman couve en fait un trésor de brutalité.
Et aussi, ils blessent. Par le regard, par les mots, ou par les armes. Peu importe la manière. Ici aussi, ils se satisfont de tout.
J'vois passer chacun d'entre eux devant moi. Réfugié dans un coin sombre, appuyé contre un mur rouillé par le sang des cochons, j'les vois s'aligner quelques dizaines de mètres devant moi. J'peux pas. Me cacher. Ils me voient tous, dans leur marche silencieuse et, quand ils tournent tous les yeux en ma direction, cinglants, ils me fusillent du regard. Plaqué contre mon mur bruni, j'me sens comme face au peloton d'exécution l'plus indigne et le plus injuste qui soit. J'dois rester droit, car j'dois les identifier. Assurer qu'ces tristes sires étaient tous dans le coup que j'ai infiltré. Et pour sûr, actuellement, ils ont tous envie d'me boulotter, ils ont tous envie de m'ouvrir la cage pour s'faire un buffet poisson/charcuteries. On est dans l'endroit pour, après tout. Les vieilles machines que j'ai aperçu en rentrant, ces espèces de guillotines figées dans le temps et dans la douleur, s'remettraient aujourd'hui volontiers en état de marche pour transformer l'plus timoré, l'plus naïf mais aussi l'plus traîtres des requins en petits bâtonnets.
Ma famille, la race, mes rêves, mes valeurs, mon frangin, parfois, le peu d'amis qu'j'ai réussi à m'faire, souvent... Et ces sales types, bien sûr. Vrai que la trahison va finir par m'couler dans les vaisseaux, devenir comme une seconde nature, si j'fais pas gaffe, si j'oublie d'prendre du recul...
Alors, tu les reconnais tous ? Ils étaient du gang de Tempiesta ?
Tous, mon capitaine. Mais à part le chef, il en manque un autre...
Normal ! On l'a buté, l'minet !
Un des gros bras qui était dans la confidence de Tempiesta a cru qu'on lui adressait la parole. Un coup d'jus dans l'échine et me voici tétanisé pendant quelques secondes, suivant la tendance au silence gênant qu'le briscard a posé. Puis c'est la voix d'un autre sergent qui brise la glace et qui demande à tout ces braves gens de fermer leurs gueules une bonne fois pour toutes. Mais c'est trop tard, car v'là les graines de l'angoisse déjà plantées en moi. "Il est mort, le minet". Tu voudrais que j'sois le suivant ? Tu voudrais bien faire la peau à ton molosse qu'a troqué la laisse contre l'uniforme, hein, salaud ? Haines et amertumes se redirigent en grande partie vers moi. J'comprends... Ils ont été dupés par un têtard ambulant, une genre d'erreur de la nature qu'a du sauter une étape dans l'Evolution. Ça doit pas faire plaisir.
L'commandant tire une mine réjouie, jubile et se tire d'imposantes taffes de cigare assis au milieu d'la grande pièce. Toujours déguisé en directeur, il semble avoir pris soin d'se mettre sous les grandes baies vitrées pour que les rayons lunaires lui chutent directement dessus. Son sens du spectacle déplacé m'énerve. J'sais pas si j'envie son insouciance ou si j'peste face à son impudence. J'ai risqué ma peau et tant que ces tarés seront pas sous les verrous, j'la risquerai encore, moi !
Grichkof manque à l'appel, mais je suis certain que nous tirerons toutes les données manquantes à ces messieurs.
Les collègues les amènent en direction des cellules. On y parquait les bestioles qu'attendaient leur mort, avant. J'sens cet abattoir hanté, j'sens des cris d'agonie d'veaux, de vaches, de chevaux, de porcs, m'envahir la cervelle directement sans passer par les tympans. C'est l'revers d'une empathie trop développée. J'me fais du mouron même pour les morts ! Même pour les ANIMAUX morts ! J'entendrai bientôt les sifflements et les bourdonnements de spectres d'insectes éclatés ? C'est ça, la prochaine marche d'mon escalier de la pitié ? Sérieux, la moitié de l'assistance ici présente doit même pas avoir posé l'pied sur la première marche. Le lieu semble les gêner, mais pas les perturber autant qu'moi. Ceci dit, mon malaise reste communicatif pour les initiés. La tape dans l'dos, au-dessus de l'aileron, qui vise à ramener le petit frère dans le monde des vivants quand il commence à s'faire dévorer par ses propres fantômes ou ceux des autres. J'la sens comme un électrochoc qui m'tirerait subitement d'un grave coma.
Merci, frangin !
En plus, y a plus que des soldats, nos collègues, dans la salle. Alors ma parano, temporairement, se cale sur OFF. J'suis attentif, Tark. Les yeux dans les yeux, toi et moi. Quel est l'programme ?
Courage, Craig. C'est bientôt fini.
On interroge qui, alors ?
On s'occupe de Sharp Jones.
Euh...
J'ai l'impression qu'ils se foutent de nos gueules, ouaip. Mais j'passe outre. Essaye de faire de même, d'accord ? Qu'on boucle ça rapido.
Tu mèneras ?
On fait ça ensemble, en alternance ?
Le commandant est d'accord ?
Les frères Kamina devraient pas être séparés par quelque dandy blond fier de sa nouvelle cravate.
Donc il est pas d'accord ?
Pas officiellement... Mais on s'débrouillera mieux à deux.
J'pense qu'on est complémentaires. Tu combles mes nombreuses failles, tandis que moi je... euh... te motive. J'me fais ta groupie, j'te regonfle, c'est ça ? J'suis assez impressionnable et pathétique pour m'complaire dans c'genre de rôle. A défaut d'avoir la verve et la répartie pour faire craquer une tête de con endurcie, j'sers de pom pom fish personnel à mon seul modèle.
Alors j'meublerai, j'me fonderai dans le décor et observerai de loin Jones, pour l'instant. Mes trucs c'est plutôt le scalpel, les bavoirs et les bandages. J'te laisse gérer les cris, les menaces et les provocs.
Rester dans l'ombre et scruter, guetter, et essayer de comprendre, c'est plus proche de mes méthodes.
On perd pas plus de temps, on s'engage dans les couloirs métalliques humides pour rejoindre notre salle d'interrogatoire. Un lieu qui devait être terrible, avant. Cruel. Ici circulaient jadis les humains persuadés qu'les autres bestioles de la surface ne servent qu'à les nourrir et, en conséquence, ne méritent pas de mort plus digne que le passage sous un couperet mécanique. J'doute de la provenance de ces tâches rouges foncées sur les murs. J'préfère penser que c'est de la rouille. Le climat est très humide, dans l'coin, et le fer semble atrocement dégradé. Ça peut donc être de la rouille. J'me force à chasser mes doutes. Faut pas que j'me braque sur les détails sordides du décor. Pas maintenant.
Nos fumets marins nous suivent, délicats, rassurants, ils sont autant apaisants pour moi qu'ils peuvent être gerbants pour les autres. Quand on s'y met à deux, on shlingue un max, frangin et moi. Une odeur de poissonnerie familière.
Reste concentré, Craig. On arrive.
Ouais, ouais. J'me recentre sur l'action. J'te laisse pénétrer en premier dans c'qui devait être une chambre froide, avant. Un courant d'air frais emporte nos arômes de poiscailles loin, laissant l'putréfiant nous attraper les naseaux. J'suis certain qu'ça fait partie de l'interrogatoire qu'on va mener à trois. Tark, moi, et cette odeur de pourriture. Habitué au suffocant, j'reste tout de même pas conditionné pour supporter l'insupportable. Car en tant qu'toubib, j'm'occupe habituellement plus de ce qui se passe AVANT le stade "chair morte suintante bouffée par les vers".
J'peux pas m'empêcher de balayer la salle des yeux et d'y retrouver ce rouge foncé étalé sur les murs, puis d'laisser mes yeux grimper vers ces crochets suspendus au plafond. Des crochets eux aussi rouge foncés. Au fond, des étagères souillées qu'ont sûrement passé d'un luisant gris métallisé à un scatologique marron sorti d'entrailles. J'tiens pas à m'laisser de nouveau hanter en plein milieu des débats. Alors j'me recentre sur notre cuisine à nous.
Au milieu, une table de bois pourri et moisi complète le tableau infernal. Posé sur un tabouret, Jones semble pas malheureux d'nous revoir. L'atmosphère du lieu n'semble pas saper son assurance. Du coup, j'espère que tu résisteras à l'envie d'lui faire bouffer ses canines narquoises, Tark.
Bon, Sharp. Et si tu collaborais ? Et si on en finissait ?
Tu te place face à lui, les bras croisés. Un pas en arrière, et j'me pose contre la porte blanche. Mirettes et esgourdes grandes ouvertes.
L'ironie se prolonge. Quelques minutes passées à découvrir ce qu'était l'entrepôt 11 a suffit à m'convaincre que l'destin était aussi fin qu'tordu dans son cynisme. Il place ses poupées favorites dans les scénarios les plus retors et les plus lourds de sens... Et après le carnage, la boucherie de la banque...
Nous voici dans un ancien abattoir, dont les entrepôts vont servir aujourd'hui de salles d'interrogatoire. J'te vois derrière le groupe, là-bas, Tark, j'comprends facilement que t'aurais toi-même envie d'étriper des cochons. Des cochons... d'un autre type. Ceux-ci ont les pattes sales, la peau rose, ils grognent, vomissent des sons épouvantables qui choquent mes p'tites oreilles pointues. Ils bouffent tout ce qu'on leur refile, de la mélasse, des cadavres, des billets de banque. Ils prennent tout. Y compris les corps de leurs congénères, ça ne leur pose aucuns problèmes. Vivant dans l'indécence et l'purin, ils en sont bien heureux, ils chient la merde qui leur sert à la fois d'couchette et de table à manger, puis se roulent dedans, et ça les comble complètement. Un cercle vicieux qui s'complait dans l'vice, la saleté et le sang.
La première différence avec les porcs, c'est qu'les sbires de Tempiesta sont toujours bien sapés et que leur bois de pseudo-gentleman couve en fait un trésor de brutalité.
Et aussi, ils blessent. Par le regard, par les mots, ou par les armes. Peu importe la manière. Ici aussi, ils se satisfont de tout.
J'vois passer chacun d'entre eux devant moi. Réfugié dans un coin sombre, appuyé contre un mur rouillé par le sang des cochons, j'les vois s'aligner quelques dizaines de mètres devant moi. J'peux pas. Me cacher. Ils me voient tous, dans leur marche silencieuse et, quand ils tournent tous les yeux en ma direction, cinglants, ils me fusillent du regard. Plaqué contre mon mur bruni, j'me sens comme face au peloton d'exécution l'plus indigne et le plus injuste qui soit. J'dois rester droit, car j'dois les identifier. Assurer qu'ces tristes sires étaient tous dans le coup que j'ai infiltré. Et pour sûr, actuellement, ils ont tous envie d'me boulotter, ils ont tous envie de m'ouvrir la cage pour s'faire un buffet poisson/charcuteries. On est dans l'endroit pour, après tout. Les vieilles machines que j'ai aperçu en rentrant, ces espèces de guillotines figées dans le temps et dans la douleur, s'remettraient aujourd'hui volontiers en état de marche pour transformer l'plus timoré, l'plus naïf mais aussi l'plus traîtres des requins en petits bâtonnets.
Ma famille, la race, mes rêves, mes valeurs, mon frangin, parfois, le peu d'amis qu'j'ai réussi à m'faire, souvent... Et ces sales types, bien sûr. Vrai que la trahison va finir par m'couler dans les vaisseaux, devenir comme une seconde nature, si j'fais pas gaffe, si j'oublie d'prendre du recul...
Alors, tu les reconnais tous ? Ils étaient du gang de Tempiesta ?
Tous, mon capitaine. Mais à part le chef, il en manque un autre...
Normal ! On l'a buté, l'minet !
Un des gros bras qui était dans la confidence de Tempiesta a cru qu'on lui adressait la parole. Un coup d'jus dans l'échine et me voici tétanisé pendant quelques secondes, suivant la tendance au silence gênant qu'le briscard a posé. Puis c'est la voix d'un autre sergent qui brise la glace et qui demande à tout ces braves gens de fermer leurs gueules une bonne fois pour toutes. Mais c'est trop tard, car v'là les graines de l'angoisse déjà plantées en moi. "Il est mort, le minet". Tu voudrais que j'sois le suivant ? Tu voudrais bien faire la peau à ton molosse qu'a troqué la laisse contre l'uniforme, hein, salaud ? Haines et amertumes se redirigent en grande partie vers moi. J'comprends... Ils ont été dupés par un têtard ambulant, une genre d'erreur de la nature qu'a du sauter une étape dans l'Evolution. Ça doit pas faire plaisir.
L'commandant tire une mine réjouie, jubile et se tire d'imposantes taffes de cigare assis au milieu d'la grande pièce. Toujours déguisé en directeur, il semble avoir pris soin d'se mettre sous les grandes baies vitrées pour que les rayons lunaires lui chutent directement dessus. Son sens du spectacle déplacé m'énerve. J'sais pas si j'envie son insouciance ou si j'peste face à son impudence. J'ai risqué ma peau et tant que ces tarés seront pas sous les verrous, j'la risquerai encore, moi !
Grichkof manque à l'appel, mais je suis certain que nous tirerons toutes les données manquantes à ces messieurs.
Les collègues les amènent en direction des cellules. On y parquait les bestioles qu'attendaient leur mort, avant. J'sens cet abattoir hanté, j'sens des cris d'agonie d'veaux, de vaches, de chevaux, de porcs, m'envahir la cervelle directement sans passer par les tympans. C'est l'revers d'une empathie trop développée. J'me fais du mouron même pour les morts ! Même pour les ANIMAUX morts ! J'entendrai bientôt les sifflements et les bourdonnements de spectres d'insectes éclatés ? C'est ça, la prochaine marche d'mon escalier de la pitié ? Sérieux, la moitié de l'assistance ici présente doit même pas avoir posé l'pied sur la première marche. Le lieu semble les gêner, mais pas les perturber autant qu'moi. Ceci dit, mon malaise reste communicatif pour les initiés. La tape dans l'dos, au-dessus de l'aileron, qui vise à ramener le petit frère dans le monde des vivants quand il commence à s'faire dévorer par ses propres fantômes ou ceux des autres. J'la sens comme un électrochoc qui m'tirerait subitement d'un grave coma.
Merci, frangin !
En plus, y a plus que des soldats, nos collègues, dans la salle. Alors ma parano, temporairement, se cale sur OFF. J'suis attentif, Tark. Les yeux dans les yeux, toi et moi. Quel est l'programme ?
Courage, Craig. C'est bientôt fini.
On interroge qui, alors ?
On s'occupe de Sharp Jones.
Euh...
J'ai l'impression qu'ils se foutent de nos gueules, ouaip. Mais j'passe outre. Essaye de faire de même, d'accord ? Qu'on boucle ça rapido.
Tu mèneras ?
On fait ça ensemble, en alternance ?
Le commandant est d'accord ?
Les frères Kamina devraient pas être séparés par quelque dandy blond fier de sa nouvelle cravate.
Donc il est pas d'accord ?
Pas officiellement... Mais on s'débrouillera mieux à deux.
J'pense qu'on est complémentaires. Tu combles mes nombreuses failles, tandis que moi je... euh... te motive. J'me fais ta groupie, j'te regonfle, c'est ça ? J'suis assez impressionnable et pathétique pour m'complaire dans c'genre de rôle. A défaut d'avoir la verve et la répartie pour faire craquer une tête de con endurcie, j'sers de pom pom fish personnel à mon seul modèle.
Alors j'meublerai, j'me fonderai dans le décor et observerai de loin Jones, pour l'instant. Mes trucs c'est plutôt le scalpel, les bavoirs et les bandages. J'te laisse gérer les cris, les menaces et les provocs.
Rester dans l'ombre et scruter, guetter, et essayer de comprendre, c'est plus proche de mes méthodes.
On perd pas plus de temps, on s'engage dans les couloirs métalliques humides pour rejoindre notre salle d'interrogatoire. Un lieu qui devait être terrible, avant. Cruel. Ici circulaient jadis les humains persuadés qu'les autres bestioles de la surface ne servent qu'à les nourrir et, en conséquence, ne méritent pas de mort plus digne que le passage sous un couperet mécanique. J'doute de la provenance de ces tâches rouges foncées sur les murs. J'préfère penser que c'est de la rouille. Le climat est très humide, dans l'coin, et le fer semble atrocement dégradé. Ça peut donc être de la rouille. J'me force à chasser mes doutes. Faut pas que j'me braque sur les détails sordides du décor. Pas maintenant.
Nos fumets marins nous suivent, délicats, rassurants, ils sont autant apaisants pour moi qu'ils peuvent être gerbants pour les autres. Quand on s'y met à deux, on shlingue un max, frangin et moi. Une odeur de poissonnerie familière.
Reste concentré, Craig. On arrive.
Ouais, ouais. J'me recentre sur l'action. J'te laisse pénétrer en premier dans c'qui devait être une chambre froide, avant. Un courant d'air frais emporte nos arômes de poiscailles loin, laissant l'putréfiant nous attraper les naseaux. J'suis certain qu'ça fait partie de l'interrogatoire qu'on va mener à trois. Tark, moi, et cette odeur de pourriture. Habitué au suffocant, j'reste tout de même pas conditionné pour supporter l'insupportable. Car en tant qu'toubib, j'm'occupe habituellement plus de ce qui se passe AVANT le stade "chair morte suintante bouffée par les vers".
J'peux pas m'empêcher de balayer la salle des yeux et d'y retrouver ce rouge foncé étalé sur les murs, puis d'laisser mes yeux grimper vers ces crochets suspendus au plafond. Des crochets eux aussi rouge foncés. Au fond, des étagères souillées qu'ont sûrement passé d'un luisant gris métallisé à un scatologique marron sorti d'entrailles. J'tiens pas à m'laisser de nouveau hanter en plein milieu des débats. Alors j'me recentre sur notre cuisine à nous.
Au milieu, une table de bois pourri et moisi complète le tableau infernal. Posé sur un tabouret, Jones semble pas malheureux d'nous revoir. L'atmosphère du lieu n'semble pas saper son assurance. Du coup, j'espère que tu résisteras à l'envie d'lui faire bouffer ses canines narquoises, Tark.
Bon, Sharp. Et si tu collaborais ? Et si on en finissait ?
Tu te place face à lui, les bras croisés. Un pas en arrière, et j'me pose contre la porte blanche. Mirettes et esgourdes grandes ouvertes.