Un index ridé se pose sur l’interrupteur du Den Den, et le bruit blanc vient assassiner le silence lugubre de la pièce. L’individu redresse ses lunettes pour les ajuster, et passe sa main sur sa nuque. Il est fatigué, tendu et un peu lassé également. L’enregistrement démarre.
« Professeur Wisselhöf, enregistrement 2. Ce dossier vocal est confidentiel et réservé au personnel spécialisé de l’hôpital. »
« Professeur Wisselhöf, enregistrement 2. Ce dossier vocal est confidentiel et réservé au personnel spécialisé de l’hôpital. »
Il marque une pause, des bruits de papiers froissés, puis un reniflement. L’homme reprend.
« Selon les rapports fournis par les représentants de l’ordre, le patient a été interpelé et capturé aux abords de Shell Town, Il n’a subi aucune forme de procès ou de jugement et a été transféré dans notre établissement directement en vue de la gravité et surtout de la nature des charges. »
Nouveau silence, le professeur s’humecte les lèvres comme s’il s’apprêtait à énoncer ses droits à un suspect. Soupir, puis il reprend la parole.
« Agressions, vols avec violence, meurtres, actes de cannibalisme, tortures physiques et morales, le patient semble n’avoir aucune limite éthique, et cela se vérifie aisément. La résistance dont il a fait preuve lors de son arrestation au cœur de la ville s’est soldée par un véritable carnage. Nombreux blessés, trois morts, dont un… »
Nouvelle pause, plus marquée cette fois-ci. Aucun bruit en revanche, si ce n’est l’éternel grésillement de l’appareil enregistreur. Wisselhöf accuse simplement le choc après avoir lu la dernière partie du rapport établi par la Marine.
« Un représentant de l’ordre émasculé et étêté publiquement, le patient a procédé en utilisant ses dents, agissant comme un animal sauvage, il s’agit là d’un type de malades que je n’ai jamais eu l’occasion d’analyser ou même simplement d’observer, les séances démarreront demain matin.»
Le bruit blanc cesse dans un claquement de pellicule, et reprend immédiatement. L’ambiance sonore a changé, témoignant qu’il s’agit d’une pièce différente. La voix du professeur est passablement couverte par des râles et des hurlements, rendant la compréhension de l’enregistrement complexe.
« Professeur Wisselhöf… Enregistrement, attention ! Enregistrement 3. Je… Je suis actuellement en présence du sujet, que nous avons isolé dans une pièce pour interrogatoire et analyse comportementale. Il… »
« Ecartez-vous professeur. »
« Pardon. Il… Nom du patient inconnu, il a été placé sous sédatif. Lorsqu’il a été interpelé, les forces de… de l’ordre excusez-moi, il a été trouvé dans un état déplorable. Son visage était couvert de bandages, mais il ne semble souffrir d’aucune blessure. Visage semblable à celui d’un adolescent mais musculature d’homme adulte, chauve, faible constitution, il déploie pourtant une force impressionnante.»
Cinglant bruit de métal froissé, la bête est enragée et la situation devient plus que délicate. On l’entend hurler de rage, prononçant des phrases incompréhensibles.
« Calme-toi mon grand, on te veut aucun mal. Calme-toi. »
« RENDEZ-MOI MON CORPS, RENDEZ-LE MOI ! »
« Tu reposes la table, tranquillement. Tu reposes, tu reposes. »
« SILENCE ! »
« ECARTEZ-VOUS ! »
Assourdissant craquement, la piste s’interrompt après une dernière série de vociférations bestiales et d’éclats de voix incompréhensibles. Elle reprend immédiatement, le calme est passablement revenu mais une certaine nervosité est perceptible dans la voix du professeur. Elle se mêle sans nulle doute à de l’excitation.
« Professeur Wisselhöf, enregistrement 4. Il m’a été impossible de résumer la situation lors du précédent enregistrement, je vais donc procéder à une explication. Le patient, dont le nom n’a pas encore été soulevé, s’est réveillé dans la salle d’isolement où il a été placé. Il était sale, et semblait mal nourri depuis au moins plusieurs années, si ce n’est depuis sa naissance. Nous l’avons lavé et, après avoir compris que les bandages qui ornaient son faciès n’étaient que cosmétiques, nous les avons retirés. »
Un document déplacé, un crayon entre en contact avec une surface métallique dans un tintement significatif. Il s’apprête à prendre des notes pour faciliter son organisation et appuyer ses réflexions orales.
« Lorsque le patient s’est rendu compte que son visage était découvert, il est entré dans un état que j’assimile à un délire schizophrénique. Il ne s’agit là qu’une hypothèse, mais les troubles violents dont le patient… Numéro 6 oui, c’est le matricule par défaut qu’ils lui ont attribués pour signer les papiers. Numéro 6 donc, où en étais-je ? »
Interruption, le temps de relire les notes. Bonne démarche que de poser ses idées sur le papier, sa nervosité altérant ses capacités mémorielles. Il n’est pas encore remis de la séance précédente. Elle ne date que de quelques heures, quelques minutes peut-être.
« Délire schizophrénique. Cela me semble plus que probable. J’ai déjà eu affaire à des cas de crises similaires, mais Numéro 6 semble très entraîné. Physiquement, j’entends. Il a brisé ses liens à force de tirer dessus, allant même jusqu’à se blesser les poignets. L’intervenant a tenté de le maîtriser, mais le patient était déjà impossible à approcher sans danger. Ma précédente piste s’est achevée de force lorsque Numéro 6 a soulevé la table. Il l’a broyé entre ses dents, démontrant une force inhumaine, avant de projeter les morceaux de bois sur le personnel médical. J’ai été contraint d’évacuer.
Numéro 6 est hautement dangereux, je vais d’ailleurs demander une augmentation significative de la sécurité autour de sa cellule, une stricte limitation vis-à-vis de ses permissions de sorties et surtout des procédures d’enfermement renforcées, nous ne voulons pas risquer un nouveau drame au sein de l’établissement. »
Coupure, bruissements mécaniques divers indiquant l’ajustement des bandes.
« Selon les rapports fournis par les représentants de l’ordre, le patient a été interpelé et capturé aux abords de Shell Town, Il n’a subi aucune forme de procès ou de jugement et a été transféré dans notre établissement directement en vue de la gravité et surtout de la nature des charges. »
Nouveau silence, le professeur s’humecte les lèvres comme s’il s’apprêtait à énoncer ses droits à un suspect. Soupir, puis il reprend la parole.
« Agressions, vols avec violence, meurtres, actes de cannibalisme, tortures physiques et morales, le patient semble n’avoir aucune limite éthique, et cela se vérifie aisément. La résistance dont il a fait preuve lors de son arrestation au cœur de la ville s’est soldée par un véritable carnage. Nombreux blessés, trois morts, dont un… »
Nouvelle pause, plus marquée cette fois-ci. Aucun bruit en revanche, si ce n’est l’éternel grésillement de l’appareil enregistreur. Wisselhöf accuse simplement le choc après avoir lu la dernière partie du rapport établi par la Marine.
« Un représentant de l’ordre émasculé et étêté publiquement, le patient a procédé en utilisant ses dents, agissant comme un animal sauvage, il s’agit là d’un type de malades que je n’ai jamais eu l’occasion d’analyser ou même simplement d’observer, les séances démarreront demain matin.»
Le bruit blanc cesse dans un claquement de pellicule, et reprend immédiatement. L’ambiance sonore a changé, témoignant qu’il s’agit d’une pièce différente. La voix du professeur est passablement couverte par des râles et des hurlements, rendant la compréhension de l’enregistrement complexe.
« Professeur Wisselhöf… Enregistrement, attention ! Enregistrement 3. Je… Je suis actuellement en présence du sujet, que nous avons isolé dans une pièce pour interrogatoire et analyse comportementale. Il… »
« Ecartez-vous professeur. »
« Pardon. Il… Nom du patient inconnu, il a été placé sous sédatif. Lorsqu’il a été interpelé, les forces de… de l’ordre excusez-moi, il a été trouvé dans un état déplorable. Son visage était couvert de bandages, mais il ne semble souffrir d’aucune blessure. Visage semblable à celui d’un adolescent mais musculature d’homme adulte, chauve, faible constitution, il déploie pourtant une force impressionnante.»
Cinglant bruit de métal froissé, la bête est enragée et la situation devient plus que délicate. On l’entend hurler de rage, prononçant des phrases incompréhensibles.
« Calme-toi mon grand, on te veut aucun mal. Calme-toi. »
« RENDEZ-MOI MON CORPS, RENDEZ-LE MOI ! »
« Tu reposes la table, tranquillement. Tu reposes, tu reposes. »
« SILENCE ! »
« ECARTEZ-VOUS ! »
Assourdissant craquement, la piste s’interrompt après une dernière série de vociférations bestiales et d’éclats de voix incompréhensibles. Elle reprend immédiatement, le calme est passablement revenu mais une certaine nervosité est perceptible dans la voix du professeur. Elle se mêle sans nulle doute à de l’excitation.
« Professeur Wisselhöf, enregistrement 4. Il m’a été impossible de résumer la situation lors du précédent enregistrement, je vais donc procéder à une explication. Le patient, dont le nom n’a pas encore été soulevé, s’est réveillé dans la salle d’isolement où il a été placé. Il était sale, et semblait mal nourri depuis au moins plusieurs années, si ce n’est depuis sa naissance. Nous l’avons lavé et, après avoir compris que les bandages qui ornaient son faciès n’étaient que cosmétiques, nous les avons retirés. »
Un document déplacé, un crayon entre en contact avec une surface métallique dans un tintement significatif. Il s’apprête à prendre des notes pour faciliter son organisation et appuyer ses réflexions orales.
« Lorsque le patient s’est rendu compte que son visage était découvert, il est entré dans un état que j’assimile à un délire schizophrénique. Il ne s’agit là qu’une hypothèse, mais les troubles violents dont le patient… Numéro 6 oui, c’est le matricule par défaut qu’ils lui ont attribués pour signer les papiers. Numéro 6 donc, où en étais-je ? »
Interruption, le temps de relire les notes. Bonne démarche que de poser ses idées sur le papier, sa nervosité altérant ses capacités mémorielles. Il n’est pas encore remis de la séance précédente. Elle ne date que de quelques heures, quelques minutes peut-être.
« Délire schizophrénique. Cela me semble plus que probable. J’ai déjà eu affaire à des cas de crises similaires, mais Numéro 6 semble très entraîné. Physiquement, j’entends. Il a brisé ses liens à force de tirer dessus, allant même jusqu’à se blesser les poignets. L’intervenant a tenté de le maîtriser, mais le patient était déjà impossible à approcher sans danger. Ma précédente piste s’est achevée de force lorsque Numéro 6 a soulevé la table. Il l’a broyé entre ses dents, démontrant une force inhumaine, avant de projeter les morceaux de bois sur le personnel médical. J’ai été contraint d’évacuer.
Numéro 6 est hautement dangereux, je vais d’ailleurs demander une augmentation significative de la sécurité autour de sa cellule, une stricte limitation vis-à-vis de ses permissions de sorties et surtout des procédures d’enfermement renforcées, nous ne voulons pas risquer un nouveau drame au sein de l’établissement. »
Coupure, bruissements mécaniques divers indiquant l’ajustement des bandes.