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Une envie pressante.

Malégor battait le pavé avec ses pieds de poivrot. La tête déjà en vrac, il rigolait tout seul en regardant les ombres du décor danser devant lui. L'odeur putride de la ville de Zaun ne le dérangeait plus, maintenant qu'il avait cinq bons grammes dans le sang. Quand il était arrivé, sa première réaction avait été de froncer les narines. Un fumet chimique empuantissait l'air, des relents vomitifs vraiment infects et, comble de l'horreur, omniprésents.
L'allure même de la cité lui avait déplu, de prime abord. Les rues étaient, à l'image des bâtiments, sombres et vides. Les rares personnes qui traînaient encore dehors en ce début de soirée affichaient toutes des mines pas très rassurantes : drogués, camés, énergumènes aux us et coutumes bizarres... Il avait notamment repéré une vieille, complètement timbrée, qui se mordait les doigts jusqu'au sang. Elle portait une robe de chambre rose, délavée et rapiécée de part en part, ainsi que des charentaises trouées au niveau du gros orteil. Le jeune homme se demanda si elle avait faim, si c'était pour cette raison qu'elle se mangeait les mains. Il avait bien songé à lui proposer un morceau de rôti, mais il s'était rapidement rendu compte que l'idée était mauvaise : il n'avait pas de rôti sur lui.

Oui, à son arrivée, il avait douté. Il s'était demandé pendant de longues secondes si le jeu en valait vraiment la chandelle. Les décoctions étranges de Zaun étaient connues à travers tout North Blue. Le nombre d'alchimistes qui savaient préparer des potions aux effets nébuleux étaient légion, dans le coin. Et si des gens se prenaient la tête suffisamment fort pour concocter des trucs chimiques à Zaun, il devait bien y avoir des brasseurs qui expérimentaient de nouvelles bières, de nouveaux rhums ou de nouvelles liqueurs ! C'était dans ce fol espoir insensé que Malégor s'était rendu à Zaun.
À présent, bien qu'il n'ait pas trouvé d'alcool miracle, il avait malgré tout la cervelle complètement retournée. Sa boîte crânienne devait être remplie d'un liquide alcoolisé quelconque, probablement un mélange de tout ce qu'il avait bu ces deux dernières heures.

Tandis qu'il continuait de ramper à la verticale, le cadavre ambulant qu'était Malégor aperçut quelque chose qui attira son regard. Une taverne dont l'enseigne lumineuse déchirait d'une part la noirceur du ciel nocturne, d'autre part la rétine des clients qui entraient et sortaient du bouge. Hébété par cette vision de paradis, il sut immédiatement qu'il avait trouvé sa Terre Promise. Le nom de l'établissement lui susurrait des cochonneries à l'oreille : « Senteurs de Champignon ».
Charmé, il entra. La faune locale se tut instantanément. Des regards curieux se posèrent sur lui alors que, en toute hâte, des objets étaient camouflés dans les poches ou les manches des buveurs. Le « BUUUUUUURP ! » qu'il lâcha malgré lui dut rassurer les clients, qui se remirent à bavarder de choses et d'autres.

Le barman l'interpella rapidement, apparemment conscient d'avoir trouvé un très bon consommateur.

« Hola, l'ami ! De passage dans le coin ? J'ai jamais vu ton visage par ici.
- Je zuis en mission secrète, shhhhhhhht ! Je dois trouver les meilleurs alcools de la ville, informa Malégor en mettant un doigt sur sa bouche pour intimer l'autre au silence. Ce dernier, se prêtant au jeu, lui fit un clin d'œil complice et lui désigna une carte. Malégor la parcourut rapidement et, après une bonne minute de réflexion, désigna "L'Atomic", de couleur vert fluo.
- Excellent choix ! Je vous apporte ça de suite ! »

Malégor en profita pour aller aux toilettes, qui s'avérèrent occupées. Dépité mais pas encore vaincu, il s'aventura à l'extérieur et s'engouffra dans une ruelle, emplie de poubelles, de bennes à ordures et de détritus.
Il commençait son affaire quand quelque chose remua dans l'ombre. Il plissa les yeux pour mieux voir. Un chat ? Non, c'était plus gros. Un gros chat, alors ! Sans doute un gros chat, oui.
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La bête ne voit pas, elle sent sa proie. Des naseaux reniflent l'air de la cale, mais les remous aquatiques empêchent la future victime d'entendre le chasseur qui se déplace furtivement sur le plafond. La lueur la dérange, aussi elle décide de la supprimer. Un coup de patte fend l'air, venant détruire instantanément la maigre surface de verre et les composants qu'elle contient.

Les ténèbres s'abattent sur la cellule, et avec la lumière disparaît l'espoir de survivre à ce calvaire. La créature distingue un sursaut chez sa cible. Trop tard pour l'identifier, car déjà elle a rampé vers un autre point. Il avait pressenti quelque chose, mais l'humain a depuis bien trop longtemps oublié de se référer à son instinct.

L'homme apeuré s'empare d'un calibre qu'il charge prestement. Une arme de poing meurtrière, mais totalement inutile dans le cas présent. Ce dernier scrute l'ombre, incapable d'y déceler clairement la moindre forme, mais il est déjà trop tard. Trop tard pour survivre, trop tard pour espérer hurler. Trop tard. Un froissement de tissu se fait entendre sur sa gauche, et il pivote rapidement pour viser ce qu'il ne peut percevoir.

A peine s'est-il tourné que déjà le plancher craque dans son dos, le contraignant à faire valser son canon en tous sens. Pour une obscure raison, il devine déjà qu'il ne dispose que d'une chance pour venir à bout de la menace démoniaque qui s'est infiltrée dans son navire. Et il n'est pas confiant, loin de là, car il sait pertinemment qu'il est trop tard. Beaucoup trop tard.

Il prend la décision de tirer, ayant perçu un son là où son arme pointait. Une décision hâtive, stupide même, un choix dessiné par l'effroi qui parcourt son échine en de réguliers frissons. Le claquement se change en détonation brutale, qui émet subitement une forte lumière. Il n'a le temps que de distinguer le visage monstrueux qui se trouve juste devant le sien, et c'est un cri silencieux qui s'échappe alors de sa gorge tranchée.

Trop tard.

La créature quitte la cellule du capitaine. Ce navire est mal défendu, à en juger par l'individu si alerte qui lui a servi de victime, et le sang de sa victime possède une curieuse saveur de victoire trop facilement obtenue. D'un geste mesuré, il repousse la porte de bois et s'immisce discrètement sur le pont du rafiot. D'un bond habile, Nazgahl quitte son perchoir et atteint le port, disparaissant ensuite dans le labyrinthe de bâtiments délabrés et mal conçus qui constituent Zaun.

Son périple solitaire n'ayant pas le moindre but concret, la bête s'en remet à son odorat afin de découvrir une piste alléchante. Elle découvre alors une odeur curieuse, mais peu appétissante. Son instinct la pousse cependant à suivre cette forte pulsion d'aventure, et c'est en bondissant de toits en toits qu'elle finit par atteindre l'objet de ses désirs.

La forte odeur détectée par les sens supérieurs du chasseur se révèlent finalement être un vague fumet chimique à souhait, mêlant alcool et autre substance moins louable. Heureusement qu'un humain normalement constitué est incapable de définir clairement ce qui se trouve dans cette gargote, car les boissons semblent davantage appropriées à déboucher des toilettes qu'à être consommé. Ces considérations sont bien loin de l'esprit tourmenté du Seeker qui n'a déjà qu'une idée en tête, trouver et éviscérer une nouvelle proie.

Nazgahl rôde aux alentours du bar peu fréquenté, profitant de ses dons naturels de traqueur pour définir son angle d'attaque futur, sachant qu'un humain va sortir d'ici peu, s'isoler de la meute et devenir une cible gratuite. Mais que voilà ? Une cachette digne de sa stature. Pour ainsi dire, une benne à ordure et une pile de sacs. Parfait. Un saut lui permet de réduire la distance qui le sépare de cet amas de déchets merveilleusement agencés, et il s'engouffre dans le tas nauséabond, dissimulé parmi les immondices.

Au loin, Nazgahl distingue alors un petit animal à fourrure. Ce dernier se met à miauler au bout de la ruelle. La créature ne comprend pas cette démarche qui risque simplement d'attirer l'attention de plusieurs humains au lieu d'un. Le Seeker sort sa patte griffue de la pile de sacs, effectuant de grands gestes pour intimer au perturbateur de s'enfuir. Mais le gros chat noir semble ignorer la provocation, et se contente de s'allonger sur un carton humide. C'est alors que le chasseur constate qu'un liquide chaud et passablement malodorant s'écoule lentement sur son crâne.

S'insurgeant face à cette agression d'une bien étrange nature, le monstre pousse un hurlement décrivant sa surprise et bondit hors des déchets, toutes griffes dehors, dans l'espoir de plaquer au sol l'inconnu qui a eu l'audace de marquer son territoire sur le visage d'un chasseur en pleine traque. Inutile de préciser que les crocs vont bientôt rencontrer la peau...
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L'Éthylique sursauta à l'attaque ninja de l'ombre. Il ne l'avait pas vue venir, celle-là. Jamais il ne s'était fait attaquer par un sac-poubelle en colère... sauf une fois. Mais bon, la fois-là, le sac-poubelle était en fait un clochard vêtu d'un manteau noir dans lequel il avait essayé d'enfourner férocement une peau de banane.
Bref, son premier réflexe face à l'attaque éclair fut de ranger ce qui dépassait de son pantalon dans ses chausses, tout en hurlant tel un barbare en train de chercher de la viande pour sa tribu :

« AAAAAAAH ! UN CHAT ! »

Il se jeta au sol et essaya de rouler sur le côté, mais il n'en eut pas le temps. Il sentit comme des griffes lui perforer le corps. Il voulut crier mais ne parvint pas à s'y résoudre. Non, il opta plutôt pour une solution de facilité : faire le mort. Oui, il avait entendu ça, une fois. Quand un prédateur vous attaque, il suffit de faire le mort pour qu'il se désintéresse de vous. Et là, en l'occurrence, le prédateur était de taille. Un chat ninja, ou plutôt... un ninchat... Un ninchat obèse, d'ailleurs. Un machin bien massif, bien lourd, capable de bouffer un buffle en deux coups de cuillère à pot.

Malégor resta donc allongé par terre, imitant à la perfection le macchabée. À une différence près, peut-être. Le fait d'être couché, couplé à l'alcool absorbé récemment, résulta en un son caractéristique, que l'on peut résumer de la sorte : « ROOOON... ZZZZZ... » Le stress, l'alcool, la position... Tout cela avait fait disjoncter le crâne fatigué et amoché du pilote. Une grosse bulle sortait de son nez à intervalles réguliers, venant caresser le visage de l'agresseur furtif, silencieusement. Mais le répit fut de courte durée...

Un *POP !* sonore réveilla néanmoins Malégor. Sa "bulle de sommeil" venait d'éclater et le fit bondir dans les airs. Il mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits, mais finit par s'y retrouver... Le chat des rues sauvage... Il espérait de toutes ses forces que le prédateur nocturne serait parti, le laissant tranquille, aussi risqua-t-il un coup d'œil pour voir ce qu'il en était. Une silhouette le fixait, sans qu'on puisse deviner les traits de son visage. Enfin, pas trop, juste un peu. Suffisamment en tout cas pour que Malégor se mette assis, déçu.

« C'est quoi ce vieux chat dégueulasse ? On dirait que tu t'es fait éclater par un cuirassé de guerre, mon pov' matou... »

Le pilote lui tapota le sommet du crâne et se releva d'un coup sec, le faisant glisser au sol. Sans lui accorder le moindre petit regard, il se remit en "pipi position" et reprit là où il avait été interrompu, avec des petits commentaires en plus.

« Wouhouuu ! J'suis une licorne ! Transformation, hélicoptère ! Fiouuussssh, pssssch, BRAM ! À mort la vermine ! Les fourmis c'est pas ici ! commença-t-il, visiblement enthousiaste. Puis, d'une voix exagérément fluette, il continua : Aaaah, non, ne me noyez pas, seigneur Malégor, nooooon aaaah ! »

La nuit était pourtant loin d'être finie...

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Et voilà, la cible tombe droit dans le fabuleux piège de la créature diabolique, qui se propulse en avant avec succès pour plaquer l'humain au sol. Un objet s'échappe des vêtements du soûlard, mais Nazgahl n'y prête aucune attention. Ce dernier s'écroule lourdement, et se retrouve visiblement assommé sur le coup. Nazgahl exulta, assis tranquillement sur le torse de sa proie vaincue. Un rire mauvais s'échappe la gorge meurtrie de la bête, et il se lèche les babines avec envie tout en faisant ses griffes sur le haut de son adversaire à la manière d'un félin satisfait de sa traque.

Mais alors qu'il s'apprête à déposer ses crocs aiguisés sur le cou de sa cible, le monstre constate avec une déception totale que sa cible n'est absolument pas tombée sous son assaut surpuissant. Pire, elle dort paisiblement au beau milieu de cette ruelle au sol parsemé d'urine. L'humain au teint mat et à la chevelure claire sommeille sans même se soucier de sa situation, ignorant que le plus grand chasseur de tous les temps l'a choisi comme repas du soir.

Quel gâchis, mais quel gâchis... Voilà qu'il se réveille ? Dépité, Nazgahl jette un regard mauvais à son vis-à-vis, croisant les bras comme un enfant boudeur. Ses yeux de fauve ne peuvent distinguer les couleurs, mais il parvient néanmoins à identifier cet insolent grâce à sa faculté de nyctalopie. Une main se tend doucement en sa direction et le fauve se crispe, rentrant la tête dans les épaules en grognant. Pat Pat.

Comment ça, Pat Pat ? L'alcoolique venait bel et bien de lui tapoter le crâne sans la moindre once de respect ou de terreur. Et tout aussi innocemment, il se redresse tranquillement pour vaquer à ses occupations, afin de marquer son territoire sur les déchets des autres humains. Nazgahl, positionné comme un batracien, observe la scène sans en comprendre la plus petite miette. Son visage se penche doucement sur la gauche, décrivant ainsi sa confusion face à la situation. C'est au prix d'un immense effort de concentration que la Goule finit par prendre la parole en levant discrètement son index crochu comme pour attirer l'attention.

"Je suis pas un matou, je suis un Seeker moi."

Les présentations faites, le fauve farouche se met à gambader à quatre pattes, se retrouvant bien vite à côté du pissoteur imbibé. Mais que peut-il bien faire ici, en pleine nuit, à se vider ainsi sur les affaires de parfaits inconnus ? Les pratiques du monde civilisé semblent si curieuses, si obscures... Avec tout le sérieux du monde, la Goule médusée s'exprime à nouveau.

"Tu urines sur mon garde-manger. Je n'aime pas ça."

Eh oui. A défaut de trouver une proie valable, Nazgahl a déjà étudié la question d'un plan de secours visant à subvenir à ses besoins nutritionnels par l'intermédiaire de cette benne à ordures. Mais l'alcoolique étant décidé à ruiner tous ses projets les uns après les autres, le monstre ne peut que se résigner. L'idée de le tuer lui retraverse subitement l'esprit, mais il est si surpris et déçu qu'il ne parvient pas à échafauder à un plan correct. Et puis, par lâcheté également, il décide de remettre cette hypothèse à plus tard, éventuellement.

"Tu sens mauvais, et puis tu as posé ta marque sur ma tête. C'est pas très gentil."

Mauvais, ce n'est pas le mot. Nazgahl signifie de cette manière que les effluves alcoolisées éveillent sa curiosité mais le répugnent également, ce qui est nouveau provoquant chez lui une incommodité marquante. Toujours accroupie, la bête distingue alors un intriguant objet parmi les décombres. Une bouteille métallique visiblement remplie. L'objet tombé de la poche, le voici ! Entre ses hideuses pognes, la chose manipule l'artefact qu'elle renifle frénétiquement pour l'analyser.

Un bouchon dévissable, oui. Avec un respect presque religieux, le monstre tourne jusqu'à accéder au contenu de la flasque. Nouveaux reniflements. L'odeur est violente, mais la boisson semble consommable. Pris d'un élan de courage, Nazgahl essaie et avale goulûment l'intégralité du liquide alcoolisé en balançant sa tête en arrière. A l'aide de sa langue anormalement longue, il vient fouiller l'intérieur du goulot avec envie, appréciant visiblement ce qu'il a goûté.

Et là, c'est le drame. Un ouragan brûlant et impitoyable s'abat sur son estomac et sa gorge. Il prend son cou à deux mains en tremblant, écarquillant ses yeux rouges sous l'effet de la surprise. Décidément, quelle soirée. Le monstre se met soudain à effectuer des petits bonds latéraux, toussotant et secouant ses pattes à la manière d'un poulet alarmé par un coup de feu. Cherchant des solutions là où il ne peut en trouver, il se met à courir en cercles, enchaînant difficilement les pas sans s'empêtrer dans ses propres jambes.

"AU SECOURS ! CA BRÛLE ! LE FEU INTERIEUR, DOTZ NOH GOHKA ! LE FEU !"

Seul réflexe, bondir sur le dos du soûlard, s'accrocher à lui comme un hameçon à la gueule d'un thon et respirant comme un coureur de marathon. Après les bouffées de chaleur, le monstre sévèrement attaqué se met à halluciner, et ses petites griffes se resserrent alors dans les vêtements de l'humain, allant jusqu'à atteindre sa peau.
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Malégor acheva paisiblement son entreprise à peine démarrée, la mine satisfaite. Tout le monde le sait, il n'y a pas de sentiment plus puissant que celui que l'on éprouve une fois sa vessie soulagée. Dans un *zip* bien sonore, le pilote bourré remonta sa braguette puis étouffa un bâillement. Sa soirée avait failli être divertissante... "failli" seulement. C'est dingue comme certains mots, tels que "presque", "failli", "peut-être", "si" peuvent changer le cours d'une phrase.

"Si j'étais riche, peut-être que je pourrais te payer un yacht." ; "Un jour, j'ai failli couché avec la plus belle femme de North Blue." ; "DOTZ NOH GOHKA."

... ... ...

Dotz noh gohka ?

« Hein ? De quoi tu parl... ? » s'étonna Malégor en entamant une volte-face. Son cou n'avait même pas achevé son demi-tour que le chat des ténèbres l'agressait une nouvelle fois, toujours aussi sauvagement et furtivement.

La masse, aussi menue était-elle, lui arriva en plein dans le dos et y resta scotchée, à la façon d'une mouche qui vient de se prendre un coup de journal entre les deux ailes. Malégor observa le chat avec une expression étrange, comme s'il cherchait à comprendre ce que le vil félin désirait de sa personne. Le vil félin en question puait d'ailleurs l'alcool. Subitement paniqué, la main tremblante, il palpa sa ceinture à la recherche de sa flasque de bibine pour ne rencontrer que le vide.

« Mon précieux... Tu me l'as volé... » La voix du chauffeur était devenue un simple souffle, discret, rendue rauque par son ébriété prononcée. Tout, dans sa tête mentalement affaiblie, prenait place. Ce fourbe de bestiau en avait après son doux nectar... C'était son plan depuis le début.

Alors qu'il s'approchait de cette épiphanie, la créature commença à creuser sa chair avec ses griffes démoniaques. Si le "Dotz noh gohka" était le nom du kata ninja du matou chelou, le cri que poussa Malégor ressemblait davantage à un hurlement de surprise, entremêlée de douleur.

« AYAYOUUUU ! », ce qui pourrait se traduire par « Aïe, Aïe, Ouille. »

Puis, dans un grand geste rageur, il extirpa la menace qu'il balança de toutes ses forces contre un mur. L'intention du pilote n'était pas de tuer, ni même de blesser, mais de se débarrasser du parasite.

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La bête continuait de psalmodier les préparatifs de son futur rite tribal, marmonnant dans sa barbe des mots incompréhensibles. Solidement accroché au dos du pilote, il continua ainsi à enfoncer ses griffes jusqu'à se faire violemment projeter de son support d'attache. Le monstre vola, tourna, gigota, ozowouta et fit alors la connaissance d'un mur particulièrement solide. Mais l'alcool avait fait son office, et déjà son hallucination folle avait pris le pas sur la réalité de la douleur.

D'une pirouette, il se retrouva bien vite à quatre pattes. Ses pupilles étaient dilatées à l'extrême, et Nazgahl fixait son vis-à-vis avec une fascination malsaine. Se redressant sur ses genoux, il pointa l'humain de son index crochu et poussa un hurlement tout en gesticulant. Instantanément, il s'effondra pour ensuite se mettre à trembler de façon incontrôlable. En effet, il entrait progressivement dans une puissante transe.

"Je suis un chaman désormais ! Eeeeeeeecoute-moi, jeune âme de cochon. Dotz noh gohka, dotz noh gohka, dotz noh gohka."

Nazgahl se releva sur ses pattes arrières, livré dans une sorte de danse plutôt qualifiable de gesticulations aléatoires. Il leva les paumes en direction du ciel, sautillant d'un pied sur l'autre sans pour autant cesser de répéter cette phrase étrange. Devant lui se trouvait un élu des Seekers. Il le savait, car le feu intérieur brûlait son esprit et son ventre, et puis les chamans savent ces choses-là, c'est comme ça.

"Qu'on m'apporte les orrrrnements rituels ! Il est temps que ce jeune porc devienne un homme !"

Le fauve bondit dans les poubelles, saccageant les déchets comme un ouragan nauséabond, et il ressortit de ce capharnaüm dans un bien curieux accoutrement. Un sac en papier sur la tête, il arborait également une cape formée à partir d'une couette déchirée et tâchée d'urine, et venait de trouver un bâton qu'il dressait au dessus de lui comme un sceptre mystique. S'équipant également d'un tesson de bouteille tranchant, il se mutila au torse et propulsa une giclée de sang noirâtre sur le sol, décrivant par de grands gestes une flèche pourpre pointant en direction du pilote.

"REGARDE ! Les signes du grand dieu sanglant nous ordonnent de te suivre, tu mèneras les chasseurs au combat, car telle est ta destinée ! Le Feu m'illumine, et les divinités t'acclament !"

Le fauve drogué jusqu'à l'os s’affaissa légèrement, comme surpris par un coup de feu. Il tendit une oreille, plaçant sa main à côté comme pour indiquer à son interlocuteur que lui aussi, devait écouter. Suite à quoi, il se mit à chuchoter en scrutant l'horizon, tel un oiseau alerte sur le point de frapper.

"Ecoute les murmures sacrés, entend la vérité ! Tu la sens en toi ? TU LA SENS ?"


Dernière édition par Nazgahl Cradle le Ven 6 Juin 2014 - 3:32, édité 1 fois
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Malégor était comme obnubilé par le chat-man. D'abord, comme tout individu normal, il n'avait absolument pas compris ce qui se passait devant ses yeux. L'autre continuait de miauler ses incantations bizarres, avec tant de ferveur que le pauvre pilote en éprouva des frissons. Chair de poule et compagnie, il avait même dégluti, prêt à mourir d'une crise cardiaque, là tout de suite maintenant. Et pourtant, il avait pu voir... non, il avait pu CONTEMPLER la créature difforme chantonner un début de rituel nébuleux que nul ne pouvait expliquer... Ces baragouinages ésotériques s'ensuivirent de la danse qui va bien, type canard boiteux avec une orange enfoncée dans le rectum, avant que ledit canard ne disparaisse dans un tas d'immondices pour en ressortir affublé d'une tenue... magique. Magique, c'était le mot le plus juste qui avait traversé l'esprit frappadingue de Malégor.

La cape magique, le bâton magique, la couronne magique, les ustensiles magiques... Tout était magique en lui. Le vent nauséabond de Zaun lui-même était magique. Le sol spongieux était magique. Ce nuage, là-haut, en forme de vache, était magique. Une vache... Une vache céleste ! Tout concordait avec les prédications du félidé chamanique ! Les Dieux étaient entrés en action, d'une façon ou d'une autre. Ce petit être malingre avait attiré leur attention, et Ils en avaient fait leur outil de communication pour parler à Malégor.
Le pilote continuait de grelotter, impressionné par la puissance divine qui s'abattait sur lui, qui l'encadrait, qui le dominait même. Quand le bestiau se baissa comme pour écouter un message prophétique venu du royaume des Dieux, qu'il conseilla au pilote de tendre lui aussi l'oreille, ce dernier ne put que s'exécuter.

« Écoute les murmures sacrés, entends la vérité ! Tu la sens en toi ? TU LA SENS ?
- Oui... souffla Malégor. Oui ! J'entends... Ils me parlent... Ils me disent... me disent... Non, pas possible... »

Malégor ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes et chercha le regard du chaman pour partager avec lui sa stupeur, son incrédulité. Le vent s'était insinué dans ses oreilles et lui avait clairement ordonné...

« ... Il faut trouver et tuer le bouquetin noir à trois pattes et à la corne unique... Un 8 est tatoué sur sa nuque. Je dois lui ouvrir la gorge pour l'offrir en sacrifice aux Dieux, expliqua Malégor d'une voix étouffée, mystifiée par son timbre grave et presque inaudible tant il parlait bas. Mais attention ! répéta-t-il en criant presque tout à coup. Le bouquetin est armé, et il est protégé par treize gardiens. Des humains, des animaux et des plantes. Ils sont treize à préserver le sacrifice que je dois offrir aux Dieux. Une fois les gardiens vaincus et l'offrande faite, le reste du chemin s'ouvrira à nous...

Pour se donner un semblant de courage, Malégor se saisit d'une deuxième flasque qu'il déboucha d'un coup de dents avant de s'enfiler une bonne dose de liquide. L'alcool lui glissa dans le gosier et un hoquet retentissant s'échappa de ses lèvres.

« Est-ce qu'on doit y aller maintenant, monsieur le Chat-man ? »

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Le chat-man laisse ses mains virevolter devant lui, comme pour capter les énergies circulant tout autour d'eux. Il perçoit les esprit où qu'ils soient, même dans ces sacs poubelle couverts d'urines et encore bien au delà. L'élu semble comprendre l'importance et les enjeux de sa mission, aussi entre-t-il lui aussi en transe rituel. Bien, les voix s'immiscent en lui et il devient par la même occasion l'émissaire des esprits guerriers. Il entend les chevaux, les bêtes de guerre, les murmures des anciens.

"Oui, ouiiiii, le bouquetin à trois pattes. Zikt nah gabayerooooh..."

Le monstre déguisé dont le torse est maculé de sang se met alors à trépigner furieusement, bondissant en cercle dans une symphonie de conserves et de papiers divers. Du pied, il tambourine, marmonnant les improbables prières destinées à éveiller les sens de la jeune âme de cochon. Le bouquetin n'est pas un démon de son folklore, néanmoins les seigneurs sauvages possèdent des desseins bien au dessus de ce que les mortels peuvent entrevoir. Son sang s'écoule en de minces filets, dessinant sur son corps ce qu'il distingue comme des runes.

Auscultant son ventre peinturé avec un intérêt non-dissimulé, le fauve mystique y découvre des motifs invraisemblables, qu'il assimile et interprète sous les conseils avisés de l'alcool qui parasite et infecte son esprit déjà bien pollué par sa démence naturelle. Il vient poser sa main contre la surface pourpre qu'est devenu son être, et appose sur le sol une petite empreinte de main rougeoyante. Il est littéralement en train de se vider de son sang, ce qui n'arrange rien à son état de transe. Il relève subitement la tête, fixant son champion de ses pupilles dilatées.

"Les treize gardiens du feu, les six apôtres glacés. Les treize gardiens du feu, les six balles de lumière. Les plantes sont enfants de lueur, les hommes créatures de terres, les animaux incarnent le vent... Douze entités millénaires, mais quelle est la dernière ? NAYAD SOH NOVIKTAH !"

Nazgahl s'énerve, venant frapper son bâton contre le sol. Un chat-man n'aime pas rencontre des dilemmes, car un chat-man se doit d'être omniscient. Frappant les démons terrestres qui ferment les portes de son esprit, le fauve se lance dans une lutte sans merci contre les pavés de la ruelle, une joute où la pitié n'a pas sa place. Il est, et restera un éternel gardien des dieux sanglant, quand même.
Un bout de pavé vient s'éclater sous les coups violents de la bête, se retournant instantanément après un pitit soubresaut.

Le chat-man s'interrompant, fixant le morceau de pierre avec attention. Après un instant de réflexion, il vient pointer du doigt la sortie de la rue et s'y engouffre en courant à trois pattes, tenant son sceptre en l'air comme pour capter les vents par cet intermédiaire.

"SUIS-MOI ! ELU COCHON ! LA VOIE SERA CLOSE DANS 2 MINUTES ! ET QUAND LA VOIE EST CLOSE, c'est pas très bien."
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Si vous demandiez à Malégor de résumer la situation jusqu'à présent, il répondrait quelque chose comme :

« Hein ? »

Les Dieux s'étaient exprimés, le chaman tordu également. La nuit, la voûte céleste, les courants d'air furtifs... Tout s'était exprimé. L'alcool aussi, vraisemblablement, tant dans l'esprit de la bestiole étrange que dans celui du pilote timbré.
Bouche bée, Malégor écoutait sans rien dire. Ce que disait son interlocuteur n'avait de sens pour personne - sauf peut-être pour lui-même, mais même là, c'était un pari risqué à faire.

La silhouette du fauve s'élança dans l'allée, lui intima de le suivre. Le chauffeur s'exécuta. Il avait l'impression de peser énormément, comme si ses nouvelles responsabilités alourdissaient son être. Il s'étonna presque de ne pas voir le sol se fissurer sous ses pieds. Gonflé d'orgueil et d'une importance pourtant inexistante, il poursuivit son guide spirituel dans les rues empoisonnées de Zaun.

De temps à autre, l'atypique duo croisait des gens qui, étonnés, se reculaient devant eux. Une sorte de singe monstrueux habillé avec des détritus, pourchassé par un homme aux cheveux blancs et visiblement ivre n'étaient de toute évidence pas une compagnie idéale.

Et puis, alors qu'ils étaient encore plongés dans leur course-poursuite à la recherche d'ennemis que, au final, Malégor ne connaissait même pas, l'humain s'immobilisa. Il ne prit même pas soin d'interpeller le chaman. Il ne savait pas davantage si ce dernier s'était rendu compte qu'il avait arrêté son mouvement, mais toujours est-il qu'il venait de trouver l'un des gardiens...

Un arbuste se dressait fièrement sur un balcon, à quelques mètres de hauteur, bien exposé à la vue de tous. Une moquerie ? De la provocation ? Le bouquetin à trois pattes et à la corne unique se gaussait-il de ses traqueurs ? Plaçait-il ses protecteurs en évidence ? Ou bien éprouvait-il pour eux une confiance bien placée ?
Toujours est-il que cet arbuste avait attiré l'œil de Malégor. Ses feuilles n'étaient ni vertes ni jaunes, ni rouges ni oranges, ni ocres ni brunes... Non, elles étaient roses et brillaient dans le noir. Rose fluorescent, la couleur du... diable ?

N'écoutant que son courage, le pilote s'empara du premier truc qui lui tomba sous la main, en l'occurrence une boîte aux lettres, et, tout en tonnant son cri de guerre (« MALÉGOOOOOR ! »), la lança de toutes ses forces sur le végétal maléfique. L'assaut échoua lamentablement, le projectile passant à travers une fenêtre voisine. Tout en maudissant les pouvoirs psychiques de l'arbrisseau, l'humain commença à gravir les murs de la maison pour l'affronter d'homme à plante.

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Les deux énergumènes couraient en poussant régulièrement des beuglements hystériques. Nazgahl secouait son bâton au dessus de son crâne bandé, indiquant à la populace de s'écarter de la route. Ces manants les dérangeaient dans l'accomplissement de leur mission d'ordre supérieure, et le chat-man estimait qu'il était de bonne augure de faire un peu de place à ceux qui sauvaient le monde entier d'un apocalypse provoqué par un bouquetin malfaisant.

Bousculant les passants sans vergogne, la bave aux lèvres, il bondit même sur le crâne d'un jeune coursier chargé d'une caisse de fruits pour accélérer sa course. Malégor s'interrompit brutalement, et son guide qui n'avait absolument pas vu le fameux arbuste continua d'avancer, effectuant un dérapage tout sauf contrôlé pour revenir en arrière. En effet, il s'agissait bien là de l'un des protecteurs diaboliques. Nazgahl sourit, il savait qu'il pouvait faire confiance à cet élu cochon.

En effet, le jeune pilote était tellement élu qu'il parvenait à ressentir les énergies profondes de la nature mystique, un truc normalement réservé aux chat-man en somme. Se frottant les mains en observant son jeune élève qui déracinait une innocente boîte aux lettres, la Goule déguisée se mit à danser pour encourager son allié. Voilà que le projectile filait à toute allure, touchant bien évidemment au but car... ah non, il venait de se payer une fenêtre.

Nazgahl esquissa un petit soubresaut lorsqu'il aperçut la surface de verre se briser en mille morceaux. Ils entendirent des hurlements, des individus se demandant visiblement ce "qu'était ce foutu bordel non mais c'est pas possible y'en a qui dorment sales jeunes". A peine avait-t-il eu le temps de s'en remettre que déjà son compère escaladait la muraille qui le séparait de la plante rebelle. Tenant son bâton à deux mains, le monstre se mit à gigoter comme une majorette pour acclamer son élu.

"Vas-y cochon ! Vas-y cochon ! WooooOOowowo !"

Des bruits de pas derrière eux, sons que Nazgahl percevait grâce à son ouïe toujours superbement développée malgré son état. La chose se tourna dans la direction que ses sens lui indiquaient, et il y découvrit un petit groupe d'hommes armés. Des citoyens prêts à défendre la jeune femme qui se faisait apparemment cambrioler par le pilote et son acolyte, étant donné qu'ils venaient de briser sa fenêtre. Le monstre se mit à piailler, jetant successivement des regards à l'élu et au bataillon qui se rapprochait.

"Voilà les gardiens humains ! La plante était une vigie, d'où sa position ! C'était un piège !"

N'écoutant que son instinct animal, et aussi les litres d'alcool qu'il trimbalait dans son organisme, le fauve dansant se rua sur eux, armé de son fidèle sceptre de chat-man. Le premier assaut qu'il porta fut aussi brutal qu'efficace. L'attaque latérale portée à l'aide du bout de bois fit voltiger le premier perturbateur, l'expédiant dans le décor sans difficulté. Nazgahl adopta une posture défensive, trépignant d'un pied sur l'autre pour intimider les adversaires. L'un d'entre eux dressa une batte au dessus de sa tête, et Nazgahl écarquilla soudainement les yeux sous l'effet de la surprise. Il murmura entre ces lèvres :

"C'est impossible, l'épée maléfique du seigneur du chaos... Mon Dieu."

Ca où une batte usée et parsemée de rayures, quelle différence pour le cerveau malade de notre Goule ? Toujours était-il que cette arme disposant -supposément- de propriétés magiques avait de quoi effrayer le chat-man, qui s'empressa d'esquiver le premier coup porté. Il n'était pas de taille pour lutter contre ces gardiens, c'était évident. Fort heureusement, son élu était là. Nazgahl bondit sur une table de terrasse et, s'équipant de verres vides, il vociféra :

"ELU ! Tu dois les abattre ! Je te couvre avec les euh... les gobelets du... du destin !
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L'ascension fut aussi rude qu'éprouvante. Malégor avait l'impression que les briques se descellaient quand il tentait d'approcher. À l'image du bouclier psychique qui avait dévié la boîte aux lettres de sa course, la plante rose s'amusait à présent à semer l'escalade du pilote d'embûche. Mais le jeune humain était investi par des forces divines et, se rappelant ce détail, gonfla ses muscles et continua de grimper, de grimper...
Du tumulte se faisait entendre depuis la rue : des protestations indignées, des cris scandalisés, des exclamations belliqueuses... Le chat-man se trouvait en bas, il pourrait s'occuper de quelques trouble-fêtes, il n'en doutait pas une seconde. Aussi continua-t-il de se rapprocher de sa proie aux pétales joyeuses et brillantes.
Et finalement, il atterrit sur le toit. La plante le regardait - façon de parler - en se tenant fière et droite devant lui, branches tendues dans sa direction comme pour l'étrangler, le poignarder, le pourfendre, le...

« Qu'est-ce que... AAAAAAAAAAH ! QUI ÊTES-VOUS ? » hurla soudainement et violemment une femme, tant et si bien que Malégor bondit en arrière, se mettant en garde. Quand il eut étudié la demoiselle dans l'encadrement de sa fenêtre (petite brune trentenaire, nuisette tout à fait standard, mine complètement terrifiée), il fronça les sourcils.

« Tu nourris les gardiens végétaux de la chèvre maléfique ! vociféra le jeune homme, sa voix se faisant haute, forte, grave.
- Je fais quoi ? répliqua l'autre sans comprendre, esquissant un mouvement de recul, blêmissant à vue d'œil.
- Ne mens pas, suppôt de... de la chèvre ! Enfin, du bouquetin. Cette plante ! Elle protège le dieu bouquetin !
- C'est mon mari qui me l'a achetée... essaya-t-elle de se justifier en regardant sa plante d'un œil déconfit. Il l'a faite modifier pour qu'elle puisse servir de veilleuse de nuit...
- Silence, menteuse ! Je m'en vais t'occire la gueule avec... » commença Malégor en serrant ses poings d'un air déterminé.

Sa tirade se trouva interrompue par un appel du magicien biscornu, depuis le pied des baraquements.

« ELU ! Tu dois les abattre ! Je te couvre avec les euh... les gobelets du... du destin ! »

Malégor jeta un regard en contrebas et constata avec stupeur que des humains rappliquaient de partout, prêts à en découdre avec son guide spirituel. N'écoutant que son courage - et son alcool - il s'empara de la plante démoniaque, si prestement et rapidement qu'elle n'eut pas le temps d'anticiper l'assaut et ne parvint pas à lever un bouclier devant elle.
Puis, en beuglant une nouvelle fois un hurlement destiné à gonfler les ardeurs de ses alliés... de son allié... il sauta dans la ruelle, donnant de gros coups de pot de fleurs dans la tronche des assaillants.

Il maintenait l'arbrisseau par le tronc et le faisait valdinguer dans tous les sens, dégommant avec violence les belligérants qui avaient le malheur de s'approcher de trop près. Au bout d'un moment, le pot se fractura sur le crâne d'un type qui, de toute évidence, était juste venu voir ce qu'il se passait dehors...

Et alors que Malégor s'arrêtait de tournoyer comme une toupie pas contente et armée, il vit avec stupeur que le premier des treize gardiens était d'ores et déjà mort. La lueur des feuilles était moins vive et la terre dans laquelle il reposait originellement avait disparu, éparpillée un peu partout autour du combattant fou furieux.
Mais il n'eut pas le temps de savourer sa victoire... Un lascar, plus costaud que les autres, et sans aucun doute le leader du groupe, se présenta devant lui, armé d'une immense batte de base-ball en piteux état. Malégor n'avait pas repéré le caractère magique de l'arme et se rua sur le colosse, cherchant à le cueillir d'un magistral coup de genou dans le bas-ventre. Mais, sans doute la puissance de l'arme, il trébucha et tomba au sol, face la première.
Dans un grognement perplexe, il redressa la tête pour voir le chef des protecteurs s'approcher dangereusement de lui, très rapidement...

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