-27%
Le deal à ne pas rater :
-27% sur la machine à café Expresso Delonghi La Specialista Arte
399.99 € 549.99 €
Voir le deal

Astarte fout la ***** [1625]

Une enquête? Qui s'souciait d'une enquête? Espèce de débile de gradé. A peine muté dans un nouveau détachement de la Marine d'Elite, Stan se retrouvait déjà embarqué dans une histoire des plus rocambolesques. Un défi. Il se retrouvait au centre d'un défi entre deux officiers subalternes. Son nouveau chef de détachement, Alan Desher, venait de s'embrouiller avec un vieil homme au QG de West Blue. Son mentor d'après la rumeur. Un ancien officier de la Marine criblé de médailles. Weavel Astarte, sous-amiral pour être précis, avait lancé un défi à Alan tout en se disputant avec lui pour une obscure raison. Il attraperait Mogaba avant le "vieux con". Coûte que coûte. Voilà ce qu'il avait dit à son détachement trié sur le volet. Ils allaient attraper Mogaba avant l'autre type. Un défi à la hauteur de l'ambition de ce jeune officier de la Marine d'Elite. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils avaient pris la mer direction Las Camp, l'ancien endroit de villégiature du traître à la marine. Tout le monde était surmotivé et ils avaient même pris de l'avance sur le navire du vieux con car un mat avait été mystérieusement endommagé. A ce sujet, Alan avait souri et ordonné de doubler la cadence. Las Camp était en vue désormais. Ils avaient foncé à des allures frôlant la folie au vu des capacités supposées de leur navire, un vieux galion assez usé par le temps.

Alan avait envie de mettre la pâté au vieux, au grand désespoir de Stan qui, réquisitionné en urgence pour ses talents de nageur, avait du laisser ses amis du BAN pour un petit moment. Direction LA zone de non-droit de West Blue. Du moins l'ancienne zone de non-droit. Depuis peu, la commandante d'élite Bathory avait repris en main l'île et mis en place la loi martiale. C'était une connaissance du lieutenant Desher d'ailleurs. Elle était entrée dans la Marine d'Elite en même temps que lui. Ancienne petite amie? Probablement. D'ailleurs, leur accostage sur Las Camp avait pour but d'enquêter sur la nouvelle localisation de Mogaba, désormais primé à 150 millions de berrys. La prime mise sur sa tête avait d'ailleurs défrayé la chronique l'année passée et pas mal de chasseurs de primes s'étaient mis en chasse pour faire tomber sa tête. Et ils allaient s'occuper du cas de ce bonhomme.
L'ancre venait d'être jetée. Stan était accompagné de douze personnes triées sur le volet ainsi que d'autres individus lambdas de la Marine d'Elite. De quoi épater la galerie en somme. Alan était d'ailleurs sur le pont à cette heure-ci. Il passait en revue ses hommes, dont Stan, et leur donnait ses directives.

"Je veux un rapport complet sur cette enquête toutes les 6 heures. J'irai moi-même voir la commandante Bathory pour lui expliquer la raison de notre venue. Pendant ce temps, Walker, Trent et Jarp irez récolter des informations à la prison locale. Le trio Kenshû ira entrer en contact avec des membres de gang et leur demandera des informations sur Mogaba en échange de faveurs que je suis prêt à négocier moi-même. HA le mensonge. Et enfin les six restants, vous serez l'équipe de nuit donc je vous referai un briefing du type dans six heures. AH. Dernier ordre. Vous n'entrez en aucun cas en contact avec les gars qui servent le sous-amiral Astarte et vous avez carte blanche pour les ralentir dans leur travail. Je répondrai du reste. Exécution."

Son discours avait été assez concis et il était clair qu'il voulait entraver l'enquête de la Marine classique au profit de la sienne. Etrange rivalité mais Stan le comprenait. Il avait été formé au BAN après tout. Quel soldat classique de la Marine serait capable de planter une pelle dans la trachée d'un ennemi à dix mètres sans les mains? Aucun. Voilà la différence entre l'Elite et le reste. Il fallait donc y aller et Stan descendit le pont avec les dénommés Trent et Jarp, spécialisés dans la récolte d'information apparemment. Pourquoi était-il avec eux?


    Las Camp en vue, sous-amiral...
    Hmmm.

    Plongé dans ses papelards, le vioque relève même pas la tête. En plus d'me sembler bien excité, on dirait qu'il est à fleur de peau. Retrouver Mogoba l'tient à coeur, mais j'crois qu'il a injecté toute une trame personnelle à l'enquête. Alors moi et les autres, on insiste même pas. On s'écrase. On laisse murmurer le gâteux dans sa barbe. Insister, face à lui, c'est jouer à la roulette russe. On n'sait jamais lequel de nos mots nous tuera. Resté cloîtré dans ses quartiers tout le trajet, il s'est à peine montré à ses troupes. C'qui fut y a trente ans un leader charismatique est maintenant un genre de père fouettard avachi à l'emploi du temps réglé comme du papier à musique, qui passe le plus clair de son temps à paraître ruminer des idées tordues et noires. Il s'mure dans ce silence songeur, pendant qu'mes yeux globuleux cherchent un coin pas trop hostile où s'poser. S'il a l'impression que j'le fixe, il va le prendre mal. S'il a la sensation qu'j'ai le regard volatil, il va le prendre mal. Coincé, comme les autres lieutenants autour de moi, j'me contente de faire c'que j'fais le mieux. Mirer dans le vague. M'intéresser au Rien. Déployer des yeux d'merlan frit inexpressifs. Mais même à ça, j'suis certain qu'il trouverait à redire.

    Lieutenant Kamina... Vous serez dans l'équipe du commandant Garder. Récolter des infos auprès de la mauvaise graine. Vous commencerez par faire un tour au pénitencier local, on vous y attend. Lieutenant Ursh, vous irez me faire des descentes dans quelques tavernes et troquets pour interroger quelques crapules. Si vous pensez tomber sur un bon filon, n'hésitez pas à m'amener les timides, je sais comment les décoincer. Lieutenant Sanner... Vous êtes congédié.
    Hein ? Pourquoi ?
    Vous m'avez servi du déca tout à l'heure. Je ne bois que du café noir.
    C'est que... le café noir, à votre âge... Euh...

    La bête est réveillée, l'bureau est bousculé dans un grincement sourd, la paperasse et les stylos voltigent et Astarte saute déjà à la gorge de l'impudent. Ursh m'jette un coup d'oeil paniqué rapide et on s'interpose dans la seconde qui suit pour empêcher l'vieil homme d'étriper l'blanc-bec, mais il est... d'une vigueur... surnaturelle. Le croulant a encore une patate d'enfer, qu'il investit en grande partie dans la maltraitance des subordonnés qui s'permettent de lui rappeler subtilement qu'le temps affaiblit tout le monde, en plus d'se permettre d'en rendre certain totalement détraqués.
    Quand il parvient enfin à s'recontrôler, on soupire tous bruyamment en s'reculant doucement, sans mouvement brusque, pour pas risquer de fâcher de nouveau l'aliéné. J'appréhende l'déroulement d'une mission sous le signe des accès de colère d'un vénérable débris dont l'âge semble pas avoir refroidi l'tempérament incendiaire. M'retrouve toujours dans les plus délicats et pervers des pétrins moi, hein...

    Flairer une piste sur Mogoba dans la capitale de la misère. Las Camp est un coupe-gorge sordide, un trou à rat abandonné à son triste sort comme y en a trop dans c'vilain monde. Un lieu sauvage qu'on sait exempt de toute vraie civilisation. La faune locale est indomptable et leur retirer les vers du nez va p'tete bien impliquer de leur casser d'abord... le nez. La perspective de baston gratuite m'révulse bien, mais depuis qu'j'ai pris connaissance d'la personnalité du vioque, j'ai complètement perdu de vue l'moindre horizon de négociations et d'explications avec ce fou furieux bon pour l'putain d'hospice. Sans compter qu'il...

    Vous devriez vous sentir comme un poisson dans l'eau, là-bas, Kamina. Le climat est humide, chaud et vicié et la populace ne communique que par la violence et les coups fourrés.

    ...sans compter qu'il suinte aussi de racisme par tous les pores et qu'il manque pas d'le rappeler fièrement toutes les cinq minutes en ma présence, comme pour bien me marteler qu'le moindre faux pas d'ma part lui donnera envie d'me réduire en un buffet poisson/charcuterie.

    Une dernière précision... Un détachement de la marine d'élite sera aussi sur place. Les troupes du lieutenant d'élite Alan Dasher... "Timmy", un de mes anciens élèves.
    Oh ! Nous allons collaborer ?
    Non. Ignorez les. Ou sabotez les opérations menées par ce galopin. N'hésitez pas à me demander conseil sur ce point.
    Euh...
    J'pane pas, sous-amiral...
    Evidemment que vous ne "panez" pas, vous êtes un poisson. Contentez vous de suivre mes ordres, revenez toutes les six heures me faire un rapport de votre avancée, et la mission sera couronnée de succès.

    J'réprime une grimace qui ferait qu'envenimer un peu plus une atmosphère foutrement toxique. J'suis habitué à encaisser c'genre de pique, mais tout dépend surtout de l'envoyeur. M'faire rabaisser par un pourri gâteux qui supporte pas sa réléguation toute justifiée au placard, c'est injuste et dégradant. J'me fiche complètement du pseudo-héros qu'il a pu être jadis. Le département gériatrie d'la marine, c'est la merde. P'tain. J'veux même pas savoir ce qu'il a dans le crâne pour nous ordonner d'aller chier dans les bottes de nos alliés de "l'autre bord".
    Marine d'élite ? Toutes des brutes, à c'qu'on dit. Formidables en tout c'qui implique du fer, de la poudre et du sang, mais incapables d'arracher les vraies racines d'un problème. "Rien qui ne puisse se régler par une guerre", haha. C'genre de slogan. Jamais rien entendu d'aussi con et niais. S'il suffisait de tuer les méchants pour sauver les gentils, j'serais pas là à m'demander chaque soir c'que j'fous encore à m'saigner aux quatre veines sous l'étendard de la mouette pour n'récolter que des bourrasques de déceptions et de fantômes qui s'accumulent dans ma pauvre cervelle de poiscaille.

    J'suis pas là pour penser, hein ? J'vais m'contenter de faire un bon molosse et d'obéir à ses caprices pour pas avoir à subir ses foudres... Ni celles de son sale canasson sur le pont qui passe sa sale trogne par la fenêtre du bureau pour m'balancer des regards noirs et défiants, comme s'il cherchait à dominer c'qu'il doit percevoir comme un prédateur marin sur pattes, pour lui aussi se sentir rajeunir. Elle devrait pas être déjà crevée, cette salle bête ? Quel âge il doit avoir, franchement ?
    Par la fenêtre passe le cri libérateur d'mon commandant.

    ON ACCOSTE ! A VOS POSTES !
    Qu'est-ce que vous attendez ? Sur le pont !

    Entre l'enfer du vieux con et l'enfer de la maudite Las Camp, c'est sans hésiter qu'j'me jette à travers les ruelles puantes et malfamées d'la cité du crime pour risquer mon cuir en compagnie du commandant et des sergents. M'lance sur le pont, rejoins ma troupe d'une cinquaine de braves petits soldats. Commandant Garder. Les autres... J'sais pas. Pas dans mon habitude de retenir les noms des personnages secondaires. J'me mêle à eux, pendant qu'autour les matelots, qui semblent se faire copieusement enguirlander par les hennissements du prétentieux mulet d'Astarte errant sur le pont supérieur, s'activent aux manoeuvres d'accostage.
    On s'apprête à descendre sur un long quai d'bois pourri criblé de fractures. Bienvenue à Las Camp. Ça sent déjà la guigne...
    • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
    Une vingtaine de minutes plus tard

    Bienvenue à la prison locale. Le Ponton. Un vieux galion qu'la commandante Bathory avait fait échouer pour entasser tous les rebuts du coin. A peine deux minutes qu'ils venaient d'être accueillis dans le bâtiment et Stan avait déjà envie d'en partir. L'endroit était sale et très peu entretenu. Seuls les gardiens s'occupaient de leurs quartiers. Le reste du galion était dévolu aux prisonniers qui faisaient régner leur loi. Une sorte d'anarchie contrôlée, tout comme le reste de l'île. Pourtant, il ne semblait pas y avoir autant de heurts entre les prisonniers et les forces de la Marine en présence. Le Colonel Matheson venait de leur faire délivrer un accès libre à la prison après un appel du Lieutenant Desher. Comme quoi les relations faisaient leur effet. Stan discuter avec un garde de la prison pour obtenir des informations quand le Den Den de Jarp sonna.

    Apparemment, les hommes du vieux con venaient d'arriver en ville et certains se dirigeaient vers ici. Ils avaient fait vite. Jarp et Trent allaient s'occuper d'eux en se faisant fournir des uniformes de soldats de la Marine conventionnelle. Ils laissaient pendant ce temps le champ libre à Stan pour obtenir des informations sur le déserteur et ses hommes. Soit. Il fallait faire vite. Pendant que les deux accompagnateurs du jeune Walker enfilaient de nouveaux habits sous l'oeil amusé des gardes, il se dirigea vers l'intérieur de la prison accompagné d'une demi-douzaine de gardiens. Il allait rendre une petite visite à Jonathan Nivel, un révolutionnaire poseur de bombes qui avait apparemment été en contact avec Mogaba. Celui-ci occupait une cellule de huit mètres par trois, une salle plutôt grande pour un individu de son acabit. Avait-il des relations avec d'autres membres de la Révolution dans la prison? Les gardiens venaient de le prévenir. Il n'y avait que trois groupes influents dans la prison. Les Ogres de Malzette, l'ancien gang des Hommes Poissons et Nivel et ses gars. Nivel était un gars important dans la prison, pas le genre à se laisser marcher sur les pieds. C'est pourtant bien gentiment qu'il les accueillit dans sa cellule, un sourire aux lèvres. Stan s'assit donc en face de lui, son dossier en main.

    "Ho! On dirait b'in qu'j'ai d'la visite! Qu'est-ce qui vous amène dans ce trou, Monsieur?"

    "Walker. Stan Walker. Je viens enquêter ici pour retrouver la trace d'un gars que vous connaissez peut-être... Mogaba"
    ________________________
    Pendant ce temps, de l'autre côté de la prison

    Jarp et Trent venaient d'accueillir les gars de la Marine dépêchés à la prison, menés par un Commandant Garder et accompagné d'un homme-poisson du nom de Craig Kamina. Ils s'étaient présentés comme les gardiens désignés pour les accompagner dans la prison. Forts de leur expérience dans la Marine d'Elite, ils avaient rapidement ébauché un plan pour ralentir leurs congénères et les bizuter comme le faisait si bien le BAN. Ils leur avaient d'ailleurs fait déposer leurs armes comme si le code de conduite de la prison l'imposait. Sacrés crétins. Eux aussi voulaient voir Nivel. Il avait apparemment essayé de s'opposer à Mogaba et pouvait détenir des informations importantes.
    "Monsieur Nivel est dans la cale. Vous ferez attention, celle-ci est en partie immergée. Il est seul et a été prévenu de votre visite. Ne le brusquez pas trop, le colonel Matheson n'aime pas que l'on abîme les prisonniers."

    "Oui et surtout, faites en sorte de rester discrets! On nous a averti qu'un détachement de la Marine d'Elite était en chemin pour l'interroger, ajouta Jarp. Entre camarades, on vous laisse de la marge. Allez-y et filez en vitesse, ces gars-là ont une autorisation du Colonel."

    Héhéhéhéhé. Un parfait petit duo de menteurs. En réalité, Jarp et Trent avaient été intégrés au commando pour leurs capacités de guérilla et de détournement. Ils avaient été promus au rang de caporaux d'élite pour leurs aptitudes folles à semer le trouble chez l'ennemi. C'est ce qu'ils étaient en train de faire. Ils venaient de se procurer les clés de la cale, le quartier réservé par l'ancien gang des hommes-poissons. Et venaient d'y faire entrer les soldats de la Marine en refermant la porte derrière eux. Jarp avait même ajouté un petit message taquin au Lieutenant Kamina.
    "Amusez-vous bien"

    Et ils avaient refermé la porte. Elite 1. Bourrins de la Mouette 0. Ils repartirent rapidement en direction de la vraie cellule de Nivel, pressés de prévenir Stan qu'il n'avait que peu de temps. D'ailleurs, n'éprouvaient-ils pas des remords à avoir abandonné des soldats de la Marine sans armes contre des hommes poissons belliqueux dans un endroit submergé? Nullement. S'ils ne survivaient pas à cette escarmouche là, c'est qu'ils n'étaient pas prêts à remplir le défi.

      J'mets quelques secondes à comprendre. Porte verrouillée derrière nous. Une horde de poiscailles vêtus de fripes déchiquetées émerge du marécage vaseux qui leur fait office de cellule commune. Un des gangs qu'on devait interroger. Sûrement. Mais pas dans ces conditions. Pas prévu. Y a entourloupe. Garder fait demi-tour et cogne frénétiquement sur la porte, s'écrase le doigt contre l'interrupteur qu'active la sonnette censée rameuter les gardiens, le tout en hurlant qu'il y a du avoir méprise. Moi j'pense qu'on s'est simplement laissés assaisonnés et jetés en pâture aux requins. Les hommes de Dasher. Sont prêt à nous laisser crever ici pour satisfaire les dégénérés qui nous surveillent depuis le haut d'la pyramide ? Foutus psychopathes ! Foutus...

      Hum hum hum. Salut, les gars. Inutile de jouer avec ce grelot, les matons font leur pause à cette heure-là.

      Un requin blanc. Il fait deux têtes de plus que moi, m'toise de haut en bas. Me mire avec attention les fringues. Scrute mes timides galons posés sur les épaules d'ma veste de lieutenant un peu cradingue. Aucune chance qu'j'parvienne à me faire passer pour un nouveau venu sapé ainsi... Ils m'auront dépecé avant. L'commandant Garder est tétanisé et développe à vue d'oeil une peur panique de la flotte croupie qui remplit la cellule. Plaqué contre le mur moisi et rouillé, les cheveux hérissés, j'l'entends d'ici claquer des quenottes mais j'le perds à moitié de vue. Vapeurs verdâtres denses qui m'obstruent la vue, qui m'filent des oeuillères. M'obligent à m'focaliser sur cette face de requin blanc ronflant qui m'souffle une haleine fraîche et nauséabonde à la figure. La sueur commence à me perler dans la tignasse.

      Voyez-vous ça... Un homme-poisson dans la marine ? Moi qui croyait avoir tout vu...
      Un renégat.
      On...
      On veut pas d'ennuis ! Ah non qu'on veut pas d'ennuis !
      Aaah, je vois. La marine nous rend une visite amicale ? C'est pour qu'on évite de s'rouiller, c'est ça ?

      Ses potes autour de lui font craquer leurs poings et leurs nuques. Et lui... Un écoeurant sourire s'dessine sur son visage, laissant jaillir toutes ses sales canines de prédateur. La même dentition qu'la mienne, en plus massive, en plus exercée, en plus affirmée et affamée. On va se faire broyer...

      Vrai qu'on s'laisse aller, ces temps-ci, les gars et moi. Vous savez ? On a même failli perdre le goût du sang. On passe à table ?
      Attendez !
      Oui, bonhomme ?

      J'compose anarchiquement des phrases absurdes dans mon esprit qui file à toute allure. L'adrénaline m'injecte un vrac d'idées stupides pour tenter d'nous sortir d'ce mauvais pas, mais j'en saisis plus grand chose. Et j'fixe les grosses palmes d'mon congénère poiscaille qui s'impatiente, et mes yeux remontent sur ses yeux perçants et cruels qui m'forcent à laisser retomber mon regard dans la flotte dans laquelle je patauge. J'partage vraiment des gènes avec ce monstre ? Juste trouver un moyen d'me sauver les miches. Au moins à moi. La vie d'Garder, ce foutu couillon, est devenue optionnelle dès lors qu'on a franchi l'seuil de cette cage. Nan nan. Pas raisonner comme ça. Rester logique. Rester honorable. Rester digne. Rester...

      J'concède volontiers une dernière réplique à un frère de race. Mais tu vas devoir gamberger moins et jacasser plus. On a pas toute la journée, tu comprends ?
      J'peux... vous négocier une remise de peine.
      Du haut de tes p'tit galons d'lieutenant ? Allons, gamin...
      Pas moi. Mon... supérieur. Sous-amiral Astarte.
      Connaît pas.
      On venait... se renseigner sur Mogoba.

      Derrière, Garder reperd son sang-froid et s'excite sur la sonnerie pour alerter les gardes. Ces traînards devraient pas tarder à terminer leur foutue pause, non ? Gagner du temps. Au moins gagner du temps.

      Mogoba ? Marrant, c'est pas la première fois qu'la marine pense que j'ai des tuyaux à leur refiler à son sujet...
      La remise de peine, en échange...
      Hahaha. Non, non, tu t'plantes. La remise de peine, c'est en échange de ta vie, p'tit, et de celle de ton abruti de compagnon. Tu peux lui dire d'arrêter de s'acharner sur cette pauvre sonnette, dis ? C'est crispant.
      On n'assiste pas les félons perfides ! Pourquoi as-tu vendu ton cul à la marine ?
      Eh ! 'connaissez rien de moi... Euh...
      J'te parle de Mogoba si tu m'parles de toi, tiens. Tu sors d'où, l'alevin ? Quel genre de circonstances peut amener l'un des nôtres à trimer au service de la mouette ?
      Euh... Disons qu'j'ai acheté ma liberté en devenant... marine. C'est pas mon choix...

      Bordel, ma langue a glissé toute seule dans l'gros mensonge. Est-ce que j'espère inconsciemment émouvoir ces forcenés pour qu'ils m'laissent repartir entier ? Les compagnons de la grande crapule font la moue, et leurs yeux globuleux convergent vers l'commandant apeuré, fusillé d'une chiée de regards noirs comme à un peloton d'exécution. Mon mélodrame abrégé semble avoir plutôt bien fonctionné. L'grand requin blanc s'gratte les fesses et reprend d'une voix plus apaisée :

      Mignonne, ton histoire. Bon. Moi, j'connais pas grand chose sur Mogoba. J'sais juste qu'il avait concentré certains d'ses hommes dans un certain quartier de Las Camp pour faire certaines choses... Un coin miteux d'la banlieue, qui sent la pisse et l'cafard. Fais y gaffe à ton cuir, 'sont pas amoureux des homme-poissons là-bas.
      Ah. Ah. Merci. J...

      Un lourd grincement métallique résonne derrière moi, et les cliquetis des engrenages d'la grande porte rouillée sonnent comme une mélodie réconfortante à mes oreilles. Apparaissent une troupe de geôliers, surpris d'se faire rentrer dedans par le fier commandant Garder qui semblait s'étouffer dans la tension humide et les mauvais relents qui remontaient au plafond moisi envahi par la mousse. L'est libéré, il fonce vers la lumière en bousculant tout le monde sur son passage. Moi aussi. A mon tour, j'me fais pas prier. J'adresse un dernier signe de tête timoré mi-remerciements mi-adieux au psychopathe à grandes dents, et j'monte le p'tit escalier vers la sortie de la cellulle quatre à quatre. Sitôt retourné dans ce chaleureux couloir gris baigné d'cette délicieuse lumière fade, j'expire un grand coup, pendant qu'les gardiens referment la porte. LIBRE ! VIVANT ! Avant qu'la porte se referme complètement, un dernier cri hilare et moqueur trouve le temps d'se frayer un passage jusqu'à mes oreilles.

      A plus, minet.

      L'échine électrifiée et les nerfs foudroyés. Merde. Merde. J'l'ai vu venir, la raclée. J'l'ai vu venir, mon dernier souffle à respirer mon propre sang répandu dans leur mare visqueuse. J'ai vraiment cru y passer. Tabassé et abattu par les bêtes enragées qui m'servent de congénères. Une fin ironique toute trouvée pour une vie d'squale sans couilles qui s'plaît à trahir sans vergogne races, groupes, convictions et familles en priant pour s'dégoter une vraie place un jour, laissant une traînée d'ressentiments et d'désir de vengeance froide dans son sillage. P'tain. P'tain ! Et j'lui ai promis une remise de peine ! Comment j'vais présenter ça au vioque ? Première bavure de la journée. Si j'lui fais faux bond, j'ai aucun doute qu'une fois sorti dans quelques années, son gang mettra une prime sur la peau d'la tarlouze de requin qui ment comme il respire et pour qui la traîtrise est tradition.

      Euh... Z'avez de drôles de méthodes d'interrogatoire, dans la marine...
      Les SALOPES ! Ils ont voulu nous buter !

      Ouais, ouais... On a plongé à pic dans un traquenard tendu par ces tordus d'la marine d'élite. Les directives d'Astarte prennent tout leur sens, d'un seul coup. Les gars de Dasher ont du recevoir les mêmes. Bizutage. Fourberies. Embuscades et coups bas. Ils veulent jouer à ça. Merde. Merde. On est sous la coupe de deux putains d'gamins, donc, persuadés de jouer innocemment aux p'tits soldats avec leurs hommes. Ça augure rien d'bon. Les matons s'éloignent en nous jetant des regards curieux et en faisant messe basse. M'demande bien ce qu'ils doivent penser de nous... On est passés pour les dindons d'la farce...

      Reprenez vous, eh ! Kamina !
      C'est bon, c'est bon... Vous, ça va ?
      Moi ? Haha ! Bien sûr que ça va !
      Z'êtes encore tout tremblant... Puis votre entrejambe est... imbibée, si vous voyez c'que j'veux dire...
      On a un tuyau sur Mogoba ! On peut les doubler, ces fils de putes ! Bougez vous, faut qu'on retrouve les autres !

      Sans plus palabrer, on s'met en mouvement. Instinct de revanche propulsé dans les veines, mêlé à des restes d'incompréhension et l'coeur palpitant encore très fort dans ma poitrine, on court, on sprinte, on a le feu intérieur. C'est tout vu. La marine d'élite nous a déclaré la guerre. De pures enflures. J'me méfie tout de suite cent fois plus de ces tarés que d'n'importe quel roublard qui peut s'promener dans les ruelles malfamées du coin. J'préfère avoir affaire à des tueurs plutôt qu'à ces fous furieux.
      Les hommes sous nos ordres, restés à l'entrée, s'avancent vers nous en nous apercevant tracer dans le hall comme si la mort nous poursuivait. J'vais rester longtemps avec l'image de la figure du grand requin blanc souriant à trois centimètres d'mon museau gravée sur la rétine. Encore une fois, j'ai bien cru que c'était lui, la mort.

      Qu'est-ce que...
      On est tombé dans un piège d'ces tordus ! Ces salauds ! Ces...
      Hein ?
      Les marines d'élite. Z'ont été briefé pour nous chier dans les bottes.
      Aaah, c'est ça qu'Astarte sous-entend...
      On perd pas de temps ! En ville ! On a une piste !

      Les soldats s'passent de demander plus de détails et ferment leur clapet. Et alors qu'on s'élance à l'assaut du dédale crasseux qu'est Las Camp en direction des zones les plus hostiles, l'commandant s'maintient à mon niveau et, entre deux essoufflements rauques, m'susurre une question bien indélicate qui semblait lui brûler la langue.

      C'est vrai c'que t'as dis au gros lard blanc ? T'as échangé ta liberté contre...
      Non. Menti pour essayer de l'apitoyer.
      Aaaah... J'te crois pas !
      M'en fous.
      Hum.
      Faudrait qu'on se magne.
      C'est moi qui donne les ordres ! Keuf ! Keuf !
      Pas parler pendant la course. Ménage tes bronches.
      J'sais ! J'sais ! Arrk !
      • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
      Quelques minutes avant la négociation pisseuse de Craig

      Un steak haché. Ce gars avait lâché tout ce qu'il savait sur Mogaba contre un steak haché. Comme quoi la nourriture pouvait apporter pas mal de solutions. On avait servi au sire Nivel un steak de 200 grammes dans les dix minutes suivant l'entrée de Stan dans la cellule. L'type était pas du genre bavard mais il ne semblait pas porter Mogaba dans son coeur. P'têtre parce que c'était à cause d'enfoirés comme lui qu'le monde tournait pas rond. Stan avait joué la carte de la Justice en déclarant qu'il n'aurait de cesse de traquer Mogaba tant que cela lui était autorisé. Au vu de l'histoire du Niveleur, c'avait été un sacré coup de poker mais sa ruse avait été efficace. L'type avait d'mandé son bout de viande et lui avait souri. Il n'aimait pas Mogaba. Oh non. Il lui avait donc dit tout ce qu'il savait sur le traître, absolument tout.
      "C'gars là est une ordure. Il avait même empoisonné le Colonel Matheson à c'qu'on dit. Un brave gars c'lui là. Donc j'vous disais. Mogaba est plus sur l'île et il s'est barré avec tous les sympathisants qui lui restait. Aucun d'ses gars n'est encore sur l'île, en vie, pour témoigner d'où il est allé"

      Ah. C'était plutôt problématique. On aurait pu croire au premier abord que le déserteur s'était tiré sans laisser de traces. Stan était dépité. Presque aucun des autres gangs n'avait d'infos sur Mogaba. Tous le craignaient tellement qu'ils n'osaient pas en parler. Enfin presque. Mais ça, Stan l'apprît bien vite. Alors qu'il s'apprêtait à partir, le Niveleur le prît par le bras en souriant entre deux bouchées de steak et le fît rasseoir. Qu'est-ce qu'il voulait donc bien lui dire?
      "J'ai pas fini gamin. L'Mogaba s'est pas fait que des amis si tu vois ce que je veux dire. A tout hasard, m'semble bien que la Triade du Lotus Pourpre n'appréciait pas trop Mogaba du fait qu'il s'en prenait à toutes les activités illégales de la ville pour se les approprier, bien entendu. J'irai voir là-bas! Et merci pour le steak"

      Etrange ce gars-là. Il n'avait même pas essayé de négocier une réduction de peine ou quoi que ce soit. Très très étrange. M'enfin. Voilà Trent et Jarp qui revenaient en riant. Ils lui expliquèrent le tour qu'ils avaient joué aux gars de la Marine. Bien que cela ait pu l'effrayer avant son entrée au BAN, une farce de ce genre ne pouvait désormais lui décrocher qu'un sourire. Il appartenait à l'Elite et ce genre de farces étaient courantes. Dommage pour ces soldats de la Marine. Il ne restait plus qu'à espérer que l'un de ces gus sache se battre ou négocier. Enfin bon, cela n'était plus de son ressort. Ils sortirent de la prison et Stan leur apprît ce qu'il venait de découvrir. Un bon point. En espérant que ces imbéciles de la Marine n'aient pas eu autant de chance. D'un rapide coup d'escargophone, ils prévinrent le lieutenant Desher qui parût satisfait. Ils allaient rejoindre le trio Kenshû qui était dans la zone et qui devait finir par visiter une maison close d'un quartier assez chaud de Las Camp, autant dire infernal. L'établissement appartenait à madame Sinhg Yin Fu, la dirigeante de la Triade sur l'île. Il devait être surveillé de près par la division de la commandante Bathory mais rien ne parvenait à filtrer des établissements de la Triade. L'organisation était installée comme l'un des plus vieux gangs de l'île et ils allaient devoir y entrer de manière digne. Quoi que non en fait. Ils faisaient partie de la Marine d'Elite. Alors ils allaient foncer dans le tas. Les triplés Kenshû venaient de les rejoindre. Ils faisaient partie de la promotion Fisherman de la Marine d'Elite et avaient été ramenés par le Lieutenant pour leurs capacités de combat en groupe. Des bourrins + en somme. Bardés de cicatrices un peu folles, les trois frères déboulaient avec leurs costumes de soldats de l'Elite déchirés, la preuve qu'ils étaient passé prendre des informations de Mogaba chez les autres gangs. Leur récolte avait été infructueuse. Ils se dirigèrent donc vers Le Petit Lapin au Curry, maison close réputée depuis plus de huit ans sur l'île. Que pouvaient donc être devenus les gars de la Marine quand même? Etaient-ils aussi mauvais que prévu?
        Ah c'est pas moi, hein ! C'est Kamina ! Il a promis aux poissons une remise de...
        Humf. Je verrai ce que je peux faire.
        Vous aigrissez pas, sous-amiral, c'était notre seule chance de nous en tirer vivant...
        Moi, aigri ? L'âge me rend acide, selon vous ?
        Non non ! Pas du tout !
        Passez jeter un oeil au "Petit Lapin au Curry", la plus grand maison close de la ville. Elle est dans ce quartier dont vous a parlé le gang. Tâchez de ne pas vous faire piéger une deuxième fois...
        Tout de suite, sous-amiral ! C'est juste au bout de la rue ! On y sera en quelques sec...
        EH BIEN, magnez vous !

        Il raccroche, le den den renfrogné et coléreux reprend de suite sa moue mignonne et endormie habituelle. On s'remet en route, à rythme soutenu, vers la maison du plaisir qu'on voit pointer au bout de l'avenue. Et moi, j'l'ai mauvaise. M'être encore fait remonter les bretelles par ce vieux déchet alors que j'sors tout juste de c'qui pourrait bien être ma trouille de l'année, ça m'reste comme un os en travers de la gorge. J'prends sur moi. Encaisser. Mettre la rancune de côté. Avancer. La routine. Toute l'histoire de ma vie. Contenir les frustrations. Garder semble nettement plus déçu et offusqué, et s'il se le cache pas en fronçant avec hargne ses sourcils à s'en arracher les corrugateurs, lui aussi réprime les jurons qui doivent grimper en lui comme une remontée gastrique. Alors c'est dans un silence de mort pesant qu'on arrive au niveau du petit lapin au curry et qu'on en pousse timidement le rideau d'soie qui en barre le seuil.

        Et j'perçois la tension s'laisser happer par l'ambiance tamisée, d'un seule coup... Car une bombe anatomique humaine s'élance à notre rencontre, dandinant ses hanches et faisant rebondir ses ballons comme si elle souffrait d'spasmes nerveux chroniques. Mais c'est en fait qu'elle aguiche mes équipiers, cette catin. Les yeux du commandant deviennent creux, et sa bouche béate pendante vide son visage d'toute lueur d'intelligence, m'alertant qu'il risque d'oublier rapidement la raison d'notre venue... Quant aux sergents, restés derrière nous, ils sont totalement hypnotisés par la danse du ventre de la donzelle et commencent à papillonner autour des autres femelles qui débarquent peu à peu des ouvertures latérales en nous glissant des mots salaces aux esgourdes. Plus rien à en tirer. J'suis la seule tête froide, ici, au milieu d'cette foutue pesanteur sexuelle.

        Bienvenuuuue dans le plus grand centre des plaisirs de Las Camp, mes mignons ! Vous devriez retirer ces lourdes vestes, mes étalons, la température monte toujours d'un cran de plus lorsque l'on amène des amis !
        Aaaah... héhé... euh...
        Nous sommes là pour renseignements, en fait...
        Euh, oui, ouais. Comme il dit.
        Renseignements... Hmmm. On ne fait pas de ça ici. Pas d'inquiétudes, mon poisson, nous avons aussi de quoi te satisfaire ! Berthaaa ?

        Un imposant rideau de velours se lève au fond du couloir et en sort une créature encore plus gigantesque. Une femme-baleine obèse, à la gueule plate grimée d'un panel de violets au goût douteux et au corps parée d'fourrures pailletées dans les mêmes tons. Elle doit s'prendre pour une espèce d'étoile bleue mais moi, j'vois qu'elle émane seulement des trombes d'une féminité mal parfumée et exagérément froufrou. Cette masse... me fonce dessus en balançant ses bourrelets dans tous les sens. Et quand elle arrive à mon niveau et qu'elle commence à poser ses sales pattes sur moi, j'esquisse un réflexe de recul pendant qu'son odeur de morue à la lavande s'empare d'mes sinus.

        J'suis... J'suis pas là pour ça, j'ai dis.
        Ooooh, beau requin. Tu es là pour quoi, dis ? Moi c'est Bertha ! C'est quoi ton p'tit nom ?
        Euh... Lieutenant Kamina. J'viens pour Mogaba. Vous avez eu affaire à lui... par le passé ? Non ?
        C'est de l'histoire ancienne, ça, ma jolie p'tite chose. Personne n'a envie d'causer de lui...

        Elle me tire par le bras, pendant qu'ses copines me tripotent l'aileron dans l'dos. Pas envie d'savoir ce qu'elles s'imaginent. J'tourne la tête dans tous les sens, j'zyeute derrière moi, et j'vois les collègues s'envoler. Laissés à leur triste sort, j'ai l'air d'avoir canalisé sur ma pauvre trogne toute l'attention des folles. J'cherche le commandant du regard, mais il me tourne le dos en haussant des épaules. Quel abruti. Il doit penser que j'suis heureux d'me faire embarquer dans un simili de tournante avec la grosse tarée et ses catins humaines. Sortez moi d'là !

        Mogaba... Il aurait pu nous piquer de grosses parts de marché, ce félon. J'crois bien qu'il a encore plusieurs bases dans le coin... Toi et tes mignons p'tits copains, vous devriez fouiner du côté des entrepôts désaffectés du port. Conseil d'amie.
        Euh.. Ah. Merci.
        On pouvait pas causer d'lui sur le pallier du bâtiment ! Ses troupes sont encore très présentes en ville. Avec un peu de chance, elles ne savent pas qu'vous enquêtez sur lui.
        Oui... Alors désolée si j't'ai fais peur, bout d'chou. Fallait t'emmener dans l'arrière-boutique pour qu'on puisse te répondre. Dans l'entrée, ça aurait été bien risqué.
        Tu ne veux vraiment pas rester encore un peu avec nous ?
        J'ai du boulot...
        Hihihi.

        Les soldats "d'élite", qui sont certes experts des coups bas et d'la lèche à leur supérieur capricieux, n'sont pas ici. Pas arrivés, ou pas au courant de l'importance de l'endroit pour glaner des infos sur la position de Mogaba et d'ses sbires. La deuxième circonstance serait idéale, mais au cas où, j'me sens apte à improviser un p'tit traquenard en utilisant les tentatrices qui m'entourent... Hummpf. Faudra que j'me délivre des bras d'la grosse Bertha... avant... qui m'serre contre elle en m'répandant son cosmétique froid mêlé à sa bave visqueuse sentant l'marais tout le long du museau... J'pousse fort d'mes deux bras pour m'dégager, mais c'est seulement quand elle décide d'me libérer que j'parviens à me sortir de son étreinte... Cette colosse... J'tombe à terre, à quatre pattes, j'respire bruyamment. L'souffle coupé. Les yeux exorbités. Mal aux côtes... mal au coeur... Mal à la dignité, hein. Forcément, aussi. Les trois morues m'regardent d'un air désolé, et la grosse Bertha me tend la palme pour m'aider à me relever. J'décline l'invitation, voyant clair désormais à travers son tissu d'perversion. J'suis sûr qu'elle manigançait un autre truc, cette cinglée.

        Eh bien ? Ça te plaît pas ? Les p'tits jeunes romantiques aiment les câlins langoureux, pourtant...
        C'est... que j'suis pas là pour ça, 'comprenez. Hum.
        Oui, on a compris, tu as encore à faire. Voilà un poisson occupé ! J'aime les bestioles timides et influentes !
        En fait... Y a nos collègues gros bras de la marine d'élite qui vont passer d'ici quelques minutes. Ils sont en perm', eux viennent prendre du bon temps, ils auront toute la journée à vous consacrer.
        Aaaaah... Des gros bras tu dis, bout d'chou ?
        Euh, ouais. J'pense qu'ils apprécieraient un accueil chaleureux un peu sensuel, un peu froufrou... comme c'que vous nous avez fait tout à l'heure, en plus spectaculaire... Ils aiment bien les mises en scène, et...
        Tu nous apprendras pas notre boulot. On s'occupe de tout. Aller, va. Et repasse nous voir quand tu veux, d'accord ?
        C'est ça...

        J'esquive sa dernière caresse et m'dirige à toute allure vers la sortie d'cette cage aux folles. En passant, j'arrache une lingette de velours à un distributeur de serviettes pour l'moins luxueuses accroché dans l'couloir de l'entrée, pour m'épurer d'ces marques glaciales qu'la grosse m'a dispersé sur la tronche. Je m'sens bien sale et souillé, d'un coup. Jeté comme ça au milieu d'ces furies surexcitée, faire l'effarouché et crier au viol avait failli s'imposer comme une sérieuse option. Mais j'ai pu tourner la situation à mon avantage... La bombe de luxure est amorcée, là-dedans, et j'espère qu'elle fera péter l'coeur du trio de mâles alphas d'la marine d'élite. Leurs machos, fiers d'leurs muscles et d'leurs records, doivent être particulièrement vulnérable aux tentatrices et leurs flatteries sirupeuses. Chaque seconde qu'elles leur prendront sera toujours plus de temps à nous employer à nous extirper du collimateur d'Astarte... Et Dieu sait qu'actuellement, y a pas d'collimateur dans lequel j'ai moins envie d'me retrouver.

        De retour sur le pallier de la maison close, le commandant Garder vient à ma rencontre, ainsi que ses soldats. Tous sortis entretemps, ils semblaient s'impatienter en pestant contre moi. Sérieusement... Z'ont pas capté qu'les plaisirs de la chair, ça m'rebute plus que ça m'appâte... surtout quand ça implique une grosse baleine furieuse.

        Oh le ! Le porc !
        Hein ?
        Tu t'es laissé bécoté, hein ? Avoue !
        J'ai pas vraiment eu le choix. L'important c'est qu'on ait une nouvelle piste...
        Et les rivaux ? Moyen d'les plomber ? On peut les attendre et les tabasser !
        Non non. J'ai trouvé mieux. Tirons nous.
        C'moi qui donne les ordres !
        ... alors ?
        Bah... Tirons nous !
        C'est bien c'qui me semblait.
        • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig

        Le Petit Lapin au Curry était en vue. L'établissement faisait un peu old school dans l'genre. Un p'tit genre néogothique sur deux étages intégré discrètement le long d'une rue passante de Las Camp. Avec v'là la saleté qu'il faut pour repousser l'gars trop clean et pile les indications qu'il faut pour attirer le client à la libido entamée. Cette zone là sentait le sexe à plein nez. Et pourtant, pas un des gars de l'Elite n'était réjoui à l'idée d'aller dans ce que l'on eût appelé un bordel si le lieu fut moins bien entretenu. et v'là que six gars bien entraînés entraient dans l'établissement débordant de donzelles aux moeurs tarifées. Dans l'stéréotype soiffards désireux de faire pleurer leur troisième jambe, on avait déjà vu mieux. Mais c'était sans compter sur la petite blague du Lieutenant Kamina. On eût même pu entendre un "Vite! Ils arrivent" si quelqu'un avait tendu l'oreille.
        Mise en situation

        Les 6 gars de l'Elite furent surpris quand ils passèrent le rideau de soie qui faisait office d'entrée. Apparemment, ils avaient droit à un spectacle de taille. La salle était pas bien grande et v'là que des dames fort peu vêtues commencent à descendre vers eux en glissant le long de barres verticales fixées au plafond, prenant soin de jouer avec leur plastique avantageuse. De quoi en hérisser plus d'un. En plus de ça, quelques donzelles supplémentaires prennent l'initiative de venir jusqu'aux soldats en effectuant des pirouettes et figures gymnastiques qui auraient pu passer pour un sport si les personnes les exécutant n'étaient pas si peu vêtues. Dentelles, doux parfum d'encens. De quoi en faire tomber raide plus d'un là encore. Et encore, tout ce beau spectacle n'aurait pas été parfait si celui-ci ne s'achevait pas dans un grand et splendide final, dû à Bertha qui elle aussi descendait les escaliers au fond de la salle dans une démarche se voulant provocatrice et une moue sulfureuse et dans une tenue comportant plus de chair que de tissu.
        Stan faillit tomber à la renverse. Qu'est-ce qui était le plus révulsant? Le spectacle de chairs faciles offertes si facilement et sans aucun jeu de séduction ou l'arrivée d'une femme-poisson de type baleine pesant facilement dans les deux trois quintaux. Jarp et Trent tirait une grimace longue de deux mètres et les frères Kenshû, bien qu'amusés par le spectacle, se demandaient bien pourquoi un tel accueil leur était réservé. Le jeune Walker se devait de tirer cela au clair. La femme-baleine tenta de l'embrasser après un clin d'oeil ravageur et il esquiva d'un pas de côté sous l'éclat de rire de ses camarades. A quoi était due cette foutue mascarade? Quelqu'un les prenait pour des cons.
        "Bien le bonjour chère madame. Je vous remercie pour les attentions que vous nous portez mais je me vois obligé de vous demander à quoi celles-ci sont dues? déclara Trent d'un air désormais agacé."

        "Le spectacle vous a plu? C'est votre ami, le Lieutenant Kamina qui nous a demandé de vous le préparer. Venez vous détendre et profiter de votre permission avec nous mes beaux chevaliers assoiffés de justice! "

        Et voilà qu'ils se font assaillir de caresses et d'allusions graveleuse. Mais ce n'est pas ça qui leur importe. Quelque chose vient de percuter dans leur crâne et cela ne leur plait pas des masses. La Marine les a devancé. Et ça risque de faire tâche dans leur mission. Très tâche. Alors Jarp tente de reprendre les choses en main. Et pour ça il sait s'y prendre. Son air est désormais glacial. Il avait beau être spécialisé dans le détournement des forces ennemies mais il savait aussi négocier. Il avait même été un des meilleurs négociateurs des Blues des dix dernières années. Laisser le jeune Walker s'y prendre avec le prisonnier passe encore mais il avait désormais son mot à dire. Il n'appréciait pas du tout le tour que venaient de prendre les événements. D'une voix encore plus sèche que Trent, il reprendre le tout en main. Sa voix ne tremble pas. Son air est dur. Il ne vacillera pas.
        "Nous ne nous détendrons pas malgré vos atours des plus dévastateurs. Nous ne sommes pas en permission. Et nous venons prendre des informations sur Mogaba. Alors on va faire vite et clair. Soit vous nous redites la même chose que ce que vous avez dit au Lieutenant Kamina, soit je fais en sorte de reformuler ma proposition de manière plus précise."

        Un silence de quelques secondes se fait entendre. Jarp n'est pas homme à subir les événements. Et il vient de témoigner de cette volonté. Même ses cinq confrères de la Marine d'Elite semblent surpris. Bertha jette rapidement un coup d'oeil vers une salle où de gros gardes du corps bodybuildés doivent surement s'enivrer et fumer toute la journée en jouant au poker et en attendant que des trublions essaient de foutre le bordel dans l'établissement. Elle semble hésiter mais un simple regard sur le triplé de frères et elle se ravise tout de suite. Ceux-là non plus ne sont pas des tendres. Leur regard est déterminé, pas comme les gars dans la salle d'à côté. Ils ne flancheront pas si les choses viendront à mal tourner. Kakihara est à l'étage aussi. Mais mieux vaut ne pas le déranger lui non plus. Apporter le malheur sur l'établissement en se mettant à dos la Marine d'Elite lui vaudrait sûrement une situation des plus épineuses. Elle soupire alors brièvement et d'un signe de main fait stopper la fête d'accueil des soi-disant soldats en permission. Son visage s'assombrit légèrement. Elle fait ce métier depuis assez longtemps pour savoir quand il ne faut pas déconner. Amenant les soldats dans l'arrière-salle, elle se remet à parler.
        "Le jeune poisson voulait des renseignements sur Mogaba. Je lui ai dit que certains de ses gars traînaient peut-être encore sur les hangars désaffectés du port. Enfin qu'ils pourraient peut-être avoir des infos là-bas. Bien entendu, je ne vous ai rien dit."

        Les soldats de l'Elite semblent désormais bien pressés de partir. Ils avaient du retard sur la Marine classique. Pour eux, cela représentait une grosse baffe dans la gueule et prouvait que même des imbéciles non-formés par le BAN pouvaient enquêter aussi vite voire plus vite qu'eux. Comment avaient-ils pu arriver avant eux? La pilule ne passait pas. Oh que non. Les six soldats de l'élite se concertèrent. Ils allaient régler le compte à ces imbéciles et faire en sorte de clôturer l'enquête les premiers. La femme baleine hésita à leur faire un bisou d'adieu mais se contenta de leur demander de passer le bonjour au Lieutenant Kamina s'ils le revoyaient. Tous répondirent par un "On n'y manquera pas" des plus acides. C'était qu'ils comptaient bien revoir le jeune homme-poisson et ses acolytes le plus vite possible. Et le Destin allait leur offrir une chance de se racheter.
        PULU PULU PULU!
        "Soldat Walker au rapport Lieutenant Desher! Nous avons récolté des informations sur la probable localisation de lieux liés à Mogaba"

        "Je suis ravi de l'entendre Walker. Mais mettons ça de côté pour un moment voulez-vous? Ce midi, la commandante Bathory organise un repas auquel nous sommes conviés ainsi que les hommes du sous-amiral Astarte. Je compte sur vous pour récolter chez la Marine un maximum d'informations. Rendez-vous dans vingt minutes à la caserne pour un briefing."

        Effectivement. Le Destin leur donnait là une chance.
          L'horloge a tourné, déjà l'heure du premier bilan à Astarte. Pas de scoop à se mettre sous les crocs, mais au moins quelques indices tous azimuts. Alors qu'je passe de nouveau sur le pont du vaisseau, j'ressens l'étrange impression d'être en... territoire ami. Première fois qu'je goûte à ce sentiment en cinq ans à réception la merde que la mouette me chie dans la gueule, fière d'sa grandeur, d'ses idéaux conservateurs et d'ses gradés mégalomanes. Depuis un ciel dont j'desespére de voir la vraie nature maintenant. Plus si beau que ça, la surface. Juste recouverte d'un dôme d'air dont l'immensité t'donne l'impression d'être libre, dont tu prends volontiers l'horizon lointain et brillant pour une métaphore d'ton avenir avant de découvrir peu à peu qu'il reflète surtout ton passé. Et tapissée d'une boue qu'est rien d'autre qu'les corps et les sangs entassés de milliards de bestioles qui font inlassablement tourner le bien cruel cercle de la vie. Ouais. Gosse, les abysses me paraissaient étouffantes, et la vraie lumière n'en ressortais que nettement plus féerique. Grandir, c'est dur.

          Le canasson hennit à notre arrivée. La bête hargneuse prévient son maître qu'on est d'retour les mains vides, j'suppose. Les pattes nerveuses, j'appréhende la foudre que le vioque va faire tomber sur nous s'il nous tient responsable des dérives de ses propres caprices. Les guignols de la marine d'Elite seraient d'idéals paratonnerres, mais ils sont p'tete encore à faire des câlins à une baleine à l'heure qu'il est. Bras dans le dos, droit et rigide comme un poteau, le regard acéré nous transperçant d'part en part et les lourds pas déterminés faisant raisonner l'bois du navire comme un tambour, v'là le fier vétéran qui s'ramène. L'nez retroussé, les canines enfoncées dans la lèvre, quelque chose l'a contrarié.

          Quoi de neuf ?
          On a investigué du côté du petit lapin, sous-amiral... On sait que... euh...
          Les troufions de Mogaba sont toujours en ville. La maison close a eu quelques problèmes avec eux, et nous a conseillé de fouiner du côté des vieux entrepôts du port. Je pense que c'est un conseil fiable...
          Très bien. Malheureusement, cela devra un peu attendre.
          Aaah ! Haha ! Pause déjeuner, c'est ça ! Hah... Hum.

          Le vieil animal grogne. Tuant dans l'oeuf tout espoir d'apaiser l'atmosphère en présence de l'ancêtre. Garder se raidit, et retourne au garde-à-vous, feintant l'indifférence. Moi, j'réprime une grimace qu'il risquerait trop d'prendre pour un sourire sardonique. L'problème d'une machoire de requin, c'est qu'toutes les expressions peuvent être interprétées par autrui comme un sourire sadique de prédateur. Y compris les plus minables d'mes mimiques transmettant mon malaise. Astarte nous facilite pas les choses, non plus... Sa seule présence suffit à saborder une ambiance.

          La commandante Bathory organise un grand banquet ce midi, auquel nous-mêmes et les hommes d'Alan Desher sommes conviés...
          Et... nous allons y aller ?
          Bien sûr. C'est une occasion en or.
          Une occasion de faire connaissance ?
          Je ne suis pas d'humeur à plaisanter. Kamina, prenez ça.

          Il sort une fiole brune remplit d'un liquide visqueux d'une des poches intérieures d'sa veste, et me la tend avec insistance. Je l'attrape d'un geste vif et précipité, comme si j'avais peur que l'vioque me bouffe la palme si j'baissais ma garde. J'mire quelques secondes la substance qui s'agite dans la fiole. J'ai peur de saisir, mais j'ose rien contester. Autant qu'mon esprit, ma langue est trop hésitante pour m'laisser soumettre mes doutes au Vieux con. Ça va trop loin et j'sens ma confiance s'émousser et mon embryon d'instinct de revanche s'en retrouve mort-né. Du poison ? C'est bien du poison ? Il va m'demander d'les intoxiquer ? La texture m'ferait plutôt penser à un antibiotique, et... Non... ? Il serait assez vicieux pour... P'tain de merde. Quelle teigne.

          Euh... Ce serait pas du laxatif ?
          Perspicace, lieutenant. On voit bien que vous êtes médecin. Effectivement, une seule goutte de cette potion vous vide d'un trait les intestins du plus constipé des chevaux.
          HHHhhhhnnn...
          Je ne faisais pas référence à toi, Thor.
          Une seule goutte...
          Vous leur en mettrez trois.
          Je vois... On ménage pas leurs sphincters...
          Eh eh ! Deux secondes ! Pourquoi lui ? C'est moi, l'commandant !
          Je vous réserve un projet moins subtil, Garder. Vous êtes irritant et stupide, c'est un avantage pour nous.
          Ah bon ? Merci, héhé... Vrai que je travaille beaucoup sur mon charisme, et...
          Je voudrai que vous les mettiez hors d'eux. Enragez les. Soyez aussi horripilant que vous le pourrez.
          Et... Et nous, sous-amiral ?
          Vous restez avec moi. Les retarder ne suffit pas. Il faut les humilier, les briser.

          D'un saut, il se hisse sur la selle de son étalon et redresse son bicorne sur ses cheveux grisonnants. Y a de ça quelques années, quand j'pensais encore qu'la marine produisait des héros, nul doute que sa prestance m'aurait profondément empreint. Mais aujourd'hui, sceptique et méfiant comme j'suis devenu... J'ai juste la sensation d'être sous les ordres d'un officier qui pète plus haut qu'ses fesses, qui s'accroche comme il peut à un passé glorieux et persuadé d'pouvoir faire face à la batterie de mauvaises surprises, de saloperies, de dégenerecence que l'âge lui réserve comme il pouvait affronter autrefois les hordes de primates écervelés qui s'démènent à pourrir le monde sous l'égide du drapeau noir.

          Votre ennemi est immatériel, Astarte. Votre ennemi, c'est le décès naturel plongée dans les ténèbres glissantes de l'oubli et des doux mais douloureux souvenirs du temps où vous inspiriez respect et crainte. Votre ennemi, vous l'pourfendrez pas d'votre grand couteau. L'acceptation et le courage de lâcher prise quand il en est encore temps, là est la marque des grands hommes qui savent se retirer en beauté et dont l'aura impressionne à jamais l'monde des mortels.

          En avant. Souvenez vous du plan.

          On est les foutus outils qui serviront à c'gâteux à effectuer la maintenance de ses vieilles rancoeurs. Eh. Le passé laisse toujours de répugnantes traces de freins sur le présent. J'suis bien placé pour l'savoir.
          • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
          Midi moins le quart.
          Quartiers prêtés au commandant Desher pendant son passage sur West Blue.
          Conspirateurs, garde à vous!


          Le repas était bientôt prêt apparemment. Mais personne n'était d'humeur vorace. Alan Desher préparait son crew pour un repas des plus épicés. Au menu: L'humiliation du Vieux Con sur fond de sautée de châtaignes et de pêches. Malgré leur enquête des plus rapides, les gars de l'Elite avaient obtenu les mêmes informations que les gars de la Classique sur Mogaba. Des gars prêts du port pourraient bien savoir où trainait l'ancien traître. Les entrepôts servaient toujours de plaque tournante apparemment malgré la mise de la ville sous loi martiale. Etrange chose que cela. M'enfin. Il fallait d'abord écouter le chef les briefer sur le repas avant d'reprendre la piste qu'ils avaient obtenu bon gré mal gré.
          "Cette enquête nous a mené à des informations intéressantes et il est certain que les hommes du Vieux Con les ont aussi. Dès la fin de ce repas, vous serez donc amenés à prendre d'avance la Marine. Pourquoi? Parce que vous êtes l'Elite. Et c'est ce pourquoi je vous briefe sur ce repas qui, je n'en doute pas, vous fera souffrir bien plus qu'un champ de bataille! Primo, ne jamais manger d'un plat ou boire un fluide qui n'a pas d'abord été bu par un des gars d'en face. Deuxio, pas de bagarre rangée. Je ne tolèrerai pas que nous roustions la Marine en public. Non pas que l'Elite les domine certes mais nous nous devons d'avoir une certaine tenue. Troisièmement, dès que vous le pourrez, vous vous éclipserez discrètement pour enquêter en feignant des mots de ventre ou des troubles intestinaux UNIQUEMENT après avoir versé les fioles que je vais vous remettre dans les assiettes que vous mangerez. Compris? Les plats seront tous chargés d'un puissant laxatif. Le vieillard ne nous a pas à la bonne. Mais cette diversion vous permettra de partir enquêter plus tôt."

          "Euh... Que contiennent les fioles?"

          "Un puissant plâtre gastrique qui vous tiendra à l'abri de l'incontinence provoquée."

          "Mais cela veut dire que?"

          "Oui. IL va essayer de foutre la diarrhée à tout le monde. Et maintenant en place! Et avec classe!"

          Ce Weavel Astarte était un des pires enfoirés de toute l'histoire de la Marine. Empoisonner ses propres hommes pour avoir le plaisir de voir ceux de l'Elite en baver aussi. Un rat mort, un fennec, une fille de joie sans frais de port. Voilà toutes les insultes qui fusèrent pendant que les types de l'Elite rajustaient leurs costumes et essayaient de paraître dignes. Et ils débarquèrent dans la salle à manger arrangée pour l'occasion. La commandante Bathory et quelques de ses subalternes les attendaient et ils furent accueillis comme des hôtes de marque. La commandante Bathory les fit placer d'un côté de la table pendant que les hommes du sous-amiral prenaient place de l'autre côté. La tension était électrique. Les gars de l'Elite rongeaient leur frein. Surtout quand le Kamina prît place à table. En face de Stan. Trent et Jarp étaient verts de colère. Ils auraient pu passer par dessus la table et s'en prendre à l'Homme-Poisson dans l'instant si le regard meurtrier de la commandante Bathory ne les avait pas refréné immédiatement. Sous sa chevelure rose et son apparence amicale se cachait une commandante de l'Elite des plus efficaces. Et elle le faisait savoir en maintenant l'ordre entre les troupes régulières de la Marine et les gros loubards de l'Elite. Le Vieux Con et Alan étaient assis de part et d'autre de la commandante en bout de table. Le sous-amiral souriait de toutes ses dents. Saloperie. Son plan était horrible et Stan en éprouvait même de la pitié pour ceux qui allaient subir ce terrible sort.

          Les plats arrivèrent dans l'ordre. Un risotto aux champignons tout d'abord. Tous s'empiffrèrent comme des porcs. Assis à l'opposé des officiers, Stan regarda en souriant le Lieutenant Kamina. Ce gars là était brillant. Il le voyait dans son regard. Quelque chose le détachait des autres gars. D'ailleurs, un certain Garder commençait à faire le malin. Il commençait à débiter des blagues métaphoriques sur les soldats de l'Elite et quelques conneries annexes. Vous connaissez la différence entre une recrue de l'Elite et un interné en psychiatrie? L'interné a un domicile. Bon bon. Voyez-vous le genre... Toujours est-il qu'après quelques plats, le Garder commença à ressentir les effets du laxatif. Tout comme quelques gars. Le repas allait en finissant et Stan en profita pour simuler et s'éclipser avec Trent et Jarp. Au bout de quelques mètres dans le couloir, Jarp et Trent se tordaient de douleur. Le platre n'était pas efficace sur eux apparemment. Ils le sommèrent d'aller continuer l'enquête seul. Il aurait des renforts avec le temps par Den Den. Et merde...

            Seul. Seul et un brin penaud, hein. Et anxieux. Seul, face au courroux d'un fou couvert de galons. Car tous les collègues, Garder compris, sont désormais emprisonnés quelques bonnes heures dans les chiottes, victime du syndrome de l'arroseur arrosé. L'ironie tente de m'pénétrer la face dans un sourire narquois, mais j'y parviens pas. Autant j'placarde souvent ma dérision sur les obstacles qui s'posent devant moi pour éviter à mon moral de fondre devant les situations difficiles, autant, là, pas moyen d'trouver ça spirituel, pas moyen d'apaiser l'anxiété qui m'secoue les guibolles et me mâche les tripes. La situation, elle est autant stupide que grave : on va s'retrouver à trois face aux sbires de Mogaba. Le poisson, le grison, et son canasson. Pourtant, Astarte, retranché dans son orgueil blessé, s'obstine à m'tailler un costard que j'me résous pas à enfiler.

            Votre faute ! C'est votre faute, Kamina ! Vous étiez tenu responsable de l'empoiso... du sabota... de l'assaisonnement de leur repas, et...
            C'n'est pas moi ! Pourquoi j'aurais gangrené l'assiette de mes propres collègues, hein ?
            "Gangrené" ! Ecoutez moi le ! Mesurez vos mots, foutu poiscai-lieutenant !

            J'grince des crocs à faire gicler des étincelles de leur ivoire. Seul. Seul, immobile derrière un entrepôt, seul rescapé d'mon unité... décimée par une diarhée fulgurante de type... aqueuse. Et convaincu d'avoir les palmes propres ! Il me toise du haut d'son canasson, l'air de plonger dans mon esprit sonder voir quelles genres d'idées j'pourrais avoir dans le crâne... quel genre de mutinerie j'pourrais fomenter, certainement. D'acharné il est passé à raciste. D'haineux il est devenu méfiant. Augure menaçante qui m'couvre mon ciel de nuages noirs...

            Hummf. C'est Desher notre empoisonneur, aucun doute. Vous êtes le meilleur élément de cette troupe de mollusques gauches et attardés que l'état-major m'a affecté, Kamina. Nous allons redresser l'honneur de mon unité ensemble, et boucler l'investigation avec le zèle et l'astuce qui caractérise les guerriers de notre rang.

            Le peu que vous m'avez exposé sur vos compétences aujourd'hui me suffit à vous promettre une brillante carrière sous l'étendard de notre mouette, lieutenant Kamina.

            ... et l'éclaircie perce le voile sombre. Qu'ce bouc grabataire finisse par m'considérer pour autre chose qu'une mauvaise souche avaleuse de planctons, ça m'étonne autant que ça...

            Et ce, malgré votre profil d'engeance galeuse des océans. C'est un compliment sincère que je vous fais. Prenez le comme une première récompense.

            Même ses félicitations sont âcres. Ce type est l'incarnation d'la frustration, hein ? Comme si c'était moi qui lui avait blanchi les tifs, dégonflé les muscles et embrumé l'esprit, tss. Vieux shnoque. L'poids des galons l'a enfoncé dans l'grand bourbier sans fond de la fierté mal placée. On dirait qu'il est devenu littéralement incapable de constater quelle épave est devenue le beau cuirassé. Le temps lui a repris tout c'qu'il lui avait donné. L'est plus rien, l'papy. J'ai bien saisi. J'ai bien saisi que chaque pique qui sort du barbelé grisaillant qui lui recouvre le menton est imprégné de chagrin. C'est pour ça qu'je devrais le plaindre, si ? Tss.

            Moi, j'sécrète de la bile, du mouron et de l'amertume. M'en faudrait peu d'plus pour oser ronchonner, j'crois, quitte à m'faire piétiner par son destrier, son espèce de dernier ami, là...

            ... mais j'pense à ma mission, à sa dernière étape. Escortant l'vieux, j'sais que j'me lance dans une simple formalité. C'est fini. Bientôt. On va boucler ça et on rentrera chacun d'notre côté. Et j'n'aurais plus à supporter les gaz toxiques de la bourrique, et elle n'aura plus à retrousser ses naseaux pour faire barrage aux effluves agressives que j'émane lorsque j'stresse. La sale bête hennit un coup, le sous-amiral grogne, le regard perçant l'entrepôt, un vrai taureau incandescent bouillant d'envie d'charger.

            Hnnnn...
            Patience, Thor. C'est la dernière ligne droite. Héhéhé. Savoure moi cette tension qui précède le combat... Je n'ai jamais oublié le fumet de la poudre et du fer chaud, de la charogne pirate se décomposant dans la boue, ou du sang amoureux du sable dansant sous la chaleur du désert... Cette galerie d'arômes enchanteurs du champ de bataille !
            Hnnnnnn !
            ... Sous-amiral ?
            Tu l'entends, Thor ? Le clairon du triomphe... Lui et son auréole de gloire, ils reviennent après tant d'années. C'est comme s'ils ne nous avaient jamais quitté. Je me sens trente ans de moins !
            Hnnnnn !
            ... vous préconisez quoi, mon sous-amiral ? Dois-je faire une reconnaissance ?
            On ne fait pas de prisonniers, lieutenant.
            Quoi ?
            ... CHAAAAAAARGEEEEEZ !

            Et les sabots cognent l'pavé, l'canasson crache un hennissement discordant qui doit camoufler d'sévères insanités, et le psychopathe périmé s'élance toute lames dehors vers l'entrepôt sans même penser à moi, porté par mes p'tits petons qui font pâle figures face aux jambes musclées du vieux cheval fou. Une charge en solitaire, absolument kamikaze. Juste impressionnant. C'mec est tombé dans ses vieux rêves. Merde. Juste...

            Quel cinglé. Attaquer les sbires de Mogoba comme on se lancerait dans une simple dératisation. L'âge lui a volé le peu de raison qu'il avait pour laisser sa démence d'antan inonder tout le dessous d'son crâne dégarni. Ha. S'il savait ce que j'pensais, aucun doute que j'finirai dans la gamelle de son canasson galeux.

            Putain. Putain. Attendez moi, au moins !
            • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
            C'est quoi ce cirque dehors ?
            La marine ! Ils nous ont trouvé !
            Putain ! Ils sont combien ?
            Deux !
            Hein ?!
            Trois en comptant leur cheval...
            A VOS POSTES ! S'ils nous ont envoyé que deux larbins, c'est qu'ils doivent être de sacrées brutes !

            Les sbires s'éparpillent au rythme de l'ordonnance du patron. Renégats de Mogoba, aussi bien élevés que peuvent l'être des lions d'arène nourris de chair humaine, tous fulminent à l'idée d'être confrontés à une menace qui les dépassent. C'est un délicieux mélange d'excitation et d'anxiété qui inonde l'entrepôt.

            Ils se tournent tous vers l'immense porte d'entrée coulissante. C'est probablement de là que surgiront leurs proies. Ou peut-être qu'elles anéantiront l'entrepôt d'une seule frappe, abattant la quinzaine de cuistres ici-présent en un indomptable déferlement de puissance ? Ces deux-là doivent être de sacrées terreurs pour oser s'en prendre sans plus de main d'oeuvre à la suite de Mogoba.

            Mais tous étaient préparés à ça. A affronter l'artillerie lourde de la marine. Il est l'heure de mourir, ou de survivre avant de fêter ça en buvant sans soif, seulement de joie.

            La porte gonfle et implose dans une bourrasque électrique.
            Deux ombres se profilent.
            Trois, en comptant le cheval.

            ... Sérieusement ? Astarte ?

            Un vieillard rougeaud promené par son cheval escorté par un poiscaille haletant ? C'est ça que la marine juge suffisant pour les déloger de leur base de fortune ? Est-ce qu'on en fait de la purée de tripailles avec filets de requin et steak de cheval pour les amateurs ? Ou allons-nous tenter de les faire prisonnier pour les transformer en otages, mais aussi en jouets pour les grands enfants sadiques qui pullulent dans les rangs des suiveurs dégénérés de Mogoba ?

            PUTAIN !
            CHAAAAAARGEEEEEEEZ !!!

            Coriace, ce vioque. Lui et son canasson dansent à travers les balles comme s'ils ne formaient qu'un, un espèce d'immonde centaure enragé que le sens du danger n'effleure même plus, et pour qui la survie se retrouve réléguée au rang d'accessoire. Fidèle à ce que j'ai entendu dire de ce glorieux taureau dont sa bravoure, paraît-il, n'était supplantée que par sa rage. Une bête de combat, fanatisée par les idéaux mielleux de la marine, idéaux aromatisés à une folie toute personnelle. Astarte était réputé comme étant un cuirassé invincible il y a vingt ans. Mais aujourd'hui ? Il ressemble à une épave. Il y passera, mais après avoir emporté combien des nôtres ? Il est un vieux poignard rouillé qui ouvre une plaie béante dans mes rangs. Une retorse infection s'y insinuera par la suite. Une infection comme un homme-poisson qui va rameuter ses congénères humains ? Ce commando kamikaze n'est que la première vague. Le tsunami est à venir.

            Je les contemple se faire faucher du haut de ma balustrade. Mes hommes. Le vieillard a un niveau monstrueux, et c'est en constatant sa supériorité que je pose enfin les yeux sur les gallons lustrés qui ornent ses épaules : sous-amiral, rien que ça, le placard de la marine, celui où on case les vieux héros devenus fossiles érodés par une vie de guerre.

            L'homme-poiscaille, c'est un bleu, un lieutenant minable. Il reste dans le sillon de son supérieur et contient la houle qu'il rabat. Pas bien combatif. Je vais déchiqueter son patron, puis le chopper vivant. Il deviendra un esclave, et on vérifiera s'il n'est pas meilleur dans un aquarium qu'à gesticuler sur un champ de bataille qui ne lui appartient pas.

            Ils zigouillent mes gars. Ils n'ont aucune idée d'à qui ils s'attaquent. Mogoba est loin, mais moi, je suis là. Là pour ravager des crânes à sa place.

            B-Boss !
            Quoi encore ?
            La marine d'élite, elle...
            Quoi ?
            Elle attaque aussi ! Par derrière ! Ils tentaient d'infiltrer l'arrière de l'entrepôt mais se sont foirés, parce que, euh...
            Parce que vous ouvriez bien les yeux.
            Et les narines...
            Comment ça ?
            Leurs flatulences... enfin...
            Combien sont-ils, ces clowns ?
            Ils sont aussi... Deux...
            ...

            Vraiment. Deux crasseux de la régulière, plus deux crevards de l'élite ? C'est tout ce que je mérite ?

            Je vais m'amuser un peu avec eux. Toi, pendant ce temps, tu sonnes la retraite et tu armes les explosifs.

            La marine nous prend pour des burnes. On va se poser sur son front.
            • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig