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Deux voies pour un même monde.


- Ile des hommes-poissons –
- Palais Ryuugu -




-Je vous ai déjà dit mille fois que ça allait, d’autres ont surement plus besoin de vos services docteur.

-Vous me l’avez dit Généralissime, je sais. Mais les consignes de la princesse Bishu sont très claires, alors veuillez me laisser faire mon travail.

- Mais…

-Pas de mais Général, vous l’avez bien mérité. Ne bougez plus.

-*Soupire* Soit…


Au cœur de ce qui reste du palais Ryuugu, le peuple de la mer panse ses plaies encore béantes, s’attelant à la reconstruction des quartiers ravagés et à toute cette partie de la population dont la guerre n’avait pas épargné les habitations. L’assaut des troupes du Tyran avait causé bien des dégâts, notamment l’affrontement final du vieux triton et du despote ; et bien que le conflit n’ait fait quasiment aucune véritable victime dans les rangs des tritons Hanbanama ne peut que s’en vouloir de n’avoir pu empêcher ce drame plus tôt. Tant de choses à refaire, à réparer… son propre corps meurtri aussi d’après tous les avis.

Pourquoi son peuple était il si bon avec lui ? Soutiré aux spectres de la mort, le vieux général ne méritait pas tant d’attention au point que cela en devenait si gênant. Lui un héros ?! Il n’avait pu contrer la menace avant qu’elle ne soit à leur porte. Il n’avait pas contré la menace de lui-même. Il n’avait pas su voir ou plutôt su réagir plus tôt aux perfidies qui s’étaient emparées de leur si cher royaume… Et pire que tout son manque de force avait manqué de causer la perte de la princesse Bishu sans qui le royaume serait tombé. Le roi lui-même avait péri par son manque de perspicacité… de réactivité. Il avait failli ; et pourtant ils continuaient à l’acclamer à tel point que son cœur semblait se déchirer.



Le vieux triton posa un regard triste sur son corps entièrement recouvert de bandage, presque entièrement brisé… pourtant il ne saurait se tolérer la moindre grimace, son peuple avait plus souffert encore, il ne s'en sentait tout simplement pas en droit.


Et puis il y avait tant à faire, à reconstruire… Tout un pan de la ville, toute une organisation balayée par la trahison des deux ministres et d’une princesse maintenant sous bonne garde. Sans roi ni ministre, avec pour seuls héritiers un prince dépassé et une princesse trop jeune, il était par la force des choses responsable de tout et chacun. Une tache si lourde pour un corps et un mental mis à mal si profondément. Sans compter ce tunnel qui menaçait d’inonder la ville entière et dont il n’avait pas eu le temps de s’occuper pleinement, n’apportant qu’une solution provisoire, certes à la hauteur mais néanmoins si risquée…

-Voilà, j’ai presque fini de changer vos pansements du jour. Encore quelques petites secondes…

-Merci docteur.



Vlam !

Le fracas de la porte résonne dans toute l’aile du palais, arrachant le vénérable combattant à ses pensées tandis qu’il contemple le visage terrifié du messager qui a encore du mal à retrouver son souffle.

-Humph… Monseigneur ! Humph… IL est de retour.

-Qui ça ?

-Humph… Toji Arashibourei monseigneur ! Humph… IL est revenu des Abysses pour nous !

-Neptune nous protège… Apportez-moi mon trident.


Dernière édition par Toji Arashibourei le Jeu 5 Juin 2014 - 21:59, édité 1 fois
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Mes pas avalent les marches sans hésitations, sans précipitation avec la régularité d’un rouleau compresseur. Traverser la bulle géante de la ville a été si facile une fois seul, remonter des Abysses moins… Mais rien n’saurait m’arrêter dans mon but, surtout pas cette foule qui s’écarte sans un mot mais la peur aux lèvres ; déjà les civils sont écartés pour faire place aux lances de la milices, brandies par des mains si peu assurées. Un spectre revenu des enfers, souvenir si frais d’un jour de misère. Les enfants sont rentrés à l’abri, les hommes et les sirènes observent d’aussi près qu’ils l’osent, hypnotisés par cette menace qui s’avance à nouveau.  Rien n’saurait m’arrêter, sauf peut être Hanbanama qui apparaît enfin devant moi.




Je te vois qui me fais face, masse aussi immuable que lors de notre dernière rencontre. Couverts de bandage, je prends enfin vraiment compte des dommages que je t’ai fait subir, de toute cette rage que je t’ai jeté à la gueule à corps et à cris. Et comme une pointe y a cette douleur qui m’flingue le ventre depuis mes propres cicatrices, qui m’déchirent les entrailles comme un souv’nir douloureux. Moi aussi j’ai pris, toi aussi tu as donné… mon corps mettra du temps à l’digérer mais c’n’est rien face au chaos que t’as réussi à mettre dans ma tête. Et pourtant là, si vieux, si usé, et pourtant toujours debout, j’peux qu’éprouver à nouveau une profonde et sincère admiration. On en fait plus des comme toi Hanba’ ; et pour ça tu as mérité ta place.

Pas un mot, pas une expression sur le visage, juste ce regard dur et déterminé qui te montre que je n’me suis pas perdu mais bel et bien retrouvé. Alors tu armes ton trident ; et sans t’perdre en palabre te prépare à défendre à nouveau les tiens. Les tiens… drôle de dire ça… les nôtres plutôt même si ça tu l’ignores encore. Car j’vois dans ton regard intact que malgré tes blessures tu es loin d’vouloir jeter l’éponge ; et bien au contraire j’te sens plus que jamais prêt. Tu étais une menace, tu te prépares à être un danger.

Alors sans faire la moindre attention à ce peuple qui nous entoure et qui attend le souffle court de voir si l’histoire doit se répéter sans fin je marche vers toi. Car ni du royaume ni de son peuple pourtant si désiré quelques jours auparavant seulement, je n’en ai plus cure. C’est toi et moi Hanba’, seulement ça, l’essentiel épuré de tout l’reste. Les mètres nous séparant s’atténuent… mon rythme régulier ne s’alterne pas tandis que la pression monte, comme si j’y étais imperméable. C’est l’cas. Juste toi et moi.



Puis tandis que ma menace enfle alors que la distance diminue, tu finis par agir. Pas de sommation, pas même d’ultimatum, tu sais que je n’suis pas homme à reculer. Ton trident s’arme donc en arrière tandis qu’autour de toi l’eau se concentre en une véritable masse de pression aqueuse que tu projettes à mon encontre avec force. Mon corps glisse alors dans l’eau,  serpente à la frontière de ce jet de puissance brute pour bondir en avant, fondant dans ta garde que tu espères reprendre en reculant d’un grand bond. Je fonds à ta poursuite, dénué de mon sourire carnassier mais pas de détermination.

« Coup de queue par en dessous » m’prévient cette part d’instinct primaire que la Bête en moi s’applique à m’faire parvenir aux oreilles ; et je l’écoute enfin. Le coup passe si loin que tu en restes interdit. De même pour les quatre coups suivants. Et à ta plus grande surprise je reste calme, propre tandis que mes mains se posent sur toi. Tu n’vois plus cette bête furieuse que tu avais pu exploiter, seulement une rigueur martiale dénuée de toute autre option que celle de la victoire, et au fond de toi le doute s’insuffle. Mais trop de choses sont en jeu pour que tu te laisses dominer par cette peur, alors tu luttes, ramasses tes forces et lances ta contre attaque ! Avant de repartir en arrière violemment ! Combien de coup tu t’es pris à l’instant ? Tu n’saurais l’dire tant tu as été pris de vitesse comme de force. Moi j’saurais te donner l’compte : sept. Mais c’n’est que l’début car tu renchéries, cette fois toi-même victime de ta fierté mais surtout de la pression que tu as pris sur tes épaules. Pauvre de toi, je te plains… Et c’est sans joie que je martèle à chacun de tes mouvements ton corps déjà meurtri. Déjà je peux le voir faiblir, ne pas supporter cette responsabilité dont tu l’affliges depuis trop longtemps. Je t’admire Hanba’, faut qu’tu l’saches, mais ça ne m’empêchera pas de te mettre à terre.



Alors finalement ta queue retombe à terre, s’écrasant dans la vase tandis que ton trident vole dans les airs. Tu peux sentir tes bras tomber à leur tour, refusant de t’obéir malgré toute la rage que tu voudrais y mettre. Ton esprit est encore clair mais tu as atteins tes limites ; et le fait de m’voir te dominer alors que tes forces s’échappent à chaque seconde te remplit de désespoir. Non pas pour ta personne, mais pour ceux que tu vas devoir abandonner derrière toi. Tu essayes, puises au plus profond de toi ; mais tes limites déjà une fois ont été dépassées et ne sauraient être repoussées si tôt.

Car tu perds Hanba’, cela t’apparaît si clair, si limpide… tout comme la force de cet homme poisson qui pourtant loin d’avoir été épargné lui aussi se joue de toi si facilement. Déjà trop fort lors de ta première rencontre, c’est comme si maintenant il s’agissait d’un être différent, plus fort. Trop fort.

Tu vois donc ton précieux trident retomber dans mes mains qui aussitôt se referment dessus et le brandissent vers ta gorge. Tu devrais bouger, te défendre, invoquer tes arcanes… mais te ne peux plus… Mais tandis que les pointes fatales fondent sur toi, ce n’est pas un regard abattu que tu m’offres mais bel et bien celui du défi, de celui qui à jamais s’est refusé à céder. Si tu dois sombrer ce ne sera pas dans l’abandon, je l’ai bien compris rassures toi.


L’île tout entière retient son souffle alors que j’abats notre arme sur toi, n’osant croire ce spectacle si triste, déchirés de voir que la justice ne sera pas récompensée une fois encore… Maudit monde !

-Si, cette fois elle le s'ra.



L’arme s’immobilise à quelques millimètres de ta glotte, sans pour autant y faire perler la moindre goutte carmine.

Alors tu m'regardes droit dans l’œil, plus surpris encore d’être toujours vivant que tous nos spectateurs réunis. Et sur mon visage tu peux lire la joie, non pas de t’avoir vaincu mais de s’être vaincu moi-même. Un sourire, sans cette pointe malveillante pourtant coutumière des lieux… seulement de la reconnaissance. Ma reconnaissance.



Je me recule alors, savourant ce merveilleux moment où j’ai pu à mon tour surpasser mes limites, vainqueur autant de mes propres démon que de la bête que je suis ou encore du souvenir blessant de ma défaite. Vainqueur grâce à toi plus que malgré toi.

Alors, sans la moindre hésitation et avec le calme de celui qui sait marcher sur le bon chemin, je m’affale d’un seul coup devant toi à genou. Ton trident t’es rendu tandis que tu me regardes médusé m’aplatir front contre terre et mains au sol. Et plus surprenant encore, mes pleurs. Pas ces timides larmes retenues à moitié par un égo mal placé, mais les sanglots abondant et sincères, sans limite, jaillissant à grands flots tandis qu’à toi j’ouvre mon coeur. Et ce cri jeté au monde du plus profond de mon être résonnera dans toute la place, se saisissant de tous les combattants et de tous les spectateurs :


-Merci du fond du cœur !


Et tandis que ces premiers mots ricochent encore dans tes oreilles abasourdies, d’autres tout aussi sincères suivent avec leurs flots de larmes :


-Je suis tell’ment désolé !!
Je vous en supplie pardonnez moi!!!
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Un moment l’incrédulité s’est emparé de toi, embrouillant tes pensées déjà tant malmenées par mes attaques, puis… la colère. Qui remonte en toi comme d’une source profonde. Le pardon ? As-tu seulement bien entendu ? J’ose te parler le pardon ? Moi ?!

Alors les forces te reviennent, débordantes, dévastatrices, de cette rage qui te submerge devant tant d’audace et tant de mépris pour tous les actes passés. Tant de malheur en mon nom et j’oserais te parler de pardon ?! Un moment tu t’entends rugir du fond de l’âme devant une telle aberration ! Et tes mains ne peuvent s’empêcher de se saisir de ton précieux trident alors même que tu te redresses au dessus de moi, qui toujours la tête baissé ne peut entraver mes sanglots. Tu me regardes de ce même regard qu’avait ma Bête, un regard ravageur, prêt à mordre...

-Tu oses… me demander… pardon ?

Ses mots sifflent entre tes dents serrées et encore pleines de sang.

-Tu oses dires que tu es… désolé ?!

Aucune réponse ne me vient, je n’arrive même pas à bouger. Je ne peux qu’attendre ce qui va suivre, totalement soumis. Car si je suis venu c’est pour m’offrir et non pour prendre, alors me voilà Hanba’.

-Tu ..! Je ..!

Le trident se lève au dessus de ma nuque, prêt à abattre toute ta colère et celle de ton peuple en mal de vengeance dans un geste brutal qui saura clore mon histoire. Je n’ferai rien pour t’en empêcher…  Je suis venu pour implorer ton pardon, que ce soit dans la vie ou dans la mort.


C’est alors qu’au loin une voix s’élève. Le prince Otabushu qui vient d’arriver sur place, précédant ses hommes en hâte pour se ruer sur nous, ivre de fureur.

-Tuez-le sensei, tuez ce traître !

Traître ? Oui… à tant de chose mais surtout à ma race, à mes origines. Et là où je m’amusais jadis de ce terme j’en éprouve maintenant la plus âpres des tristesses. Traître à la mémoire de mes paires et surtout de ma famille depuis si longtemps oubliée, mise à l’écart de mes rêves comme de mes cauchemars.

-Ne croyez pas en sa sincérité, il ment ! Cet homme n’est que perfidie, c’est un piège qu’il nous tend !

Tu t’es assez amusé de nous monstre, alors maintenant meurt !



Et sur le visage du vénérable triton cette même rage qui lutte, essayant de prendre du terrain sur une morale tant de fois mise à mal par les événements mais néanmoins restée si pure. Tu combats ta propre Bête Hanbanama ? Je te comprendrais si tu voulais lui céder, ne t’inquiète pas. Je ne t’en tiendrais pas rigueur et l’accepterai de bon cœur. Le trident vibre dans tes mains torturées.


Puis un autre cri qui fige le temps et l’espace. Cristallin, d’une pureté si parfaite que toute la misère du monde devraient s’effacer devant sa lumière. Le cri d’un enfant au cœur pur et exempte de toute haine : la princesse Bishu. Une fois encore la voilà à jouer les sauveuses.

-Tonton Hanbaaaaaaaaaa’ !



Alors tu te figes d’un bloc, comme tiré soudainement d’un cauchemar tortueux par un seau d’eau glacée. Ton regard désemparé cherche la source de cette fraicheur, avant de finalement se poser sur cette jeune enfant à moitié perdue dans cette foule qu’elle n’a pu percer qu’à grands efforts. Et alors tu vois dans son propre regard toute la peine qui l’habite. La peine pour ce qui est arrivé, mais surtout pour ce qui arrivera. A toi et à ta conscience, à moi et ce que je ne pourrais jamais être, à ce peuple ébranlé en manque de justice. A nous tous en somme…
La bête en toi rugit à nouveau tandis que tu rabaisses les yeux vers moi… tu voudrais tant me faire payer mes crimes passés, je le mérite amplement. C’est trop facile d’implorer le pardon comme ça, trop injuste ! Puis c’est mon visage que tu contemples alors que je lève la tête vers toi, cette face déformée par la tristesse et toute cette colère envers moi-même. Et dans mon œil humide et toutes mes cicatrices tu vois. Tu vois ma sincérité, toute mon histoire. J’aurais pu te tuer et pourtant je m’offre à toi sans regret.



Un moment tu t’immobilises, perdu dans le temps… la foule suspend son souffle.
Puis lentement tu rabaisses ton arme, à nouveau l’esprit clair et serein. Tu as dominé ta Bête une fois de plus Hanba’, mieux que je ne ferai jamais ; et pour cela tu peux être admiré sans éprouver de honte.

Alors, avec un visage qui a échangé le masque de la colère pour celui de l’autorité, une question :

-Qu’est ce qui te permet de prétendre à notre pardon Arashibourei ?

-Je suis venu le mériter sensei ; et j’implore votre clémence en me donnant cette chance.

-…

-Je vous en prie…




Long silence où tu me juges du regard expérimenté de celui qui a tant vu et qui peut se vanter de connaître le cœur des hommes. Puis…

-Viens, suis-moi dans mes appartements.
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- Quartier des sirènes -


-Alors ? qu’est ce qu’ils se disent ?
-Chuuuut !... J’arrive pas à entendre.


L’oreille collée à la porte de l’humble résidence du Généralissime Hanbanama, le prince Otabushu tentait sans résultat d’épier la conversation qui avait lieu entre son mentor et l’ignoble traître. Tous les rideaux à fleur avaient été tirés, la porte refermée avec grand soin ; et l’interdiction formelle de la part du vieille homme de pénétrer dans sa demeure tant qu’il ne les aurait pas convié.
Ainsi, depuis plus de dix minutes maintenant un impressionnant cordon de gardes surarmés entourait la petite résidence en plein cœur du quartier des sirènes, autant pour veiller au respect des consignes que pour protéger la populace inquiète mais si curieuse d’une énième perfidie. La foule compacte s’amassait malgré tout aux abords, soucieux de l’avenir et surtout surpris du tour que prenaient les choses. Les rumeurs couraient dans toutes les oreilles avec leurs cortèges d'imbécillités et de vérités, remuant la ville comme remuerait un chaudron sur un feu trop fort. Déjà les premières bulles s’apprêtaient à éclater.

Seuls le prince et la princesse cadette avaient pu pénétrer les lieux, usant du passe droit que leur prodiguaient leur sang et leurs rangs. Mais malgré cela, rien ne filtrait aux oreilles du jeune triton qui déjà sentait bruler dans sa poitrine la flamme de l’impatience.

-Ksss… mais que diable sensei peut-il bien avoir à écouter de la part de ce maudit pirate ?
- Calme-toi grand frère, je t’en prie…
-Que je me calme ? Alors que l’ennemi est juste là ?! As-tu déjà oublié les dégâts qu’il a causé, à notre ville, à notre… père. Il pourrait en profiter pour s’en prendre encore à sensei-Hanba’.
-Je sais onii-chan… mais ce n’est plus notre ennemi…
-Comment peux-tu dire ça ! Il est et restera notre ennemi.
-Il n’est plus le même tu sais, toi tu ne veux pas le voir mais moi je l’ai vu, aussi bien que je te voix maintenant.
-…
-Le pauvre, il a tellement souffert lui aussi…
-Tsss !...


La fillette doucement s’éclipsa tandis que son frère continuait pour ça part à faire les cents pas.

-Bishu tu sais je… Bishu ? Où diable est elle encore partie !





(…)




Au cœur de la demeure confinée du vieux maître, un feu brûle paisiblement dans l’âtre, seule lumière tamisant doucement dans ce lieux clos et semblant soudainement si loin du monde extérieur. Au centre du petit salon trône sur une petite table et une nappe brodée de fleurs une théière ancestrale, fêlée par le temps mais maintes et maintes fois réparée. Une douce odeur d’épice flotte dans l’air épais et chaleureux… une odeur vieille, au point d’avoir imprégné chaque meuble, chaque coussin… Et autour de cette table deux immenses fauteuils rembourrés où sont profondément assis le seigneur Hanbanama et son étrange invité : moi.

Le vieux triton hume une fois encore le subtil parfum de son thé aux algues, avant d’en prendre une gorgée qu’il fait délicatement tourner autour de sa langue. Puis, tout en reposant sa tasse le voilà qui repose ses yeux clairs sur moi. Et derrière ce visage tuméfié par les coups le temps et les cicatrices je peux lire une intelligence et une perspicacité rare. Car l’homme est aux limites de sa concentration, de son attention… L’heure est grave et il le sait tout comme moi, une multitude de destins seraient en jeux ici-même. Celle de son peuple et de son pays tout entier. Enfin, d’une voix posée et calme où résonnent malgré tout des airs d’une dureté sévère, le voilà qui s’adresse à nouveau à moi :

-Donc, si je résume bien...

Te voilà revenu dans ce pays que tu as ébranlé de toute ta puissance, afin de vouloir te mettre à son service et à celui de son peuple, ceci afin de racheter tes fautes.


-Plus que racheter mes fautes auxquelles je ne souhaite pas échapper,  je voudrais me consacrer à son futur. Le protéger de toutes mes forces.

-Et pour cela tu voudrais m’aider, moi, à le diriger dans une voie qui saura nous prévenir du danger.

-…

-Car si je te suis, je serais la seule personne à même de tenir les rennes du royaume.

-Pour le moment du moins sensei. Le seul à en avoir les épaules la légitimité et la sagesse. Le prince est trop immature, trop faible. La princesse… trop jeune. Aucun de ces deux là ne pourrait le faire sans aussitôt attiser la convoitise des rapaces de la surface. La princesse Aînée ? Inutile de s’attarder dessus. Quant aux ministres nous avons pu voir où allait leur loyauté… Vous êtes seul sensei.

-Tenir le royaume… *soupire*… on m’en a déjà parlé tant de fois… je ne sais pas si je pourrais supporter tout ça. Je ne suis pas un politicien, je suis juste un vieux guerrier.

-Je ne l’sais que trop bien pour avoir voulu user de cette faiblesse il n’y a pas si longtemps. La politique et ses ruses vous sont étrangères contrairement à moi, mais votre force restera toujours une droiture nécessaire à la direction d’un royaume, ce dont je ne pourrais jamais me targuer.

-Alors ce que tu me proposes…

-C’est de gouverner ensemble, ou plutôt vous sous mes conseils. Je serai le second côté de la pièce, celui de l’ombre qui saura déceler les mauvaises intentions et vous en prémunir. Vous êtes trop droit pour ce monde sensei, vous avez besoin de cette part de ténèbres que je peux vous offrir et qui sait se salir les mains.

-Tu appliquerais la loi du talion là où…

-… vous appliqueriez celle de la compassion.

-Je ne suis pas sûr…

-Par le passé ni Otohimé ni Hodi Jones n’ont su se donner raison. Tout cela car aucun de leurs extrêmes ne pouvait survivre ici-bas. Il nous faut nous ouvrir au monde, mais sans pour cela laisser les charognards prendre une fois encore le contrôle de notre destin. Vous avez toujours montré la carotte seigneur Hanbanama… laissez moi juste montrer le bâton à ceux qui voudraient vous la voler.

-Je connais tes méthodes Toji ; et je ne souhaite pas y être mêlé d’une quelconque façon.

-C’est justement la terreur qu’implique mes méthodes que je veux vous offrir. La Justice seule ne peut lutter, elle a pour cela bien trop d'entraves. Usez donc de ma réputation, profitez de ma présence comme d’une menace, un rappel à tous ceux qui souhaiteraient piller notre île et soumettre son peuple. Vous seul ne pouvez affronter les monstres de notre époque, ma victoire vous l'a prouvé.

-Je dois bien le reconnaître, je ne suis plus aussi fort qu'avant... Mais nous avons déjà par le passé usé de telles réputations.

-Celles des Yonkous ?! Et pour quels effets ? La situation de l’île n’a jamais évolué ; elle n’a jamais été pire en fait. Car une fois encore c’est s’en remettre à des humains comme si nous étions incapables de nous gérer seuls. Pendant encore combien de temps allons nous remettre notre avenir entre leurs mains si peu fiables ?

-Tu voudrais que nous luttions seuls, juste toi et moi contre le gouvernement mondial et toute la piraterie réunis ? Tssss… !

-Non, je vous incite à vous entourer d’alliés que j’irai chercher de part les mers. Des alliés fiables, aux idéaux proches des vôtres. Mais c’est à nous seuls que doit revenir nos terres et non pas à des marchands cupides ou des pirates de passage qui sans cesse déstabilisent notre pays.

-Et tu saurais où trouver ces fameux alliés à la morale irréprochable, toi ?

-Oui, je le crois. L’ombre n’a elle pas toujours côtoyer la lumière à ses côtés ?

-Humph… Et le gouvernement mondial ? Il ne supportera pas de nous voir nous émanciper. Surtout si l’on te voit à nos côtés.

-C’est pour cela que je dois rester une figure haïs par notre peuple. Bannissez moi, crachez moi dessus, faites de moi votre honte afin que nul ne puisse vous accuser de m’avoir abrité.  Laissez-moi juste vous aider à ma manière depuis les Abysses et la surface.

-Tu serais prêt à te faire blâmer le jour même de ta rédemption ?  A oublier l’entre-deux eaux, ta patrie ?

-Héhé… *soupire*… C’est un moindre coût pour tout ce que j’ai fait…

-Je comprends…

-Montrez patte blanche au gouvernement des hommes, puis le jour où nous serons assez fort, alors nous pourrons enfin être libres, loins de leur haine et de leur convoitise. La mer nous appartient, il est temps qu’ils s’en souviennent.

-Ils voudront à nouveau nous envahir de leurs perfides émissaires…

-Noyez l’île.

-C…Comment ?!

-Pourquoi aurions-nous besoin d’air ici bas ? Ces bulles ne sont qu’une porte ouverte les invitant à la rapine. Noyez la ville sous les flots afin que seul le peuple de la mer puisse y vivre. Gardez juste quelques bâtiments où parquer à l’abri les bateaux et les équipages de passage ainsi que les marchands que vous ne pourrez refuser sans attirer la colère de la surface. Cloisonnez les humains loin de nous afin que leur sinistre influence ne nous atteigne plus. Je vous en offre l’opportunité.




Un long silence seulement entrecoupé des crépitements du feu s’empare des lieux tandis que mon interlocuteur plonge dans ses pensées. La proposition a de quoi l’allécher, je le sens. L’indépendance vis-à-vis des humains, quel homme-poisson n’en a pas déjà rêvé ? Et voilà que je lui apporte mon aide pour que tout cela arrive… et le plus pacifiquement possible. Car bien sûr Hanbanama n’est pas naïf, de tous temps il y aura des hommes malveillants sur qui il faudra user de force et de terreur pour nous protéger nous et l’avenir des nôtres.


-Le prince ne sera pas d’accord, il ne comprendra pas. Il est trop jeune pour comprendre.

-Le prince, j’en fais mon affaire. Je crois bien que ce petit écervelé a bien besoin de grandir ; et si vos leçons lui seront surement des plus profitables, j’m’en vais lui en mettre quelques unes en tête aussi. Vous lui apprenez la droiture ? Je lui apprendrais pour ma part à percer les ténèbres, car il faut les avoir côtoyés pour seulement savoir les comprendre et les mettre à jour.

-Je ne sais si…

-Deux maîtres pour un seul avenir. Deux voies pour un même monde.

-…

-Mais si vous viendriez à douter d’moi ou de mon plan, j’vous offrirai ma vie sur le champ afin de ne plus vous nuire et de laver mes pêchés envers notre race.



Un long moment Hanbanama me regarde droit dans cet œil qui ne cherche ni à fuir ni à se cacher… sondant mes intentions et mon cœur. Pour ma part j’attends, prêt à encaisser le choc d’un refus qui s’il soldera ma condamnation sera surtout une grande peine pour moi. Non par ma mort que je ne crains plus depuis bien longtemps, mais par la condamnation de ce peuple que je me suis juré d’aider contre vents et marées. Je désire tant les aider, même si cela implique devoir détruire la moitié du monde pour pouvoir enfin faire la paix avec ce qui en reste.

-Soit.

Long soupire de soulagement de mon côté, je n’m’en cache même pas.

-Mais…

Ah ?

-… avant toutes choses tu devras te soumettre à une condition.

Que ?! Une condition ? Bah, je devais m’y attendre. Qu’il ait bien daigné m’écouter est déjà une chance, me croire un miracle ; alors si j’dois passer par quelques conditions pour enfin pouvoir être m’offrir à cette cause qu’il en soit ainsi, je suis prêt à accepter tout ce qu’il pourra me*/…


-Tu ne devras plus tuer. Jamais.

-Quoi ?!

-Plus jamais tu n’apporteras la mort ni ne la provoquera sur ton appel.

-Nan mais vous avez entendu ce que je vous ai dis ?! Si je n’peux plus tuer comment vais-je faire pour vous défendre et pour glacer d’effroi ceux qui envisageraient de vous nuire !

-Tu trouveras. C’est à prendre où à laisser.


Le ton est sans réplique, le regard aussi.

Tsss !.. Par mes trois couilles !... Nan mais sérieux comm… Bordel !... un moment j’me sens bouillir de l’intérieur, comme si on voulait m’remettre des fers là où je voulais exploiter ma liberté pour ensuite l’apporter à autrui. Mais là je n’vois pas comment je pourrais… Puis… je comprends. Comprends qu’en me privant de cette fameuse liberté il m’offre surtout un cadre moral qui m’a tant fait défaut jusqu’ici. Un garde-fou salutaire qui saura empêcher que je n’m’égare, qui m’permettra de m’différencier du boucher sanguinaire que j’étais. Merci une fois encore pour votre sagesse sensei.

-Bien. Je m’engage en ce jour à ne plus jamais prendre la vie.
-Et si tu venais à manquer à ton serment ?

-Je me réserverai le même sort : la mort.




Le ton est vibrant, sincère… Et Hanbanama semble enfin y lire tout ce qu’il y souhaitait : un engagement au-delà des simples mots. Alors je peux voir un grand sourire s’afficher sur son visage, très vite caché par une tasse de thé qu’il portera à ses lèvres.
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-Seigneur Hanbanama !

La voix traverse la porte en bois, arrivant à nos oreilles et nous sortant du silence méditatif où nous avions plongé. Nous voilà donc relevant le nez de nos tasses de thé respectives, alertés par le ton paniqué qu’on peut ressentir si facilement et qui contraste tant avec la tranquillité de la petite chaumière du vieux maître. Ne serons-nous donc jamais tranquilles, cela n’arrêtera-il donc jamais ? Alors quoi, Skylla est de retour pour faire des siennes ? Un court moment le regard fatigué d’Hanbanama ne parvient pas à m’échapper, avant qu’il ne se ressaisisse et affiche à nouveau le visage fort de celui qui ne faillira jamais, de celui qui ne s’en donne pas le droit.

-Qui y a-t-il soldat ?

-C’est la brèche monseigneur ! Votre tourbillon ne parvient plus à l’endiguer et le barrage menace de céder.


Pute borgne, j’l’avais presque oublié cette conn’rie tiens. A vouloir semer une belle diversion et d’une même pierre noyer tous ces maudits humains profiteurs, voilà que j’ai ouvert une voie royale pour toute la flotte des océans. Un bel accès tout juste maintenu clos par la virtuosité du karaté aquatique d’Hanbanama, solution certes précaire mais néanmoins seule possible dans l’urgence. Après, vue sa gueule j’dirais qu’le vieux pensait pas sa solution si éphémère que ça… peut être pensait il avoir gagné plus de temps ? En tous cas la nouvelle ne l’ravit pas et pour cause, si la solution dégénère c’est toute la ville qui risque d’être emportée par les flots à cause d’une pression trop violente ! Inonder la ville pour éviter un retour trop invasif des parasites de la surface ok, mais s’il ne fait rien pour au moins contrôler ce flux il n’restera pas bézef à sauver de la corruption humaine. Alors ni une ni deux le vieux guerrier se relève dans une grimace de souffrance, avant de m’regarder d’un air sévère et de reprendre son masque d’impassibilité.

-Tu restes là Toji.

J’lève les mains d’un air innocent, bien décidé à m’montrer serviable mais pas pour autant servile. J’suis pas là pour refoutre mon bronx, alors j’boug’rai pas si c’est c’que tu veux vraiment. Hanba me regarde long’ment, comme pour voir s’il peut s’absenter et donc me faire confiance, puis l’urgence de la situation prend l’pas et l’triton décide visiblement de s’en remettre à son instinct et donc à mes belles résolutions. Putain y a pas deux jours ça lui aurait coûté la vie et tous vos malheurs, mais là j’pourrais qu’lui donner raison, l’est fin psychologue c’vieux briscard.

-Promis j’boug’rai pas.


-Soldats, veillez à ce que monsieur Arashibourei reste consigné dans mes quartiers.
-A vos ordres Généralissime !


Monsieur Arashibourei ? Hum ça f’sait un bail que personne n’m’avait app’lé comme ça… Trop d’grade parfois, trop peur souvent, trop de haine surtout ; en tous cas c’est pas l’genre de politesse qu’on prend avec moi d’puis qu’j’suis à même d’ouvrir un boite crânienne avec les dents et qu’je n’m’en prive pas. Pas déplaisant dans un certain sens huhuhu.




Me v’là donc qui m’rassoit profondément dans mon fauteuil alors que Hanbanama s’en va précipitamment, une plus grande partie de ses hommes sur les talons. Même pas ils ont fermé la porte à clé bien que j’puisse deviner la présence de sentinelles sur le perron, puisque de toutes façons rien ne pourrait me pousser à rester si c’n’est mon bon vouloir. Hanbanama est réaliste et n’souhaite sur’ment pas que j’pète sa porte et encore moins d’autres de ces hommes. Juste quelques loustics pour l’symbole et puis c’est tout. Bah, si c’est c’qu’il faut…

Alors un moment j’reste dans l’silence le plus complet, à poireauter tout profondément perdu dans mes pensées que j’suis. Puis, le temps passant, le clock-clock d’une grosse horloge me tire peu à peu d’mes méditations pour m’enraciner un peu plus dans la réalité. Du coup mon regard commence à errer sur les murs de la pièce, étalages de souvenirs et d’bibelots à même de faire passer cette figure d’autorité suprême pour l’plus vieux des gâteux : colliers d’nouilles, cendrier en pate à sel, napperons brodés avec amour par une énième figure reconnaissante, petits chatons en porcelaine… tout y est et même plus encore. Là où ça m’fait bizarre c’est qu’au lieu d’avoir envie d’sortir le lance flamme pour purifier toute c’merdier rose et blanc, v’là que l’envie m’en manque. Pour une fois j’arrive à lire dans ces horreurs une part des symboles et des sentiments qu’on y a mis et qui du coup leur donne une certaine valeur. Alors bon j’trouve ça toujours aussi moche et j’en voudrais pas pour m’torcher le lundi mais voilà, j’ai d’jà pas cette envie d’me mettre deux doigts dans la gorge pour m’faire vomir c’qui est d’jà pas mal.

Mon regard passe donc de bibelot en bibelot… de souvenir en souvenir… Et là peu à peu j’prends conscience que l’homme a un sacré vécu. Pas un vécu martial même s’il n’doit pas en être en reste, mais plutôt vécu social et affectif comme on dit. Et moi, où ils sont mes souv’nris d’vécu affectif ? Tout c’que j’avais v’nait d’mes Sea Wolves et tout ça a fini au fond d’Grand line avec la destruction du Fenrir et l’procès qui s’est enchainé derrière. J’ai plus rien si c’n’est une trogne couturée d’cicatrices et l’intérieur d’une tête qui n’vaut guère mieux niveau séquelles. *soupire*…

Je continue d’un air mélancolique mon tour d’horizon, faisant pour le moment abstraction des sons d’panique et du brouhaha des flots qui commencent à m’parvenir de l’extérieur…



Puis, perdue dans l’ombre et à moitié cachée par une paire de rideaux épais et l’coin d’un canapé en vieux cuir, une paire d’yeux qui m’mire depuis leur cachette. De grands yeux que j’reconnais aussi sec par c’putain d’frisson qui m’courre dans les g’noux et l’long d’la nuque. C’putain d’frisson contre lequel j’peux et je n’veux rien faire pour tout dire… Celui d’la princesse Bishu. Deux grandes surfaces d’une pu’rté parfaite où s’reflètent non pas l’image du monstre que je suis, mais celui de c’que j’étais et qu’j’aurais pu être. Une belle image qui m’laisse une fois d’plus sans voix, comme un rond d’flan.

Alors, se sachant découverte v’là la môme qui sort doucement de son abri pour venir vers moi, glissant sur le sol sans un bruit, comme un songe ; et moi j’bouge pas. Trop peur de m’réveiller, de la blesser, de faire une bourde  et qu’en sais-je encore. Ce regard me pétrifie littéral’ment, j’deviens tout dur en dehors et tout mou en dedans, un vrai putain d’moelleux saveur choco d’mes trois couilles. J’voudrais enrager d’cet état mais ça viens pas, j’reste juste là comme un con.

J’la vois donc avec crainte lever sa petite main si délicate, pire que si la pitchoune tenait entre ses doigts un flingue, pour finalement simplement se remettre une de ses jolies mèches derrière l’oreille. Son visage s’éclaire alors d’un sourire radieux tandis que l’miens perle d’épaisses gouttes de sueur et que j’me carre au plus profond des coussins, mal à l’aise comme pas permis là où elle s’épanouit de plus en plus. Un vrai soleil sur lequel j’ai peur de m’bruler, pire que j’aurais peur d’éclipser d’ma crasse ne s’rait-ce qu’une foutue s’conde. Le son cristallin de sa voix m’f’ra plus d’effet que les douches à l’acide de Tetsuda, décrassage de l’âme à la sableuse de l’innocence dans ma face !

-Hihihi, j’ai tout entendu.

Que quoi ?! Et l’temps que mon cerveau réagisse et qu’mon corps décrispe suffisamment des miches en réaction, paf la v’là qui s’avance tout d’un coup sur moi et profite de ma surprise pour me faire un putain d’ptit bisous sur la joue, tout en tendresse et en guimauve. Putainputain putain qu’est c‘que j’dois faire ?! Ça m’était jamais arrivé ça, j’dois réagir comment par toutes les bittes d’amarrage en manque des océans ? Aidez-moi ! Je cherche une solution d’fuite encore un peu plus profond dans c’fauteuil où j’ai d’jà les ongles bien  enfoncés dans les coussins d’accoudoir, incapable de les y décrocher même pour tous les berries du monde. Mon visage se fige dans un rictus de gène et de crainte mélangées…

-Hihihi.

Et avant qu’ma lutte intérieur n’ai trouvé l’temps d‘me donner des réponses et encore moins une réaction potable, la p’tiote file en quelques coups d’queue bondissants vers la porte, tout sourire et rayonnante de fraicheur. Hop, sans même avoir la présence d’esprit de battre d’un cil, j’la vois ainsi sortir comme si de rien n’était d’la pièce à la plus grande surprise des plantons qui se trouvent devant.

-Princesse Bishu ?! Mais d’où vous venez ? Qu’est ce que vous faisiez là dedans ?!
-Hihihi.



Son rire s’éloigne tranquillement malgré les cris des gardes en mal de réponse et figés à leur poste, une fois de plus victime eux aussi de l’insouciance de l’héritière du royaume. Eux doivent avoir l’habitude cela dit, moi pas. Alors  pendant de longues secondes je reste immobile, véritable statue qui ose tout juste tourner les yeux comme de peur d’voir une autre surprise lui débouler sur le râble.

Euh, il s’est passé quoi là ?
Putain j’sais pas. Sans déc’ j’en ai pas la moindre idée.
Flippant hein.
Un peu ouais !..

Mais en même temps pas si…


Ouais, pas si….
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C’qui est bizarre avec une vie d’enfer, c’est qu’lorsqu’il semble qu’on est enfin en train d’poireauter dans la salle d’attente du purgatoire… ben c’est sacrément long bordel. Alors après avoir eu un train d’vie à même de faire passer à peu près n’importe qui pour un narcoleptique, le tout avec une patiente sculptée à la loi du « trop lent-trop mort », ben forcement quand on vous laisse deux minutes seul dans un coin vous avez l’impression d’être un lion en cage. Sous coke le lion ‘videmment.
Alors une fois qu’la pression de l’autre mouflette est r’tombée et qu’j’ai fini d’m’intéresser à la déco, forcement j’fais les cents pas. Et putain j’vous jure qu’dans cette baraque et avec mes rangos faut pas mal de demi-tours pour les faire ces foutus cent pas. Du coup ça vire, ça tourbillonne et ça rouspète intérieurement. Car si on dit paix d’l’esprit ça veut pas non plus dire qu’on s’assoit sur c’qu’on est : un homme d’action qui supporte toujours pas d’rester là à glandouiller alors qu’il pourrait faire n’importe quoi n’importe où et à n’importe qui.

Surtout qu’là dehors j’peux maintenant clair’ment entendre que c’est pas la grande fiesta du sam’di soir et qu’tout l’merdier est encore loin d’avoir été évacué par l’grand siphon d’la vie. Ca beugle, ça panique dans tous les sens… des sons qu’j’ai souvent entendu et dont j’sais apprécier les nuances comme un œnologue pourra vous dire quel gout avait la sueur du mec qui a planté les vignes. Et là j’peux vous dire qu’elle est salée, et au sel marin qui plus est.

Un coup d’œil par une des p’tites fenêtres rondes dont j’écarte de deux doigts les rideaux m’permet de jeter un œil curieux dehors. Et du bout d’mon hublot j’ai ainsi l’panorama de tout une part du quartier marchand que j’peux mirer dans l’alignement d’une ruelle, belle vue plongeante depuis l’quartier des sirènes où j’me trouve. Plein d’ruines donc, de c’qui fut le terrain d’notre premier affront’ment à Sieur Hanba’ et moi, mais aussi lieu d’destruction par les flots lorsque mon excavatrice et l’gang des trois rivières souterraines ont déboulé en ravageant tout sur son passage. Bon ok visiblement durant mes quelques jours d’absence nos amis les tritons ont tenté d’faire du rangement, mais si c’était déjà pas tip top là c’est carrément dégeu’. Pleins d’gravats et d’morceaux d’ruines qui sont charriés par un tumulte salin, avec au centre du bordel mon cher hôte qui lutte comme il peut pour sauver c’qui reste de la cité. J’peux l’voir d’ici lui et sa grande carcasse en train d’tenter le tout pour le tout avec son karaté aquatique, luttant d’tout c’qui lui reste de force pour créer ce même tourbillon qui a déjà une première fois refouler les flots. Sauf que là visiblement il n’pourra pas. C’est triste à dire, mais vu comment l’bordel dégénère il va pas réussir j’serais prêt à parier trois d’mes roustons.

Mes cents pas se muent donc en milles, mais avec une cadence bien plus rapide née d’une impatience élevée au grain d’tempête. Bordel j’ai horreur d’rester sur le banc, surtout si c’est pour voir c’foutu sensei s’faire bouffer par l’océan alors qu’on a encore tant d’chose à s’dire, tant d’choses à faire. Tin’ ça s’rait trop con bordel de m*… Et moi qui ai promis comme un demeuré d’rester ici à jouer les meubles. Grrrr !... Ma main se crispe donc sur le dossier d’un fauteuil qui finira par s’fendre en deux d’un seul coup, c’qui signera mon départ brutal droit vers la porte que j’ouvre d’un seul coup avant d’m’élancer à grands pas dans la rue.

-Hey ! Vous n’avez pas l’droit de*/…
-Ta gueule.



Rapidement me voilà qui déboule en direction du chantier où le chaos est devenu maître, traversant la foule et les décombres avec la même facilité tandis que je m’enfonce dans l’eau jusqu’à la taille. L’écume des tourbillons me fouette la gueule, le ressac tente tant bien que mal de m’faire trébucher, mais l’est pas dit qu’même les éléments soient capables de m’faire aller là où j’veux pas ; mon « océan’s steamroller » y veille.
Alors forcement derrière moi j’ai la foule qui capte enfin qui vient d’la bousculer, avec bien évidemment c’qui suit de murmures indignés, de crainte et d’brouhaha plébéien. J’m’en fous. J’m’en tamponne même le coquillard tell’ment j’ai l’regard braqué sur Hanbanama en pleine lutte avec un véritable geyser géant d’eau salée. La lutte est terrible, je l’vois bien, tant est si bien que j’dois vraiment y mettre de toutes mes forces pour ne serait ce que me rapprocher de son niveau. Alors enfin il me voit du coin d’l’œil tandis que j’me rapproche toujours un peu plus, trempé comme une soupe mais l’regard vif.

-Je… t’avais… humph ! pourtant dit... humph ! de rester chez moi.
-Roooh ça va hein, c’est pas l’moment d’jouer les capricieuses. Tu m’fil’ras un savon quand on s’ra tiré d’ce merdier.


L’homme répond pas, tout concentré qu’il est dans sa lutte qui jusqu’ici ne tient qu’à un fil. Par contre… ça s’ra pas l’cas des quatre zig’ en mal de testostérones qui aussi sec se font un devoir d’vnir jouer les boucliers, regards haineux à mon encontre en prime, histoire de. Le quatuor de disciples, capitaines routsasses, qui vue leurs gueules couvertes de sparadraps et d’rancune n’ont toujours pas digéré ni leurs roustes respectives ni ma p’tite scénette de rédemption. C’con j’étais honnête dans mon jeu d’acteur pour une fois, avouez qu’c’est pas d’bol.

-Le maitre t’a donné un ordre… traitre.
-Tu n’as rien à faire ici.
- Alors laisse-nous, tu as causé bien assez de dégâts comme ça.
-Sinon nous userons de la force pour définitivement te faire taire.

-Et avec l’aide de qui les loulouttes ? Vous avez am’nez vos grands frères ?

Bordel, j’sais qu’c’est pas l’moment et qu’j’suis sensé être plein d’bonnes intentions mais franch’ment y a des fois où la provoque devrait être légitimée face à c’genre de trous d’balle. Couchées les filles !

-Il suffit !

Heureus’ment y a l’daron qui est là pour garder la tête froide et celle des mômes au fond du bac d’eau gelée, mais surtout pour remarquer c’qui s’trame en dehors d’nos valseuses.

-Attention le barrage !


Un barrage, quel barrage ? Ah putain merde le barrage ouais. Histoire de déblayer les gravats d’la bataille, les équipe ont eu la bonne idée d’rassembler pas mal de débris d’maison et d’roche en un immense tas, le tout tenu compact par une série de renforcements provisoires en bois. Sauf que provisoire ça va l’être et pas qu’un peu puisque pas mal de poutres viennent à l’instant d’céder sous la pression des flots, c’qui va évidemment charrier tout l’merdier qu’elles retenaient droit vers les secteurs encore intacts mais surtout encore habités d’la ville. Et ça c’est pas glop, notamment pour la foule compacte qui est entre les deux. Bordel…

Les quatre capitaines se ruent donc comme un seul homme sur l’édifice de plus en plus précaire, usant de toutes leurs forces pour tenir en équilibre la montagne de débris meurtrier qui la compose. Et pendant un court moment j’peux vous dire qu’on y a cru sans vouloir faire d’mauvais jeux d’mot. Sauf que non. De un le poids du truc est bien trop imposant pour eux quatre, de deux ils sont est resteront un bon moment bien amochés par notre rencontre, de trois j’suis pas là. Mais bon ça on peut encore l’arranger.
Alors quand j’vois sur leurs visages crispés qu’ils sont au bord de leurs limites respectives et qu’malgré tout la catastrophe glisse lentement mais avec une vitesse croissante vers la limite rouge, je m’élance en pestant. Quelques Geppou me sortent de l’eau et voilà que je file à leur encontre malgré les mines patibulaires qu’ils offrent en retour d’mon aide. C’est donc sans un regard pour cette bande d’ingrats ni une oreille pour leurs récriminations que je plonge sous la surface de l’eau pour ensuite disparaître sous l’immense monticule de bâtiments enchevêtrés.

Un instant rien ne semble se passer… Puis, un tremblement dans la structure. Léger. Presque invisible dans le chaos de la situation. Finalement c’est tout l’bordel qui soudainement s’élève vers le ciel à la plus grande surprise des quatre clampins perchés dessus et d’toute la foule.
Et encore en d’ssous : moi. Moi avec les jambes bien arquées pour supporter tout l’poids qui a d’ssus et toute la chienlit qui a autour, les bras et la tête comprimés par les dizaines ou plutôt les centaines de tonnes de boue de pierre et de bois qui m’écrasent et m’tassent les vertèbres aussi bien quarante ans d’travaux forcés. Ma figure n’est plus qu’une boule rouge de sang comprimé, mes muscles d’énormes ballons gorgés d’énergies et parcourues d’immenses artères prêtes à rompre. Alors entre deux dents :

-Dites les pieds nick’lés, ça vous dirait pas d’descendre un peu là ?

Ou en langage Tojien : "Bougez-vous les miches bande de trouducs, c’est lourd et ça urge sévère !" Sauf que visiblement j’suis pas le seul vu c’que Hanbanama nous gueule depuis la fontaine géante où on n’le voit presque plus dépasser.

-Je ne vais plus pouvoir tenir très longtemps, le courant devient de plus en plus violent.

-Sensei !
-Tenez bon !
-Ne cédez pas sensei !
-On croit en v*/ !...
-Vos gueules les mouettes, c’est marée haute !

-Hanba’ !
-Quoi !
-Nous n’arriverons pas à contenir toute la pression à cette profondeur, il faut boucher le trou pour la réduire !
-Oui mais comment ?
-J’ai mon idée, bougez pas !
-Comment veux tu que je b*/…

Ses cris seront occultés par le tumulte des flots bouillonnants qui nous avalent toujours un peu tandis que les forces du vieux triton cèdent malgré lui, puis de toutes façons je n’l’écoutais déjà plus tant j’suis concentré dans c’que j’fais, dans l’moindre des putains pas que d’mandent tous ces putains d’efforts. Chaque centimètre que j’fais en direction d’Hanbanama est une lutte, une bataille. Allez bordel, allez ! Raaaah !

-Aidez-le à avancer ! Aidez-le !

Tin ce type m’épatera toujours. V’là qu’il arrive dans c’bordel non seulement à m’voir, mais aussi à comprendre la situation et à avoir c’qui faut d’jugeote pour lancer les ordres qu’il faut. Alors du coup, au son d’la voix d’leur maitre tant adoré, les quatre capitaines jouent du mutisme et se ruent autour de moi. Et le karaté aquatique parle pour eux. Chacun avec son style, les voilà ainsi qui m’entourent et qui me protègent des flots de tout leur art, déviant les secousses de l’eau qui me freineraient et risqueraient d’me faire plier, allégeant une tâche qui passe de l’impossible à seulement totalement invraisemblable. Pas l’temps pour un merci, j’suis tout à mes efforts. Ho hisse… allez encore un peu… raaaah !...

A force, je me retrouve finalement à plonger à mon tour au cœur de la tourmente, rejoignant Hanbanama qui pour sa part redoublera une ultime fois d’effort… Allez encore un peu plus loin, encore un peu plus… RAAAAAH ! Le bouchon improvisé s’enfonce d’une violence poussée dans l’immense tunnel, faisant alors refluer les flots qui se stoppent tout à coup avant de repartir au combat de plus belle !

-Tsunami-fist !
-Paume de l’eau lourde !

Pour finalement se heurter à la combinaison de deux redoutables techniques qui finissent de compacter l’invraisemblable quantité de déblais qui finira de combler la brèche !






Un long moment nous restons là, silencieux et haletant, observant sans crier victoire le mur spongieux qui nous fait face et dont s’échappent par ci par là de fins filets d’eau fuyante… Avant de s’accorder un long et sincère soupire de soulagement.

-Pfouuuuuu !
-Pfiuuuuuu !



Avec Hanbanama on s’regarde, et sans un mot j’peux vous dire qu’on a bien entendu les mercis qui s’sont croisés. Merci pour l’avoir aidé à sauver les siens. Merci pour m’avoir laissé l’faire. On est content d’nous faut bien l’avouer ; et on aurait tord d’s’en priver huhuhu. Par contre… putain c’qu’on va douiller demain lui et moi, j’vous dit pas. Déjà là… aïe ! Bordel… On peine toujours à reprendre notre souffle et tout l’contrôle de nos membres…

-J’pourrais humph… vous demander une autre faveur ?
-Humph… laquelle ?...
-Je voudrais… humph... rester quelques jours ici. humph...
-Rester ici ? Aïe mes reins.
-Ouais. J’men rends compte que j’connais rien d’mon île, de mon peuple. Ouïe
-Tu voudrais en savoir plus ? humph
-Ouais. Vous cerner. humph… Renouer avec mes origines et mieux m’comprendre. humph
-Je vois.
-Et puis… je voudrais aussi apprendre de vous sensei. Pute borgne j’sens plus mes épaules !...
-De moi ?
-Votre philosophie, votre sagesse… et votre boxe aussi. humph
-Ah. On verra ça garçon, on verra.
-…
-Mais pour le moment… Aoucheda ! Sortons veux-tu ?


Et nous voilà sortant du fond d’ce tunnel enfin colmaté, s’tenant l’un à l’autre tant on s’rait incapable d’aligner un pas tant cette dernière semaine n’a pas été tendre avec nous. Difficile à dire si la foule qui nous acclame à notre apparition le fait aussi un peu pour moi… quelque part j’prends plaisir à l’croire, même si au final c’est peu probable.

Les disciples d’Hanbanma accourent alors vers nous pour me l’arracher jalousement mais avec un silence respectueux, l’amenant à l’abri afin de l’aider à se reposer tandis que je m’affale seul sur un bout d’rocher. J’sors de deux doigts approximatifs c’qui ressemble le plus aux restes d’un cigare aux algues d’une de mes poches, que j’me carre dans l’bec entre deux plaies ouvertes avant de m’l’allumer à la flamme d’un zippo manié tant bien que mal… Dire que j’le gardais pour mon courron’ment çui-là… huhuhu chienne de vie.



-A la tienne Hanba’. Que j’murmure sur une première latte avant que la fatigue ne s’empare définitivement d’moi.
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- Palais Ryuugu -
- Le surlendemain -


-Sensei je ne vous comprends pas !
- Veux-tu bien cesser de crier Otabushu…


Le contraste entre le jeune prince et le vieux général est saisissant, l’un ricochant dans toute la pièce au grès de ses humeurs et de ses invectives, l’autre patiemment assis sur son fauteuil à ménager ses bandages et les exclamations du jeune triton qui n’a de cesse de crier chaque jour un peu plus. D’abord couvées, les récriminations du prince Otabushu prennent jours après jours de plus en plus d’ampleur, envahissant maintenant presque entièrement cette partie du palais pourtant déserte depuis qu’on y a mis son plus sinistre invité : Toji Arashibourei.

Car le jeune triton ne comprend pas. Les intentions de son maitre en qui il avait pourtant une confiance des plus totales mais dont la dernière prise de position en faveur du despote borgne a créé chez lui un profond sentiment d’injustice, de trahison. Alors le vieux triton n’a de cesse de tempérer ses ardeurs, ses envies d’une justice expéditive.


-Sensei, vous savez aussi bien que moi que nombreux sont ceux qui ne vous comprennent pas. Avez-vous oublié ce qui s’est passé, Avez-vous oublié par la faute de qui mon père est mort ?!

-Le meurtrier de ton père est encore en liberté à ce qu’il me semble. Et je te promets qu’il sera lui aussi traduit en justice tout comme */…

-Arrêtez ! Vous savez très bien que c’est Thunder F. qui a poussé Skylla à l’acte de régicide, ne faites pas celui qui ne voit pas ! Et vous voulez encore le protéger ? Pire, j’ai appris qu’il avait pu observer un de vos entraînements matinaux et que chaque jour vous vous entretenez avec lui depuis son réveil !

-Thunder F ; est mort. Du moins celui d’autrefois.

-Il ne le sera que lorsque nous lui auront */…

-Maintenant arrête Otabushu, je ne reviendrais pas sur ma décision. D’ici quelques jours tu seras intronisé Roi et je te jurerai une totale allégeance tout comme je l’ai fait avec ton père. Mais d’ici là je suis seul régent et j’entends bien te mettre encore quelques leçons dans le crâne.

-Kssss !...

-Arashibourei sera bien plus utile à notre nation vivant que mort. Il a changé et tu te dois de l’accepter. Non pas pour lui, mais pour ce peuple dont tu auras bientôt la charge et que tu devras protéger des rapaces et des malfaisants. Apprendre le pardon quand il est mérité fait aussi partie de l’apanage des rois, tiens toi le pour dit.

-Lui pardonner ?! Jamais !

Et sur ses belles paroles voilà le prince qui s’en va en claquant la porte, bouillonnant d’une rage qui visiblement ne trouvera pas écho ici. Et c’est un Hanbanama soupirant qu’il abandonne dans la pénombre de ce palais qui semble si désert. Quelque part le doute tape encore à la porte du vieux triton… A-t-il fait le bon choix ? Est-ce donc bel et bien ce qu’il y a de mieux pour tous ?... Hanbanama se calfeutre dans son silence et ses idéaux ; et se sent si vieux tout à coup.





(…)



-Maudit Thunder F. , tu as réussi à tromper le maître, mais moi tu ne m’auras pas.

Le prince glisse dans les gigantesques coursives vide de vie et de son, palais désert, comme hanté depuis que la garde royale en bloque l’entrée avec une rigueur extrême. Seul le futur roi peut encore s’y aventurer… Seul lui le veut vraiment.

-Si Hanba-sensei ne le feras pas, moi je te tuerai Thunder F., pour mon père, pour mon peup*/…
-Coucou Otabushu !
-Ah !! B.Bishu ? Qu’est-ce que tu fais là !
-Et toi alors, qu’est-ce que tu marmonnes tout seul ?

Le sourire candide de sa sœur fit l’effet d’une douche froide au jeune prince, balayant tout à coup une grande partie de cette folie meurtrière qui l’habitait alors. Elle est encore là, trop profondément plantée dans son cœur pour être arraché si facilement, mais comment faire face à ce concentré de bienveillance avec le visage de la colère ? C’était tout simplement impossible.

-Je…
-Tu viens voir Toji-sama ? Regarde il est là.

Et au bout de l’index que tend la jeune sirène, une immense porte entrouverte où filtre un maigre rayon de lumière. On pourrait croire l’entrée d’une caverne, la tanière d’un monstre ; et pourtant voilà que la princesse s’en approche sans crainte malgré l’atmosphère oppressante qui s’en dégage, comme immunisée. Le prince la suit tant bien que mal, fait prudemment silence tandis qu’elle porte son doigt à ses lèvres tendue, avant que tous deux ne jettent un œil discret dans l’entrebâillement.

Ses yeux s’habituent alors à la pénombre qui s’est emparé des lieux, avant d’être vite attiré par la faible lumière ocre d’une veilleuse, perdue entre deux imposantes colonnes ornées de statues représentant divers monstres abyssaux. Le jeu de la lumière fait danser les reliefs, semblant ainsi donner vie à ces créatures inquiétantes qui donnent alors l’impression d’observer en retour les deux espions en herbe.

-Glups
-Regarde… là bas.

Alors le prince voit. Scintillant à la faible lueur de la veilleuse, le dôme lisse et humide d’un crâne fraîchement rasé… Une épaisse main couturé par le temps glisse alors lentement tandis que la silhouette jusque là à l’abri de l’ombre se redresse à grand renfort de gestes mesurés, comme pour en chasser les restes d’eau et de mousse. Autour de cet imposant dos qui leur fait face, les statues gesticulent de leur simulacre de danse, tout en crocs et en tentacules. L’air est lourd, presque électrique.

-Bishu…
- … ?
-Va m’attendre dans le grand hall. S’il te plait.
-D’accord onii-chan.







Doucement, avec milles précautions, le prince se glisse dans l’interstice. Déjà sa trop gentille sœur s’en est allée, le laissant seul là où se présence lui aurait rendu la tâche impossible. Thunder F doit payer, il le doit ! Sa queue ondule donc lentement et sans un bruit sur le sol, l’amenant d’ombre en ombre toujours plus proche de son but… L’air autour de lui semble s’épaissir sur sa langue, couvrant son palais d’un puissant gout de fer blanc. Sa gorge s’assèche tandis qu’il ne peut décrocher son regard de la masse de muscle qui n’a toujours pas bougé, se contenant de caresser son crâne nouvellement imberbe. Plus que quelques mètres… Quelques ondulations de plus… Déjà le prince sort avec milles prudence la longue lame de son poignard. Encore quelques mètres et il pourra…. Et il pourra… Mais pourquoi diables n’arrive-t-il donc plus à bouger ?

Immobile, figé semblable à ces statues qui ne cessent de l’observer, le jeune prince ne parvient plus à faire un pas de plus. Sa queue ne lui répond tout simplement plus. Mais pourquoi diable ! La crainte ? Non c’est impossible, il est le prince, il doit venger son père c’est son devoir ! Il ne saurait avoir une fois de plus peur, ce n’est pas ça ! Alors quoi ? D'indéterminables minutes semblent passer, tandis qu’incapable de bouger le prince semble perdu, ruisselant de sueurs froides. Il doit*/…

-Alors prince, c’est plus difficile qu’il n’y parait hein ?

La voix grave semble surgir des ténèbres même, ricochant dans l’immense pièce pour en envahir tout l’espace et se l’approprier. Caverneuse, profonde…

-De tuer.

La tête se tourne enfin, dévoilant un large sourire moqueur entouré d’épais favoris quant à eux intacts, l’œil vif et pétillant de malice. Toujours pétrifié, Otabushu ne peut qu’observer le colosse se redresser et lui faire entièrement face, le dominant dans tous ces aspects. La dague tremble alors dans sa main, non pas de crainte mais d’une rage sourde.

-Huhuhu, c’est pourtant pas faute de manquer d’motivation ou d’cran, j’dois te l’reconnaitre.

Insensible à la tension qu’il a lui-même instauré, le voilà qui prend calmement une serviette avant de la passer sur son cou, épongeant les gouttes qui ruisselaient alors le long de ses larges épaules.

-C’est juste que… t’es pas un tueur petit prince.



Immobile, le prince l’est toujours plus. Non pas par peur ou par échec, mais tout simplement parce qu’on fond de lui, Otabushu n’en a pas la force. Et cette nouvelle l’enrage autant qu’elle le soulage, frustré de voir une fois de plus cet être tant honnis avoir raison, et pourtant si soulagé.

-Tu s’ras jamais un monstre comme moi.

-Je… Je ne veux pas être comme toi. Jamais.

-Huhuhu, bien dit. Et c’est d’ailleurs pour ça qu’j’ai décidé d’te suivre petit prince.

-Me suivre ?

-Ouais, sur la voie du peuple, la voie des autres. Pas celle de la haine, pas la mienne.
J’espère juste que t’en seras digne.



Doucement, l’homme poisson se rassoit à mi chemin entre l’ombre et la si faible lumière, ne laissant que quelques uns de ses traits marqués par le contraste à la vue du prince toujours figé. Alors sa voix résonne à nouveau, l’entoure et s’y infiltre.

-J’ai vu des horreurs.
Des horreurs que tu  as vues.
Et, tu as sur’ment le droit de me traiter de meurtrier tu as l’droit de m’tuer.
De cela, vous avez l’droit.
Mais, vous n’avez pas l’droit de me juger.

Il est impossible de trouver les mots… pour décrire… ce qui est… nécessaire.
A ceux… qui ignorent… ce que… l’horreur représente.

L’horreur.

L’horreur, a un visage.
Et il faut se fait une amie de l’horreur.
L’horreur… La terreur morale et l’horreur, sont tes alliées.
Il faut qu’elles le soient. Sinon elles sont des ennemis qu’il faut redouter.
Se sont de vraies ennemies.


Je m’rappelle quand j’étais dans la marine.
Il me semble, qu’il y a des siècles et des siècles de cela.

Nous sommes allés dans un village pour interroger. Cherchant des révo’.
Nous n’avons quitté le camp qu’après avoir, menacé tous les civils présents.
Jusqu’à c’que j’leur dise, que le lendemain je reviendrai. Cette fois seul, sans entrave.

Et un vieux bonhomme nous a rejoint en courant, il pleurait, il n’a rien pu dire, il…

Nous avons alors rebroussé ch’min.
Les révo parmi les civils étaient là. Ils avaient tranché toutes leurs petites gorges.
Ils s’étaient mis en tas. Mis en tas. Eux et leurs familles.
Et… j’me rappelle… j’ai j’ai…
J’ai explosé de rire, d’un fou rire.
Comme… comme… comme un vieux dément.
Et je veux me l’rappeler, ne jamais l’oublier.

Puis j’me suis rendu compte.
Comme si j’avais été transpercé, comme si j’avais été transpercé d’un diamant…
Ou d’une balle de diamant à travers le front.
Et j’ai pensé : mon dieu, le génie de ces gens. Le génie.
La volonté, de faire ça…
Parfaite, authentique, complète, cristalline, pure…
Et j’ai compris alors, au plus profond de mon inconscient.
Qu’ils étaient, plus forts que moi. Par c’qu’ils sout’naient ce geste.
Ce n’était pas des monstres, c’était des êtres humains, des cadres entraînés.
Ils se battaient, avec tout leur cœur.
Ils avaient une famille, ils avaient des enfants, ils sont remplis d’amour.
Mais ils avaient la force.
Ils avaient la force… de faire ça.

Si j’avais eu dix équipages de tels hommes…
Nos ennuis sur le Nouveau Monde auraient été bien vite réglés.


Il faut avoir des hommes… qui soient moraux.
Et qui soient capables, cependant de…
D’utiliser leur…
Primordial instinct de tuer.
Sans rien éprouver sans passion.
Sans aucun jug’ment, le moindre jug’ment.



Car c’est par le jug’ment qu’on est vaincu.






Tingl !... La lame résonne sur le carrelage tandis que se sont desserrés les doigts du jeune prince…
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