J’en avais ma claque de c’boulot… Franchement, aller faire peur aux commerçants pour les forcer à payer la taxe d’la Triade en temps et en heure, comment on pouvait faire un taff plus chiant ? Surtout que c’était pas réellement une question d’peur, la plupart n’avaient vraiment pas les moyens d’payer. Faut dire que 15% mensuel, c’était pas donné, hein. Ma dernière prestation avec un mauvais payeur avait dissuader les fraudeurs. Bon, aujourd’hui, ça sortait un peu de l’ordinaire, un cas assez exceptionnel. C’type n’avait pas payé son impôt et pour cause : il n’avait absolument rien vendu de mois-ci. Et vu qu’on taxait un pourcentage ben… Il n’nous devait rien. Et ça, c’était impensable.
Madame Singh m’avait ordonné d’mettre un terme à cette situation qui pourrait donner naissance à un précédent fâcheux. Si les habitants s’mettaient à penser qu’on pouvait, dans certaines circonstances, n’rien devoir à la Triade, chacun s’trouverait une excuse et ce serait le bordel. Mais cette conne ne m’avait pas dit « comment ». Je devais l’tuer ? Il n’y était pour rien. L’taxer plus ? S’il avait pas d’thune, j’pouvais l’menacer et l’torturer pendant des heures, ça changerait rien. J’savais vraiment pas quoi faire. Enfin, c’était dans l’improvisation que j’étais le meilleur. On verrait bien.
C’était le vieux Yves Land, l’antiquaire, communément appelé « L’Endive ». Il vendait des bibelots et des reliques d’un ancien temps. Genre des objets collectors ayant appartenu à des célébrités mortes, des vieilles pendules, des canons rouillés retrouvés sur des épaves… Il était très gentil et apprécié d’tous même si les jeunes s’payaient souvent sa tête. J’dirais pas qu’il était bête, non, m’enfin pas difficile à berner quand même. Si vous aviez besoin d’exploiter la gentillesse inépuisable de quelqu’un, c’était vers lui qu’il fallait s’tourner. Et c’est probablement à cause de cela que son commerce faisait faillite. Il donnait au lieu de vendre ou presque. J’ai ouvert la porte et j’suis entré pendant qu’un petit carillon signalait mon entrée.
C’était vachement obscur et ça puait l’renfermé. J’avais jamais vu un tel bordel. Même ma piaule était mieux rangée et pourtant, j’faisais l’ménage qu’une fois par an. Et j’avais sauté quelques fois cette corvée, héhéhé. J’ai trébuché dans une boîte à musique ancienne dont à surgit un clown rigolant. Par réflexe, j’lui ai mis une beigne, mais ça a fait qu’lancer une petite musique. Il y avait des objets de toutes sortes, bennés en vrac sans la moindre logique. Des chaises, des poupées, des couverts… Pas étonnant qu’il vende rien, on aurait dit une poubelle, son magasin.
-Hey ! Y a quelqu’un ? -Quoi ? Quoi ? Un Client ? Bonjour et bienvenu à l’antiquaire Land, là où on trouve tout, même des guirlandes ! -Il est naze votre slogan… -Je sais… Je ne trouvais pas de rimes en Land… Que puis-je faire pour vous ? -Vous n’avez pas payé votre impôt à ma patronne. C’est pour ça que j’suis là. Pourquoi pas « offrande » ? -L’impôt ? Mais enfin, je n’ai rien gagné du tout ! Je vous le jure. Pas facile à placer dans une phrase ça. -Oui, on m’a expliqué mais on n’peut s’permettre d’laisser un commerçant ne pas payer. « Gourmande », c’est bien, non ? -Mais je ne peux pas payer ! Je ne cherche pas à vous défier ou à me rebeller. Mais sans argent, comment pourrais-je payer ? C’est bien, mais pour un antiquaire…. -Et bien vous n’avez qu’à nous donner un objet ayant un peu d’valeur et j’pense qu’on ourra étouffer cette affaire. Vous, vous restes en vie et la patronne garde son honneur. Tout l’monde est content. Ca y est je sais ! « Légende » ! -Hummmm oui, on devrait pouvoir s’arranger. Je vous en prie prenez ce que vous voulez, mais ne détruisez pas mon magasin. La vache, ouais, « légende » c’est bien ! Antiquiaire Yves Land, le recueil des légendes ! -La vache, j’vous donne un super mot et vous faîtes quand même un slogan pourri. J’abandonne.
Je m’suis mis à déambuler à travers les babioles qu’il pouvait y avoir autour de moi. Toutes ces choses n’avaient aucune valeur. J’devais ramener un truc qu’avait un minimum d’intérêt, sinon la patronne penserait que j’me suis foutu d’elle. Le truc qui semblait l’plus intéressant, c’était cette grande pendule à balancier mais il aurait fallu que j’la porte jusqu’au repère. La flemme…
Posté Ven 13 Juin 2014 - 0:46 par Henry Morgan
Une grosse cloche m’a attiré l’œil. C’était bien trop lourd pour qu’je l’emporte, mais en fait je m’demandais si quelqu’un allait un jour acheter c’truc. Sérieusement ? Qui pourrait vouloir acheter c’truc ? J’ai tapé dedans un coup et ça n’a même pas fait d’bruit. Une cloche cassée en plus ! Juste un petit son sourd en est sorti. Je m’suis accroupi pour voir en dessous ce qui empêchait la barre de venir taper contre la paroi comme l’aurait fait n’importe quelle barre de cloche digne de ce nom. Le barreau était enveloppé dans la gazette de 1558 ! C’est pour ça que le son était étouffé !
J’ai glissé mon bras en dessous et j’ai tenté d’déballer ce truc mais avec une seule main, c’était pas évident. J’ai finit pas m’énerver et j’ai tout déchiqueté avec mes ongles avant d’arracher le tout. J’ai jeté l’papier et j’ai frappé à nouveau.
DONG ! ♫
Et ben voilà ! L’antiquaire a accouru en m’demandant c’que j’faisais et s’est étonné d’voir que j’avais réussi à faire sonner c’bidule. Apparemment, il l’avait depuis des années et n’avait jamais réussi à en tirer le moindre son. Quel con, il avait jamais songé à regarder en dessous en plusieurs années ? Franchement, quand j’vous disais qu’il était pas complètement con, j’dois bien admettre que j’me trompais.
-C’est vous qui avez jeté ça ici ? Mais c’est…
Il avait ramassé le journal et était en train de le lire. Qu’est ce qu’il pouvait bien y avoir de si intéressant dans ce vieux journal ? Je m’suis approché de lui et j’ai lu par-dessus son épaule. Il y avait un article qui parlait d’un pirate qui a disparu il y a plus de cinquante ans sans laisser de trace après avoir foutu une sacré pagaille sur toutes les Blues. Mais ce qui était vraiment très intéressant c’était le petit morceau de papier qui s’trouvait coincé entre les deux pages centrales ? C’était un morceau de papier crade avec des traits dessus faits à la main. La majeure partie était déchirée.
-C’est quoi c’truc ? -Aucune idée. Vous venez juste de le trouver. -Ha ouais, c’est vrai…
J’ai cherché partout autour d’moi pour tenter d’retrouver les petits morceaux que j’avais déchiqueté sans réfléchir. Il y en avait des dizaines, certains du journal, d’autres du papier. Je m’suis mis à genoux et j’ai commencé à les ramasser un par un et j’les déposais sur le comptoir. L’autre m’a vite imité et on s’est retrouvé avec une vingtaine de morceaux en vrac. On s’est regardé comme deux cons.
-J’ai jamais été très doué en puzzle. -Moi non plus mais… J’aimerais bien savoir ce que c’est quand même.
Nous avons donc entrepris de reformer ce papier en collant les morceaux de façon logique sur une feuille blanche. On a commencé par trier les morceaux provenant de la gazette et les autres. Ca ferait la moitié moins d’boulot… Ca allait nous prendre du temps, mais heureusement, j’avais rien d’autre à foutre d’la journée.
Posté Ven 13 Juin 2014 - 0:50 par Henry Morgan
On était sur c’casse tête depuis des heures. Toute la journée en fait. J’avais plus aucune idée de l’heure qu’il était, mon seul point d’repère, le soleil, avait disparu depuis longtemps. Une lampe pendant du plafond était notre unique source de lumière. J’avais une migraine comme pas possible à force d’voir tous ces bouts de papiers qui refusaient obstinément de s’associer entre eux. On n’savait même pas si on voyait l’recto ou l’verso des confettis. Enfin, on avait quand même avancé. On avait mis ensembles tous les morceaux qui comportaient un côté d’la feuille. Je n’avais pas déchiré bien droit, donc tous bords un peu nets étaient forcément un des côtés.
Ce qu’on avait assemblé jusqu’à maintenant représentait un grand cercle irréguliers avec deux petits ronds sur l’côté. Mais il manquait tout l’intérieur du rond en fait. J’avais pas la moindre idée de c’que ça pouvait être, mais ça m’intriguait terriblement. A vrai dire, cette histoire idiote me passionnait. Non, m’obsédait même ! J’devais absolument tirer ça au clair, sinon, j’savais que j’trouverais jamais le sommeil. J’allais passer ma vie à m’demander c’que c’était.
-Tiens, celui-là va là. J’en suis sûr ! -Tu crois ? Mais non, il… Ha oui, en l’tournant dans c’sens là, ça rentre. -Et si on s’accordait une pause ? Café ? -Putain, ouais !
J’ai tendu la main pour saisir la tasse en réfléchissant. Dans quoi j’venais de m’embarquer ? Ce truc avait plus d’cinquante ans et quelqu’un avait réussi à l’cacher pendant tout c’temps. Ca devait bien avoir un intérêt quelconque… D’temps en temps, l’un d’nous deux plaçait une pièce du casse-tête, nous approchant encore un peu plus à chaque fois d’la solution. Au fur et à mesure que le trou se comblait, il devenait de plus en plus facile de trouver la pièce suivante. Faut dire que l’nombre de morceaux potentiels diminuait au fur et à mesure. Au bout d’un moment, j’ai fini par placer la dernière pièce en notre possession.
Spoiler:
Maintenant, c’était devenu évident qu’il s’agissait d’une carte. La carte d’une île que j’connaissais pas. Vu tous les arbres qui étaient représentés, c’était une île déserte. Il y avait un nom écrit en haut à droite, mais l’eau l’avait visiblement effacé. Mais surtout, il nous manquait le morceau central, la pièce finale. On s’est regardé, comme deux cons… On avait fait tout ça et il manquait le principal… Il fallait absolument qu’on l’retrouve. Il pouvait pas être loin. Quelque part dans la pièce. Vu l’bordel qui régnait, c’était pas gagné.
-Faut chercher autour d’la cloche, il est forcément là !
J’ai tout soulevé, tout fouillé, tout retourné. Il était introuvable. L’endive en faisait autant mais sans plus de succès. J’étais vraiment en train d’devenir fou. Comment il avait pu disparaître comme ça ? J’avais déchiré c’truc le matin même, impossible qu’il ait quitté la pièce ! Impossible ! J’suis retourné à ma lace et j’ai frappé un grand coup sur la table pour m’calmer mais à part la péter, ça n’a servi à rien. J’étais…. dépité…
-Monsieur ? -QUOI ?! -Il est là, sous votre semelle !
J’ai baissé les yeux. PUTAIN ! Il était collé au dessous de ma chaussure, ce con d’bout d’papier ! Je l’ai décollé et je l’ai regardé. Un champ d’arbre, comme le reste de l’île. Sauf qu’on y voyait très nettement un bâtiment. Et surtout, au pied de ce bâtiment, on pouvait voir une croix rouge. Ca ressemblait à du sang… Soudain, ça a fait tilt dans ma tête. Je m’suis rué sur la gazette ou du moins ce qu’il en restait. L’article expliquait que le fameux pirate avait mystérieusement disparu lors d’une escale sur l’îlot flottant, une île déserte de North Blue. Mon cerveau s’est mis à bouillonner comme jamais.
-Vous l’avez sortie d’où cette cloche ? -Elle provient d’une épave qu’on a repêchée près de l’îlot flottant sur North Blue, il y a quatre ans. Monsieur, qu’y a-t-il sur ce bout manquant ? Ne me laissez pas en suspens comme ça, voyons.
J’ai pris l’ultime partie de la carte et je l’ai posé au milieu.
Spoiler:
-Mon dieu ! Mais c’est une carte au trésor ! Vous pensez que…