Quel massacre. Tout ces brins d'herbes. Qu'j'arrache avec poigne. Tripoter quelque chose pendant qu'je m'prends à méditer sur tout et rien. Surtout sur rien. C'est important, de lester le corps pendant que l'esprit s'élève. Il faut une dernière accroche avec la réalité. La mienne, c'est déchirer avec ferveur ces touffes d'herbes et les voler à la terre. Qui m'le rend bien en m'envoyant ses légions d'insectes me défiler sur le torse, comme pour m'intimider. En plus de ça, empalé par un soleil blême, souffreteux, qui transperce comme il peut les nuages, j'me sens comme le supplicié du ciel, attaché à sa roue. Allongé dans l'herbe, les nuages me mirent, me juge, me jaugent. Les nuages sont les émotions des cieux. Le temps, un peu couvert, un peu grisâtre, paré du sourire jaune hypocrite du Soleil, peine bien à m'convaincre que tout va pour le mieux, là-haut. Le pauvre Soleil est triste. J'comprends son ressenti, qu'est aussi l'mien. L'été candide et chaleureux s'termine, l'automne pointe son nez crochu et pustuleux.
J'suis pas ici en tant qu'poiscaille marine drogué aux idéaux, mais en tant que simple clochard des mers surfant sur sa fougue. Un vagabond qui a dévoré sa permission comme un clebs s'empiffre dans sa gamelle d'pâté putride. Sans mesure, sans réserve, j'me suis gavé de cette espèce de liberté sans m'laisser l'temps de la digérer, ni même de la savourer. Le second été qu'j'passe à la lumière, et non à l'ombre du grand frère. Tark serait fier de moi, il serait fier d'son frangin pouilleux. Qui devient grand. Qui s'connaît un peu mieux. Qui s'est découvert un joyau en lui, une pierre précieuse à tailler avant de la faire étinceler de mille feux. Une flamme d'héroïsme. Mais c'est passé trop vite. Crépitante pendant un laps de temps, la flamme s'est vaporisée presque aussitôt après. J'ai pas eu le temps de l'observer. De m'observer. D'me rendre bien compte d'à quel point... j'ai changé.
J'ai été un héros d'un soir sur Las Camp, mais aussi un fidèle compagnon. Tordre le destin et l'forger à ma façon. Protéger une existence et y graver mon image à jamais. J'ai sauvé quelqu'un. Quelqu'un d'étrange. Car un parasite m'ronge l'âme, une foutue question me chie sur l'bonheur. Aider, supporter et aimer cette... assassin ? Cette agente du cipher pol. Pas méchante avec moi, compréhensive envers mon côté cloche, reconnaissante envers cet altruisme débridé qui m'a coûté une patte, une épaule, et une grosse parcelle de mémoire souillée d'images affreuses et d'échos d'vilaines émotions.
Annabella était une agente du CP. Ouais. Une assassin, sûrement. Mais j'ai cru apercevoir les silhouettes d'la bonté et d'un désir incandescent d'justice, en elle. Comme personne n'est tout moche ou tout beau, comme on est fait d'ombres, j'veux garder la foi. Penser que j'ai secouru quelqu'un de bien, et qui fera le bien.
Retour sur terre. Pendant que j'pensais à autre chose, ma palme caressait la mallette de pognon qu'la donzelle m'avait laissé pour mon départ. Deux millions de berries, j'crois. J'aurai bien du mal à m'faire plaisir avec, car c'que j'recherche ne s'achète pas. Encore moins avec des thunes qui n'devraient pas m'appartenir. J'en voulais pas d'son don, moi. Son sourire, sa reconnaissance, nos vies sauves à tous les deux, c'étaient déjà les meilleures récompenses qui soient. Je... J'ai... Hum. Méditer sur... A quoi j'pensais, putain ? Méditer sur...
Méditer sur mes démangeaisons. Ça gratte. Et ça gratte. Et ça m'distrait. La nature, les bestioles, mes fripes, tout m'gratte. J'me relève et m'griffe frénétiquement l'cuir pour en éteindre les incendies. Mais plus j'gratte, plus ça gratte. Alors pour m'concentrer sur autre chose, j'demande à mes guiboles d'me porter en direction de... ce petit bois, là-bas. J'attrape la mallette, qu'j'fais passer par dessus mon épaule. Et j'me laisse aller à froisser l'herbe sous mes pieds, à un rythme gentillet. J'me dirige vers le bosquet, l'regard évasif. C'coin est magnifique. J'pouvais pas espérer mieux, pour finir ma perm', qu'un séjour chez les bouseux. La campagne, ça m'gagne. Lassé de l'air marin, requin des terres, j'mets les branchies d'côté et j'inhale à pleins poumons le pollen et les pets d'vaches.
Et même si la période est mélancolique, et même si j'sens bien que l'ciel couvert retient ses larmes, et même si une giboulée de doutes inonde les sillons d'mes pensées, j'me laisse porter par le vent qui balaye la plaine, et ce qui m'faisait souffrir avant s'laisse peu à peu souffler. J'me sens aussi humble qu'un d'ces tournesols qui cherche la lumière. Qui n'sait pas vraiment s'il l'a trouvera vraiment un jour, ceci dit. Ou s'il devra à jamais s'contenter de mirages.
Mes semelles boueuses commencent à écraser les pieds des arbres. Oups. Grosses racines partout. L'ombre s'impose et un bouclier d'feuilles pourfendu de timides lances de lumière se construit au-dessus d'ma tignasse un peu suante, un peu grasse. J'ralentis, laissant mes oreilles distraites partir en reconnaissance. Elles percutent que des chants d'piafs, des bruissements craintifs, des grommellements mystérieux. Seul. Seul avec la faune locale. Des traces de sanglier, là. Et aussi quelques nobles étrons, que j'contourne avec grâce tout en m'glissant à travers les buissons, muni d'un attrait pour les coins reculés et profonds... un amour pour l'exploration que j'pane pas totalement. Fouiller la forêt, y dégoter des secrets ?
Nope. Rien de fantastique. J'finis juste face à un creux, que j'contemple du haut d'mon talus. C'est pas bien haut, ça surmonte un sentier. Alors j'bondis. Et en bon poiscaille qui rêverait de voler, j'me ramasse lamentablement en contrebas, écrase mes échasses meurtries, puis m'laisse trahir par leur équilibre, qui m'envoie gémir dans un fossé.
J'grince des dents, et me maintient l'dos tout en m'rétablissant, et manque pas, bien sûr, d'pester contre la poisse.
P'tain, merde. 'chier... AARK !
Ma guibole engourdie et douloureuse rejette toute la responsabilité sur mon imprudence... J'me sors d'ma cavité en boitant et jurant copieusement, jetant ma mallette sur le sentier avant d'm'y hisser à mon tour. Mais...
Deux petites mirettes rivées sur moi.
Celles d'un gosse.
Euh... Salut. T'es perdu ?
Mais j'me souviens vite de ce que j'suis. Et un malaise indomptable me saccage l'intérieur. J'détourne la face pour éviter d'lui faire peur. Rencontre fortuite d'un requin sur pattes par un gamin paumé dans les bois. C'est comme un scénar' de mauvais conte de fée. J'me coltine bien sûr le rôle de l'affreux monstre frustré et malheureux à grandes dents...
Mais le gosse tarde à crier au loup. Qu'est-ce qu'il fout ?
J'suis pas ici en tant qu'poiscaille marine drogué aux idéaux, mais en tant que simple clochard des mers surfant sur sa fougue. Un vagabond qui a dévoré sa permission comme un clebs s'empiffre dans sa gamelle d'pâté putride. Sans mesure, sans réserve, j'me suis gavé de cette espèce de liberté sans m'laisser l'temps de la digérer, ni même de la savourer. Le second été qu'j'passe à la lumière, et non à l'ombre du grand frère. Tark serait fier de moi, il serait fier d'son frangin pouilleux. Qui devient grand. Qui s'connaît un peu mieux. Qui s'est découvert un joyau en lui, une pierre précieuse à tailler avant de la faire étinceler de mille feux. Une flamme d'héroïsme. Mais c'est passé trop vite. Crépitante pendant un laps de temps, la flamme s'est vaporisée presque aussitôt après. J'ai pas eu le temps de l'observer. De m'observer. D'me rendre bien compte d'à quel point... j'ai changé.
J'ai été un héros d'un soir sur Las Camp, mais aussi un fidèle compagnon. Tordre le destin et l'forger à ma façon. Protéger une existence et y graver mon image à jamais. J'ai sauvé quelqu'un. Quelqu'un d'étrange. Car un parasite m'ronge l'âme, une foutue question me chie sur l'bonheur. Aider, supporter et aimer cette... assassin ? Cette agente du cipher pol. Pas méchante avec moi, compréhensive envers mon côté cloche, reconnaissante envers cet altruisme débridé qui m'a coûté une patte, une épaule, et une grosse parcelle de mémoire souillée d'images affreuses et d'échos d'vilaines émotions.
Annabella était une agente du CP. Ouais. Une assassin, sûrement. Mais j'ai cru apercevoir les silhouettes d'la bonté et d'un désir incandescent d'justice, en elle. Comme personne n'est tout moche ou tout beau, comme on est fait d'ombres, j'veux garder la foi. Penser que j'ai secouru quelqu'un de bien, et qui fera le bien.
Retour sur terre. Pendant que j'pensais à autre chose, ma palme caressait la mallette de pognon qu'la donzelle m'avait laissé pour mon départ. Deux millions de berries, j'crois. J'aurai bien du mal à m'faire plaisir avec, car c'que j'recherche ne s'achète pas. Encore moins avec des thunes qui n'devraient pas m'appartenir. J'en voulais pas d'son don, moi. Son sourire, sa reconnaissance, nos vies sauves à tous les deux, c'étaient déjà les meilleures récompenses qui soient. Je... J'ai... Hum. Méditer sur... A quoi j'pensais, putain ? Méditer sur...
Méditer sur mes démangeaisons. Ça gratte. Et ça gratte. Et ça m'distrait. La nature, les bestioles, mes fripes, tout m'gratte. J'me relève et m'griffe frénétiquement l'cuir pour en éteindre les incendies. Mais plus j'gratte, plus ça gratte. Alors pour m'concentrer sur autre chose, j'demande à mes guiboles d'me porter en direction de... ce petit bois, là-bas. J'attrape la mallette, qu'j'fais passer par dessus mon épaule. Et j'me laisse aller à froisser l'herbe sous mes pieds, à un rythme gentillet. J'me dirige vers le bosquet, l'regard évasif. C'coin est magnifique. J'pouvais pas espérer mieux, pour finir ma perm', qu'un séjour chez les bouseux. La campagne, ça m'gagne. Lassé de l'air marin, requin des terres, j'mets les branchies d'côté et j'inhale à pleins poumons le pollen et les pets d'vaches.
Et même si la période est mélancolique, et même si j'sens bien que l'ciel couvert retient ses larmes, et même si une giboulée de doutes inonde les sillons d'mes pensées, j'me laisse porter par le vent qui balaye la plaine, et ce qui m'faisait souffrir avant s'laisse peu à peu souffler. J'me sens aussi humble qu'un d'ces tournesols qui cherche la lumière. Qui n'sait pas vraiment s'il l'a trouvera vraiment un jour, ceci dit. Ou s'il devra à jamais s'contenter de mirages.
Mes semelles boueuses commencent à écraser les pieds des arbres. Oups. Grosses racines partout. L'ombre s'impose et un bouclier d'feuilles pourfendu de timides lances de lumière se construit au-dessus d'ma tignasse un peu suante, un peu grasse. J'ralentis, laissant mes oreilles distraites partir en reconnaissance. Elles percutent que des chants d'piafs, des bruissements craintifs, des grommellements mystérieux. Seul. Seul avec la faune locale. Des traces de sanglier, là. Et aussi quelques nobles étrons, que j'contourne avec grâce tout en m'glissant à travers les buissons, muni d'un attrait pour les coins reculés et profonds... un amour pour l'exploration que j'pane pas totalement. Fouiller la forêt, y dégoter des secrets ?
Nope. Rien de fantastique. J'finis juste face à un creux, que j'contemple du haut d'mon talus. C'est pas bien haut, ça surmonte un sentier. Alors j'bondis. Et en bon poiscaille qui rêverait de voler, j'me ramasse lamentablement en contrebas, écrase mes échasses meurtries, puis m'laisse trahir par leur équilibre, qui m'envoie gémir dans un fossé.
J'grince des dents, et me maintient l'dos tout en m'rétablissant, et manque pas, bien sûr, d'pester contre la poisse.
P'tain, merde. 'chier... AARK !
Ma guibole engourdie et douloureuse rejette toute la responsabilité sur mon imprudence... J'me sors d'ma cavité en boitant et jurant copieusement, jetant ma mallette sur le sentier avant d'm'y hisser à mon tour. Mais...
Deux petites mirettes rivées sur moi.
Celles d'un gosse.
Euh... Salut. T'es perdu ?
Mais j'me souviens vite de ce que j'suis. Et un malaise indomptable me saccage l'intérieur. J'détourne la face pour éviter d'lui faire peur. Rencontre fortuite d'un requin sur pattes par un gamin paumé dans les bois. C'est comme un scénar' de mauvais conte de fée. J'me coltine bien sûr le rôle de l'affreux monstre frustré et malheureux à grandes dents...
Mais le gosse tarde à crier au loup. Qu'est-ce qu'il fout ?