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Séance Baby-Sitting

Ah, qu'il était ravissant de goûter ce voyage à bord de l'Achille. C'était un fier trois-mâts dont la construction venait d'être finalisée. Il prenait pour la première fois le sentier des flots et Rei était des privilégiés qui se trouvaient à son bord. Pour sa grande première, l'Achille allait traverser la quasi totalité du continent de West Blue avec à son bord pas moins de 1 000 passagers. Des nobles pour la plupart, mais également un contingent non négligeable de marines, ou d'agents du gouvernement. Sans oublier les hommes en salle des machines. Le navire fourmillait donc d'activité de fond en comble.

Rei, lui, profitait dans la mesure du possible des loisirs proposés, divers et variés, tout en accomplissant sa tâche avec le professionnalisme et la courtoisie qui le caractérisaient. C'est grâce à ces traits de comportement qu'il bénéficiait de la confiance de ses supérieurs dans cette nouvelle mission. Mission aux allures de récompense pour qui voudrait l'interpréter ainsi, mais Rei ne s'y risquait pas. S'il était embarqué sur l'Achille, à côtoyer les figures de la haute société, c'était pour servir de garde du corps à l'une d'entre elles justement. Ou plutôt, deux : la femme du Roi de Saint-Urea, et sa fille. Reine d'un tel Royaume accordait un prestige de premier rang, aussi la mère se trouvait-elle souvent prise par les mondanités dont sa fille se tenait à l'écart. Un peu par devoir, mais surtout par choix. Car l'enfant était un véritable garçon-manqué, qui supportait tout juste de garder le silence plus de cinq minutes, de rester assise le double, et encore, laborieusement.

Aussi, quand Rei n'était pas pris par les obligations qui incombaient à sa tâche, il jouait les baby-sitter high-standing auprès de la petite Haïdy, 8 ans à peine, haute comme trois pommes. Et elle lui en faisait voir de toutes les couleurs, la môme, c'était le moins que l'on puisse dire. L'agent du Cp5 passait parfois une heure à chercher sa toison d'or bouclée dans tous les recoins possibles et imaginables du navire, repérant sa cible aux cris d'exaspération provenant des cuisines où elle chapardait une gourmandise, ou aux jappements d'un chien auquel elle avait sans ménagement pincé le derrière. D'autre fois, le jeune homme devait intervenir pour empêcher le petit démon d'en découdre avec d'autres enfants de son âge, qu'elle tyrannisait pour la plupart. Et surtout, surtout, elle adorait par dessus tout se moquer de l'apparence si soigneuse de Rei, et venir mettre un désordre sans nom dans ses affaires d'ordinaire minutieusement rangées.

C'était d'ailleurs ce qui se passait en ce moment là. Haïdy était venue se retrancher dans la cabine de Rei, pour échapper à une après-midi avec sa mère à prendre le thé, et désormais, écharpes, mouchoirs et diverses étoffes volaient à travers la pièce. D'ordinaire si calme, le génie concédait avoir du fil à retordre face à la petite furie. Il dispensait sans interruption les "pose donc ceci", les "remets cela à sa place" voire même un plus original "laisse mon katana tranquille". N'y tenant plus, le jeune homme lâcha, l'air sérieux :

-Si tu ne te calmes pas de suite, je te ramène auprès de ta mère.

La menace porta ses fruits, Haïdy cessa son petit manège et remit même quelques affaires à leur place initiale. Le silence s'empara de la scène quelques instants. Seule la mélodie de la pluie torrentielle s'abattant sur l'Achille en bruit de fond. Depuis la matinée, les éléments étaient en effet déchainés, la tempête faisait rage. Ce qui excluait les jeux en plein air.

-C'est que, je m'ennuie moi... avança la petite d'une voix fluette, comme pour rejoindre l'analyse de Rei.

Mais pour côtoyer l'enfant depuis déjà trois jours, le jeune garde du corps repéra tout de suite la manoeuvre visant à se faire plaindre. Il ne put retenir un léger sourire devant ce jeu d'actrice remarquable.

-Pff, je vois pas pourquoi je me fatigue... reprit-elle.

Et puis soudain, un sourire mesquin inonda son visage. Quelle pouvait-être la dernière idée en date à avoir germé dans son esprit ? Rei fut vite fixé.

-Quel dommaaage. Un si mauvais temps, un si beau costume...

Et dans un dernier rire clair, la gamine s'élança hors de la cabine.

-Ah, à côté de ça c'est sûr, c'est de la rigolade les missions ordinaires.

Rei sortit à son tour de sa chambre. Un long couloir plus loin, il se retrouvait sur le pont, le visage fouetté par la pluie diluvienne, les cheveux battus par le vent qui sifflait à ses oreilles. Le ciel était chargé, sombre. Repérer Haïdy dans ses conditions devenait tâche délicate. Et elle avait raison la petite, son costume prenait l'eau. Alors, plus vite il la retrouverait, mieux cela vaudrait. Son regard parcourut l'horizon. Rien. Elle ne pouvait pas être bien loin pourtant. L'agent avança, de quelques pas, remontant devant les salles où le beau monde attendait patiemment que l'orage ne cesse, à l'intérieur, se délectant de divers mets exquis au gré des douces symphonies jouées par l'orchestre. Mais lui, non. Il dégustait juste une vilaine pluie froide. Monde ingrat. Et puis, où pouvait-elle bien être, cette gosse ? Voilà trois minutes déjà qu'il ...

-Surprise !

Elle venait de surgir au beau milieu de nulle part, tout sourire. L'intempérie n'avait pas réussi à le lui dérober.

-Ah tout de même. Bon, maintenant on rentre.

-Ah non on reste ici !

-Mais, tu as vu le temps ? Et puis, il n'y a rien à faire sur le pont.

-Il n'y a rien à faire dedans non plus.

Long soupir. Elle allait le rendre fou, cette petite. Mais après tout, tant qu'elle ne faisait rien d'inconsidéré... Rei ferma les yeux quelques secondes, comme pour chercher un instant de calme. Grossière erreur. Quand il les rouvrit, ce fut pour admirer Haïdy dans un numéro d'équilibriste redoutable sur la rambarde du pont.

-Hey, descends de là ! C'est très dangereux !

Seul un grand rire plein de fraîcheur et d'enthousiasme vint lui répondre. Ah non, un "Viens me chercher" aussi. Elle le narguait en plus ! Mais elle n'avait pas totalement tort, c'était le moyen le plus rapide de mettre un terme à ce périlleux spectacle. Il s'avança, main tendue vers elle pour la saisir. Elle l'ignora. Mieux, elle se pencha presque vers le rebord, pointant l'horizon du doigt.

-Oh, on dirait une île, là-b...aaaaaah !!

Ce qui devait arriver arriva. La rambarde se déroba sous les pieds de Haïdy, qui tenta vainement de défier les lois de la gravité avant de tomber en chute libre. Étouffant un cri de stupeur, Rei n'hésita pas pour sauter par dessus bord et tenter de rattraper l'enfant. Au moment où celle-ci entrait en contact avec la couverture bleue glacée de l'océan, une main la saisit au poignet. Mission accomplie. Enfin, c'était un début, plus exactement. À peine remonté à la surface, sans même penser à sermonner Haïdy qui pour une fois semblait bien assez choquée comme ça, le jeune agent se retourna. Le navire filait à côté de lui. Dans un dernier mouvement, il tenta d'agripper un cordage. Trop tard. Et malgré tout son talent, rattraper à la nage un vaisseau n'était pas dans ses capacités. Alors, une fois rassuré quant à l'état de la petite qui en restait coï mais pas blessée pour autant, Rei entreprit de nager en direction de l'îlot aperçut juste avant l'incident. C'était là leur seule véritable chance de ne pas finir dans l'estomac d'un monstre marin.

Les mains d'Haïdy enserrées autour de son cou, la petite sur son dos, il s'élança. Parfois, un mot, une phrase pour rassurer l'enfant, qui ne répondait pas. Mais lui ne désespérait pas. Il tenait bon, pour lui et pour elle. Patiemment, ce qui était un contour indistinct se précisa. Comme pour leur redonner espoir, la pluie s'estompa. Ragaillardi, Rei accéléra légèrement le rythme. Les lèvres de Haïdy se décrispèrent enfin, pour souffler un simple mais significatif "Pardon, Rei". Et puis, enfin, la plage. Il fit les derniers mètres en se trainant presque, avant de s'allonger sur le sable humide, exténué. Il n'aurait pas su dire combien de temps il avait nagé si la luminosité n'avait pas commencé à décliner. La nuit pointait. Il ne pouvait pas s'arrêter là. Un regard vers Haïdy, tremblante de froid. Il devait être fort pour qu'elle le soit aussi. Ses yeux se portèrent sur les alentours. Une forêt de plus en plus dense succédait à la cinquantaine de mètres sablonneux qui constituaient la plage. Qui sait quelle créature elle abritait en son sein. Rei s'accorda quelques instants pour réfléchir, puis opta néanmoins pour la forêt. La nuit serait sans doute froide, faire un feu difficile et le vent n'arrangerait rien, bien au contraire. Il fallait donc trouver un abri naturel convenable. Et de la nourriture aussi. Il y avait encore fort à faire.

Encore plus déterminé qu'à l'accoutumée de part la présence d'un enfant avec lui, Rei se frappa les mains entre elles. Puis empoigna celle, mince, fragile, de Haïdy.

-On va trouver un endroit tranquille où s'abriter. Demain, le bateau viendra nous chercher, ils se sont sans doute déjà aperçu de ton absence.

Le duo ne s'enfonça pas trop profondément, pour ne pas risquer de ne pas retrouver son chemin le lendemain. Un recoin peu exposé et difficilement accessible, tel était leur campement. Quelques baies constituèrent le frugal repas du soir. Si le vent ici ne glaçait pas les vêtements, faire un feu n'était pas aisé. Ni plus conseillé avant une reconnaissance des lieux. Mais entreprendre une patrouille dans les environs supposait d'abandonner Haïdy au campement. Finalement, Rei ne prit aucun risque. Il abandonna sa veste à Haïdy, qui s'endormit sans tarder, tant les évènements vécus l'avaient éprouvée et commença une longue nuit de guet.

[...]

La fatigue avait été la plus forte. Plusieurs fois, il avait lutté pour garder les yeux ouverts. Rester vigilant, attentif. Rien de suspect. Il n'y avait aucune raison qu'un nouvel incident se produise, mais prudence était mère de sûreté. Et puis, peu avant l'aube, ses paupières trop lourdes s'étaient closes. L'espace d'une ou deux heures tout au plus. Un sommeil lourd, sans rêve. Un sommeil désagréable.

Il s'en extirpa en sursaut, transpirant. Le jour était bien levé, il pouvait le discerner en dépit de la végétation dense du coin. Un coup d'oeil vers Haïdy qui dormait encore, roulée en boule dans sa veste. Désormais, il allait faloir trouver un moyen de quitter l'île, ou de signaler leur présence. La pluie s'était faite oubliée depuis hier soir, peut-être réussirait-il à faire brûler suffisamment de bois pour qu'un navire passant dans le coin aperçoive la fumée ? Difficile à savoir, mais cela vaudrait la peine de tenter le coup. Le plus sûr restait de ne pas s'attarder sur l'île, c'était évid...

Craac.

Un froissement dans les branches interrompit le fil de ses réflexions. Puis un craquement. Des pas. On approchait. Et on prenait garde à ne pas faire de bruit, manifestement. Dans la plus grande discrétion, Rei se redressa sur son séant et empoigna son katana. Quelle que soit l'identité du visiteur trop discret, il serait bien reçu. En tendant l'oreille, il discerna les déplacements. On le contournait, pour se diriger vers Haïdy. Rei attendit encore quelques secondes l'instant propice, puis bondit promptement, tout en dégainant.

-Plus un geste !

-AAAAHH !!

...

Dans un cri de frayeur suraigüe, deux mains se levèrent instantanément, tandis que les fruits rouges qui y reposaient jusqu'alors roulèrent au sol jusqu'aux pieds du bretteur. Puis...

-Mais ça va pas la tête ?

-Heu, Haïdy ?

-Hé oui, idiot ! Qui veux-tu que ce soit !

La jeune casse-cou ne dormait pas. Elle était partie "dénicher le pti déj" pendant que Rei s'était assoupi, roulant quelques feuillages dans la veste de l'agent pour que celui-ci la suppose toujours endormie le temps de son escapade. Futée, la petite. Elle l'avait bien bluffé. De plates excuses plus tard, Rei dégusta quelques-uns des fruits avant d'exposer la situation et le programme pour la suite. Son interlocutrice opina du chef dans un sourire. Elle semblait aller beaucoup mieux que la veille au soir. Le choc digéré, l'insouciance de la jeunesse avait repris le dessus. Elle repartait déjà dans ses farces habituelles, peut-être même plus épanouie qu'à l'accoutumée de part l'environnement inconnu, un brin hostile et propice à ses désirs d'aventure. Si le jeune homme se posait quelques questions en se réveillant sur le moral des troupes, il eut tôt fait d'être rassuré.

Ainsi, après avoir battu les alentours à la recherche d'une bonne quantité de bois sec destiné à servir pour l'appel à l'aide, le duo reprit le chemin emprunté la veille pour atteindre la plage. Mais tandis qu'ils approchaient de la lisière de la forêt...

-Curieux, ces feuilles au beau milieu du chemin. Mieux vaut ouvrir l'oeil.

Joignant le geste à la parole, Rei posa le bois qu'il transportait et dégaina son arme, vigilant, pour commencer à scruter les environs. Mais Haïdy, fidèle à elle-même, le prit totalement à contre-pied en manifestant son envie de plonger à pieds joints sur le tas de feuilles.

-NON ! Ne ...

Boum.

Inutile, évidemment. La petite n'en avait fait qu'à sa tête et se retrouvait maintenant trois mètres en contrebas, au fond de la fosse. Dans le même temps, une dague vint se ficher dans le mollet gauche de Rei, qui retint un cri de douleur, pour ne pas affoler outre-mesure Haïdy qui ne suivait la situation que par la voix du jeune homme. Mais en une trentaine de secondes, sa vue se brouilla. Étrange. Pire, sa tête commença à tourner. Deux symptômes qui ne pardonnaient pas, on l'avait empoisonné. La mâchoire engourdie, il bafouilla quelques mots, puis s'écroula au sol, inconscient.

[...]

Tok marchait sur le sentier en direction de la forêt, souriant. Oui, Tok était content. Il venait de faire deux belles prises. Une gamine mal polie et turbulente, mais frétillante de vie. Le chef était satisfait, il pourrait en soutirer une belle somme auprès du marchand d'esclaves. Et l'homme, à peine adulte, qu'il allait chercher maintenant. À en juger l'uniforme et les armes, un marine, ou quelque chose du genre. Le chef était très satisfait, il pourrait le torturer à loisir. Il suffisait de le ramener au camp. D'ailleurs, Tok arrivait déjà à l'endroit où il avait abandonné le corps inconscient sous la surveillance de son acolyte. Mais voilà, problème. L'acolyte en question baignait dans une mare de sang, le sien, une petite dizaine de mètres devant lui. Flairant l'embrouille, le bonhomme empoigna son flingue dans une main tremblante, sa rapière émoussée dans l'autre, guère plus vaillante. Il tourna sur lui-même, une fois, deux fois, tentant de déceler d'où provenait la menace. Mais il ne vit pas venir l'ombre qui le guettait, tapis dans un buisson, avant qu'elle ne fonde sur lui. Un éclair et ce fut tout. Une gorge que l'on tranche, une tête qui vole. Tok vit son corps tomber à côté de lui, dans la fosse. Oui, Tok était mort.

[...]

Deux fourmis de moins. La première, dans un dernier râle, avait confié quelques informations intéressantes, pensant pouvoir ainsi réchapper à son funeste sort. Leur bande de pirates sans envergure kidnappait les voyageurs égarés sur l'île et les revendait à divers marchands d'esclaves, retirant de la sorte un bénéfice substantiel sans trop fournir d'efforts. Mais voilà, Rei, se sentant décliner sous l'effet du poison, avait anticipé sa chute. Et en avait profité pour boire un antidote fait maison pour ne pas rester inconscient plus de quelques secondes au final. Merci les recettes miracles de Serei au passage. Maintenant, il lui fallait encore libérer Haïdy. Depuis son poste d'observation au sommet d'un arbre, il aperçut le repère, sur la plage. Un groupe d'une grosse dizaine de fourmis. Ça faisait tout de même beaucoup, même en admettant qu'ils aient tous le niveau des deux premiers cadavres de la journée. Il fallait trouver un moyen de diviser les troupes. Et rien de mieux qu'une petite diversion pour cela.

Que faire ? Pas besoin de chercher plus loin qu'au pied de l'arbre pour trouver la réponse. Le bois rassemblé plus tôt dans la matinée allait faire coup double. Diversion et appel à l'aide. Situer le foyer au niveau du piège, histoire que ceux qui allaient rappliquer prennent acte que leurs potes étaient morts. Ça leur montrerait qu'il n'était pas là pour plaisanter, et ça leur filerait un peu la frousse en prime. Tiens, là aussi, coup double. Alors, combien se déplaçaient ? Deux, trois...Quatre éclaireurs ? Soit. Il n'en restait plus que sept là-bas. Et autant éviter les combats de seconde zone. Autant s'en prendre à la reine de la fourmilière.

Le détachement passerait sûrement par la plage. Lui coupa donc par la forêt. Plus court. Masqué. Dix minutes plus tard, il arrivait à proximité du camp, distant d'une grosse vingtaine de mètres environ. Ses prédictions s'avérèrent exactes, il n'avait pas été repéré. Lui ne manqua pas de localiser Haïdy en premier lieu, chevilles et poignets ligotés, mais surveillée de près par un seul des hommes uniquement. Du reste, le groupe entier n'était pas franchement sur le pied de guerre. Ils ne sentaient pas encore le danger. C'était pourtant un très beau feu. La fumée s'élevait haut, très haut dans le ciel. Au lieu de cela, ça fanfaronnait, le chef en tête évidemment. Tiens, intéressant son petit pouvoir. Fruit de l'hypnose qu'il disait ? Il avait les moyens de frimer en fait. Ça changeait pas mal la donne...

Non, en fait ça ne changeait rien. Katana main gauche, Wakizashi main droite, et en avant. Sa charge s'orienta vers Haïdy, il fallait la mettre hors de danger avant tout. Après un bref instant de surprise, les pirates passèrent toutefois à l'action, empoignant pistolets et autres mousquets. Les détonations se succédèrent. L'une des billes de plomb fit mouche, bras droit. Difficile de tenir une arme après ça. Alors il fallait la lancer. Zwiiif. Jackpot, au coeur de la cible. Haïdy n'avait plus d' autre garde du corps particulier que lui sur cette plage désormais. Non, mais. Et maintenant, les autres. Ne surtout pas se laisser avoir par les capacités du boss.

-Je connais un moyen radical contre ça...Soru.

Premier déplacement, pour atterrir pile devant le parrain de la pitoyable mafia de l'île, qui se fit attraper au col sans ménagement. Deuxième déplacement, pour le trimballer dans l'eau. De l'eau de mer. Exit les pouvoirs. Hé oui, ça faisait mal ça. Le plus douloureux, c'était encore la lame du katana qui menaçait de trancher la gorge et le fragile fil de vie de "Aniki" comme l'appelaient les autres. La bande entière mit les pouces, du moins les vivants, Haïdy fut détachée et libérée. Finalement, le plus radical contre les fourmis, c'était p'tetre pas le feu, mais bien l'eau.

Et, patientant ainsi une après-midi entière en compagnie de onze gaillards saucissonnés de la tête au pied, l'un toujours dans la flotte, Rei eut la satisfaction de voir pointer à l'horizon les contours du fringuant Achille avant que le soleil ne décline dans le ciel. Un peloton de marines se chargea de coffrer la bande, et les deux infortunés de la veille purent remonter à bord pour y recevoir les soins requis.

[...]

Le voyage portait à sa fin pour Rei. Il avait reçu de la part des médecins de bord la plus grande attention, ses blessures ne présentaient donc plus aucune inquiétude. Si le convalescent avait passé la plupart de son temps entre infirmerie et sollicitations des passagers qui lui présentaient tous leurs félicitations pour son acte de bravoure, il eut tout de même l'occasion de croiser de temps à autre Haïdy, qui venait s'enquérir de son état tout en lui jouant inlassablement ses tours favoris. Mais ses supérieurs le rappelaient vers d'autres missions, et sa tâche sur l'Achille s'en voyait donc abrégée. Quand le bateau arriva au port pour y faire escale, cela marqua le dernier jour du trajet de Rei. N'oubliant pas la raison initiale de sa présence à bord, il fit ses adieux de manière solennelle à Haïdy et sa mère.

-Je vous prie d'accepter une fois de plus tous mes remerciements pour votre action, jeune homme, fit cette dernière en conclusion.

Tandis que Rei après s'être poliment incliné, s'en allait pour descendre du pont comme bon nombre d'autres passagers, la voix maternelle reprit.

-J'espère au moins que ma fille a été sage durant ces quelques jours. Elle a parfois tendance à être un peu dissipée...

Un peu ? Intérieurement, le jeune agent rit de bon coeur avant de répondre, son traditionnel léger sourire aux lèvres.

-Comme une image, madame.