>> Jäak Hadži
Age: 39 ans Sexe : Homme Race : Humain Métier : Marine (élite) Groupe : Marine But : Sauver le monde Codes du règlement : Ce compte est-il un DC ? : Oui, de Kiril Si oui, quel @ l'a autorisé ? : Izya |
Physique
Jäak Hadži, ou cet homme qui vieillit plus vite que le temps lui-même, enchanté. Trente neuf années que je suis en vie et je n’ai toujours pas trouvé où la beauté se cachait, je crois. Je me trouve laid, mon visage s’est fait dur et sévère, marqué par les coups de balai. Figurés, et propres. Il reste sale peu importe la tonne de serviettes que je passe dessus, comme si mes souvenirs de guerre me collaient à la peau…
J’ai d’ailleurs la même odeur qu’elle, la guerre : la poudre à canon, l’herbe arrachée par des milliers de semelles folles, la terre devenue boue à cause du ciel enragé qui nous pisse dessus, la sueur physique et mentale. C’est comme si c’était hier. Comme si ça allait être demain. J’ai l’odeur des grandes comme des petites batailles. Elles ont pris tout de mon apparence, tout de moi, sauf une chose. Mon regard. D’un vert malachite glaçant et transperçant. Pire qu’une balle dans le cœur. Malheureusement, il est la seule oasis d’un désert ravagé où sont voisins fossés et gouffres. Des marques traumatisantes autant qu’indélébiles.
Ma barbe ne contribue pas à les cacher, au contraire. Je la trouve elle aussi moche, s’étalant sur au moins le tiers de mon visage, elle me donne quatre ou cinq années de plus. Elle pue la bière et le cigare et elle pique comme une armée de hérissons se sentant attaqués. Les femmes évitent de me faire la bise comme elles évitent les ruelles tard le soir. C’est le vêtement d’une mâchoire carrée qui a l’air d’avoir trop vécu, la nuisette d’une bouche froide qui ne sourit jamais. Et pourtant, je ne la rase pas. La toucher du bout des doigts me fait me rappeler de bons souvenirs comme d’affreux.
En haut, c’est imparfait. Les cheveux, je parle. Des mèches brunes tombent sur ce large front où une cicatrice hideuse a trouvé repos, pour y déposer de la sueur dont j’ignore la provenance. Des fois je me demande même si les mèches m’appartiennent vraiment… Les gouttes passent par le nez, lui grave et sculpté au culot avec des traits grossiers, pour finalement se glisser dans le creux d’une ride et disparaître.
Grand, mon corps s’étale sur presque un mètre quatre vingt dix -ce qui ne m’empêche pas d’avoir une démarche légèrement hésitante-, un cou imposant et deux épaules conséquentes cachés souvent sous un veston en bison. J’ai la silhouette robuste d’un survivant du front, résistante et solide. C’est le seul présent utile que les combats m’auront apporté. En ce qui concerne les autres… Cicatrices un peu partout, des phalanges éclatées de mains massives et musclées et une aura mélanco-agressive touchant le cœur de ceux qui posent un regard, même un bref, sur moi.
J’ai d’ailleurs la même odeur qu’elle, la guerre : la poudre à canon, l’herbe arrachée par des milliers de semelles folles, la terre devenue boue à cause du ciel enragé qui nous pisse dessus, la sueur physique et mentale. C’est comme si c’était hier. Comme si ça allait être demain. J’ai l’odeur des grandes comme des petites batailles. Elles ont pris tout de mon apparence, tout de moi, sauf une chose. Mon regard. D’un vert malachite glaçant et transperçant. Pire qu’une balle dans le cœur. Malheureusement, il est la seule oasis d’un désert ravagé où sont voisins fossés et gouffres. Des marques traumatisantes autant qu’indélébiles.
Ma barbe ne contribue pas à les cacher, au contraire. Je la trouve elle aussi moche, s’étalant sur au moins le tiers de mon visage, elle me donne quatre ou cinq années de plus. Elle pue la bière et le cigare et elle pique comme une armée de hérissons se sentant attaqués. Les femmes évitent de me faire la bise comme elles évitent les ruelles tard le soir. C’est le vêtement d’une mâchoire carrée qui a l’air d’avoir trop vécu, la nuisette d’une bouche froide qui ne sourit jamais. Et pourtant, je ne la rase pas. La toucher du bout des doigts me fait me rappeler de bons souvenirs comme d’affreux.
En haut, c’est imparfait. Les cheveux, je parle. Des mèches brunes tombent sur ce large front où une cicatrice hideuse a trouvé repos, pour y déposer de la sueur dont j’ignore la provenance. Des fois je me demande même si les mèches m’appartiennent vraiment… Les gouttes passent par le nez, lui grave et sculpté au culot avec des traits grossiers, pour finalement se glisser dans le creux d’une ride et disparaître.
Grand, mon corps s’étale sur presque un mètre quatre vingt dix -ce qui ne m’empêche pas d’avoir une démarche légèrement hésitante-, un cou imposant et deux épaules conséquentes cachés souvent sous un veston en bison. J’ai la silhouette robuste d’un survivant du front, résistante et solide. C’est le seul présent utile que les combats m’auront apporté. En ce qui concerne les autres… Cicatrices un peu partout, des phalanges éclatées de mains massives et musclées et une aura mélanco-agressive touchant le cœur de ceux qui posent un regard, même un bref, sur moi.
Psychologie
Jäak Hadži, l’un des rares hommes arrivant à distancer le temps, bonjour. Ce n’est pourtant pas un privilège. J’ai le syndrome du trop de nostalgie. Et pourtant jamais je ne voudrais revenir en arrière. Mais les images me reviennent, incessantes, le jour, la nuit. Surtout la nuit. Comme si l’épouvante avait passé un contrat avec mon sommeil. Mes souvenirs resurgissent tous les jours, me hantent, m’esquintent, me torturent et tant encore…
Je suis traumatisé. J’ai peur de ce qui se cache au fond des hommes. Et c’est pour ça que j’évite de trop en savoir. J’essaie d’être distant, antipathique par choix pour ne pas retomber dans ce cauchemar qui a noirci des années de mon existence et qui continue aujourd’hui d’assombrir un peu de mon esprit. Hadži, mon nom, signifie « marcher en de lieux saints », il a toujours résonné comme une prophétie au sein de ma famille. On cherche à semer la paix partout où on va et à éradiquer toutes formes de mal quelles qu’elles soient. Et c’est ce que moi aussi, j’essaie de faire. Depuis mes petits jours dans le jardin à pleurer quand je voyais la moindre mauvaise herbe jusqu'à ces temps vieillis dans les villes du tiers-monde à m'indigner de la condition humaine.
Malgré ce que m’inflige le passé, je possède un très grand sens de la justice. J’aiderai toujours l’homme dans le besoin, offrirai toujours la miche de pain et les pièces aux pauvres. Le monde devrait être un endroit apaisant pour tous ses habitants et pourtant il existe encore des hommes qui écraseraient et tueraient n’importe qui pour vivre avec confort. C’est contre ça que je lutte, chaque seconde et souffle de ma vie.
Pourtant, on dit de moi tout le contraire de ce que je suis. Méchant, impassible, sans sentiments. Une image que je m’efforce de garder considérant que les hommes qui exposent leurs bonnes actions sont des vantards qui ne méritent rien. Je pose alors les sourires et les poignées de main pour service rendu dans un brouillard épais qui constitue ma fierté. Et c’est dans celui-ci que je me permets de sourire, pour de rares occasions.
[…]
Je ne pleure pas. […] ris très peu. […]
Je ne donne ma confiance qu’à ceux qui n’ont aucune raison de mentir. Les pauvres sans le sou, les enfants pieds nus, les femmes qui portent de lourds fardeaux. Le monde d’en haut en collants et haut de forme, je lui crache dessus, peu importe le groupe auquel il appartient. J’ai aussi cette haine au fond de moi. A cause des événements passés. Pour les oublier, je me donne sur le terrain comme aucun marine ne le ferait. Tuer ne signifie rien pour moi quand il s’agit d’éliminer une personne qui est susceptible de faire du mal. Et je suis impitoyable, car je vois en eux des gens qui m’ont, à une époque, dégoûtés et déçus.
Je suis traumatisé. J’ai peur de ce qui se cache au fond des hommes. Et c’est pour ça que j’évite de trop en savoir. J’essaie d’être distant, antipathique par choix pour ne pas retomber dans ce cauchemar qui a noirci des années de mon existence et qui continue aujourd’hui d’assombrir un peu de mon esprit. Hadži, mon nom, signifie « marcher en de lieux saints », il a toujours résonné comme une prophétie au sein de ma famille. On cherche à semer la paix partout où on va et à éradiquer toutes formes de mal quelles qu’elles soient. Et c’est ce que moi aussi, j’essaie de faire. Depuis mes petits jours dans le jardin à pleurer quand je voyais la moindre mauvaise herbe jusqu'à ces temps vieillis dans les villes du tiers-monde à m'indigner de la condition humaine.
Malgré ce que m’inflige le passé, je possède un très grand sens de la justice. J’aiderai toujours l’homme dans le besoin, offrirai toujours la miche de pain et les pièces aux pauvres. Le monde devrait être un endroit apaisant pour tous ses habitants et pourtant il existe encore des hommes qui écraseraient et tueraient n’importe qui pour vivre avec confort. C’est contre ça que je lutte, chaque seconde et souffle de ma vie.
Pourtant, on dit de moi tout le contraire de ce que je suis. Méchant, impassible, sans sentiments. Une image que je m’efforce de garder considérant que les hommes qui exposent leurs bonnes actions sont des vantards qui ne méritent rien. Je pose alors les sourires et les poignées de main pour service rendu dans un brouillard épais qui constitue ma fierté. Et c’est dans celui-ci que je me permets de sourire, pour de rares occasions.
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Je ne pleure pas. […] ris très peu. […]
Je ne donne ma confiance qu’à ceux qui n’ont aucune raison de mentir. Les pauvres sans le sou, les enfants pieds nus, les femmes qui portent de lourds fardeaux. Le monde d’en haut en collants et haut de forme, je lui crache dessus, peu importe le groupe auquel il appartient. J’ai aussi cette haine au fond de moi. A cause des événements passés. Pour les oublier, je me donne sur le terrain comme aucun marine ne le ferait. Tuer ne signifie rien pour moi quand il s’agit d’éliminer une personne qui est susceptible de faire du mal. Et je suis impitoyable, car je vois en eux des gens qui m’ont, à une époque, dégoûtés et déçus.
Biographie
Jäak Hadži à Orange il y a presque quarante ans, n’en avait que faire du temps. C’était le bon, à cette époque là. J’ai eu la chance d’avoir une enfance heureuse, ce qui est rare de nos jours il faut l’avouer : de super parents qui n’ont jamais pensé une seule seconde à me battre, une ville prospère sans invasion pirates ou autre chose qui m’aurait promis à un quelconque destin. Si, il y avait bien mon nom et la philosophie de ma famille.
Les Hadži ont toujours été respectés à Orange et dans tout East Blue, connus pour être de bonnes gens, le cœur sur la main et les yeux sur le cœur des autres. J’admirais mon père en particulier. Marine comme son père avant lui, peu importait son grade tant qu’il collectionnait le plus de sourires de personnes qu’il aidait. Quand je me promenais avec lui, il se faisait sans cesse arrêter par le monde qui le remerciait pour diverses raisons. J’ai voulu être comme lui et j’ai suivi ses pas.
[…]
« Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme nous » il disait, soucieux mais toujours souriant.
[…]
Jäak Hadži au QG d’East Blue il y a une vingtaine d’années, était prêt à éclaircir le temps. J’étais une boule de lumière naïve mais vive. Peu importe la tâche que l’on me donnait, je la réalisais le plus vite possible pour passer à l’autre. Je voulais rendre fier mon père et élever son nom encore plus haut qui ne l’était déjà. Et je n’ai pas chômé, j’aurais pu récurer les chiottes avec ma langue si on me l’avait ordonné. J’étais un petit singe qui me battait pour pouvoir… me battre. Patient bien qu’agité, ça a pris du temps pour qu’on m’envoie sur le terrain. Ils disaient qu’ils ne trouveraient personne d’autre pour astiquer le plancher si bien, du coup […]
Je les ai fait taire en enchaînant les arrestations. Et petit Jäak est devenu grand, il se faisait progressivement connaître des ordures, il les méprisait tellement qu’il les humiliait, leur pissait dessus. J’ai eu très honte, je me souviens, quand c’est monté aux oreilles de mon père et qu’il s’est déplacé spécialement pour me donner une leçon devant mes supérieurs. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend. J’ai appris et je me suis fait plus réservé par la suite, faisant le travail quand il fallait le faire, m’arrêtant là où il fallait s’arrêter. J’étais très bon et je suis vite monté en grade. On me confiait des jobs plus risqués. Il me confiait. Il.
Cet homme, c’est Alrik Azhar. Mon supérieur direct pour lequel je vouais une admiration dépassant de loin celle que j’avais pour mon père. Il avait un visage marqué par la victoire, les batailles et l’honneur. Son regard réchauffait les cœurs. Il avait cette barbe poivre sel qu’il laissait pousser volontairement, qui cachait la totalité de son cou. Se tenant toujours droit, sa posture était celle d’un commandant de guerre. Il inspirait la crainte et le respect. Sa veste était recouverte de galions, ses faits d’armes, impressionnants. Il se battait pour la veuve et l’orphelin plus que pour le gouvernement et c’était rare. Il avait les valeurs des Hadži, c’était un deuxième père pour moi.
« Jäak, je sais comme il est important pour toi que les honnêtes citoyens et les pauvres soient protégés des énergumènes. Tu vois, ma femme ne veut pas m’en parler mais il y a un dingue qui la harcèle… j’ai entendu dire qu’il l’a menaçait. Parfois même de mort. Je peux le coincer et le mettre en prison, oui. Mais la famille c’est important. Je le veux mort. Mais ma position… »
J’avais compris. Pour la première fois, je devais aller tuer franchement. Pas de menottes, juste un trou et une pelle. Je l’ai épié le soir même. Il rodait prudemment devant la maison où était logée la femme d’Azhar, rasant les murs. Et quand il allait entrer par la porte de derrière, j’ai bondi froidement derrière lui pour lui briser la nuque.
Suite à ça, j’étais devenu le protégé d’Alrik, il me demandait des « services » que j’exécutais sans broncher, dans l’anonymat le plus total. Dans un brouillard des plus épais […]
Jäak Hadži au QG d’East Blue il y a une quinzaine d’années, presque rattrapé par le temps. Azhar m’avait invité à une réception secrète, en petit comité. On me présentait, les noms des invités étaient connus. C’était de grandes personnes qui ont contribué à amener la paix dans beaucoup de petites îles des Blues. J’étais ravi d’être en leur compagnie. Azhar avait ma confiance. J’avais la sienne. Et ils se sont rassemblés. Discutant. Riant. Complotant. […]
Mon visage s’était décomposé. Ma métamorphose avait commencé. Tout était flou autour de moi, à part leur tête. Des têtes déformées ricanant en pointant un portrait du doigt. Celui d’une petite fille héritière dont le père était mort il y avait peu de temps. La femme de ce dernier avait promis de partager mensuellement des sommes astronomiques au cercle seulement si… la petite fille mourrait […]
Je restais solitaire, à des années lumières de ces monstres. Mais mon esprit lui était bien là, avec eux, autour de cette table.
« On a besoin de toi, p’tit Hadz’. T’es sacré fort pour pas laisser de traces, parâit ! »
« T’auras ta part p’tit Hadz, tous les mois, des millions versés sur ton compte. Y a juste à. »
J’avalais machinalement les paroles. Hochais la tête. Souriais difficilement. Mon âme s’était planquée dans un placard, attendant que tout soit fini pour ressortir. Sauf qu’elle avait beau attendre, la fin ne venait jamais […]
C’était la première désillusion […]
Je les ai tous tués.
Jäak Hadži, à Orange il y a une quinzaine d’années toujours, était comme perdu dans le temps. J’étais rentré à la maison. Auprès du père. Je lui avais tout dit. Il avait fermé les yeux et posé sa grande main sur mon crâne. Dans un soupir, il m’a dit et répété : « Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme nous. Il y a plus d’égoïstes que d’altruistes, plus de voleurs que de marchands, plus de médisants que de bien pensants. J’en suis venu à me dire que c’est le monde du mal et que les Hadži n’avaient rien à y faire. Nous aurons beau planter la graine de la paix, ils viendront la déterrer et pisseront dans le trou. »
J’ai pleuré. Je lui avais demandé si je devais revenir, si je devais quitter la marine.
« Non. Fais toi transférer dans la marine d’élite, au QG du BAN à North Blue, j’ai un ami de confiance là-bas, il t’aidera et tu ne douteras jamais de lui. Cependant, ne te lie plus jamais d’amitié avec tes supérieurs et… protège cette petite fille. »
[…]
Mary me regardait avec sa tête des soirs où elle n’avait vraiment pas envie de dormir. Elle se jouait de moi car je ne résistais jamais quand elle se mettait à faire la moue. Je lui racontais alors une histoire, souvent celle d’un héros protégeant une princesse qui se faisait envier de beaucoup d’hommes méchants et de sorcières. Après beaucoup d’efforts, le héros parvenait toujours à éliminer les méchants et rendre à la princesse sa liberté : une vie sans danger, sans que personne ne pense une seconde à lui faire de mal […]
Je l’ai caché à Orange près de mon père. J’étais sûr qu’elle ne risquerait rien. Elle a beaucoup pleuré mais je lui ai promis de revenir la chercher. Je lui ai même juré. Mais elle a voulu que je lui donne mon petit doigt. Après ça, elle semblait moins effondrée, comme si nous avions signé un contrat officiel devant Dieu. Elle me faisait confiance [...]
J’avais retrouvé goût à mon travail grâce à l’homme dont m’avait parlé mon père : Alexandre Kosma. Intègre et possédant les mêmes valeurs que moi. Très intelligent, sa discrétion m’avait aux premiers abords surpris. Il ne cherchait jamais à se mettre en avant. On a rapidement formé un duo inspirant le respect en interne et la terreur en externe. Mettre hors d’état de nuire des pirates, serrer des menottes, des actions formant un quotidien mouvementé pour lui et pour moi mais en ce temps là je trouvais la vie tout de même agréable. Même si je savais que les vautours du haut de l’organigramme complotaient pour l’argent ou la gloire qu’ils ne méritaient pas sans se soucier des vies innocentes qu’ils allaient ôter. J’en faisais des cauchemars où je me faisais happer par la corruption dans un gouffre où les monstres que j’avais tués me disaient : « T’auras ta part p’tit Hadz, tous les mois, des millions versés sur ton compte. Y a juste à. »
[…] P’tit Hadz. Un jour un camarade avait fait le malheur de m’appeler de cette manière… Il ne l’a plus jamais fait. Personne ne l’a plus jamais fait.
Jäak Hadži, sur les mers de West Blue il y a une dizaine d’années, replongé dans le temps.
Kosma, notre bataillon et moi traquions un équipage pirate sur les mers déchaînées de l’océan de l’Ouest. Nos caravelles étaient habilement déguisées en bateaux commerçants pour gagner du temps quand ils nous repéreront. Sous les ordres du Commandant d’élite Henk nous formions une belle et grosse branche de soldats avec à leur tête un duo rêvant de justice et de paix. Le Commandant Henk était un homme d’honneur comme il se plaisait à le dire et les opérations que l’on menait sous ses ordres se voyaient toujours couronner de succès. Bien qu’il ne cessait de nous mettre en garde sur la possible force de l’ennemi, nous étions confiants ne nous sentant absolument pas en danger.
Seulement voilà. Il a fallu prendre les armes assez rapidement, ils avaient un grand galion sans pavillon et des tonnes de canons. Comme prévu le fait que nous nous soyons déguisés en commerçants nous avait fait gagner du temps. Trente… secondes. Avant que Kosma ne crie.
« COMMANDANT ! CE NE SONT PAS DES PIRATES ! CE SONT DES CONTREBANDIERS ?! »
A ce moment là j’ai senti comme le tonnerre s’abattre sur moi. C’était trop tard. Et ce n’était même pas des contrebandiers. J’ai vu leur visage, des hommes, même des femmes ! Des transporteurs, tout au plus. Des gens exerçant leur métier, défendant leur marchandise.
« DES VOLEURS ! »
Qu’ils criaient. Très peu de temps avant que leurs canons ne nous atteignent et fassent voler en éclat la moitié de la caravelle. Des tonnes de morts, des marines qui pensaient se battre contre des pirates. On a tué des civils innocents pour l’or et les diamants qu’ils transportaient dans leur cale. Manipulés par des pantins qui jouent eux-mêmes avec la vie d’hommes […]
« Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme moi » récitais-je dans ma ville natale. Après le fiasco du galion d’or, j’avais eu le droit à un peu de repos. Mary était contente, j’avais tenu ma promesse. Pourtant il s’en était fallu de peu pour que je ne revienne pas.
Je l’avais aussi raconté à mon père mais cette fois-ci je n’ai pas pleuré. La blessure était bien plus profonde. Elle revenait tous les soirs. Des amis décapités par les boules d’innocents. Des amis qui ne servaient pas la marine mais les citoyens. Trahis par des hommes qui voulaient de l’argent. J’ai accumulé un album entier de cauchemars. Tantôt je rêvais de Tomas, tantôt de Bastian. Je me souviens de leur visage, mimiques, rides… prénom de leur femme. Et Kosma… je ne l’avais pas revu les pieds posés sur terre […]
Je ne racontais plus d’histoire à Mary et elle n’en réclamait plus. Elle ne savait pas mais elle avait compris.
« Je ne t’en voudrais pas si tu arrêtes. Un Hadži n’est pas forcément marine.
- Tu dis ça mais ils l’ont tous été.
- … Je ne t’en voudrais pas si tu arrêtes.
- Ce n’est pas mon intention. Je veux évoluer. Pour donner les ordres. Les bons. Pour éliminer les corrompus et les pourris tout en faisant mon boulot. »
Jäak Hadži, maintenant plus nulle part, marqué par le temps. Années noires. J’ose à peine y penser, et ai du mal à l’écrire. A la fin de mes vacances ils sont venus me chercher. Une section du CP3 allié à une autre du CP5, certainement. Ils voulaient « parler » de ce que j’avais vu et de ce que j’allais « dire. »
J’ai pensé à mon père et à Mary, brièvement, puisqu’un lourd poids est venu s’étendre sur mon crâne et a bien failli me faire taire à jamais. Je me suis réveillé froid, absent de vie, nerveux et inquiet pour mes proches. Un homme caché par les volutes de la fumée de son cigare m’a parlé. « Tu ne diras rien. Car sans la marine ta vie n’aurait aucune saveur. »
J’ai demandé pour ma famille, pour la petite fille. Aucune réponse. Et j’ai été replongé dans le noir à nouveau.
Jäak Hadži, maintenant plus nulle part, haïssant le temps. Années noire-café. Je vois des morts. Plus seulement des marines. Mon père, ma mère, Mary… Je suis suivi et à chaque fois que je parle de, ou pense même à, retourner à Orange, le monde se tait et j’ai l’impression d’être le seul acteur pouvant bouger sur scène. Je pleure tous les jours. A l’intérieur de moi, je pleure. Chaque minute, chaque heure. J’ai peur des gens, j’ai l’impression d’être seul.
C’est là que sa main s’est posée sur mon épaule.
« Des soucis Hadz ? »
Je me souviens encore du sourire qu’il m’avait adressé, joyeux comme à son habitude, ses cheveux blonds dansant sur son front. Alexandre Kosma semblait être imperturbable dans sa gaieté. Comme s’il s’efforçait toujours d’être heureux. Je suppose que c’est le minimum pour un homme qui veut le bien de tous.
« Ils m’ont fait chier mais j’ai dit qu’on bosse mieux ensemble. Un café ?
- Non merci, Kos. Disons que j’aime plus trop voir sa couleur... »
Jäak Hadži, épingle le temps.
Constamment l’impression d’être trompé par les autres, d’être observé et sur écoute, il n’y avait que dans les plus basses rues du monde que je me sentais sauf. J’ai passé ce temps à écouter le tiers-monde, sa tristesse et son malheur, ce temps à essayer d’alléger son fardeau.
J’ai rencontré pourtant une fille qui me semblait avoir été accueillie pour un soir, une semaine ou un mois par la mère Misère, qui a tourné le dos à ma gentillesse. Honaka, je suis parvenu à connaître son nom après m’être fait taper dessus par son elle ravagée par l’alcool. Elle était jeune pourtant. Je me suis senti touché et déçu par moi-même.
« T’es pas mon vieux avec une insigne et un uniforme ! »
C’était vrai mais je sentais que ce n’était pas le marine qui voulait tendre sa main, mais c’était l’homme qui avait besoin d’aide. Après ça, je l’ai surveillé de loin, intervenant au bon moment, jouant avec son mépris mais essayant de gagner sa confiance. Je la voyais tout aussi méfiante que moi je l’étais avec les autres. Touché… et déçu par moi-même, je disais plus haut […]
Voyager m’a fait autant de mal que de bien. Constater que le système était pourri jusqu’à la moelle à des bornes de chez moi m’a mis dans une rage monstre. Je les éventrais, pirates ou faux serviteurs de la loi. Il suffisait de faire un pas dans l’illégalité pour tomber dans mes filets et mourir dedans.
[…]
Pour la première fois j’avais fait la rencontre d’un marine sans volonté de l’être mais sans la prétention de se dire être quelqu’un d‘autre non plus. En l’écoutant je me suis rendu compte qu’il y avait plus de crimes en interne que nulle part ailleurs, mais que ceux-ci étaient contre l’humanité. Laisser un royaume négligé des hommes pour ne pas avoir de problème avec le gouvernement… Pourquoi se dire être défenseur de quoique ce soit ?
[…]
Ce n’est pas une mauvaise personne. Mon pessimisme s’abat sur mes relations avec l’humain. Pourtant à elle je lui portais la même attention qu’à Honaka et à Kosma. Serena Porteflamme, marine régulière aux cheveux de feu et au cœur de braise. J’avais écouté, entendu, compris son histoire et j’avais raconté la mienne. Je m’étais encore ouvert. Ce qui me fascinait le plus, c’était sa foi. Je croyais en La Paix, elle croyait en Dieu. Dieu et La Paix sont intimement semblables. Elle disait.
[…]
Il me semble que pendant une très courte durée, je n’ai plus fait de cauchemars.
[…]
Envoyé un peu partout j’ai eu la chance de faire la connaissance d’un drôle de personnage. Un homme poisson travaillant pour la sécurité d’hommes qui le méprisent. Les pauvres ont beau être dans le besoin, ils ont pour la plupart des propos inhumains envers ceux qui ne leur ressemblent pas. J’ai même eu l’impression qu’il passerait bien une après-midi en compagnie des pires merdes du haut de tableau contre l’extermination de cette « espèce » comme ils l’appellent. J’ai compris à quel point j’étais naïf de me mettre instantanément de leur côté quand il y avait un problème de miche de pain et d’eau.
Cet homme-poisson, Craig Kamina n’avait pas abandonné l’uniforme malgré les attaques qu’il subissait tous les jours, tant sur terre que sur mer. Je n’avais, je crois, jamais croisé quelqu’un avec une détermination aussi forte. Le problème c’est qu’il ne se rendait même pas compte et se renfermait petit à petit.
[…]
Je lui ai fait ouvrir les yeux. Il aurait pu retourner sur son île sous-marine et vivre sans discrimination, servir la paix en sous sol mais c’est sur terre qu’il était. C’était une personne bien. Et maintenant c’est une personne bien, avec les yeux ouverts.
[…]
Encore une fois, pendant une période plus longue que la dernière fois les cauchemars se sont arrêtés. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser à Mary. Je souriais cependant dans mon sommeil, je crois, un jour où l’été nous tapait sur la peau, elle m’avait demandé quel était mon rêve avec ses gros yeux ronds et noisettes, ses bouclettes brunes sur ses énormes joues, les mains pleines de terre et en souriant de toutes ses dents. Elle voulait apprendre à parler aux animaux, elle, et essayait régulièrement avec un chat errant. Et moi je lui ai bêtement répondu :
« Sauver le monde. »
Étonnée, la bouche à demi ouverte et l’expression très sérieuse, elle m’a tendu son petit doigt.
Les Hadži ont toujours été respectés à Orange et dans tout East Blue, connus pour être de bonnes gens, le cœur sur la main et les yeux sur le cœur des autres. J’admirais mon père en particulier. Marine comme son père avant lui, peu importait son grade tant qu’il collectionnait le plus de sourires de personnes qu’il aidait. Quand je me promenais avec lui, il se faisait sans cesse arrêter par le monde qui le remerciait pour diverses raisons. J’ai voulu être comme lui et j’ai suivi ses pas.
[…]
« Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme nous » il disait, soucieux mais toujours souriant.
[…]
Jäak Hadži au QG d’East Blue il y a une vingtaine d’années, était prêt à éclaircir le temps. J’étais une boule de lumière naïve mais vive. Peu importe la tâche que l’on me donnait, je la réalisais le plus vite possible pour passer à l’autre. Je voulais rendre fier mon père et élever son nom encore plus haut qui ne l’était déjà. Et je n’ai pas chômé, j’aurais pu récurer les chiottes avec ma langue si on me l’avait ordonné. J’étais un petit singe qui me battait pour pouvoir… me battre. Patient bien qu’agité, ça a pris du temps pour qu’on m’envoie sur le terrain. Ils disaient qu’ils ne trouveraient personne d’autre pour astiquer le plancher si bien, du coup […]
Je les ai fait taire en enchaînant les arrestations. Et petit Jäak est devenu grand, il se faisait progressivement connaître des ordures, il les méprisait tellement qu’il les humiliait, leur pissait dessus. J’ai eu très honte, je me souviens, quand c’est monté aux oreilles de mon père et qu’il s’est déplacé spécialement pour me donner une leçon devant mes supérieurs. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend. J’ai appris et je me suis fait plus réservé par la suite, faisant le travail quand il fallait le faire, m’arrêtant là où il fallait s’arrêter. J’étais très bon et je suis vite monté en grade. On me confiait des jobs plus risqués. Il me confiait. Il.
Cet homme, c’est Alrik Azhar. Mon supérieur direct pour lequel je vouais une admiration dépassant de loin celle que j’avais pour mon père. Il avait un visage marqué par la victoire, les batailles et l’honneur. Son regard réchauffait les cœurs. Il avait cette barbe poivre sel qu’il laissait pousser volontairement, qui cachait la totalité de son cou. Se tenant toujours droit, sa posture était celle d’un commandant de guerre. Il inspirait la crainte et le respect. Sa veste était recouverte de galions, ses faits d’armes, impressionnants. Il se battait pour la veuve et l’orphelin plus que pour le gouvernement et c’était rare. Il avait les valeurs des Hadži, c’était un deuxième père pour moi.
« Jäak, je sais comme il est important pour toi que les honnêtes citoyens et les pauvres soient protégés des énergumènes. Tu vois, ma femme ne veut pas m’en parler mais il y a un dingue qui la harcèle… j’ai entendu dire qu’il l’a menaçait. Parfois même de mort. Je peux le coincer et le mettre en prison, oui. Mais la famille c’est important. Je le veux mort. Mais ma position… »
J’avais compris. Pour la première fois, je devais aller tuer franchement. Pas de menottes, juste un trou et une pelle. Je l’ai épié le soir même. Il rodait prudemment devant la maison où était logée la femme d’Azhar, rasant les murs. Et quand il allait entrer par la porte de derrière, j’ai bondi froidement derrière lui pour lui briser la nuque.
Suite à ça, j’étais devenu le protégé d’Alrik, il me demandait des « services » que j’exécutais sans broncher, dans l’anonymat le plus total. Dans un brouillard des plus épais […]
Jäak Hadži au QG d’East Blue il y a une quinzaine d’années, presque rattrapé par le temps. Azhar m’avait invité à une réception secrète, en petit comité. On me présentait, les noms des invités étaient connus. C’était de grandes personnes qui ont contribué à amener la paix dans beaucoup de petites îles des Blues. J’étais ravi d’être en leur compagnie. Azhar avait ma confiance. J’avais la sienne. Et ils se sont rassemblés. Discutant. Riant. Complotant. […]
Mon visage s’était décomposé. Ma métamorphose avait commencé. Tout était flou autour de moi, à part leur tête. Des têtes déformées ricanant en pointant un portrait du doigt. Celui d’une petite fille héritière dont le père était mort il y avait peu de temps. La femme de ce dernier avait promis de partager mensuellement des sommes astronomiques au cercle seulement si… la petite fille mourrait […]
Je restais solitaire, à des années lumières de ces monstres. Mais mon esprit lui était bien là, avec eux, autour de cette table.
« On a besoin de toi, p’tit Hadz’. T’es sacré fort pour pas laisser de traces, parâit ! »
« T’auras ta part p’tit Hadz, tous les mois, des millions versés sur ton compte. Y a juste à. »
J’avalais machinalement les paroles. Hochais la tête. Souriais difficilement. Mon âme s’était planquée dans un placard, attendant que tout soit fini pour ressortir. Sauf qu’elle avait beau attendre, la fin ne venait jamais […]
C’était la première désillusion […]
Je les ai tous tués.
Jäak Hadži, à Orange il y a une quinzaine d’années toujours, était comme perdu dans le temps. J’étais rentré à la maison. Auprès du père. Je lui avais tout dit. Il avait fermé les yeux et posé sa grande main sur mon crâne. Dans un soupir, il m’a dit et répété : « Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme nous. Il y a plus d’égoïstes que d’altruistes, plus de voleurs que de marchands, plus de médisants que de bien pensants. J’en suis venu à me dire que c’est le monde du mal et que les Hadži n’avaient rien à y faire. Nous aurons beau planter la graine de la paix, ils viendront la déterrer et pisseront dans le trou. »
J’ai pleuré. Je lui avais demandé si je devais revenir, si je devais quitter la marine.
« Non. Fais toi transférer dans la marine d’élite, au QG du BAN à North Blue, j’ai un ami de confiance là-bas, il t’aidera et tu ne douteras jamais de lui. Cependant, ne te lie plus jamais d’amitié avec tes supérieurs et… protège cette petite fille. »
[…]
Mary me regardait avec sa tête des soirs où elle n’avait vraiment pas envie de dormir. Elle se jouait de moi car je ne résistais jamais quand elle se mettait à faire la moue. Je lui racontais alors une histoire, souvent celle d’un héros protégeant une princesse qui se faisait envier de beaucoup d’hommes méchants et de sorcières. Après beaucoup d’efforts, le héros parvenait toujours à éliminer les méchants et rendre à la princesse sa liberté : une vie sans danger, sans que personne ne pense une seconde à lui faire de mal […]
Je l’ai caché à Orange près de mon père. J’étais sûr qu’elle ne risquerait rien. Elle a beaucoup pleuré mais je lui ai promis de revenir la chercher. Je lui ai même juré. Mais elle a voulu que je lui donne mon petit doigt. Après ça, elle semblait moins effondrée, comme si nous avions signé un contrat officiel devant Dieu. Elle me faisait confiance [...]
J’avais retrouvé goût à mon travail grâce à l’homme dont m’avait parlé mon père : Alexandre Kosma. Intègre et possédant les mêmes valeurs que moi. Très intelligent, sa discrétion m’avait aux premiers abords surpris. Il ne cherchait jamais à se mettre en avant. On a rapidement formé un duo inspirant le respect en interne et la terreur en externe. Mettre hors d’état de nuire des pirates, serrer des menottes, des actions formant un quotidien mouvementé pour lui et pour moi mais en ce temps là je trouvais la vie tout de même agréable. Même si je savais que les vautours du haut de l’organigramme complotaient pour l’argent ou la gloire qu’ils ne méritaient pas sans se soucier des vies innocentes qu’ils allaient ôter. J’en faisais des cauchemars où je me faisais happer par la corruption dans un gouffre où les monstres que j’avais tués me disaient : « T’auras ta part p’tit Hadz, tous les mois, des millions versés sur ton compte. Y a juste à. »
[…] P’tit Hadz. Un jour un camarade avait fait le malheur de m’appeler de cette manière… Il ne l’a plus jamais fait. Personne ne l’a plus jamais fait.
Jäak Hadži, sur les mers de West Blue il y a une dizaine d’années, replongé dans le temps.
Kosma, notre bataillon et moi traquions un équipage pirate sur les mers déchaînées de l’océan de l’Ouest. Nos caravelles étaient habilement déguisées en bateaux commerçants pour gagner du temps quand ils nous repéreront. Sous les ordres du Commandant d’élite Henk nous formions une belle et grosse branche de soldats avec à leur tête un duo rêvant de justice et de paix. Le Commandant Henk était un homme d’honneur comme il se plaisait à le dire et les opérations que l’on menait sous ses ordres se voyaient toujours couronner de succès. Bien qu’il ne cessait de nous mettre en garde sur la possible force de l’ennemi, nous étions confiants ne nous sentant absolument pas en danger.
Seulement voilà. Il a fallu prendre les armes assez rapidement, ils avaient un grand galion sans pavillon et des tonnes de canons. Comme prévu le fait que nous nous soyons déguisés en commerçants nous avait fait gagner du temps. Trente… secondes. Avant que Kosma ne crie.
« COMMANDANT ! CE NE SONT PAS DES PIRATES ! CE SONT DES CONTREBANDIERS ?! »
A ce moment là j’ai senti comme le tonnerre s’abattre sur moi. C’était trop tard. Et ce n’était même pas des contrebandiers. J’ai vu leur visage, des hommes, même des femmes ! Des transporteurs, tout au plus. Des gens exerçant leur métier, défendant leur marchandise.
« DES VOLEURS ! »
Qu’ils criaient. Très peu de temps avant que leurs canons ne nous atteignent et fassent voler en éclat la moitié de la caravelle. Des tonnes de morts, des marines qui pensaient se battre contre des pirates. On a tué des civils innocents pour l’or et les diamants qu’ils transportaient dans leur cale. Manipulés par des pantins qui jouent eux-mêmes avec la vie d’hommes […]
« Le monde ne devrait pas accueillir des gens comme moi » récitais-je dans ma ville natale. Après le fiasco du galion d’or, j’avais eu le droit à un peu de repos. Mary était contente, j’avais tenu ma promesse. Pourtant il s’en était fallu de peu pour que je ne revienne pas.
Je l’avais aussi raconté à mon père mais cette fois-ci je n’ai pas pleuré. La blessure était bien plus profonde. Elle revenait tous les soirs. Des amis décapités par les boules d’innocents. Des amis qui ne servaient pas la marine mais les citoyens. Trahis par des hommes qui voulaient de l’argent. J’ai accumulé un album entier de cauchemars. Tantôt je rêvais de Tomas, tantôt de Bastian. Je me souviens de leur visage, mimiques, rides… prénom de leur femme. Et Kosma… je ne l’avais pas revu les pieds posés sur terre […]
Je ne racontais plus d’histoire à Mary et elle n’en réclamait plus. Elle ne savait pas mais elle avait compris.
« Je ne t’en voudrais pas si tu arrêtes. Un Hadži n’est pas forcément marine.
- Tu dis ça mais ils l’ont tous été.
- … Je ne t’en voudrais pas si tu arrêtes.
- Ce n’est pas mon intention. Je veux évoluer. Pour donner les ordres. Les bons. Pour éliminer les corrompus et les pourris tout en faisant mon boulot. »
Jäak Hadži, maintenant plus nulle part, marqué par le temps. Années noires. J’ose à peine y penser, et ai du mal à l’écrire. A la fin de mes vacances ils sont venus me chercher. Une section du CP3 allié à une autre du CP5, certainement. Ils voulaient « parler » de ce que j’avais vu et de ce que j’allais « dire. »
J’ai pensé à mon père et à Mary, brièvement, puisqu’un lourd poids est venu s’étendre sur mon crâne et a bien failli me faire taire à jamais. Je me suis réveillé froid, absent de vie, nerveux et inquiet pour mes proches. Un homme caché par les volutes de la fumée de son cigare m’a parlé. « Tu ne diras rien. Car sans la marine ta vie n’aurait aucune saveur. »
J’ai demandé pour ma famille, pour la petite fille. Aucune réponse. Et j’ai été replongé dans le noir à nouveau.
Jäak Hadži, maintenant plus nulle part, haïssant le temps. Années noire-café. Je vois des morts. Plus seulement des marines. Mon père, ma mère, Mary… Je suis suivi et à chaque fois que je parle de, ou pense même à, retourner à Orange, le monde se tait et j’ai l’impression d’être le seul acteur pouvant bouger sur scène. Je pleure tous les jours. A l’intérieur de moi, je pleure. Chaque minute, chaque heure. J’ai peur des gens, j’ai l’impression d’être seul.
C’est là que sa main s’est posée sur mon épaule.
« Des soucis Hadz ? »
Je me souviens encore du sourire qu’il m’avait adressé, joyeux comme à son habitude, ses cheveux blonds dansant sur son front. Alexandre Kosma semblait être imperturbable dans sa gaieté. Comme s’il s’efforçait toujours d’être heureux. Je suppose que c’est le minimum pour un homme qui veut le bien de tous.
« Ils m’ont fait chier mais j’ai dit qu’on bosse mieux ensemble. Un café ?
- Non merci, Kos. Disons que j’aime plus trop voir sa couleur... »
Jäak Hadži, épingle le temps.
Constamment l’impression d’être trompé par les autres, d’être observé et sur écoute, il n’y avait que dans les plus basses rues du monde que je me sentais sauf. J’ai passé ce temps à écouter le tiers-monde, sa tristesse et son malheur, ce temps à essayer d’alléger son fardeau.
J’ai rencontré pourtant une fille qui me semblait avoir été accueillie pour un soir, une semaine ou un mois par la mère Misère, qui a tourné le dos à ma gentillesse. Honaka, je suis parvenu à connaître son nom après m’être fait taper dessus par son elle ravagée par l’alcool. Elle était jeune pourtant. Je me suis senti touché et déçu par moi-même.
« T’es pas mon vieux avec une insigne et un uniforme ! »
C’était vrai mais je sentais que ce n’était pas le marine qui voulait tendre sa main, mais c’était l’homme qui avait besoin d’aide. Après ça, je l’ai surveillé de loin, intervenant au bon moment, jouant avec son mépris mais essayant de gagner sa confiance. Je la voyais tout aussi méfiante que moi je l’étais avec les autres. Touché… et déçu par moi-même, je disais plus haut […]
Voyager m’a fait autant de mal que de bien. Constater que le système était pourri jusqu’à la moelle à des bornes de chez moi m’a mis dans une rage monstre. Je les éventrais, pirates ou faux serviteurs de la loi. Il suffisait de faire un pas dans l’illégalité pour tomber dans mes filets et mourir dedans.
[…]
Pour la première fois j’avais fait la rencontre d’un marine sans volonté de l’être mais sans la prétention de se dire être quelqu’un d‘autre non plus. En l’écoutant je me suis rendu compte qu’il y avait plus de crimes en interne que nulle part ailleurs, mais que ceux-ci étaient contre l’humanité. Laisser un royaume négligé des hommes pour ne pas avoir de problème avec le gouvernement… Pourquoi se dire être défenseur de quoique ce soit ?
[…]
Ce n’est pas une mauvaise personne. Mon pessimisme s’abat sur mes relations avec l’humain. Pourtant à elle je lui portais la même attention qu’à Honaka et à Kosma. Serena Porteflamme, marine régulière aux cheveux de feu et au cœur de braise. J’avais écouté, entendu, compris son histoire et j’avais raconté la mienne. Je m’étais encore ouvert. Ce qui me fascinait le plus, c’était sa foi. Je croyais en La Paix, elle croyait en Dieu. Dieu et La Paix sont intimement semblables. Elle disait.
[…]
Il me semble que pendant une très courte durée, je n’ai plus fait de cauchemars.
[…]
Envoyé un peu partout j’ai eu la chance de faire la connaissance d’un drôle de personnage. Un homme poisson travaillant pour la sécurité d’hommes qui le méprisent. Les pauvres ont beau être dans le besoin, ils ont pour la plupart des propos inhumains envers ceux qui ne leur ressemblent pas. J’ai même eu l’impression qu’il passerait bien une après-midi en compagnie des pires merdes du haut de tableau contre l’extermination de cette « espèce » comme ils l’appellent. J’ai compris à quel point j’étais naïf de me mettre instantanément de leur côté quand il y avait un problème de miche de pain et d’eau.
Cet homme-poisson, Craig Kamina n’avait pas abandonné l’uniforme malgré les attaques qu’il subissait tous les jours, tant sur terre que sur mer. Je n’avais, je crois, jamais croisé quelqu’un avec une détermination aussi forte. Le problème c’est qu’il ne se rendait même pas compte et se renfermait petit à petit.
[…]
Je lui ai fait ouvrir les yeux. Il aurait pu retourner sur son île sous-marine et vivre sans discrimination, servir la paix en sous sol mais c’est sur terre qu’il était. C’était une personne bien. Et maintenant c’est une personne bien, avec les yeux ouverts.
[…]
Encore une fois, pendant une période plus longue que la dernière fois les cauchemars se sont arrêtés. Mais je ne pouvais m’empêcher de penser à Mary. Je souriais cependant dans mon sommeil, je crois, un jour où l’été nous tapait sur la peau, elle m’avait demandé quel était mon rêve avec ses gros yeux ronds et noisettes, ses bouclettes brunes sur ses énormes joues, les mains pleines de terre et en souriant de toutes ses dents. Elle voulait apprendre à parler aux animaux, elle, et essayait régulièrement avec un chat errant. Et moi je lui ai bêtement répondu :
« Sauver le monde. »
Étonnée, la bouche à demi ouverte et l’expression très sérieuse, elle m’a tendu son petit doigt.
- Post Scriptum:
* Je tiens à préciser que la biographie est une écriture de cahier, Jäak écrit sur un carnet donc le style est volontairement sec et insipide. Ça changera donc pour le Test RP !
* Je trouve la biographie trop longue…je suis désolé cependant je ne pense pas qu’il y ait un événement moins important que l’autre. (si oui, n’hésitez pas à le dire)
* Merci beaucoup d’avoir lu les langoustes!
Test RP
«TRICHOTILLOMANIE & CO»
Il n’existe pas pire que de ne pas avoir conscience de ce que l’on fait. Pas pire que d’être dégoûté par nous-mêmes à cause de quelque chose qui nous possède jusqu’à faire partie de nous. C’est comme être bloqué dans des envies qui ne sont pas les nôtres... Et il n'est pas pire que de devoir l’accepter, les accepter. Pas pire que de devoir vivre avec.
La première fois que je l’ai vu, elle était de dos. Elle regardait le crépuscule enchanté. Le ciel est le plus grand et le seul magicien du monde. Je ne la connaissais pas. Mais je l’avais rencontré auparavant. Elle apparaissait comme une envie, au fond, qui grandissait au fil des ans. Œuf pourri au début, le temps passait et la moisissure disparaissait. Elle prenait le contrôle de l’âme, de l’esprit et du cerveau.
Elle était assise là et bien que je ne voyais pas son visage, sa mélancolie me transperçait le cœur. Je pensais être aussi triste qu’elle mais je n’imaginais pas à quel point son fardeau était lourd. Bien plus lourd que le monde et les pêchés des gens. Je voulais la lui enlever, la lui arracher et la rendre enfin heureuse. En paix. Qu’elle puisse me montrer son visage.
L’idée m’obsédait de plus en plus, à mesure que je m’approchais d’elle pour exploser dans ma tête quand je fus violemment arrêté par un mur. Inatteignable. J’étais condamné à être derrière elle. A la regarder souffrir en silence, à écouter ses larmes couler.
Je voulais la lui arracher. Mais j’ai échoué.
***
La nuit faisait peur, mais les souvenirs eux étaient pires que tout. Je venais de me remémorer une de ces affaires que je ne parviendrai jamais à oublier, sombre et gagnant du terrain sur ma raison. Noire, plus noire que la nuit. J’étais au pied de la porte d’une échoppe. Je les entendais rire et chanter tous ensemble. Seulement une fois partis, ils semblaient marmonner en me voyant. Tous semblaient savoir ce que j’avais fait. Comme si c’était écrit sur mon front, cloué dans mes yeux, ancré dans mes mains. Ils me fuyaient et s’offusquaient, pressés de rentrer chez eux.
J’étais pâle, malade et atteint. Doucement mes jambes perdaient appuis. Le dos sur le mur, la tête sur les genoux, j’étais lamentablement seul. Et j’y repensais.
Arrête ! Arrête tout de suite !!
Bon sang pourquoi tu fais ça ?!
...
Je t’ai dit que j’allais t’aider, fais moi confiance et arrête !
Rien n’y faisait. On ne pouvait décemment pas combattre contre ça. Même avec toute la volonté du monde. Elle y était totalement soumise. Et plus elle se retenait, plus les dégâts étaient désastreux.
J’y arrive pas. J’ai besoin de le faire !
Je veux pas le faire ! Mais j’en ai besoin !
Laisse moi !!!
J’en tremblais encore. Ça lui faisait mal physiquement et mentalement. Ça lui faisait mal de me voir toujours à ses côtés. Elle pensait certainement qu’elle me dégoûtait. Pas du tout. J’avais un mal semblable en moi. Bien plus odieux. Je suppose.
***
Le monde se vidait : les enfants dans leur chambre, les clochards dans leur carton, les putes dans leur bordel. Et il y avait des gens comme moi qui ne savaient pas où aller. Les gens savaient qu’ils étaient en sécurité là où ils avaient choisi de vivre. Moi, peu importe l’endroit, les cauchemars me pourchassaient. Je détestais la voir soulager après l’avoir fait. Je détestais la voir se sentir coupable après l’avoir fait. Et pourtant, c’était soit l’un soit l’autre.
Je savais qu’il lui fallait être stressée pour que cela arrive. Alors je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour qu’elle ne le soit pas ! Mais ça arrivait. Je me détestais. Et je détestais ce qu’il y avait en elle. Je voulais la guérir ! Je voulais qu’elle me montre son visage. Mais plus je me sentais concernée, plus elle s’éloignait jusqu’à un jour totalement disparaître. J’ai échoué. Et c’était ma faute.
Le monde se vidait et seuls ceux qui ne pouvaient pas oublier subsistaient. Dans les boulevards, les pavés étaient remplis des tristes pas de grands dépressifs. Cette nuit là il y avait lui et moi. Deux personnes ne pouvant pas oublier. Et doucement, la nuit le portait dans mon dos. Je sursautais quand sa main squelettique essaya de briser mon épaule. Son visage bien que malingre et laid ne me trompa pas sur son identité. Je savais exactement qui il était et je savais ce qu’il voulait. Justice.
« JÄAK HADZI TU N’ES QU’UNE PUTE. LA PUTAIN D’ALRIK. RAMENE LA MOI ! JE VEUX SENTIR SA PRÉSENCE ET SON ÂME.»
J'étais responsable d'une chose. Mais pas de la perte de son âme. Elle, elle s'était déjà fait la malle bien avant que j'arrive.
***
1609, East Blue. QG de la Marine. Bureau d’Alrik Azhar.
Azhar, ce jour là semblait vraiment dans tous ses états. Ses mains tremblaient et ce n’était pas à cause du café. En me voyant arriver, j’ai senti tout de suite un soupir de soulagement. Son regard était plus serein, mais ça signifiait tout de même que ce qui allait arriver ne serait ni pour lui ni pour moi une partie de plaisir.
« Fiston… Merci d’avoir fait si vite !
- Vous avez besoin de quelque chose ?
- J’en ai bien peur. Un riche ami de South Blue rencontre quelques problèmes avec sa fille, Bei. Quelques problèmes… C’est peu dire. Il semblerait qu’elle soit malade et les médecins ne savent pas comment la soigner...
Il passait ses doigts sur son front trempé de sueur, se grattait la tête, et enlevait sa veste.
-… il est allé voir tout un tas de personnes. Même des sorcières, le pauvre. Il a perdu d’ailleurs beaucoup d’argent. Mais la semaine dernière, il a rencontré une sorte de gourou, prophète ou je ne sais quoi. Après ça, il n’a pas arrêté de me dire qu’il n’y avait que moi qui pouvais lui venir en aide. Sa fille a besoin de compagnie. J’ai pensé à toi.
- Qu’est-ce que je viens faire dans l’histoire ?
- Rien. Mais je lui avais parlé de toi auparavant, en donnant ton nom de famille.
- Ah…
- Il dit que seul un homme profondément bon pourrait guérir sa fille. Je sais très bien que ce n’est pas dans tes cordes mais vas-y, pour qu’il s’en rende compte par lui-même. Je suis vraiment désolé. »
***
Il avait la même expression que quand je l’ai vu pour la première fois. Cloué quelque part dans le temps, ce quelque part où elle était là, sans « ça », sans la détresse qui criait en elle, qui demandait pourquoi, qui s’excusait auprès de qui ? et pour quoi ? Il accusait tout le monde, peu importe que ce fut matériel ou immatériel.
***
1609, South Blue.
Leur résidence était plus grande que mon village. Il était seul et m’attendait au portail. Il avait l’air grave, pressé et extrêmement désolé. Sans grands mots, il m’accompagnait à l’intérieur. Il était peintre, ses œuvres tapissaient toute la maison. Mais à mesure que l'on marchait, elles devenaient de plus en plus incompréhensibles, avec moins de couleur. Puis jusqu’à la chambre de sa fille.
Elle était penchée à la fenêtre et Dieu sait ce qu’elle regardait et ce à quoi elle pensait. La fin d’après midi ? Les rayons pénétraient à sa gauche pour éclairer même pas un quart de la chambre. J’entendais la porte se refermer derrière moi. Son père était parti. Et j’étais là, à la regarder. Elle avait une robe courte et blanche, orangée par le soleil. Elle ne semblait pas vouloir se retourner. Je marchais silencieusement vers elle. Mais enfin, je remarquais le sol.
Des cheveux. Partout.
« Ça va faire 10 ans. » qu’elle a dit. C’est comme ça que ça a commencé…
Elle s’arrachait les cheveux. C’était « ça ». Elle avait eu une enfance heureuse, pourtant. Et puis c’est arrivé pour la première fois à ses douze ans. Et ça ne l’a plus jamais quitté. Petit à petit, elle perdait des amis et gagnait le cœur de la solitude. Il y a bien des garçons qui lui ont tenu compagnie, jusqu’à ce qu’elle apprenne qu’ils étaient plus intéressés qu’amoureux. Elle a supposé que j’étais l’un d’eux, les premières semaines.
Bei, c’est comme ça qu’elle s’était appelée. Elle avait bien eu un autre nom mais depuis que sa maladie l’habitait, elle se considérait comme une autre personne. Bei ? ça veut dire « Dos », en chinois. J’ai rarement vu son visage. Elle avait peur de lui, que les gens le voient. Elle me parlait sans mal de son trouble inconnu mais elle le détestait. Je ne m’y attardais jamais trop, de peur qu’elle fasse une crise puis que ça recommence. Et pourtant j’ai été témoin de nombreuses de ses « chutes ».
Le temps passait et ça se faisait plus rare. J’avais nettoyé le sol, je lui faisais des tresses, et je regardais le ciel avec elle. A la fenêtre. Ces jours-ci elle tournait sa tête, je le sentais mais je me faisais mine de ne pas y faire attention. Comme pour respecter son choix.
Son père, lui avait repris des couleurs. Il rentrait, lui laissait son repas et travaillait. Il était peintre. Il la dessinait toujours, elle posait bien évidemment de dos. C’était les plus jolis dessins que j’avais eu l’occasion de voir. J’étais en admiration, pire, je sentais un brin d’amour fleurir en moi.
Elle était du genre à rire pour n'importe quoi. Et pour cause, j'ai un très mauvais sens de l'humour. On allait se promener, j'adorais la voir sortir. Elle ne mettait jamais de pantalon, elle disait qu'elle préférait quand l'air passait, qu'elle préférait que ses vêtements flottent. A elle, je sentais que son âme était sortie du placard. On traînait partout, elle aimait être en hauteur, voir le monde. On allait sur de grands rochers, on se cachait dans les champs de blé.
Il y en avait un où on allait tous les jours jouer, comme des enfants. Elle adorait me tenir la main sans me voir. Les brins faisaient sa taille. Elle s'arrêtait un moment et me demandait de regarder le ciel. Voir que la terre tournait, que les nuages bougeaient... On trouvait ça merveilleux. Je sentais une de ses mains sur mon cou. Puis les deux. Elles remontaient jusqu'à ma nuque pour que ma tête se penche. « Tu pourrais m’aider quand même. » qu'elle avait dit. Avant de m'embrasser.
On est resté là jusqu'à ce qu'il n'y ait plus du tout de nuages et qu'on puisse voir les étoiles. La plus lumineuse était une planète, Vénus. Au lieu de l'appeler celle du Berger, elle lui donna mon nom. Elle me disait qu'elle aimerait porter mon nom car elle aimerait marcher en de lieux saints. Des lieux où elle pourrait oublier sa maladie. J'étais heureux et apaisé. Je l'aimais. Mais...
« Vous allez rester ici ?
- Je crois bien que je ne peux pas. Azhar m’a envoyé une missive. Il va falloir que je rentre. Cependant je n’ai pas le courage de l’annoncer à Bei.
- Elle vous aime réellement… ce sera difficile pour elle mais j’espère qu’elle s’en remettra… »
Ce soir là elle avait la même robe que le jour où je l’ai rencontré, elle était descendue et ses cheveux étaient longs. Son visage était magnifique mais son regard horrifié gâchait tout.
« Tu pars ?! Comment… Comment est-ce que je vais faire… »
Elle s’est mise soudainement à trembler. Une crise comme je n’en avais jamais vu. Instinctivement, elle mettait ses mains sur sa tête.
« Arrête ! Arrête tout de suite !!
- J’y arrive pas… J’ai besoin de le faire !
- Bon sang pourquoi tu fais ça ?!
- Je veux pas le faire ! Mais j’en ai besoin !
- Je t’ai dit que j’allais t’aider. Fais-moi confiance et arrête !
- Laisse-moi !!! »
Rapidement, elle montait les escaliers pour s’enfermer dans sa chambre. Le lendemain elle n’avait absolument plus rien sur la tête. Ils étaient si longs… Elle était à la fenêtre, de dos. Dieu seul sait ce qu'elle regardait mais j'en avais une petite idée. Rien du tout. Elle pleurait en silence, comme moi aussi je le faisais. Cette fois-ci, elle ne m'a pas parlé. Elle ne m'a plus parlé.
« Je t’aime. » et je fermais la porte.
J’ai fini par partir. J'étais passé avant dans le champs, à côté d'une rivière que l'on aimait bien et sur une colline où on voyait la ville entière. J’ai appris d’Azhar que peu de temps après mon départ elle avait disparu. Je suis retourné sur place pour la chercher mais elle était introuvable. Son père, de nouveau en dépression ne sortait plus de chez lui. J’ai croisé son regard, à la fenêtre de Bei… Il me fixait comme s’il était prêt à tuer tous mes proches et moi-même, me mettant la disparition de sa fille entièrement sur le dos. J’en ai fait des cauchemars… Je crois bien que j’étais réellement amoureux d’elle. Et elle avait tort de cacher son visage. Elle avait une peau fraise et des yeux noisette à croquer. Elle regardait, triste, la vie et tournait le dos à la sienne. Elle donnait envie de la serrer dans ses bras et de lui dire que tout irait bien. J’aurais peut-être dû lui dire ?
***
Ses deux mains froides encerclaient mon cou à présent. Je ne disais rien, je repensais à elle, prêt à me laisser emporter par la mort. J'avais échoué. Je ne lui avais pas totalement retiré. Je sentais l’étreinte se faire plus forte, coupant l'intégralité de mon souffle quand subitement je me mis à pleurer. J’étais dix millions de fois plus triste que lui. Ma respiration était redevenue normale quand il s’asseyait à côté de moi, dans la même position et avec le même chagrin au fond de lui.
Nous n’avions pas échangé de mots ni même de pensées. Juste des sanglots et des prières. Qu’elle soit dans un endroit où on l’accepterait, qu’elle nous revienne et qu’on regarde le ciel ensemble, comme avant.
Le monde se vidait entièrement, il y avait un endroit où nous trouvions repos : l'espérance. La nuit par contre, elle, se faisait plus froide.
« Bruns.
- Quoi ?
- Ses cheveux, ils sont bruns. Et c’est les plus beaux que j’ai jamais vu. »
Dernière édition par Jäak Hadži le Jeu 7 Aoû 2014 - 21:28, édité 7 fois