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Si jeunes et déjà si paumés

Ils sont où ? Ils sont où ?

Non ! Rester calme. Ils doivent pas être partis loin. J'aurais pas du. J'aurais pas du rester tout derrière, derrière la troupe. Perdu de vue les autres matelots, j'étais trop à la traîne. Et maintenant, seul rivé dans la boue sèche, isolé et enlisé dans c'marais fréquenté par des loubards, des assassins et des malades. Déambulant aussi vite que j'peux à travers cet affreux dédale de bois pourri et d'crasse, harcelé par des spectres sanguinolents. Ouais, du sang ! Ça sent l'sang, partout. La sève de c'coin maudit ! Et le fruit des rapines et du crimes, j'le goûte à chaque coin d'rue ! La moindre particule de sang déclenche un incendie dévoreur de chair au plus profond d'mes sinus.

Ils sont où ? J'suis sur l'point d'me pisser dessus. Au fumet d'poisson crado, et à la fange odorante et son violent arrière goût d'sang, j'm'apprête à ajouter mon urine de poiscaille paumé et pétrifié qu'a perdu son banc. Ils sont où ? Les collègues ? Vous êtes où ?

... en circulant, ma peur s'pare d'une teinte de honte. Ils me matent tous comme s'ils voulaient me bouffer. Les humains... Même pas deux mois ! Ça fait à peine deux mois qu'on a fugué, Tark et moi... Pourtant, on dirait qu'ils me connaissent déjà tous... qu'ils me détestent déjà tous, sans que j'saisisse bien pourquoi...

Enfonçant ma casquette sur mon crâne comme un casque sur lequel ricocherait les mauvais regards, j'regrette de pas pouvoir m'fondre dans l'ombre d'mon frangin, qui m'extirperait d'cette honte dans laquelle j'm'enfonce, tandis qu'une trouille muette de c'qui pourrait m'poignarder dans l'aileron germe en moi comme une mauvaise herbe. Honte de c'que j'suis ? J'ai l'habitude. J'suis mauvais, ridicule, suiveur, j'existe que grâce à ta persévérance, Tark. Tu t'es attaché à ton petit frère docile, malingre et fragile, anomalie d'sa race de guerriers fiers et prédateurs, t'essayes d'en faire quelqu'un d'bien. Mais j'ai à chaque pas un peu plus peur de t'décevoir. J'presse toujours plus le rythme, en même temps qu'les battements d'mon coeur dopé par la peur s'font plus fous et plus sourds.

Car j'ai pas encore digéré cette nouvelle gêne, cette extension du dégoût de moi-même que j'ressens quand j'viens à m'comparer aux autres. Cette nouvelle panique qui m'vole les tripes. Ouais, avoir une tête de requin. Au milieu d'tout ces humains, qui s'ressemblent tous. Peaux roses ou brunes, cheveux courts ou ébouriffés, mais tous, tous, les mêmes regards perçants et méprisants qui m'percutent pendant que j'déambule dans la rue ! Essayant d'me faire tout p'tit. Autant qu'possible. Mais j'ai la sensation d'être un rat dans la cale d'un navire. Humble, pathétique, minuscule, mais on remarque que moi, alors que j'cherche simplement un refuge. Et entre deux bousculades, des dents pourries s'affichent parfois, les bouches rieuses se déploient et en sortent des boulets verbaux. Ravageant l'peu de dignité qu'Tark m'avait incité à construire, ces fondations d'la justice que j'pensais qu'on cherchait...

Mais l'impression d'être haï par des gens que j'connais même pas m'lacère l'âme. Ma contenance fuit d'toute part, et j'sens que j'pourrai bientôt plus retenir mes larmes. Alors, je décide... de rentrer. A la base. Premier demi-tour sur l'chemin traître de la vie... J'gage que ça sera pas l'dernier. Demi-tour en plein milieu d'la rue, les idées noires nourrissant mon angoisse et parasitant mes convictions. Retourner à la base. M'réfugier auprès d'mon frère, grand prêtre d'mon sanctuaire de volupté et de douceur. M'confier à lui, lâcher prise alors qu'j'ai même pas commencé à grimper l'affreuse montagne abrupte qui nous attend. J'en peux plus, Tark, j'sais que tu pigeras ! J'suis pas monté à la surface pour avoir à subir ça aussi vite, aussi cru, aussi brut. T'avais pas dis qu'on deviendrait des justiciers ? Alors pourquoi ? On est des pestiférés... Alors qu'on a rien fait ? Pourquoi ?

J'rejoins enfin l'artère principale. J'serre fort des crocs. J'y suis presque, c'est tout au bout. On voit les drapeaux des mouettes d'ici.
Mon bras fissuré par l'stress percute encore quelqu'un d'autre. Une dame, qu'a encore fait exprès d'me bousculer, j'suis sûr ! J'relève ma casquette dans un réflexe pour observer qui elle est. Elle est jeune. Si jeune. Et elle me déteste déjà ? Mais j'ai fais quoi ? Mon seul délit, c'aurait été d'être né avec des branchies ? Ou c'est ma mâchoire qui les effarouche tous ? J'l'ai pas choisie, elle non plus ! Mon regard qui les offusque ? Les mirettes bleutées globuleuses d'un squale monté sur pattes ? Présenté comme ça, j'suis effectivement un monstre, au milieu d'tout ces drôles de cochons bipèdes roses sans griffes, sans crocs, mais dotés d'une sacrée hargne et haine de l'inconnu, contrairement à moi...

J'me suis arrêté, figé en plein milieu de l'avenue comme si l'temps lui-même désirait m'contempler et m'railler.
Tâter furtivement la poche de mon blanc blouson m'fait prendre conscience que j'ai perdu mon porte-feuille. Avec tout c'qui fallait dedans pour m'identifier à l'entrée d'la base. J'vais encore être la risée du régiment. Ils vont m'faire poireauter, ou m'demander d'raquer pour rigoler, ces crapules. Puis Tark va débarquer, les harponner d'ses mots les plus méchants, voire les cogner rageusement, puis s'prendre un blâme, à cause de moi, à cause de mes conneries. J'aperçois bien la situation d'ici. Elle s'profile comme un mur que j'peux pas éviter.

Et j'aperçois également la fille de tout à l'heure, là-bas. Dans ses paluches s'mue mon porte-feuille. Le soleil se reflète dans mon petit porte-clé kitsh pirates du soleil, luisant d'un bleu rassurant. Alors j'le reconnaîtrais d'loin, d'très loin, ce précieux souvenir. Et j'comprends aussitôt. Elle me l'a volé. Flagrant délit... J'dois agir...
Ça y est. J'craque. Réunissant le pseudo-courage du défenseur d'la justice que j'devrais être, j'm'avance vers elle, mes pas lourds claquant dans les flaques répandues par les giboulées d'l'automne, faisant comme raisonner l'sol lui-même sous l'écho d'ma détermination. Et parvenu au niveau d'la donzelle, j'lui adresse une injonction claire et implacable :

D-Dites... Vous m'le rendez ? S'il vous plaît ?

Elle est musclée, pour son âge...
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J’sens tous mes muscles se tendre quand sa voix retentit. Un ton timide et pas très assuré. J’aurais pu le manger tout cru. Mais pour l’heure, y’a que la peur qui tambourine dans ma poitrine et ce portefeuille qui me brûle les mains de honte. Rempli de billets sûrement. Billets qui vont m’permettre d’acheter de la gnôle. Gnôle que je descendrai aussi sec dans mon gosier ce soir. Que j’aurais pu descendre aussi sec ce soir. Il m’a vu. Il m’interpelle. Et j’sais pas quoi faire.

Tous ces regards qui s’fixent sur moi, désapprouvants ou méprisants. Ouais, même dans la cité des voleurs, les pickpockets qui n’ont pas de panache sont en bas de la pyramide. Soit t’as le talent d’être une p’tite frappe, soit tu l’as pas. C’qui est certain, c’est qu’mis à part un Marine qui passe par là, personne viendrait l’aider. C’est comme ça à Las Camp. Chacun sa merde et on est tous contents de pas tremper dans plus. La panique m’sert un peu plus le palpitant. Ça tape, ça bondit fort, ça s’affole. Et j’peux que bafouiller moi aussi.

-Ha… N-nan, putain, c’tait pas prévu ça !

Des jurons, c’est tout ce qui sort de ma gorge. J’vomis ma propre merde d’une manière tout aussi répugnante. J’suis dans le dénis. Un putain de dénis, ouais. J’me fais croire à moi-même qu’j’suis forte et assurée, qu’jamais ma barque ne coulera, mais c’la première fois que je vole pour pouvoir manger et m’torcher la figure.

La seule chose que je voulais, c’était m’éviter une nouvelle soirée sans boire ni manger. J’ai pas trouvé de boulot. Personne n’a voulu m’embaucher. J’ai foutu le bordel dans tous les coins où j’ai gagné mon pain, miette par miette. J’aurais pu faire la catin. J’aurais pu écarter les cuisses pour les messieurs qui s’saoulent encore mieux la gueule que moi, mais j’crois qu’mon honneur l’aurait pas supporté.

Cinq jours que j’ai pas cassé la croûte, que j’erre dans les rues, espérant trouver une bouteille plus ou moins pleine, abandonnée là par un ivrogne trop saoul pour se rappeler qu’il avait encore soif. Boire, ça permet d’oublier pleins de choses. Et m’gorger le foie d’poison, c’tait pas si mal. Puis, il est arrivé un moment où mon porte-monnaie a fini vide. Sans rien à m’mettre sous la dent, j’ai tous les nerfs à vifs et la tête qui balance. J’ai rien dormi l’autre soir.

J’me serais jamais crue capable de ça. Ouais, de ça. D’ranger le costume de samouraï, d’s’habiller discret avec un jean et un pull noir pour paraître plus normale, s’fondre dans la masse, s’accorder à ce qu’ils veulent tous voir de moi. De courber l’échine alors que j’observe la foule. Je cherche une proie, mon œil s’arrête sur tout ce qu’il croise. S’approcher d’un type, l’bousculer et lui piquer son portefeuille.
J’me suis toujours dit qu’j’arriverais  à tenir tête face à Las Camp la grande. Las Camp, la maison des fripouilles et des canailles. Las Camp, repaire et taudis de la pire engeance du monde. J’me suis toujours dit que j’en ferais pas partie et qu’j’y arriverais. Mais elle m’a eue au final. L’a suffit que je succombe à mes plus noirs désirs. Et voilà. Le pas vers un premier extrême sauté. Ça s’ra quoi l’prochain ? Y’a deux ans, j’ai frappé une femme innocente sans faire exprès. La prochaine fois, j’la tuerais, c’est ça ? La prochaine fois, j’irais voler une banque ou piller un royaume entier ? Hein, c’est ça que le destin a prévu pour moi ?

J’me sens cernée. J’suis désespérée. J’ai les jambes et les mains qui tremblent. Tous ces regards me brûlent la peau comme un acide coulerait sur mes joues. J’devrais lui rendre, lui demander pardon en baissant la tête et partir aussi vite que possible pour aller me cacher. Putain, j’ai la trouille. J’serais en tenue d’samouraï, j’serais pas aussi timorée. J’saurais préserver mon honneur un minimum.

Mais je craque, je craque, je craque, bordel. J’me sens salie par des désirs, des convoitises que j’aurais jamais dû ressentir avant. J’aurais pu faire quelque chose pour éviter ça. L’alcool, la dépendance, puis la dépravation. Mais ça tourne, c’est sans fin, c’est la spirale, le gouffre qui t’aspire dans un truc dont tu sors jamais. C’était un verre au début. Puis deux. Et trois. Quatre, cinq, six, sept… J’les compte plus maintenant. J’additionne les bouteilles. Toujours plus.

-Désolée gars, faut que je boive, j’en peux plus.

J’ose pas regarder le gars. J’crois qu’j’ai même pas essayé de voir son visage, tant l’appréhension et la honte de faire un tel truc me rongeaient déjà.  J’ai le cœur qui palpite à tout rompre, même les cordes qui impulsent ce mouvement à mon hémoglobine. J’ai faim. J’ai soif. Mais j’ai volé un homme. Ouh que c’est pas bien Honaka. Maintenant tu vas lui rendre ce portefeuille. Et comme ça, tu passeras pour la gentille fille qu’on a toujours voulu que tu sois. Mes mains tremblent à un point…

Mais putain, nan ! J’ai volé un homme, j’peux pas être une gentille. Y’a qu’un pas vers l’ombre et j’l’ai fait. J’me sens mal, j’étouffe et j’ai soif. Terriblement soif de sentir mon esprit s’libérer et s’envoler sous l’effet du poison rongeur de foie. J’suis vraiment pas bien. Et à côté d’ça, tu m’entends cracher sur les mecs, comme si c’était de la vermine. J’vaux pas mieux qu’eux au fond.

J’transpire, j’ai les cheveux en pagaille et la seule chose que j’arrive à lui répondre, tandis qu’j’essaye d’reculer doucement vers une ruelle proche, c’est c’truc minable :

-Eh, heh, attends, tu.. Tu crois qu’on pourrait pas s’partager l’truc hein ? Nan ?

J’pourrais l’assommer à l’abri des regards ensuite… Et après ? Je ne sais pas. J’ai peur de moi. De ce que je pourrais faire.  J’crois qu’j’ai jamais eu autant envie de vomir en voyant c’qui passe par ma caboche.

Samouraï, mon cul oui. Où est-ce que j’ai appris à avoir peur ? C’même pas de lui dont j’ai les chocottes. C’de pas pouvoir m’enfiler une bouteille et d’pas être en sûreté parce qu’j’dois bientôt payer mon loyer, mais qu’j’ai plus un rond.

J’ose le regarder, enfin. J’devrais être plus effrayée en remarquant enfin qu’il est pas humain. Une gueule de poiscaille. Mais j’m’attarde pas longtemps sur ses traits, alors que c’est c’qui devrait me fasciner. Y’a autre chose qui a attiré mon regard chez lui.

J’ai le souffle coupé en voyant ce que je trouve au fond de ses yeux.

Cette lueur. Cette drôle de lumière sombre au fond des pupilles, qui semble gémir.

Et j’tombe sur le cul dans une superbe flaque parcourant le long de la ruelle sombre.

Il est aussi paumé que moi l’gars.
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Je l'ai faite tomber !

J'voulais pas vous faire peur !

J'détourne le museau et me mordille les lèvres comme un taré, alors qu'elle m'toise d'un regard teinté d'frayeur. Ou de quelque chose qui y ressemble. Qu'elle tente d'affronter mes mirettes, mais que j'préfère lui épargner l'épreuve. J'aurais du être plus prudent. Moins excité, moins faible face à l'imprévu ! J'l'ai abordé sans y penser, sans penser que... que j'suis pas comme elle ! Que j'ai des écailles, et des ailerons, puis une muraille de rasoirs qui transforment ma gueule en une genre de forteresse du mal imprenable. Un monstre gris haï. En revenir à ça m'transperce le coeur d'un nouveau trait d'glace, et fait écho aux discours haineux qu'entretenaient les copains, et la famille, souvent même les profs, qui déployaient toutes leurs forces à nous dissuader d'monter là-haut. La surface, une autre dimension. Où tu t'en veux d'être ce que tu es, où les autres t'en veulent d'être ce que tu es.

La bulle percée et la gueule respirant maintenant l'air vicié d'ce dédale coupe-gorge, me reste que la nostalgie. Et l'amère et si frustrante impression d'être faible et inadapté...

J'ai la peau du prédateur, et l'intérieur de la proie. J'ai peur de c'qu'elle pourrait m'faire si elle s'en rendait compte. Elle qui...

...boit ? A son âge ? Tark m'a jamais permis d'y toucher, à l'alcool. Il disait que ça noyait la volonté et que tomber dedans, ça saperait c'qui fera de nous des héros, plus tard. Le courage de s'exorciser seul ses démons, sans avoir besoin d'une espèce d'eau bénite qui éloigne du monde réel... moi, ça m'a jamais manqué, de pas picoler... j'ai d'autres drogues. Les jolies histoires, les légendes qui m'emportent loin, les filtres qui me faisaient voir la vie en rose plutôt qu'en noir et blanc...

J'fais quoi ? J'suis censé faire quoi ? De fautive elle est devenue victime... J'fais quoi, Tark ? Tu ferais quoi ? J'ai pas la force d'lui refuser c'qu'elle m'demande d'un regard si franc et implorant... puis, elle est sûrement dangereuse ? Lui tourner l'dos, ça reviendrait à l'inviter à le griffer, hein ? Mais encadrés d'zyeux inquisiteurs et accusateurs, j'me sens tellement autant fustigé qu'elle... Quelques badauds avides de drames satisfont leur curiosité. Un jeune squale, une donzelle à terre. Ils cogitent peu et gobent l'évidence, hein ? Ils pensent que j'l'ai agressé... Sa peur flatte mes instincts... On est... brutaux, bestiaux, belliqueux, chez nous, chez les poissons, les fils félons d'la flotte...

On est tombés dans une même panade, j'crois. Souffrir du regard des autres, j'connais trop ça.

J'suis dans un brouillard compact qui m'voile toute l'âme. Plus sûr de c'que j'veux, d'où j'suis, et encore moins de c'que j'fais. J'ose pas croiser le regard lourd de la fille, j'garde les yeux rivées sur mes pompes et les ondes des flaques. Humide, l'air, détrempé, et il va bientôt pleuvoir. Encore. C'est pas un temps pour se bourrer la gueule. Pas un temps pour avoir peur de celui qui voudrait apporter une éclaircie sur un monde couvert d'nuages noirs et menaçants. La générosité, c'est la lumière, non ? Tark, tu lui tendrais la... palme, toi ? Premier contact avec une humaine... et faudrait qu'elle soit de ce genre qu'on est censés traquer ? Délinquante ? Mais tu faisais les quatre-cent coups toi aussi, dans l'quartier, grand frère... T'es pas un peu comme elle ?

Si je la relève, elle va en profiter pour m'tuer ? Est-ce qu'elle m'a cerné ? Elle a détecté ma faiblesse ? Elle va jouer avec ?

Je... vous aide ? A vous relever ?

La rencontre d'une palme poisseuse avec une paume sèche... Elle est rude, ouais... La peau humaine s'détériore plus vite que les écailles et résiste moins aux agressions, alors elle doit s'adapter, elle s'endurcit, comme une carapace, et comme les âmes aussi. Elle est debout. Et j'le sentais, j'le savais... Mais j'me donnais pas l'droit d'y penser... elle connaît l'coin, hein ? La fange lui est familière ? Elle se fond dans la faune locale ? Se méfier des inconnus, encore plus s'ils sont humains, toujours plus si l'vice est leur habitat. Garder en tête que chacun de leur mot vise à t'appâter, et que le poisson ferré, il devient plus qu'un repas. Une pitance dodue pour le sadisme, une précieuse huile pour la soif de pouvoir. Et j'suis qu'un gamin, et j'me sais mielleux et naïf. Et j'connais ma nature, mais moins qu'elle me connaît. Alors, j'la subis.

Alors j'peux pas lutter. J'peux pas faire le sourd. C'qui devrait être une menace d'un fier homme-poisson devenu marine défiant l'crime et la haine, sort sous la forme d'une purée d'mots maladroits... une complainte faites les sourcils dressés et les mirettes baissées.

Mais c'est aussi l'argent de mon frère... Y a une partie qu'il a lui-même gagné, dedans... J'peux pas faire ça.

J'ai les palmes hésitantes, qui savent pas où s'placer, et mes crocs qui mordillaient sans mon autorisation mes maigres lèvres depuis quelques temps les ont saigné à blanc. C'est pas du pulpeux, c'est pas du costaud, c'est pas de l'humain, les bords de ma bouche. Contrairement à mes crocs, outils d'mort toujours acérés comme une rangée d'pieux. Ils me font honte, ces pointes d'ivoire. J'ferme la bouche, grimaçante, meurtrie par ses propres armes, et m'plaque instinctivement la patte contre l'menton. Comme j'peux, j'essuie précipitamment l'filet de sang, m'en fichant... partout...

Rien ! C'est rien ! M'suis juste mordu les lèvres !

Elle s'est enfuie comme une bestiole apeurée, cette réplique mordante. Rongé d'culpabilité, d'la pire de toutes : celle d'être différent. D'être un prédateur marin à grandes dents. Et l'coupable d'avoir sa propre hémoglobine étalée au coin d'la gueule recule d'un pas, de deux, inversant les rôles, et d'un troisième, le tout tremblant...

Faut que j'la rassure.

Rendez moi mon porte-feuille et mon porte-clé, puis... j'vous arrêterai pas, hein ? J'vous ferai pas de mal.

Incrédule face à la fausse confiance qu'j'ai laissé s'échapper, j'sais qu'la trouille de décevoir, d'me planter, de passer pour un monstre ou d'mourir tué par ma maladresse m'empêcherait d'lui faire quoique ce soit. Alors, quoi ?

J'ai été CON. J'aurais juste du fuir.
J'sue à grosses gouttes, qui dessinent les bords abrupts d'mon putain d'museau d'bestiole impie.
Et dans leur descente, ma sueur se marie à mon sang.
J'tromperai personne, de toute façon. Surtout pas elle, sûrement. Ma voix est creuse, et mon angoisse raisonne dedans. P'tete bien qu'elle va m'tuer, hein ? Comme dans mes BDs... les innocents agressés dans la rue, titillant un funeste et injuste destin, puis le héros qui surgit des ombres pour tout sauver.

Mon héros, il est resté à la base...
Mais elle ? Et mon bien qu'elle tient dans la main et qu'elle tripote...
Picoler vaudrait une vie, pour elle ? A l'affût du moindre mouvement brusque, j'suis prêt à décamper. Ou à riposter... A faire ce que mes réflexes me dicteront d'faire, quoi...
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J’avais jamais vu d’hommes-poissons avant aujourd’hui. ‘Fin, j’en ai entendu parler. Mais vu, ça, non. Ou même serré la patte. J’dois avouer qu’ça m’fout quelques frissons, mais qu’c’est tout aussi fascinant.

Tout autour de toi, t’entends parler qu’c’est d’la vermine qu’a pas sa place avec nous et qu’ils feraient mieux de rester sous la flotte. J’aurais jamais pensé en croiser un ici, à Las Camp. Faut dire que la folie furieuse où ma soif m’a emmenée et la honte du vol m’a pas permis de regarder le monde avec la tête haute. La seule chose que je remarque, c’est qu’il a le même sang que moi, écarlate, un même sang qui bouge par le seul mouvement d’un palpitant et qu’il m’a aidé à me relever alors que j’étais encore plus immonde que je ne l’étais. Comme si voler ne suffisait déjà pas à me tacher. J’l’écoute parler sans mot dire, le cul trempé par la flotte et la boue. Faut dire que c’qu’il me raconte, ça me rend muette. Tableau effacé pour la tentative de vol et puis m’barrer sans m’retourner, sans rien craindre et sans m’ronger le sang d’une inquiétude maladive pour ma propre peau ? J’me prends à y croire bizarrement.

Faut que je lui rende le portefeuille, hein. C’est ce que tu aurais fait, Misuzune ? Tu lui aurais remis discrètement son bien, expliqué qu’tu voulais pas vraiment lui faire peur et tu serais partie te cacher quelque part, le temps que ta dignité revienne à quelque chose de plus net et moins sale ? Et puis, il a l’air d’avoir un frère vivant, j’peux pas vraiment lui faire un coup de pute aussi crade…

J’en sais rien dans le fond. T’es morte, t’as jamais pu grandir plus loin qu’tes treize ans parce que la colère d’papa s’est déchaînée sur toi. Moi, j’me suis retrouvée ici, dans c’te ville qui part dans tous les sens. Y’a un vieux maître qu’a bien voulu prendre soin de moi, faire de moi quelqu’un de forte… Même si ce vieux croûton continue de dire que je n’ai trouvé que la voie de la faiblesse. Grmmlgngn. J’t’en mettrais des voies de la faiblesse, tiens…

Et j’me suis laissée couler dans mon chagrin, j’ai noyé tous mes souvenirs dans la boisson. J’ai cédé à des excès qui m’emmènent dans d’autres excès. J’arrive pas à tenir tête à Las Camp. Pourquoi. Pourquoi ? Pourquoi ?...

J’mire le poiscaille d’un œil mi circonspect, la rue, puis à nouveau lui. J’hésite parce que j’ai toujours la dalle, qu’ma soif s’est pas totalement éteinte sous le feu brûlant des regards. L’alcool, ça s’enflamme. Reste qu’une seule goutte d’envie dans mon regard. Pour quelques heures, une journée… J’en sais rien, mais la soif, ce désir de se sentir grand alors qu’on est misérable, ça reviendra. Ça revient toujours de toute façon.

J’finis par lui tendre son bien d’une main tremblante, la voix qui grogne un peu. La fille bourrue et grogneuse est revenue pour un instant.

-Tiens, r’prends-le avant que ma faim et mon désir de poison ne me triturent l’esprit et m’fassent changer d’avis.

C’est lui, le requin, c’est lui, la victime et le seul juge de ce que j’ai fait ou tenté de faire. Pourquoi est-ce qu’il a l’air d’avoir autant la trouille que moi ? J’comprends pas. Toujours cette lueur de perdition qui colle aussi à mes pupilles. Ça efface pas le fait qu’j’tripotais avec fièvre son portefeuille et les billets qu’y’avait dedans, mais j’me sens déjà plus légère. Nan, j’ai vraiment pas les couilles pour voler ou faire du mal. On verra quand je serai forte… Si j’y arrive… Mais j’sais pas si j’aurai encore la force d’être méchante. M’donner l’apparence d’être qu’une conne, c’facile. L’être, c’est plus compliqué que de simples paroles et un ton désagréable.

J’ai pas réussi à tenir tête à Las Camp, parce que je suis une étrangère. Il est comme moi au final. Un étranger qui ne pourra pas se ranger ici, à moins d’s’cloîtrer quelque part. Surtout quand on voit les regards dédaigneux et remplis de haine qu’on lui lance. J’vois un groupe de quatre grand gaillards d’l’autre côté de la rue qui nous jettent des coups d’œil pas rassurants. Glup. Ça sent pas bon. Pour lui. J’peux toujours m’enfuir dans les ruelles sombres. On y trouve des personnes pas très recommandables, mais quand on sait par où passer, on en ressort vivant.

Chacun sa merde à Las Camp. Pourtant, j’peux pas m’résoudre à l’laisser à son sort. J’aurais pu l’frapper ou l’assommer. Il a une sorte de fragilité en lui, une forme de faiblesse qui s’réveille chez moi quand je sue la peur par tous les pores. Mais lui, par rapport moi, il est là d’puis moins longtemps, mais déjà détesté comme la peste. S’il repart se perdre dans les rues principales, il est fichu. Y’aura toujours quelqu’un de prêt à faire un ragoût d’poisson.

-Ne retourne pas vers la foule. Faut qu’t’empruntes les petites rues comme celles-là. C’est un peu dangereux, mais… Si tu sais où tu vas, y t’arriveras rien.

Ça doit paraître bizarre, comme élan d’aide. Mais c’est ça de donné, pour m’laisser partir tranquillement.

Il est comme moi.

J’ai pas cessé d’entendre sa voix et j’ai senti qu’en lui-même, y’avait cette même hésitation et ces mêmes conflits intérieurs. J’le fais, ou j’le fais pas ? J’pense ci, ou j’pense ça ?

On est étrangers et paumés. La seule chose qui diffère, c’est nos tronches, mais qui finissent par se ressembler, tant le masque de la peur et de l’angoisse les déforme.

J’ai toujours les chocottes et ce sentiment d’avoir brisé mon honneur à jamais. Pis, même pour le vieux maître, j'lui avais promis d’me tenir tranquille. Au final, j’ai juste été une conne. Qu’est-ce que je disais hein ? Pas seulement dans les paroles et le paraître qu’on est con. Faut aussi les actes.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Ven 25 Juil 2014 - 14:22, édité 1 fois
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De retour dans l'creux d'ma palme, mon porte-feuille, et son porte-clé qui caresse le dos d'mes doigts, l'tripotant et l'empoignant comme un ami disparu qui revient à moi après trop longtemps. Du berceau, j'ai gardé qu'toi, Tark, puis quelques gri-gris disparates de c'genre, ainsi qu'une kyrielle de souvenirs qui rebondissent perpétuellement dans les tréfonds d'ma p'tite cervelle ankylosée par un trop-plein d'nouveautés. Ces images, ces sons, ces fumets et toutes ces lointaines impressions qu'j'ai laissé derrière moi, j'les reconstitue tant bien qu'mal par la pensée. Et conscient que j'vais commencer à remplir une banque de souvenirs toute neuve à partir de c'que j'vis ici, à la surface, j'ai peur d'avoir arraché mes racines trop brusquement.

Et le berceau loin derrière moi, j'en voudrais maintenant presque à Tark de m'avoir autant couvert, de toujours avoir pris les armes pour défendre mon innocence des ennemis qu'la vie m'envoyait. Mais j'ai pas l'coeur à ça, pas l'coeur à te mettre ma fragilité sur le dos. Rester planqué dans tes pas, ça m'donnait la sensation d'jouer un rôle. D'être un acolyte, celui d'un fougueux justicier. Seul, j'suis pas capable d'assumer le rôle principal... alors j'reste spectateur de ce qui me tombe dessus...

Et largué sans préavis dans cette jungle étouffante et putride que j'serais censé débroussailler, ouais, j'peux l'affirmer... J'suis paumé, quelque part entre l'passé et l'présent... Cerné d'une haine qui m'échappe totalement.

J'enfonce mon porte-feuille dans ma poche, jetant des regards furtifs derrière moi. Toujours des sales petits yeux qui m'accrochent et m'griffent en passant... J'suis toujours anxieux à l'idée d'affronter le venin d'ces grands serpents roses d'humains, et aussi dégoûté. J'ai un sac chargé de négativité à déballer, mais seul le frérot est capable de le vider...

C'est attentivement que j'goûte le conseil de la fille pour rentrer sain et sauf. Aussi inattendu qu'rassurant. Elle a essayé d'me voler, et c'est comme si elle cherchait maintenant à s'expier. Et un soupir profond d'apaisement s'glisse dans ma respiration lente et saccadée. Moins crispé, l'conseil gravé dans la tête m'faisant miroiter une sortie sans encombres à cet enfer, j'aimerais colorer mon remerciement d'assurance et d'sincère reconnaissance, mais j'y arrive pas...

Euh, merci...

J'sais pas. Elle m'impressionne trop pour que j'me sente à l'aise. Aussi gauche qu'elle peut penser être, j'sais qu'elle pourra jamais être autant indigne de ses idéaux -si elle en a- que moi. Alors en m'comparant à elle, j'me sens comme un gâchis. L'frangin a veillé à c'que les tempêtes du monde me violentent pas trop, mais... la souffrance est un super terreau, il paraît. Haines, rancunes, mépris, volonté, pitié, et même rêves, on y cultive un peu tout ce que l'on souhaite. Mon enfance de poisson d'aquarium et mon adolescence de squale d'eau douce m'ont pas permis de développer la hargne nécessaire à la survie en haute mer...

... et elle ? Elle m'impressionne. Parce qu'elle aurait pu m'cogner, m'rabaisser, m'faire me dévorer les sangs et jouer avec mes nerfs. Mais elle l'a pas fait... J'croyais qu'à force de vivre dans la fange, on en prenait les couleurs. Mais elle, elle a tenu bon dans toute cette pourriture. Et l'embryon d'espoir se développe. J'suis content. Content qu'on se soit pas trompés, Tark et moi. Content qu'ça soit pas que la race qui importe, comme semblaient croire tous les adultes là-dessous. Les humains auraient peur de moi, de nous, mais seraient pas foncièrement méchants, au fond ? Juste la trouille du différent et de l'inconnu ? Elle existait aussi, chez les poissons...

Essayer de comprendre, ça m'tourmente... Essayer de distinguer les ficelles du monde, capter comment y survivre, puis... comment le changer... Le rendre plus harmonieux, moins fou, moins méchant, faire le tri. Mais à chaque fois que j'crois détecter une nouvelle couleur pour ce monde, elle se divise en tout un tas d'nuances... J'arriverai jamais à piger, perdu sous le feu des agressions. J'ai peur de vraiment devenir un animal, maintenant, l'animal que tout les humains semblent voir en moi. Une bestiole qui s'efforce de tenir bon face aux autres et face à sa propre faiblesse, et tellement préoccupée par sa survie qu'elle en oublierait ses rêves...

J'ai jamais trop su comment les humains pouvaient prendre mes sourires, mais ça me fait plaisir de parvenir à lui en dessiner un dans un coin qui devrait pas s'y prêter.

... pour le conseil, puis pour le porte-feuille... Merci, ... tu t'appelles comment ?

Elle murmure son nom. Comme s'il était un secret honteux.
J'lui échange le sien contre le mien, c'est la moindre des choses...

Moi c'est Craig !

La confiance fleurit chez moi, devient confidence et joie. Une humaine sympa... Tark m'a pas appris à réagir face à ça. J'sais fuir, bafouiller, supplier, mais j'sais pas faire sourire ou me montrer amical. J'me prépare à rentrer au nid de la mouette, me glisse dans la ruelle en la frôlant au passage, réitérant l'contact physique bizarre avec une peau sèche et presque rigide. Ça m'provoque un dernier frisson, que j'réprime pour pas lui infliger une grimace qui pourrait la vexer. Et avant de m'éloigner d'elle, j'ose le pire en lui proposant un comble.

Je-Je reste quelques semaines ici, on... pourrait se revoir ?

J'sais pas si cette envie subite de m'ouvrir cache un faux espoir -encore un...-, mais son haleine chargée d'alcool, puis cette impression qu'elle est pas dans son élément ici, ça m'donne envie de tenter le coup à mes risques et périls. J'en parlerai pas à Tark. Pas pour l'instant. Sinon, la peur et la prudence risquent de dominer de nouveau ma curiosité toute excitée...

Et je pourrai te payer, euh... autre chose que de l'alcool... un jus de fruits, ça te dirait, Honaka ?
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-… Euuuuh…
 
Je cligne des yeux, la mine un peu déconfite.
 
… Il a bien dit…
 
-Jujus…
 
… De fruits… ?
 
J’dois ressembler à une poule, avec les yeux écarquillés que je roule. Faut dire que je suis assez stupéfaite de la proposition. Proposer du jus de fruits à Las Camp. Et à une personne qui vient d’essayer de lui piquer son portefeuille… Eh beh… Le gars est pas un grand naïf. Nooon. Pas du tout. Il a la tête sur les épaules !  J’renifle un peu, par méfiance. Drôle de gars. Ouais, vraiment un étrange gars. Il m’a ressemblé pendant un instant, mais là, j’le pige plus trop. J’réponds en bafouillant malgré tout.
 
-Euh. Ouais. Ouais ! Bien sûr ! On s’en prend une bouteille et j’t’emmène ensuite dans un coin tranquille pour boire. … Du jus de fruits…Hum. De l’alcool, j’peux pas ?... Non ?... Même pas un p’tit peu ? Ah ?... Bon, du jus de fruits…
 
Eh. Eheheh. Faut que j’enlève ce foutu sourire qui grandit de plus en plus sur mon visage.
 
Du jus de fruit …
 
D’un signe de tête, je fais signe à Craig de me suivre. Dans les ruelles, pas très fréquentées par la grande foule de l’avenue principale, on rencontre des types pas très recommandables parfois. Mais quand on a un homme-requin comme lui et qu’on se déplace à deux, on devrait pas trop rencontrer de soucis. Alors, j’entraîne ce drôle de gars à ma suite, envoyant valdinguer d’un coup de pied une vieille boîte de conserve qui traine là.
 
… A Las Camp. Eheheh… Dégage sale sourire !
 
Ma folie, ma soif, elle est toujours là. Affaiblie et pas près de m’embêter pour la journée. Mais pour les prochains jours ? J’en sais rien. Je sais pas. Cette journée aurait pu finir par mal se finir si j’étais tombée sur un autre gars que ce grand naïf de Craig. Au fond de moi, quelque chose me titille. J’ai peur qu’il joue la comédie. Qu’il fasse le grand enfant, qui s’doute de rien et qui m’emmène tout droit jusqu’au trou. Un frisson me parcoure l’échine. J’me fais des idées. A coup sûr.
 
Le ciel est bleu. Il fait pas trop froid, ni trop chaud. Tout devrait bien se passer. Pis j’me sentirai mieux en aidant cet homme-requin paumé. Une bonne action, ça rassure toujours ma pauvre âme pécheresse. J’fais des trucs biens pour me donner l’illusion que je vais bien et que je suis sympathique. Le pire ?
 
C’est que ça marche. Très bien même.
 
Je n’aurai pas plus de fric ou moins soif ce soir.
 
Tout va bien se passer. Il est un peu comme moi après tout. Qu’est-ce que je devrais craindre de moi-même, hein ?
 

 
Ah, oui. Mes faiblesses…
 

… Foutue nature humaine.
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J'reprends un peu d'air et m'sens moins prostré. Ça va et ça vient, les sentiments. J'avance à tâtons, tout l'temps. Si bien que j'me pique ou m'coupe dans l'noir, parfois, que j'percute des obstacles inattendus, souvent. M'suis lancé dans l'obscurité. L'frangin apporte une faible lumière, mais seul, j'peux qu'attendre que mes mirettes s'habituent au noir.

L'atmosphère du bar est lourde, saturée d'mépris et d'incompréhension. J'sens que j'pars en croisade contre la logique en m'répétant inlassablement que moi, l'homme-requin avec les crocs, la force, le prédateur endormi, n'serai en sécurité dans l'coin qu'en restant à proximité de la donzelle en manque. J'avais cru rompre quelque chose en essayant pitoyablement d'l'extirper de sa routine alcoolisée, et elle aurait pu m'envoyer chier que j'aurais effectivement fait dans mon froc. Mais non, elle m'a suivi dans ma commande de jus d'pomme qui a déclenché quelques quintes de rire dans la salle enfumée par les clopes et les crasses gazeuses qui se sussurrent derrière nos dos et m'empoisonnent lentement cette assurance que j'avais cru dénicher l'espace d'un instant.

Des coups d'oeils, je lui en jette plein, et j'm'efforce de les rendre neutre, de vider mon regard de son appréhension et de ses questions, guettant chaque mouvement d'mon escorte. Une partie d'moi, celle guidée par la volonté de Tark, m'dicte de pas lui faire confiance. L'autre, les rênes tenus par la curiosité et la candeur, m'ordonne de foncer à la découverte d'Honaka. Et d'en faire une amie. Un premier avant-poste sur les terres humaines. De découvrir c'que ça fait, d'être copain avec les créatures diabolisées par les abysses.

Elle semble pas si terrible...

J'en oublie qu'je suis marine.

Si on m'aperçoit en compagnie d'une fraudeuse, on va m'coller quelle genre d'étiquette ? J'serai catalogué mauvaise graine ? Pour un faux départ, ça serait un affreux ramassage. Et lui passer les menottes, c'est totalement proscrit. Pas après avoir entraperçu la tempête intérieure qui l'agite autant qu'moi. Ce serait comme la bafouer, et moi avec. La cervelle tiraillée, pas habituée à calculer c'genre de paramètres. Mes équations, ça s'est toujours arrêté à vérifier si en faisant Ça, Tark serait oui ou non fier de moi. S'il m'approuverait. Mais là, j'sais pas. J'ai agis sous l'impulsion et m'retrouve, comme d'habitude à force d'avancer dans l'noir, face à une impasse. L'armature de prédateur devient transparente et mon malaise s'traduit dans mes gestes et ma mine.

J'le sens bien. La honte et la gêne me suintent par tous les pores. Mes gestes spasmodiques, puis ma mine larvaire, mes palmes qui savent pas où s'ranger, c'sont des aveux d'malaise. Alors que mes globes curieux la toisaient, maintenant ils osent même plus la frôler.
J'bafouille des bribes de n'importe quoi censés regonfler une ambiance qui s'est pas mal aplatie.

Ce... Ça va ? T'as de la famille ici ?

Comme si j'repartais à zéro, table rase du peu que j'sais d'elle, et jouait innocemment avec les cordes toujours sensibles et brûlantes que sont les liens familiaux. Quel empoté, 'tain ! Pourquoi j'ai mis l'pied sur c'terrain-là ? C'est mes pensées pour Tark qui ont suggéré à ma langue de partir en éclaireur en milieu hostile ?

Réparer la casse.

Ah ! J... Un travail ?

Dans un coin aussi pourri, impossible d'être droit...
Alors cette question, elle était aussi gauche...

M-Merde, désolé. J'parle pas beaucoup d'habitude.

Ouais, la jouer franc jeu... Au lieu de laisser déborder mon malaise, lever le barrage et le laisser se déverser entre nous dans sa forme la plus pure... ce torrent d'excuses mielleuses, d'justifications un peu visqueuses, qui puisent leur source dans l'bouillon qui m'sert d'âme en ce moment...
Ouais. J'sais plus où j'en suis. Du tout. Malaxer tout mes repères, en faire une compote indigeste. M'la resservir encore et encore. Alors que clairement, elle est plus adaptée à mon nouveau régime. J'concevais seulement moi, mon frère, et une bardée d'amis imaginaires, avant. C'était mon monde, un tout petit monde. C'qui s'mouvait à l'extérieur m'apparaissait déformé par l'prisme d'ma titanesque mais si trompeuse imagination...

Et de ces préjugés qui parasitent tout les esprits...
Les regards se font plus noirs, dans le bar. De fragiles murmures au milieu du barouf qui croissent, s'assument et deviennent plus piquants. J'érige comme je peux un mur entre ces types et moi, un mur de placo qui s'fait passer pour du béton. J'feins l'ignorance.

Puis l'retour au grand galop d'la honte. Raisonne son cor dans mon esprit. Réveillant les vilains monstres qui s'attaquaient à mon assurance, l'assassinaient encore et encore...
J'reste les yeux noyés dans mon verre. Je coule. Sans bouée, je coule...
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Les yeux collés au plafond. Je cache.

Je cache ma honte de ne pouvoir donner que des réponses minables à toutes ces questions. Il doit le savoir au fond de lui-même, de toute façon. J’ai essayé d’lui chourer son portefeuille.

Un travail ? Mon cul, oui. Des petits boulots ? Ouais, quand j’me fais pas virer.

De la famille ? Pas la peine d’en parler.

J’avale une gorgée de mon verre avant de répondre. Pouah. Que c’est sucré. L’alcool a endormi mes papilles à force. C’pas c’que je boirais tous les jours, mais c’pas mauvais non plus. P’têt que ça me fera oublier ma soif. J’en sais rien après tout. C’est un assèchement dans ma bouche qui a envie qu’un doux liquide vienne l’humecter et qu’elle puisse claquer la langue de contentement. Mais c’est une envie tout autre qu’un simple jus de fruit.

Bouteilles de whisky, de vin, de bière, de vodka, de cognac, de liqueurs en tous genres… Ils me font la gueule. Y’a même le cidre qui fait la tronche, tiens. Je les vois qui grommellent tous. Je secoue la tête. Un genre d’hallucination ? Un coup de peur et d’nervosité me prend. Va falloir que j’arrête de boire. J’ai l’impression que j’ai jamais assez de quoi que ce soit dans mon verre. Toujours plus, toujours plus, me murmure la soif.

Soif toujours pas apaisée. Soif qui fait gémir et frémir mon gosier. Soif que je ne peux contrôler.

Soif noyée par du sucre.

Electrochoc qui me secoue la caboche.
Les mains qui tremblent un instant, puis qui se calment petit à petit.

Allez, rien de beau à raconter et ça sera fini. Conversation bâclée en trois secondes et j’pourrais ensuite me faire la malle et trouver un moyen d’me faire l’argent. Ignorer la Soif dès que j’aurai des billets dans les poches. J’serre les dents pour faire partir cette voix qui m’entraîne en-dessous du fond du trou depuis des semaines. J’les ferais grincer, si jamais j’voulais vraiment parler de mon histoire. J’devrais prendre une gueule de dépressive et lui dire tous les malheurs qui m’accablent.
Au lieu de ça, j’essaie d’avoir l’air détendue, tranquille. Tout va bien, tout va bien. Je l’ai volé pendant cinq minutes avant de lui rendre son bien. Pickpocket débutante. Ouais, ça se voit. Ahin. Sourire légèrement, être sympathique. C’est pas moi, ça. Quand tu vois mes cernes, mon teint terne et la gueule de cent pieds de long que j’tirais, tu l’devines directement. Craig, est-ce qu’il voit par-dessus les masques des acteurs ? J’ai pas l’impression. Il commence tout juste à découvrir les désillusions de la vie, celles mêmes que j’ai découvertes, y’a un bon bout de temps d’ça…

Allez, sourire, buste droit, mains posées, ah, t’as oublié d’essuyer l’hématome qu’est sur ta joue et la griffure encore fraîche sur ta main. Ah, c’est con. La photo va être ratée. La photo pour l’homme-poisson. Regarde la piètre comédienne que je fais, Craig. T’as déchiré une carapace de colère et d’indifférence, quatre putains d’années de construction, tu te rends compte ? Tout ça juste parce que j’ai vu mon reflet intérieur dans tes yeux.

-Non, t’inquiète, j’ai rien contre les bavards. Des boulots par ci, par-là, j’reste jamais bien longtemps à travailler pour un même patron. J’ai pas de famille ici, je suis partie de chez moi, depuis quelques mois. Et toi ? D’passage sur l’île, j’imagine ?

Menteuse… Menteuse !

Ta gueule, la honte. Joue pas avec mes nerfs pour pas que je m’envoie chier moi-même ou que j’envoie bouler le requin.

Craig, c’pas un macho et encore moins un être humain.

P’têt qu’il sera plus aimable que les bêtes sauvages que je fréquente chaque jour. J’suis moi-même une sale bestiole. Quand on me donne l’occasion, j’arrive à être humaine.
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Ma contenance s'évapore, alors qu'la chaleur et la pression grimpent dans c'tripot miteux. Le malaise est un furieux feu intérieur qui réduit tout ce qui l'alimente pas en cendres. J'ai un gaz lourd en moi qui s'condense en brouillard et qu'attend qu'la moindre étincelle pour partir en brasier de honte en une fraction d'secondes.

J'ai peur de brûler les autres en leur refourguant cet espèce de petit démon enflammé vicelard. Elle a honte et c'est p'tete à cause de moi. Elle était pas très assurée avant, mais là elle est totalement penaude. Et quand elle m'attrape les mirettes de son propre regard, j'suis happé par bien plus profond qu'elle semble vouloir faire paraître. J'ai pas la verve agile et mes sentiments trébuchent sur ma langue. Mais j'ai bien appris une chose, derrière ma barricade de mutisme, c'est qu'le corps est plus fourbe qu'la plus traître des balances...

Particulièrement les yeux qui sont de flippants puits donnant direct sur l'âme.
J'sais que les miens ont quelque chose de brillant, qui stagne tout au fond.
Les siens sont sombres. Pas mon rôle d'aller me noyer dedans.
Ces bleus, ces griffures, elles expirent elles aussi d'la souffrance. J'ai toujours eu du mal à contrôler la pitié qui s'déchaîne en moi...
Crever d'envie de l'aider, c'est bien beau. Mais être gavée des bons sentiments visqueux dégoulinant d'la gorge d'une bestiole qui vient tout juste de naître et de découvrir la vraie coupole bleue ciel, ça risque de la rendre encore plus malade.

Une nouvelle gorgée du jus de pomme. Pas bon, gazeux, il m'charrie la gorge et me nargue l'esprit. Invoquant un mal de crâne. J'essaye de passer outre. Ça... m'force à regrouper des mots simples et à les assembler comme un puzzle de gamin, pour former des réponses qui volent pas beaucoup plus haut...

Las Camp c'est ma première affectation...

Baptisé dans les ordures et la haine...

... j'ai toujours vécu sur mon île avant. L'île des homme-poissons.

Qui m'a construite. J'ai des fondations en cristal... Magnifiques, d'une brillance pure et transparente. D'une résonance qui quittera jamais mon âme. Mais délicates. Risquent d'exploser en morceaux à la moindre pichenette...
Ce pari cinglé qu'on a entrepris avec Tark. On avait pas grand chose, là-dessous, chez nous, au fond. Des dorures creuses. Une abondance sans joie et sans défi. Des destinées de vieux nobles ridés diluées dans nos sang. Des parents qu'ont jamais su exprimer leur amour... s'ils en ont déjà eu pour nous. Ouais, dix-huit années à assister à la comédie d'nos jolies vies soyeuses. Des spectateurs sans prises sur l'histoire.

Ça fait que quelques mois que mon grand frère et moi on est montés.

C'était la fugue, le rebondissement final et inévitable... Pari pas si fou que ça. L'occasion d'arrêter d'être lamentable. De grimper à la surface et d'apprendre sur le tas. Qu'le monde nous bourre le crâne de ses leçons, mais qu'on reste les mêmes, qu'on s'accroche à nos convictions.

Juste trois mois. Et tout devient déjà branlant...
La tension dans c'bar est palpable. J'ai pas encore intégré qu'ça sera mon quotidien sur le "plancher des vaches"...
Non, non... Effrayant, acide. Ça m'ronge, ces mirettes qui m'percent le cuir pour s'ficher dans mon coeur.
J'crisse des crocs et en plongeant mes yeux dans mon verre, l'espèce d'urine aux arômes de pomme qui s'y agite me provoque un sursaut d'dégoût. Puis en imaginant cette pisse squatter mon estomac, une nausée puissante m'explose derrière la face.

Dis, tu veux pas décoller ? Hips !

Marre de ces regards. Qui m'assiègent. L'impression d'être planté dans une impasse. La tête qui glougloute et la cervelle sur un manège.
J'voulais dessiner mon premier sourire sur la tronche de l'humaine, pas monstrueuse, le pinard a juste rouillé sa bonté et sa volonté, j'suis sûr. Mais. M'sens encerclé. Fustigé. Intrus. Seul. Chaque face devient moqueuse ou. Démente. Ou alors, les sourires s'exagèrent et deviennent terrifiants. Des présages affreux étalés sur les visages. Le seul croquis qui s'esquisse, c'est un putain d'avenir funeste si... on... s'casse pas rapido...

Déjà pinté, le poissonneux ?
... quoi, vous vouliez qu'j'le sorte d'où, l'jus d'pomme ? C'est mon fond d'cidre. C'est pareil, quoi.


J'tremblote un peu. De froid, de peur, de honte. D'un peu tout c'qui sait foutre les nerfs en pelote. Ça s'noue dans mon ventre. Puis ça pleut du front. Orage dans la tête. Inondation dans ma grande bouche. J'plaque ma palme contre elle, produit deux-trois sonorités ignobles que même la plus tortueuse des imaginations aurait du mal à reconstituer. Des gargouillements infernaux qui sont les cris d'un estomac d'requin défloré en temps réel par un cul-sec gazeux, me subtilisant mes douces pensées et les remplaçant par...

Putin ! Une extrême parano, hein ?

Puis de l'autre palme, j'tire sa chemise, implorant. M'en veux pas Honaka. Pour ces deux gros yeux globuleux touillant tes mirettes noires. Panique bien en évidence. Ils sont beaux les yeux au moins non ? Du bleu ciel. Avant même de remonter à la surface, avant même d'en tâter la nature, j'avais déjà son ciel incrusté dans les yeux.

La populace autour de nous existe plus. J'veux juste partir loin. Vomir en paix !
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Le soleil se couche déjà au loin, parant la mer de couleurs. Voici de l’ocre et de l’or, voilà de l’orangé et du pourpre ! Le vent nous apporte les embruns du large, tellement enivrants et particuliers, mais aussi ces frissons sur notre peau. Un début de soirée normal pour une fin d’automne tranquille. Très bien pour…

BWWWEEUUAARGLL
-Euh… Ça va pas trop mal ? Non, bien sûr que ça va pas !… Euhm, j’veux dire, ça va mieux ?

… Vider les tripes de Craig et lui rendre des couleurs différentes du vert pomme qu’il affiche depuis une bonne vingtaine de minutes.

J’ai eu tout juste le temps de l’entraîner à toute vitesse vers la plage la plus proche pour qu’il puisse se vider les entrailles en toute tranquillité. Estomac fragile ? Pas habitué surtout, mais pour un fond de cidre, l’requin a pas l’air dans son assiette.

L’v’là qui revient vers moi d’ailleurs, encore un peu pâle et malade. Ça passera. Ça finit toujours par passer.

J’lui jette un coup d’œil, assise sur ce gros rocher qui surplombe une plage de sable gris et granuleux, léchée avidement par les eaux glacées de cet hiver tout proche. Mmh. Pour ce qui est d’un presque « rétablissement », on peut douter. Il tient sur ses deux pieds, alors bon…

Nouveau silence entre nous deux. Malaises respectifs, regards gênés. On sait pas quoi dire. Paumés dans nos relations avec les autres aussi, hein ? J’sais pas trop quoi sortir sur le coup. Il m’a dit qu’il est soldat, qu’ça fait pas longtemps qu’il est à la surface et heureusement pour moi qu’il soit un débutant, parce que j’aurais eu le feu aux fesses avec un autre. Un feu qui aurait plus ressemblé à un visage tuméfié, le nez en sang et des côtes cassées. Un incendie sanguinolent et douloureux sur tout mon corps.

J’refixe l’horizon. Les yeux qui fuient, encore une fois. J’ai p’têt pas envie de me reperdre dans ces miroirs frissonnants que sont ces yeux couleur du ciel d’été. P’têt bien.

- Pourquoi n'arrive-t-on pas à parler ? Je veux dire... Pourquoi j'ai l'impression d'être très proche, mais d'être très loin de toi en même temps ?... Ou alors oublie... P'têt que toi, tu le sens pas.

Ahin. Continuer de raconter des conneries. Encore et toujours. Mais pourtant, c'est exactement ce truc que je ressens. On pourrait se serrer la main et la palme, on pourrait s'entendre comme larrons en foire et... On y arrive pas. Y'a ce drôle de malaise, ce mur qui nous sépare. Comme si on voulait se mélanger mais ne pas se toucher. Comme si on voulait briser nos chaînes mais rester à notre place. Comme si l'on voulait changer les règles mais en respectant toujours les mêmes.

J'l'ai toujours pas envoyé bouler. J'ai aucune raison d'aller gueuler contre lui, comme toujours quoi, mais là, j'en ai surtout plus la force, ni l'envie. Mes poumons sont embourbés de c'satané poison qu'est l'alcool et qui leur permet de faire tourner à pleine puissance la forge.

Caractère qui s’améliore en contact d’un requin ? J’serais vous, j’espérerais pas autant.
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J'devrais être rentré. Depuis une ou deux heures. L'ciel qui rougit annonce le couvre-feu. L'reste de l'équipe doit s'pavaner sous les douches, à casser du sucre sur le dos de l'homme-poisson qui les suivait de loin et qu'a du s'tromper d'courant, s'échouant sur un des rivages malfamés des récifs crasseux qu'il sillonnait. Il est sûrement mort, dépecé et dépouillé, et réduit en buffet charcuterie/poissonnerie, à l'heure qu'il est, ou avec un peu de chance, à poil, KO et tassé dans une benne, la terreur encore gravée sur les rétines.

En fait, non. Il évacue ses tripes sur le sable fin en compagnie d'une humaine qu'il saisit pas. Ou si peu. Ou p'tete totalement. J'me repère sur un terrain que j'connais. Elle est égarée, elle s'cherche une raison d'vivre. C'est un peu moi dans ses mirettes, l'implorante bestiole qui supplie l'destin d'lui faire un p'tit coucou, de l'aiguillier sur des rails tangibles. Tout ça, j'comprends. Mais j'suis dans l'noir quand il s'agit d'saisir les racines du malaise qui a poussé entre nous.

Je... Hmmm... Tu veux dire quoi par là ? Eurk !

Mes hauts-de-coeur rompent les gentils clapotements des vagues. Leur imposent des relents d'pomme pétillante.
Dur de décrypter ses sentiments. C'est lire une autre langue. J'sais pas moi, c'qu'elle pense de moi ! Mais l'écume a définitivement emporté au large la trouille qu'elle m'inspirait, en tout cas.
Il m'reste quoi ? La pitié ? J'ai un peu pitié d'elle, tout comme j'ai pitié d'tout le monde et aussi beaucoup de moi. C'est pas ça qu'elle apprécierait...
L'amour ? J'connais pas l'amour. C'est une enclume qui s'est jamais écrasé sur ma caboche. Ça m'est interdit, l'amour. Même parmi les poiscailles, j'ai jamais été un canon. Et j'ai l'charisme d'un homme-huître.

Alors quoi ?

L'instinct, non ? J'ai lu ça dans un livre. Un magnétisme qui rapproche les gens qui se ressemblent.
Et, j'ai l'air aussi... fichu que toi. Désolé...

N'importe quoi !

C'est pas c'que j'voulais dire ! Désolé ! M'demande juste... tu vois... la maladresse, le malaise... et la peur du futur. Non ?

J'en connais un qui doit s'ronger les ongles à s'en bouffer les phalanges. Tark, frérot. Tellement désolé d'te laisser en plan ! "J'ai rencontré quelqu'un de sympa, on a joué ensemble". "C'était une humaine cool, j'croyais que ça existait pas. Et toi ?". "Elle m'a fait de la peine, à faire la rapine pour trois gouttes de bière, j'ai pas su comment la quitter".
Pas la peine de creuser, j'trouverai rien d'viable à lui raconter. La bouquinerie de Babel elle-même contiendrait pas la phrase magique qui ferait passer mon retard, ma bouille verdâtre de déterré, et le mouron qu'j'lui ai imposé. Tellement désolé...Tu vas m'exploser le museau, frangin. Puis souffler et t'excuser, m'dire que t'as eu tellement peur et qu'il faut pas que j'te refasse un coup pareil. Puis m'exploser le museau, de nouveau, parce que bon, j'l'ai quand même bien mérité.

...ou sinon, j'te déballerai la vérité ? Qu'la curiosité m'a poussé à vider mon sac. A partir m'évacuer les tripes par la gerbe, et l'âme par la confession ?
J'assumerai avoir rencontré Honaka. J'assumerai même avoir déniché un peu d'moi sous sa peau rose !

Dis, t'as des rêves ?

C'est une question si sérieuse que j'en réprime brutalement un hoquet qu'aurait brisé mon effet.

Avec mon frère, on veut... défendre les opprimés. Raisonner les teignes, ou les enfermer. Traquer les injustices et les évincer. Suivre notre propre code d'honneur en espérant qu'il nous mène loin. Bâtir un monde où il fait bon vivre.

J'récite avec ferveur ma leçon. Mielleuse. Si mielleuse. Moi qui voulais lui épargner l'déluge de viscosité rose bonbon, c'est rapé. C'est des bulles de bons sentiments qui viennent lui péter au nez.
Et pire que ça, j'suis tenté de. Tricher. J'vais m'spoiler la fin. Essayer de découvrir sur quoi j'tiens.

Mais ça pue la haine, par ici. J'ai rien fais ! On m'aime pas pourtant. On m'connaît pas. Mais on m'regarde mal. On m'parle mal. On m'reproche des trucs que j'ferai jamais. On a peur de moi. C'pareil pour mon frère. Hips !
Là d'où j'viens, ça aimait pas les humains. Ça en a peur, aussi. J'me disais qu'c'était parce qu'ils les comprenaient mal, mais la vérité, c'est qu'ils cherchent même pas à piger.
Alors, t'y croirais toi ? A mon rêve ? Hips !

J'en appelle au sombre vécu d'une donzelle qui partage mon âge mais dont la conscience est bien plus éloignée de l'innocence.
Sitôt dit que j'regrette déjà la question qui m'a perlé sur la langue. Elle a ma vie entre ses mains. Enfin, mes illusions. C'est tout comme...
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-Des rêves…

La question me prend un peu au dépourvu. A vrai dire, j’ai jamais vu plus loin que de devenir plus fort pour pas baisser la tête. Faut dire que le ciel est souvent gris ici, que les nuages amènent pas assez de lumières dans cet air putride et lourd pour que des rêves germent et grandissent dans ma caboche.

Mais pas trop de soleil quand même, les rêves de Craig sont trop idylliques pour être véritablement réalisés. Ou alors c’est Las Camp et sa société qui pourrit de l’intérieur jusqu’à l’extérieur qui m’a enfumé la tête. C’est beau ce qu’il dit d’un autre côté, mais qu’a fait la Marine sur cette île ? Rien. Rien de rien. Les vols, les effractions, les magouillages en toutes sortes et les meurtres continuent de ricaner tranquillement dans les rues. Et cette danse folle que mène cette île et ces habitants, peut entraîner n’importe qui dans son folklore, l’amener à assouvir ses désirs et ses passions sanguines en faisant le malheur des autres.

La preuve ? Moi-même. C’est une longue chute aux enfers, un tango éternel que je livre avec Las Camp. Honnête et travailleuse quand la soif le veut bien, je baisse l’échine, me fait culbuter par tous les lascards du coin. Et même en essayant de passer la ligne rouge des lois, j’me suis pris un coup sur la gueule.

Des rêves, ah, des rêves…

- J’en ai pas tant que ça. Mais s’il y a une chose que j’aimerais sans rechigner ni tricher avec cette conne de bonne fortune ou mauvaise, si l’humeur lui en dit, c’est de devenir et d’être forte, pour que plus rien ni personne ne m’atteigne. Que grâce à ça, j’puisse trouver enfin une paix intérieure, un cocon bien résistant où je pourrais enfin me reposer.

J’croise son regard une nouvelle fois et ses hoquets de pomme résonnent à mes oreilles. Drôle de poisson, Craig. Toi aussi, faudrait que tu deviennes fort pour réaliser tes rêves. A cœur vaillant, rien d’impossible, dit-on ? Alors soyons courageux et relevons l’échine, pour dégager ces prédateurs, ces grands chasseurs qui sont là à nous dévorer les flancs et nos tripes, qui font couler notre sang et espèrent que l’on attrape la peste ou la grippe.

On nous haït, parce que nous sommes différents et qu’on ne suit pas le troupeau de moutons. On nous haït, parce que nous sommes le vide et l’inconnu pour eux. Alors, pour se défendre, on attaque en premier, c’est bien simple. On fait couler vie et hémoglobine dans une symphonie sinistre qui se nomme la guerre des hommes.

-Un vieux maître d’armes, vieux et con, m’a dit un jour que rien n’est impossible. Il suffit de se mettre à la taille de nos rêves, apparemment. Tu mettras p’têt du temps, ça s’ra pas parfait, mais ça en vaudra la peine pour le bonheur de quelques-uns. Pourquoi vous commenceriez pas par Las Camp, tiens. Y’a bien des choses à faire. Trop, même. Et vos camarades qui lèvent pas le petit doigt pour que quelque chose change et que des gens comme moi tombent pas dans ce cercle vicieux et parasitaire.

Il a pas la carrure, ni le regard d’un héros ou d’un soldat. Il a les pupilles de celui qui rêve. Un requin qui regarde vers le ciel plutôt que vers le fond. Ahah. Rencontre qu’on ne fait pas deux fois dans sa vie.

Ce sont de beaux rêves qui ont reçu beaucoup de lumière. Ils vont finir par dépérir, aussi sûrement que les miens ont dépéri. Je lui donne de l’espoir, simplement parce qu’il engendre la vaillance et une espérance bien plus grande qu’avant.

Soyons à la hauteur de nos rêves. Et de nos vêres. De nos verres, pardon.
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Un moins-que-rien en quête de plus-que-tout, ça m'pique l'imaginaire au vif. J'm'enfonce dans un trip trop romantique de héros vertueux partant à l'assaut d'un vaste monde boueux, avec pour seules armes sa foi aiguisée, sa puissante force de rêver, et son passé. L'a été un long fleuve tranquille chez moi, l'passé, un courant qui m'a gentiment porté, zigzaguant entre les récifs émoussés qui s'faisaient passer pour des obstacles Et aux côtés d'mon frangin face à c'ciel tout sanguinolent, aujourd'hui, j'ai jamais eu autant conscience de la valeur de la paix que j'trouvais si fade là en-bas, comparé au début d'la lutte inégale qu'est partie pour m'imposer l'monde.

Pourtant, pas d'regrets...

L'soleil qui s'couche entraîne avec lui mes derniers soupçons à son égard : ouais. Ouais, c'génial de mirer cette grosse boule de feu s'camoufler sous l'horizon. En tendant l'bras, j'aurais presque l'impression d'pouvoir la palper. Ne serait-ce qu'pour voir ce spectacle d'un or qui s'enfuit face à l'armada d'perles qui s'prend à sertir le velours céleste, j'ai bien fait de déchirer mon cocon à moi. C'est comme renaître une nouvelle fois, renaître la bonne fois. Attraper la main qu'le monde nous a toujours tendu et monter sur scène.

Ouais, faut faire ça dans l'ordre. Quelques pauvres types d'abord, puis une île, puis le monde. Ça semble tellement facile dit comme ça.

De l'organisation quoi. Vrai qu'on s'lance comme des bourrins à l'assaut d'un monde vicieux. Déjà pris la nageoire dans une bonne dizaine de pièges en quelques mois, hein ?

Y a un sort qui possède les héros dormants et qui s'appelle l'obstination. Malgré toi, Honaka, tu m'a craqué une allumette qui fout l'feu à mon sang qui s'embrase comme du carburant. Quelque part dans la peur du futur s'planque l'excitation, soeur ennemie de l'appréhension. J'renais. Mes premiers pas sur la terre ferme, mes premiers contacts, et un chaos de sons, d'lumière et d'émotions que j'apprendrai à décrypter.

Pourquoi t'es pas comme moi, jusqu'au bout ? Devenir forte et imperméable, juste pour pas flancher sous les attaques de la vie ? Même pas essayer de riposter ? Le pinard te leste tant qu'ça pour qu'tu tentes même pas d'prendre ton envol ?

Tu feras quoi de ta force ?

Tark est fort. Pas moi. J'l'envie, souvent. M'dis qu'son tremplin est plus élancé que le mien.
C'est pas de la jalousie. Juste le sentiment d'avoir eu cette guigne qui m'caractérise depuis toujours, jusqu'à avant ma naissance, à la loterie magique des p'tits dons offerts par la lumière. J'suis faible. Timide. Impressionnable. Naïf... J'suis intelligent, au moins. Je crois...

Mais surtout, j'connais la valeur de la force. M'a suffit d'observer Tark pour m'en rendre compte. Sur toi ricochent les p'tites critiques prétentieuses, les piques se brisent sur ton cuir déterminé, les bâtons qu'on te calent dans les roues s'cassent sans même te déséquilibrer, ton objectif t'apparaît comme une tour au bout d'un chemin en ligne droite.

Si t'as pas d'objectif ? Juste une ligne droite sans fin. Sans saveur. Equipé d'une armure alors que les blessures te feraient pas saigner. Du gâchis. J'ai toujours pensé qu'la vie mitraillait ses épreuves pour t'forcer à renforcer par toi-même ton cuir. Ça vient tout seul. Mais chercher, vouloir devenir fort ? Ça risque pas d'pétrir un peu plus un coeur trop mou qu'de le tyranniser ?

Comment tu sauras que t'es devenu forte ? Et que t'as pas écrasé c'que tu es vraiment ?

Woh. Dans l'ombre de Tark, j'me fais caméléon. J'adopte son point d'vue et l'tourne à ma sauce, plus grasse, épaisse, indigeste.
Mais sans lui, hihi. J'me rends compte que j'ai grandi. J'me forge mes avis seul. Elle imbibe mes pensées, l'aura du frangin, mais elle les contrôle plus. J'me permets même de réfléchir sur les forces des gens !

Hips !
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-Ce que…

Je me vide intérieurement d’un coup. Comme si on venait d’enlever le truc qui retient l’eau de la baignoire et que tout s’échappait par le siphon dans un grand glougloutement. Tout qui tombe, qui fait « plof » et mon entrain qui s’effondre. Ce que je ferai de ma force. Je sais ce que je vais en faire, pour sûr. Mais comment avouer que c’est pour tuer, mais ne pas tuer, que c’est pour trancher mais sans trancher. Que dire ? Que faire ? Rien, si c’n’est pas grand-chose. Il y a un père que j’ai aimé, adoré. Il y a un père que j’ai fini par détester, haïr. Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de le porter encore dans mon cœur. Car c’est mon sang, ma chair et mes valeurs.

Je sais ce que je ferai de ma force, sans le savoir, malheureusement.

-… Je ferai…

Les mots s’étirent, inlassablement, le regard dans le vague, qui fait les vagues. Que dire ? Que faire ? La force serait ma fierté, pour me placer au même niveau que les hommes. Je serais intouchable et je pourrais toucher du doigt leurs caboches puantes qui m’ont susurré des mots ignobles, me rabaissant plus bas que terre. Oui, je suis une guerrière. Oui, je veux ma revanche. Oui, je me battrai contre mon père. Je l’ai aimé tout autant que je le déteste, c’est ce qui fait ma faiblesse, ma peste, ma gangrène insipide. Tout se lie et tout s’oppose. Et j’emmerde le monde d’être un contresens, si je veux une chose et l’autre, je les aurais. Force et honneur.

-…De ma force ?

Ecraser ce que je suis ? Mais qui suis-je ? J’suis dans un de ces moments, où je me perds, où je suis tout et son contraire. Alors, je suis qui ? Je n’ai pas, je n’ai plus le mot pour le dire. Je me le murmurais à moi-même, pour me rappeler combien de fois l’on m’a mis la tête en-dessous du niveau de la mer. Je suis moi, moi suis-je ? Une délinquante, une meurtrière, un monstre ? Je me serais bien craché à la figure, mais cela n’est pas ma place. Il faut laisser les forts me rappeler à grands coups qu’ils font la loi, eux.

-Je ne sais pas. Me racheter, peut-être ? Mais peut-être que je resterais comme ça toute ma vie. A me haïr sans le crier tout haut.

Le sang, la faim, le froid et les coups.

Les tripes et l’horreur, voilà de quoi est fait mon cœur et mon honneur blanc de samouraï s’est perdu dans les recoins d’une sombre époque.

Et ce genre de tache, ce n’est pas facile à enlever.

Un sourire, une larme, une seule je dis bien ! Un sourire et une larme en guise d’au revoir ou d’adieux, difficile à savoir. J’ai la démarche tremblante et vacillante quand je descends du gros rocher gris. Plus de souffle, plus de cordes pour jouer de ma voix. J’peux simplement le regarder avec un œil rouge, sans rien dire. La seule chose qu’il peut entendre alors que le soir tombe, c’est le vent qui se lève et hurle sur nous, comme pour nous sommer de rentrer vite, vite, vite, chez nous !

On reste là, à se fixer encore, sans rien savoir de plus. Toujours ignorants, toujours gémissants dans notre cœur, grands égarés d’un monde aux terribles règles.

Non, je ne sais pas ce que je ferai de ma force.

Et j'enrage d'être une ombre errante à la recherche d'une mer qui ne pourrait étancher ma soif, car le verre n'est jamais assez rempli.
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Les embruns paraissent amicaux. Le vent les charrient comme s'ils étaient ses mains et s'en serre pour me chatouiller la crinière jusqu'à la nuque. Là en bas, le seul souffle que l'on connaissait était celui pastiché par les courants marins. Pervers, violents, vicieux, ceux-là ne nous voulaient que du mal. "Si tu fais l'école buissonnière et que tu sors gambader hors de la bulle, le grand kraken viendra te châtier en t'ajoutant à son repas !" Jamais vu de grand kraken, mais j'ai assisté aux sévices de la pression abyssale sur un corps humain. C'est comme si ce pauvre type avait été offert au vorace océan, il avait été lynché par des fanatiques qui mutilaient et crachaient sur la paix, au nom de leur race. D'affreux mensonges emplis de haine. Même au nom de la prunelle de mes yeux, même au nom de mon cul, j'aurais jamais désiré ça.

Le vent de la surface est faiblard en comparaison des ouragans qui incarnent les humeurs lunatiques des abysses. La surface est bien plus grande, bien plus variée, et tellement plus pédagogue que ma bulle viciée dans laquelle mes darons s'apprêtaient à me jeter dans un avenir toxique.

C'est à cause de tout ça que j'hésite à me haïr. J'n'ai de rôle que celui secondaire d'un frère de héros faire-valoir pris de vertiges sitôt qu'il jette un coup d'oeil à l'horizon.

J'peux l'crier, moi ! Je me hais. Ça m'empêchera pas d'explorer le monde avec Frangin. On a des tonnes de choses à apprendre, et s'aimer pour ce qu'on est en fait partie.

C'est dur pour un homme-requin végétarien de pas être tenté de se limer les crocs et de se découper le creux des palmes. Mais c'est mon corps et mon esprit qui se trémousse dedans, c'est mon fardeau pour la vie. On en a tous et à force de s'entraîner à les trimbaler, on se muscle pour en encaisser le poids. Le sien est peut-être plus lourd mais j'vois plus de différences. On se sentira tout autant légers à la fin de nos quêtes.

J'ai...

Ce corps dans lequel je me sens à l'étroit m'impose sa tyrannie !

J'ai froid. Et envie de faire pipi. Le cidre...

J'ai déjà tardé comme jamais. Tark va se demander où j'suis passé. Et j'sais pas encore ce que j'lui répondrai. La vérité, peut-être.

... et le couvre-feu, faut que j'fasse gaffe au couvre-feu... ça rigole pas avec la discipline, pour les recrues, dans la marine...

Le coeur à la fois froissé et satisfait me commande une hérésie censée apaiser ma conscience et m'aider à accepter que j'reverrai p'tet pas de sitôt la mendiante qui aura été mon premier contact, physique, et émotionnel, humain. Mes palmes suivent le caprice de mon palpitant, et s'emparent de ce porte-clé qui colporte de sacrés souvenirs. Mes souvenirs. Le porte-clé pirate du soleil. Si vieux qu'il en a la couleur qui s'est laissée bariolée des cicatrices infligées par le Temps. Toujours un peu hésitant, je lui tends.

Tu vas p'tet trouver ça ridicule, mais... prends-le, si tu veux. J'en aurai plus besoin maintenant, hein ? Plus de maison, plus de clés. Mais toi, tu pourrais le garder en souvenir... ou le revendre, si tu attrapes un... pigeon, hihi.

Une simple babiole qui faisait partie du décor de mon ancienne vie.
En plus de t'offrir un ciao, Honaka, j'aimerais en adresser un puissant à mon enfance.  
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Il se balance doucement au-dessus de ma tête. La peinture rouge écaillée, autrefois vernie, reflète les rayons de la lune alors que tout s'endort autour de moi. Je l'ai pas vendu. Pas eu la force à vrai dire. C'est une babiole, un truc qui vaut rien, rapporterait queud', mais assez pour compléter le peu de sous qu'il me reste pour m'acheter un verre.

Pas la force de boire non plus. Il représente trop à mes yeux, aux yeux de Craig aussi. J'lui ai indiqué avant de partir le chemin le plus rapide jusqu'à sa caserne. Puis, j'l'ai vu s'éloigner dans les rues. J'le reverrai jamais, certainement. Ou pas, on peut toujours espérer.

Et le porte-clé, c'est tout ce qu'il me reste de cette rencontre singulière au final.

Soupir.

J'ai pas intérêt à le perdre, ni à le vendre. Rien à gagner en faisant ça.
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