Tu sais c’qu’on dit ? Qu’une balle dit toujours la vérité.
La nuit avait teint le ciel d’un noir infini. Seul la parure d’étoile et la blafarde lumière du pâle clair de lune éclairait le monde du dessous. Et dans ce monde, sur un ilot perdu dans l’immensité de North Blue, quelques vermines de la pire espèce se démenaient à cœur joie dans une des bicoques qui tenait, miraculeusement, encore debout. La crasse et le temps avaient dévoré le bois d’antan. Tout n’était que grouillement d’insectes et odeurs infectes. Oui l’air empestait dans ce lieu de perdition qui n’était autre que leur cache la plus secrète, là où ils se plaisaient à torturer jusqu’à la folie ou la mort.
L’endroit était étrangement composé que d’une seule pièce et chaque coin de celle-ci présentait un lieu de vie ou ce qu’il en restait. Le coin cuisine, qui n’avait de cuisine que le nom, côtoyait le salon où mythes et cafards avaient fait du sofa leur quartier général. Les chiottes étaient pires que les bouges des tavernes Pinkys pourtant réputés pour leur exécrable bière et leurs toilettes dégoutantes. Les vitres étaient barricadés de l’intérieur et bariolés de motifs tribaux de toutes sortes ce qui faisait rire l’infortuné attaché à quelques planches de bois qui lui servaient de chaise.
Face à lui, deux ombres. Les vermines en question : les frères Kulling. Des frères jumeaux d’après eux, ça fallait le dire vite, ils n’avaient rien en commun et n’étaient même pas né le même jour. C’était aussi évident qu’il n’avait pas non plus le même père, mais n’allez surtout pas leur dire ça, ils étaient du genre violent et mauvais. A l’image même des lieux qu’ils occupaient. Sales étaient leurs combines, et noires étaient leurs âmes. Au-delà de toute rédemption, ils prenaient un malin plaisir à torturer et à tuer sans même voler leurs victimes. Ils agissaient gratuitement pour assouvir ce qui leurs dévoraient les entrailles. Cette nuit là, le silence régnait en maître dans la pièce avant que le rire de leur futur victime ne vienne le perturber, s’en suivit alors une réponse des plus attendus ; un crochet du droit.
Tiens bouffe ça !
Et l’infortuné tomba sous l’effet du coup. Son bourreau eu tôt fait de le remettre d’aplomb tandis que lui ne semblait montrer aucune once de peur ni de renoncement. Non, il était juste là à patienter, à attendre la mort. Le visage tuméfié par nombres de coups passés, la droite était venue parachever le beau tableau en lui fendant la lèvre.
Héhé ! De mon point de vue t’es encore plus viril comme ça, me remercie pas voyons, c’est tout naturel…
Billy Kulling. Assurément le plus cruel des deux. Chétif, le corps ingrat et le visage dévoré par la maladie, à sa naissance, Billy ne devait pas survivre plus de quelques jours d’après les médecins, mais l’amour inconditionnel de sa mère défia la logique et la science. C’est ainsi qu’il perdura les première années. Puis, l’amour laissa place à la haine lorsqu’il eut l’âge de raison. L’âge de comprendre la différence, le gouffre entre lui dont la nature s’est moquée et le reste des enfants de son âge. L’encre de la colère née des moqueries incessantes des autres avait teint son cœur. S’il fut rongé par la maladie, il le fut plus encore par la peine et le mépris d’autrui.
Et dans cette différence, dans cet isolement, dans sa solitude et en ruminant sans cesse les paroles amers lancés à son encontre toute sa vie durant, son esprit a fini par épuiser le dernier filon de raison qu’il lui restait pour ne laisser place qu’à la folie. Une folie abyssale et démesurée qui a su grandir dans l’antre des pêchés de celui qu’elle avait fait sien. Une folie palpable qui se distingue jusque dans son regard. Une folie qu’il a lui-même cultivé jusqu’à ce qu’elle le domine totalement pour finalement le pousser aux pires abominations. Et cela commença très tôt, par l’école où il se rendait chaque matin à reculons, en trépignant des pieds. En arpentant ce sinueux sentier où il ne cessait d’appréhender les futurs moqueries, les nouvelles railleries de ses camarades de classe, de ces idiots qui ne savaient pas ce que c’était que de vivre dans la honte sans rien pouvoir y changer. Vivre avec un visage qui est le sien et que pourtant l’on rejette, c’est schizophrénique.
Alors il mit le feu à l’endroit. Prétextant sortir pour aller au petit coin, il barricada tout ce joli petit monde qui le poursuivait constamment dans ses turpitudes. Des torches, des torches brûlantes, des torches vivantes et humaines, des vies qui criaient au secours et à l’aide sans que personne ne vienne jamais les secourir. C’était exactement ce que lui vivait constamment et c’était cette même douleur qu’il devait inculquer au monde qui l’entourait. Car après tout, si nuls ne voulaient de sa compagnie, si personnes ne souhaitaient échanger quoi que ce soit avec lui, alors au moins, tous connaîtraient l’étendue de sa peine et la partageraient.
Dernière édition par Sorrento Olin le Ven 25 Juil 2014 - 20:02, édité 1 fois