Audra Storm

Quelque part dans un bar

- Pochtron ?

- Sympa...merci.

La discussion durait depuis plus de dix minutes maintenant, sans réellement avancer. La conversation n'était en général pas très intéressante  entre ces deux-là, mais celle-ci battait tous les records. Adam, le jeune homme aux mèches noires fixait d'ailleurs avec un regard signifiant approximativement "tu sais que tu me saoules grave" son compagnon plus jeune. Le jeune homme en question noyant son ennui dans la bière, c'était Audra Storm. Nul doute que le duo ne passait pas... en fait passait totalement inaperçu dans ce bar vide où même le patron semblait vouloir partir...

- Bah, tu me demandes.

- Déconne pas, c'est important. Y'a marqué "description physique".

- Tu ne peux pas te débrouiller ? Tu sais être objectif non ?

- ...

- Tu sais ce que ça veut dire objectif ?

- Heu...

- Pfff... donne-moi ça. Je vais te le remplir. Alors... Voyons ça...

C'est  avec une certaine lassitude qu'Adam se saisit de la fiche avant d'y poser un regard attentif. Ayant rapidement compris de quoi il était question, il leva la tête pour voir son compagnon vidant partiellement sa bière, la reposant violemment et lâchant une éructation sonore. Affichant une mine mêlant dégoût et découragement, Adam parvint au prix de gros efforts à trouver en lui la force de débuter la description de son "vertueux ami". Sans hésitation, il se saisit de la plume reposant sur la table et commença à écrire :

Jeune homme d'un mètre quatre vingt, je possède une silhouette fine et athlétique. Mes yeux en amande bleu profond sont soulignés par une chevelure blonde en pagaille qui n'est pas sans rappeler un hérisson doré. Sous mon front dégagé se trouvent deux sourcils fins et bruns, dont l'un est entrecoupé d'une cicatrice verticale. Succédant à un nez fin et gracieux, ma bouche se dessine en un petit ovale cachant une dentition blanche et régulière brillant au soleil. Mes oreilles légèrement pointues sont aguerries.

Fort d'une carrure musculeuse, mon torse est ponctué d'abdominaux dessinés et de pectoraux robustes, recouvert généralement d'un tee-shirt et d'un gilet bleu parsemé de fourrure. Mes bras puissamment développés tout en restant gracieux, s'achèvent par des mains soyeuses souvent recouvertes de gants bleus. Possédant des cuisses et des mollets également étoffés, mes pieds sans défauts sont agrémentés de bottes noires liées à mon pantalon lui-même fixé grâce à des bretelles.

D'un naturel sportif, je suis très endurant et assez rapide en course à pied. Combattif, je possède un excellent jeu de jambes et quelques techniques apprises au gré de mes voyages dans de nombreuses îles. M'exprimant parfois crument, j’observe néanmoins les règles les plus élémentaires de politesse. Tout en adoptant une démarche souple et mesurée, je suis capable de réagir promptement et dispose d'excellents réflexes.

Mon visage 0]enace aux émotions] se déforme rarement sous le coup de la colère, qui se concentre majoritairement dans mes yeux, sauf exception.  [De même, le bonheur que je ressens ne s'exprime que par un sourire fermé ou en coin, subtilement agrémenté d'un froncement de sourcils complice.] Naturellement souriant, je mets un point d'honneur à me maintenir en forme grâce à des exercices physiques quotidiens, ayant également pour objectif de développer mes sens.

- Alors ?

- Tu permets ? Tu crois que c'est facile de te trouver des qualités ?

Pour toute réponse, Audra souffla et se replongea dans sa bière.

Mon style de combat n'est pas propre à un art martial ou une école précise. Il se limite généralement à une bonne coordination des mouvements des membres inférieurs alliée à une précision et une vitesse de frappe indiscutable des membres supérieurs. N'hésitant pas à m'approcher de mes adversaires, je suis capable d'évoluer dans les trois dimensions, agrémentant mes attaques de sauts et de roulades stratégiques. Variant mon rythme, je tente de trouver une faille dans la garde de mon adversaire avant de m'y engouffrer avec finesse. M'impliquant entièrement dans chacun de mes combats, je peux parfois être amené à perdre mon sang froid et à laisser mes émotions prendre le dessus, n'hésitant pas à exprimer ma rage guerrière quelques hurlements accompagnant mes coups.

- J'aurais mis "rage bestiale".

- Tu veux continuer tout seul ?

- Non, non, tu t'en sors très bien. On forme une super équipe.

- Ben voyons.

- Hum. Je te rends la fiche, sur ce coup-là, je ne peux pas écrire pour toi.

- Bon.

Audra récupéra la fiche et la plume tout en appréhendant la suite. Posant un regard circonspect sur la feuille, il vida sa bière d'un trait, se racla la gorge et commença à écrire :

Beau gosse, intelligent...

- Heu...je vais essayer tout compte fait.

- Tu crois ?

La fiche rechangea de main en un instant et après quelques petites ratures, l'écriture put reprendre..

D'un naturel avenant, je suis plutôt optimiste. Souriant, taquin, je  suis un jeune homme assez charmant. Émotif, sensible, je ne dévoile que très peu souvent mon passé, ayant enfoui en moi des souvenirs particulièrement douloureux... peut être également par fierté. La bonne humeur fait partie de mon quotidien et le monde n'est pour moi qu'un immense terrain de jeu et de découvertes. Je demeure assez versatile, pouvant instantanément passer du stade de la dépression au sourire du bienheureux. Dragueur invétéré, je n'hésite pas à faire preuve d'une très grande sollicitude envers la gente féminine, qui me fait rougir et me met mal à l'aise si celle-ci me rend mes avances.

Simple civil, je demeure néanmoins un véritable bagarreur, relevant tous les défis (les lançant parfois) qui me sont lancés et participant activement à toutes les batailles de tavernes. Je respecte chacun de mes adversaires et tuer ne fait pas partie de ma philosophie. Face à eux, je ne recule que rarement, transformant la crainte qui s’immisce parfois en moi en adrénaline. Malgré tout, je sais reconnaitre ma défaite, me découvrant un nouvel objectif à chaque adversaire qui a le dessus sur moi : le battre un jour prochain...

Curieux sans en avoir conscience, j'apprécie élargir mon champ de connaissances. Pourtant la science n'est pour moi qu'une inconnue, certes séduisante, mais ne disposant pas des atouts adéquats pour véritablement capter mon attention. Face à elle, je demeure discret et respectueux sans jamais en manifester le moindre intérêt. La seule véritable fascination scientifique pour moi sont le vent et les courants atmosphériques. D'une grande importance dans la fermentation naturelle de la bière, ils sont également vitaux pour le monde entier. Transportant le pollen, les hommes et leurs navires, les nuages chargés de pluie et l'air vital. Leur caractère imprévisible, leur puissance et leur importance forcent depuis tout petit mon admiration.

Fier brasseur, je pratique mon métier avec plaisir, prétendant pouvoir fabriquer la meilleure bière de toutes les mers grâce à une recette ancestrale. Gare à celui qui oserait prétendre le contraire. Je ne jure également que par la bière qui est pour moi la meilleure des boissons.

Parmi mes quelques défauts, il est à noter un léger mépris envers la lâcheté et la faiblesse. J'ai également parfois du mal à conserver mon sang froid lorsque des évènements déplaisants arrivent, particulièrement si ces évènements concernent des demoiselles en détresse.


Soulevant la fiche pour la placer un peu plus loin devant lui, Adam admira son œuvre. Abaissant la fameuse feuille, il remarqua immédiatement que la chaise où se trouvait Audra quelques minutes plus tôt avait été désertée. S'interrogeant sur les raisons du départ précipité de son ami, la réponse arriva d'elle même lorsqu'un bruit de bouteille cassée parvint à ses oreilles. Un autre ne tarda pas à suivre, puis encore un autre. Se retournant, Adam put s'apercevoir qu'une bagarre venait tout juste d'éclater au niveau du comptoir de la Taverne. Celle-ci entièrement vide une heure plus tôt s'était progressivement remplie, avant qu'à 18h45 précise, la première bagarre de la soirée ne se déclenche, comme tous les jours. Par tradition, Audra avait ouvert les hostilités en conversant un peu durement avec quelques habitués. Un mot de travers et la première bouteille avait volé en éclat. Soupirant, Adam évita une chope volant de sa direction. Apercevant Audra dans la mêlée, il le héla sans succès au milieu du capharnaüm. Se replongeant dans la lecture de la fiche, il retrempa soigneusement sa plume avant de poursuivre...

Lisant l'intitulé de la dernière partie, Adam prit une mine plus sombre. A sa connaissance, la vie d'Audra n'avait pas été des plus roses à son commencement. Ravalant alors sa salive, il posa la pointe de la plume sur le papier et débuta son écriture, faisant appel à ses souvenirs...


Dix-sept ans plus tôt


- Maman ?

- Dépêche-toi Adam !

Ma mère me tire par la main me soulevant presque du sol. Elle est paniquée. Je le vois à sa démarche pressée et à sa mine grave. Le voisin qui est venu jusqu'à chez nous a dû apporter de mauvaises nouvelles. Une larme perle sur sa joue et brille au soleil. Il fait très chaud aujourd'hui. C'est une journée idéale pour aller à la plage. Nous en prenons d'ailleurs la direction, mais nous n'avons pas pris nos maillots. Pourquoi est-elle triste ? Je n'ose pas lui poser la question. Enfin, nous arrivons. Je connais bien cette plage. Nous y allons très souvent. Au loin j'aperçois monsieur Victor et madame Elisabeth. Je suis content de les voir. Ma mère me tire davantage, mais au contraire semble encore plus triste. Des hommes entourent madame Elisabeth qui est allongée sur le sable. Nous les rejoignions. Madame Elisabeth hurle. Monsieur Victor lui tient la main et semble désespéré. Deux hommes sont placés entre les jambes de madame Elisabeth et lui demande de pousser encore. Je ne comprends pas très bien ce qu'il se passe. Je lance un regard interrogateur à ma mère qui s'éponge les yeux. Elle s'agenouille pour se mettre à ma hauteur et tente de sourire.  

- Madame Elisabeth est en train de mettre au monde des enfants. Tu te souviens ? Nous en avons parlé. Malheureusement, c'est un peu tôt, c'est pour ça que maman et monsieur Victor sont inquiets.

J’acquiesce. Maman m'a tout expliqué la semaine dernière et celle d'avant, et encore celle d'avant. Une mouette passe au-dessus de nous et je tourne la tête pour la suivre jusqu'à la mer. Malgré l'agitation, l'eau est pleine de baigneurs et de gens qui se prélassent sous des parasols à bonne distance de la scène. Madame Elisabeth hurle encore. Elle souffre. Je n'aime pas que madame Elisabeth souffre. Finalement quelque-chose sort de son corps. L'un des hommes le récupère. Il s'agit d'un petit être violet et gluant. C'est ça un bébé ? Il a un tube long qui part de son ventre. On dirait une laisse. Son arrivée semble réconforter un peu tout le monde. Madame Elisabeth l'appelle Anna. Il hurle quand on lui donne une claque sur les fesses. Mais déjà voilà que madame Elisabeth hurle à son tour. Est-ce qu'un autre être gluant va arriver ? Les minutes passent. Un nouvel être sort, mais madame Elisabeth ne bouge plus et ne crie plus. Monsieur Victor est paniqué. Il pleure. Le bébé ne hurle pas quand on le frappe sur le derrière. Tout le monde semble triste. Monsieur Victor pleure beaucoup. Il hurle le nom d'Elisabeth. Ma mère pleure. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens triste aussi tout à coup. Des larmes montent jusqu'à mes yeux et finissent par couler. Ma mère me prend dans ses bras. Je me blottis contre elle.

- Madame Elisabeth n'est plus là ?

- Non... Elle n'est plus là...

Au milieu des pleurs et du désespoir de monsieur Victor, un hurlement retentit. C'est le deuxième bébé. Son cri se perd dans le chant des mouettes. Il respire finalement. Madame Elisabeth est partie et deux bébés sont arrivés. Le soleil brille. Il fait chaud. La journée était parfaite pour aller à la plage...

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Posant sa plume, Adam se saisit de son introduction et s'épongea l’œil d'où était apparue une larme. Souriant à peine, il reposa la fiche.

- Au moins la suite est un peu plus joyeuse...

Retrempant sa plume, il reprit son écriture.

Après cette naissance un peu mouvementée, nous fûmes principalement allaités et élevés par madame Tier ma sœur et moi, mon père étant trop occupé par son travail de brasseur. Travaillant dur pour fournir toutes les auberges de la région en bière, il nous laissa donc chez cette voisine, ne pouvant s'occuper de nous. Je n'ai que peu de souvenirs de cette période, probablement à cause de mon jeune âge. Cette partie de ma vie me fut un jour racontée par Madame Tier, encore et toujours notre voisine. Ce que je sais cependant, c'est que mon père alla nous voir tous les soirs après sa journée de travail, nous regardant dormir, pleurant et souriant à la fois.

Les années passèrent, les unes après les autres et nous grandîmes bien vite. Madame Tier avait un fils plus âgé que nous, Adam, dont je me fis très rapidement un ami. Ce qui me fut des plus bénéfiques, entretenant des relations difficiles avec ma sœur jumelle, Anna. Notre père récupéra notre garde, mais nous laissa encore la journée chez notre voisine, que je passais à jouer avec Adam, qui fit pour moi office de grand-frère. Pendant ce temps Anna passait son temps à discuter et à aider madame Tier aux tâches ménagères. Lorsqu'elles avaient fini, elles s'en allaient toutes deux du côté de la petite bibliothèque et lisaient. Adam savait lire, Anna aussi et moi-même, je dus me résoudre à apprendre, assistant assidument aux cours dispensés par madame Tier. Malheureusement, la lecture n’eut pas le même succès chez moi que chez ma sœur, qui s'abandonna à cet exercice, dévorant des livres contant mille-et-une aventures.

Quelques années plus tard, je vins rejoindre mon père à sa brasserie où il m'apprit la profession. Ce fut là une des périodes les plus heureuses de ma vie. Moi qui n’avais pas eu la chance de l'avoir auprès de moi aussi souvent que j'avais voulu, je pus enfin partager avec lui ses moments de complicités qui m'avaient tant manqué plus jeune. Attentif, j'appris tous les rouages de la profession, imitant mon père qui ne cessait jamais de sourire. La fabrication de la bière était longue et complexe, mais elle me séduit immédiatement. Pendant ce temps, ma sœur Anna avait trouvé une place chez une tisserande, comme l'avait été ma mère. Malheureusement, cette profession ne l'intéressait guère. Elle me l'avoua un soir, elle ne rêvait que d'aventures et attendait patiemment l'âge de prendre la mer, pour partir à la découverte du monde...

Durant les années suivantes, je fus très proche d'Adam qui m'apprit à me battre et très vite, nous partîmes chaque soir en direction des tavernes, où nous commencèrent à boire la bière que mon père brassait. Nous participâmes à nos premières bagarres, qui devinrent rapidement un sport.

Enfin, le jour de mes quinze ans, j'exhibai enfin ma toute première production de bière, ayant réussi toutes les étapes de sa fabrication. Ce fut un bel anniversaire. Ma sœur obtint une boussole et un tricorne. Quant à moi, j'obtins de mon père le plus beau des cadeaux, la recette ancestrale de la famille. Désormais brasseur attitré, je poursuivis la production de bière, livrant moi-même les auberges. Puis, du jour au lendemain, Anna disparut, laissant une lettre sur la table, expliquant son départ avec quelques marchands le matin même. Partie à l'aventure comme elle le souhaitait, elle nous y promit que nous entendrions bientôt parler d'elle...

Deux années passèrent sans que nous ayons de nouvelles, jusqu'au jour où nous reçûmes un avis de recherche, Anna posant fièrement en son centre. Ainsi, elle était devenue pirate. Cette nouvelle nous rendis heureux mon père et moi. Elle développa également chez moi comme une envie de découverte. Délaissant alors ma profession de brasseur, je fis de plus en plus halte dans les auberges, participant aux bagarres s'y déroulant comme à l'accoutumée mais écoutant également le récit des marins qui y faisaient escale. Ma décision fut alors prise. J'allais moi aussi prendre la mer pour découvrir le monde, déguster des bières dans toutes ses tavernes, développer la meilleure bière jamais fabriqué et enfin, devenir le plus grand des combattants afin que ma sœur puisse entendre parler de moi et pour qu'un jour, nous nous retrouvions à nouveau...


Posant sa plume, Adam fit signe à Audra de le rejoindre. Ce dernier, le front ouvert, lâcha le crâne du dernier homme debout et rejoint la table, récupérant la feuille que lui tendait son fidèle ami.

- Tu as fini ?

- Oui. La fin te convient ?

Souriant, Audra parcourut la fiche des yeux.

- C'est parfait. Tu as toujours été doué Adam pour écrire des histoires.

- Il ne s'agit pourtant que de la tienne.

- Merci Adam. Heu... je t'offre une bière ?

- S'il reste une chope intacte, pourquoi pas.

- Pas sûr...

- Dans ce cas, direction la prochaine taverne.

- Yeah !

Un jour que tu baroudes de tavernes en tavernes et de bagarres en bagarres, tu fais la rencontre d'une veilleuse de comptoir bien singulière : tu la connaissais de vue, comme tout le monde, mais ce jour là, elle se prend d'affection pour toi d'une manière particulièrement maternelle. Elle te couve, cherche à te protéger, à réduire ta consommation de bière et te suit comme ton ombre.
Raconte un peu comment ça se passe, avec option "ma mère est morte à ma naissance et voilà que je me prends la version de substitution, blah". Et fais nous rêver, nom de bleu.

Chapitre 1 :  "Chapourrait allez mieux..."


Par une paisible nuit étoilée à Inu Town, un chat se prélassait sur le rebord d'une fenêtre, s'étirant de tout son long en baillant. Ladite ouverture appartenait à un établissement renommé et fort respectable, célèbre pour sa bière épicée et pour les bagarres qui s'y déroulaient quotidiennement. C'était d'ailleurs une véritable économie qui tournait autour de ses pugilats. Après une dure journée de travail les bagarreurs se rendaient dans une taverne, s'offraient quelques chopes d'excellentes bières. S'en suivait une dispute quelconque qui dégénérait en une mêlée générale, ayant rapidement raison des fenêtres et du mobilier de l'établissement. Le lendemain, le tavernier fort des bénéfices engendrés par la vente de sa bière allait quérir les artisans, qui réparaient son auberge contre monnaies sonnantes et trébuchantes. Ces artisans passaient l’après-midi à tout réparer et après une dure journée de labeur, se retrouvaient dans une taverne afin de s'offrir des consommations bien méritées, poursuivant ainsi le cycle...

Le vacarme provenant de derrière la vitre ne semblait pas incommoder plus que ça le matou, probablement habitué à pareil remue-ménage. Néanmoins, ce soir-ci, le félin allait être troublé par un digne représentant des meilleurs combattants de taverne de tout North Blue. Ce dernier ne tarda d'ailleurs pas à apparaitre...

Soudain, la vitre vola en éclat. Une masse sombre la traversa de part en part, projetant mille et un débris de verre dans toutes les directions, ainsi qu'un chat innocent qui s'envola vers une ruelle toute proche dans un miaulement strident.  Ladite masse effectua quelques roulades sur le sol avant de se stabiliser quelques mètres plus loin. Allongé les bras en croix, la masse se distingua petit à petit à la lumière de la taverne. Cette masse, c'était Audra. Comme à son habitude, le jeune brasseur avait tenu à déclencher personnellement la bagarre qui avait sévi à l’intérieur de l'établissement. Le calme venait d'ailleurs tout juste d'y revenir, le principal fauteur de trouble ayant été jeté par la fenêtre quelques secondes plus tôt...

Se redressant le front en sang, Audra se frotta le crâne où une vilaine bosse venait tout juste d'apparaitre. Percuter des murs et traverser des fenêtres avaient la fâcheuse tendance de provoquer ce genre de dommages corporels. Souriant et ricanant, le jeune homme se releva. Il commençait à avoir l'habitude que ses soirées dans les tavernes se terminent ainsi. D'ailleurs, c'était là le but du jeu.

- Hahaha ! Ça c'est de la bagarre ! Je l'ai pas vu venir celle-là !

S'époussetant pour débarrasser son gilet des éventuels morceaux de verre, Audra tendit l'oreille lorsqu'un bruit étrange parvint d'une ruelle toute proche. Le jeune brasseur crut y reconnaitre un miaulement, rapidement rejoint par d'autres. Plissant les yeux, il vit un chat s'approcher, le poil hérissé, visiblement insatisfait du vol plané qui lui avait été offert...

- Oh, un chat !

...Un second chat vint rejoindre le premier, l'air tout aussi énervé...

- Deux chats.

...Puis une bonne dizaine s’extirpèrent de l'ombre de la ruelle et commencèrent à feuler...

- hum... ça fait un tas de chats ça...

Immédiatement, les félins s'élancèrent sur Audra, qui prit instantanément la direction inverse pour une question élémentaire de survie en poussant un cri de pucelle. C'est ainsi que le jeune brasseur s'élança dans la nuit, poursuivit par une meute de chats enragés et provocant la stupéfaction des gens qu'il croisa...


Chapitre 2 :  "Tout ça m'a donné soif..."


Reprenant son souffle au sommet d'un poteau en bois, Audra s'épongea le front. A ses pieds, les matous ayant renoncé se dispersaient à travers les ruelles, alors que le premier attendait patiemment, sagement assis sous le poteau. S'asseyant également Audra posa ses coudes sur ses cuisses et posa son menton sur ses paumes en soupirant. La brise de la nuit lui caressa alors doucement le visage, dispersant ses gouttes de sueur. Cet air rafraichissant lui parcourut tout le corps et le fit un peu frissonner. Suivant la direction qu'il prenait, Audra tourna lentement la tête vers la mer, fermant les yeux une seconde. Le vent, la brise, les alizées, le monde entier dépendait de ces courants atmosphériques. Pas de vent, pas de nuage, pas de pluie, pas de voile gonflée, pas d'aventure. Se laissant bercer parmi ces idées, le jeune brasseur reprit à ses esprits à la suite d'un miaulement bien particulier. Soufflant, Audra fronça les sourcils en se rappelant la situation.

- C'est le monde à l'envers... Qui peut bien aimer ce genre de bestiole ?

Sentant le regard des lecteurs pesé bien plus intensément sur lui, Audra releva la tête.

- Ah oui... Autant pour moi !

- Ça t'arrive souvent de parler tout seul ?

Le jeune brasseur baissa la tête pour apercevoir son cher ami Adam, caressant le matou ayant élu domicile dans ses bras. Le félin ronronnait et l'homme, quant à lui, s'interrogeait sur la santé mentale de son ami d'enfance.

- Qu'est-ce que tu fous là-haut ?

- Je bronze...

- Sérieusement.

- J'aime pas les chats...

- Mais encore ?

- J'ai soif.

- Descend...

- ...

Audra se saisit du poteau, croisant ses pieds et se laissa glisser pour finalement rejoindre le plancher des vaches. Entre-temps le matou avait disparu, ayant probablement aperçu une souris passant par là. Faisant face à son ami de toujours, le jeune brasseur se gratta la tête.

- On pourrait écrire des romans avec tes conneries... dit Adam dans un sourire.

- Charge-toi de les écrire, moi je me rends à cette taverne. dit-il en désignant un établissement tout proche. Courir m'a donné soif.

- Ta dernière je présume ?

- Affirmatif.

- Il était temps... dit-il en passant une main sur les cheveux de Audra et découvrant la fameuse bosse. N'oublie pas qu'on doit livrer le vieux Carpentier demain matin, essaye d'arriver frais.

A ces mots, le jeune brasseur ne put s'empêcher de sourire, enlevant la main de son ami.

- Comme tous les dix du mois mon frère. Bonne nuit.

- Bonne nuit idiot.

Audra quitta son ami et se dirigea d'un pas nonchalant vers la taverne. Il avait soif, s'était un fait. Un brasseur qui avait soif, mais où allait le monde ? En s'approchant, le jeune brasseur remarqua que l'établissement était déjà des plus animés. Une bagarre devait y avoir débuté sans lui. C'était un scandale. Ouvrant la porte, il s'écarta par réflexe afin de laisser le passage à un ivrogne qui venait tout juste de se faire propulser par d'autres bagarreurs.

- Bonsoir. dit-il naturellement avant de refermer la porte derrière lui.

Esquivant quelques jets de bouteilles, Audra alla s'asseoir au comptoir, face à une demoiselle d'âge mûr, mais très séduisante. Sans détour, il commanda une bière épicée, essayant de ne pas céder encore une fois à ses instincts de dragueur.. Une seconde plus tard, une chope bien remplie apparut devant lui, accompagnée du sourire de la bonne femme.

- Voilà pour toi, Audra. dit-elle en replaçant bien la chope.

- Tu te souviens de mon prénom ? répondit-il, surpris, empêchant le rose de lui monter aux joues.

- Évidemment, tu nous livres chaque début du mois. Tu ne t'en souviens pas ?

- Hum... si, si... avoua-t-il d'une voix basse, baissant la tête.

Relevant la tête, il plongea son regard dans celui de la barman.

- Pénélope, comment vas-tu ?

- Bien, comme tu peux le voir. Les affaires marchent bien. dit-elle en désignant la bagarre d'un geste de la tête.

Audra tourna la tête, juste à temps pour esquiver une chope, que Pénélope rattrapa au vol, avant de la ranger sous le comptoir. S’éclaircissant la gorge, elle lança en direction des bagarreurs :

- C'est la dernière bagarre, après, je ferme !

Comme pour lui répondre, une table alla se briser contre un mur, fauchant au passage quelques ivrognes pas assez rapides. Souriant, Audra but une gorgée de sa bière épicée, savourant les arômes qui s'en dégageaient. Il n'y avait aucun doute, la bière Storm était la meilleure de l'île. Sa préparation était longue et complexe, sa recette gardée secrète et son succès certain. Le jeune brasseur était au courant, car après tout, il s'agissait de la sienne. Reposant sa chope, il croisa le regard de Pénélope qui le fixait.

- Tu n'as pas changé depuis toutes ces années.

- Tu trouves ? répondit Audra en effaçant sa moustache de mousse d'un geste de bras.

- Je trouve.

Esquivant le regard de Pénélope, Audra vida sa bière, avant d'en demander une autre.

- Hum, hum, c'est assez pour ce soir.

- Mais ?

- Combien en as-tu bu en tout cette nuit ?

- Heu...deux, trois...

Pénélope haussant les sourcils pour se montrer insistante.

- Bon d'accord, vingt-trois, mais ça ne change rien. Elle ne saoule pas cette bière.

- Niet, c'est moi qui gère les robinets.

Audra soupira, manifestant sa désapprobation. Que pouvait-il faire de plus ?


Chapitre 3 :  "C'est l'heure d'aller au lit..."


S’apprêtant à se lever pour terminer une bonne fois pour toutes cette bagarre qui s'éternisait, Audra se leva, avant de se faire retenir le bras.

- Où comptes-tu aller ?

- Ben...

- J'ai dit que c'était la dernière bagarre. Je dois fermer.

Audra se rassit, se sentant quelque-peu couvé. Soupirant, il se remémora certaines choses. La mine basse, il souffla :

- Cela fait combien de temps maintenant, Pénélope ?

Instantanément, la jeune femme perdit son sourire, giflant d'un geste le jeune brasseur, avant de se retourner.

- Excuse-moi... je ne voulais pas, c'est juste que...

- Je sais... lâcha-t-elle dans un souffle. C'est moi qui suit désolée... tu lui ressembles tellement...

- Je suis sûr qu'il va bien... Anna est avec lui après tout.

- Il est si jeune... pourquoi est-il parti ?

- La soif d'aventure devait-être devenue trop forte, comme pour Anna... bientôt comme pour moi...

Se penchant vers l'avant, Audra posa une main sur l'épaule de Pénélope, qui se retourna en s'épongeant les yeux avec le dos d'une main. Elle posa alors son regard embué sur le jeune brasseur qui lui souriait.  

- Tu te souviens ? Il aimait beaucoup se battre avec moi dans les tavernes.

Ramassant sa chope, il la tendit à la jeune femme qui s'en saisit, hésitante.

- Tu souhaites me protéger ? Moi je vais rejoindre cette bagarre. Il faudra que tu me suives si tu veux qu'il ne m'arrive rien.

Le sourire revint aux lèvres de Pénélope, qui écarta une mèche lui passant devant les yeux.

- Sale mioche, tu vas voir.

Éclatant de rire, Audra s'élança vers le pugilat s'armant au passage d'un tabouret. Pénélope se lança à sa poursuite, propulsant sa chope de bière vers le jeune brasseur. Audra se baissa, laissant passer la chope qui alla se briser sur le crâne d'un ivrogne, qui s'écroula dans un gémissement.

- Hahahaha !

- Revient ici, il est l'heure d'aller au lit ! Allez, tout le monde dehors !

Une clameur s'éleva au milieu de la mêlée, comme pour accueillir les deux nouveaux arrivants. Audra brisa son tabouret sur le dos d'un costaud qui se retourna pour le saisir.

- Ça, c'était pas très gentil ! grogna-t-il en armant son poing.

Pénélope s'éleva alors au-dessus de la mêlée pour atterrir les deux pieds en avant directement dans le visage du mastodonte qui lâcha prise et alla se fracasser contre la dernière table intact. Audra se releva, s'époussetant.

- Joli coup.

- Il faut bien montrer qui est la patronne ici.

Tous deux s'élancèrent à nouveau dans la mêlée, distribuant et encaissant les coups avec complicité. Audra manqua de se faire mettre au tapis par le fameux chat, qui ayant trouvé la fenêtre de la taverne brisée, avait décidé de prendre sa revanche. La lutte dura quelques minutes pour se solder par la victoire du brasseur qui propulsa une nouvelle fois le matou par la fenêtre, après avoir reçu bon nombre de coups de griffes.  

Finalement, au bout d'une vingtaine de minutes, le calme revint dans la taverne, tout ce qui pouvait être brisé ayant été brisé et tous les combattants mis au tapis. Assise contre un mur, Pénélope souriait, la tête d'Audra posée sur ses genoux. Le jeune brasseur, dernier debout, s'était vu octroyé un ultime coup de chaise derrière la tête par la barman. Caressant doucement la chevelure du jeune homme, cette dernière était heureuse. Elle se souvenait de son fils avant que celui-ci ne prenne la mer. Lui et Audra se ressemblaient tellement. Ce dernier lui avait d'ailleurs offert un magnifique cadeau ce soir. Souriant une dernière fois, Pénélope posa sa tête contre le mur et ferma les yeux. Il était l'heure d'aller au lit...