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Le Captif.

Spoiler:


Royaume de l'Absurde. C'est ici que le Commodore a été conduit par ses ravisseurs. Pendant plus d'un mois, par précaution, ils ont emprunté de multiples courants, suivi des caps déroutants dans le but de semer leurs éventuels poursuivants. En authentiques professionnels, ils se sont assurés que leur mission n'avait pas été compromise. Pourtant, tout n'a pas été aussi aisé que prévu : lorsque Mirabella les a prévenus que la situation sur Banaro avait échappé à leur contrôle, que l'équipage avait outrepassé les règles fixées, ils auraient pu voir fondre sur eux Le Passeur. Mais ils ont su couvrir leurs traces avec soin. Il fallait rester discret et lucide. Ils l'ont été. Rejoindre le chef de meute directement aurait pu tous les mettre en péril. Le Haut-Commandement de la marine fouillait tous les navires qui venaient trouver mouillage sur l'une des îles sous le contrôle du Gouvernement Mondial. Alors, ils ont attendu. Ils ont sillonné l'océan parfois trop calme, parfois furieux, en rongeant leur frein et les arêtes des quelques trop rares poissons pêchés. Rationner les vivres tout en évitant les conflits internes, voilà de quoi leur quotidien était fait pendant leur quarantaine. Sans jamais se préoccuper du prisonnier, livré à lui-même tout ce temps. Jamais on ne lui a plus adressé la parole, une fois passé le jour de son embarquement; jamais on ne l'a libéré de ses fers. C'était pourtant bien inutile de les lui laisser, il était trop faible et trop esseulé pour entreprendre de renverser l'ennemi. Mais celui qui dirigeait la mission à bord est un homme sans bonté. Kihal. Dérangé, belliqueux et sanguinaire. Il a fait endurer la faim et la fatigue au Commodore pendant sa captivité, et y a pris un certain plaisir.

Mais ce soir, enfin, ce traitement de souffrance monocorde est brisé. Le bâtiment accoste. La vigie a crié un " Terre " fatigué et soulagé, une heure plus tôt; le son a fui ses joues creuses pour venir parcourir l'équipage entier, le faire frissonner d'un plaisir de délivrance. On a fêté la nouvelle avec une joie révélatrice de l'épreuve traversée. Les manœuvres d'appareillage ont été soigneusement effectuées, pour venir se lover dans la crique sans heurter les pics menaçants, de part et d'autre de la trouée. Hadoc, que l'on a sommé de rester immobile à sa place, a vu une falaise escarpée découper l'horizon et les grappes de lumière d'une ville jouxtée au vide colorer la pénombre.

L'ancre est jetée, le bâtiment s'immobilise, cossard ou fourbu peut-être, au flanc de l'embarcadère. Ils sont au port. Nul comité d'accueil, ou de contremaître pointilleux. S'il y a des fonctionnaires ici, ils ne sont pas scrupuleux. S'il y a des marines, ils ne sont pas consciencieux. L'endroit a été aménagé au mieux, mais reste difficile d'accès, tant par voie maritime, que depuis l'intérieur des terres. L'île est cintrée d'une falaise en couronne aux dents acérées. Si une partie de la population, pour vivre de la pêche ou du travail aux docks, a choisi de s'installer proche de la berge, la majorité des habitants se concentre dans le noyau. Toujours sévèrement gardé, l'Officier a escaladé le chemin abrupt, dangereux même en certains points étroits, pour rejoindre un campement établi sur le plateau balayé par un vent marin chaud et salé. Ils sont ici à encore une dizaine de kilomètres de la ville aux mille et un feux. Visiblement, ils n'iront pas plus loin ce soir.

Le groupe de voyageurs a été accueilli par ses hôtes; parmi eux, le leader a une silhouette que le Commodore ne saurait oublier. Il s'agit de l'homme qui l'a vaincu lors de leur duel sur le Passeur. Jabkar. Il ne semble pas s'intéresser au samouraï, dont les traits tirés témoignent de l'épuisement. Au lieu de ça, le taciturne bretteur part s'entretenir avec Kihal; une discussion animée les tient éloigné du reste du groupe pour un temps.

Le camp monté, chacun prend le temps de se restaurer. Les organismes ont souffert, puiser une simple gorgée d'eau claire, laisser cette sensation désaltérante envahir l'œsophage, tant de gestes simples mais précieux que l'on redécouvre, auxquels on accorde une nouvelle valeur. On présente une louche à l'Officier. Il s'agit de la seule femme de l'équipage, celle-là qui déjà, avait apaisé la colère de Kihal quand celui-ci entreprenait de se défouler sur Hadoc, lors de leur première rencontre.

- Buvez. Cela vous fera du bien.

Sa voix est claire, son regard doux. Il y a quelque chose chez elle d'apaisant; c'est comme toucher du doigt la paix au milieu du carnage. Le samouraï va pour accepter le récipient quand une main intervient. Non pas pour lui ôter l'accès à l'eau, mais pour le libérer des chaines qui entravent ses mouvements. C'est Jabkar. Sa voix gutturale s'élève sur le bivouac entier, mais son regard sombre reste fixé sur Hadoc.

- Ce soir, reposez-vous. Restaurez-vous, profitez d'un sommeil réparateur. Demain, une nouvelle épreuve vous attend.

Puis, sans plus parler, il prend une gorgée à sa gourde, va s'asseoir en tailleur devant le feu de camp, et ferme les yeux, sans plus de cérémonie, avec, toujours, une main sur la poigne de son katana, et l'autre sur le fourreau.

Bien vite, d'autres l'imitent et vont trouver Morphée. Les corps sont harassés. Autour du Commodore, le camp s'endort peu à peu.
    Le jour, il dormait. D'un sommeil inconfortable et quasi impuissant, puisqu'il ne pouvait s'asseoir avec les entraves de ses poignets. Et plusieurs fois son corps ballotant au bout de sa chaîne autour du grand mât avait été manipulé sans qu'il ne réagisse plus qu'il ne le dut. Souvent, le médecin de bord prenait son pouls, évaluait ses chances de survie. S'il était clair qu'il ne bénéficiait d'aucun traitement digne d'un être humain, Hadoc devait arriver vivant chez son hôte. C'était une évidence qui avait au moins l'avantage de ne pas lui faire chercher un moyen de survivre, puisqu'ils étaient là pour s'en assurer à sa place. Et à ce petit jeu le bushi n'offrait aucune aide. Jamais il ne se plaignait, jamais il ne demandait à boire, à manger, à se réchauffer. L'eau salée lui irritait la peau, le manque de sommeil et de nourriture le rendaient comme désarticulé à chaque sursaut du navire et les vêtements trempés le faisaient trembler comme un oiseau ridicule en proie à la frayeur. Mais qu'il ait eu peur, mal, ou tout simplement la rage au ventre d'être usé et captif d'un dérangé à peine assez raisonnable pour remplir ses propres objectifs, Gharr n'en n'avait jamais rien montré. Rien n'avait d'importance, car c'était dans le noir presque total que sa carcasse s'animait et que la vie s'emparait à nouveau de son esprit.

    La nuit, il s'entraînait. Que son corps soit gelé par le vent battant, que la faim lui torde le ventre au point de lui donner envie de remettre ce qu'il ne pouvait rendre, que ses jambes épuisées de l'avoir porté tout le jour se tétanisent et que ses poignets ouverts par les frottements des pinces d'acier lui brûlent la peau à chaque contact de cette eau trop salée, il devait rester apte au combat. Lent, méthodique, froid, le Commodore s'employait à transformer sa chaîne en partenaire d'entraînement. Tractions, chaise romaine, escalade, tout était bon pour lui imposer des défis, occuper son esprit et renforcer la confiance qu'il avait en ses aptitudes malgré ce corps qui cherchait de plus en plus de graisse où il pouvait en trouver et ces muscles de plus en plus contraignants pour accomplir les tâches exigées. Mais il avait tenu le coup. Grâce à la méditation évasive du jour qui ralentissait son organisme et le plaçait dans un sommeil parallèle, il s'économisait assez pour se dépenser le noir revenu. L'ennemi, qu'il s'agisse de Jakbar, du dingue ou des hommes d'équipage, ignorait qu'il pouvait employer ses jambes aussi habilement que ses mains. Et Gharr découvrit à force d'entraînement exclusif avec elles que la technique du pas léger pouvait également s'opérer sur des surfaces verticales.

    Le mât ne devint plus un pilier, mais un pont. Avec une chaîne de plus en plus superfétatoire à son adhérence, Gharr apprit à faire de toute surface une plaine pourvu qu'il l'arpente sans hâte. Cette découverte lui offrit une liberté jusqu'alors inespérée, même avant sa capture. Non seulement il pouvait se poser et se détendre, mais en plus le couloir en rondin traité lui offrit une passerelle vers une évasion surprenante et plus spirituelle encore qu'il put le soupçonner. Le monde du samouraï était devenu une vision à la fois splendide et effrayante. La planche attachée à une simple coque de bois qu'il ne pouvait qu'entrapercevoir en hauteur s'agrippait à des eaux qu'il ne pouvait qu'entendre et sentir lorsqu'elles bousculaient le navire. Certaines nuits, avec la clémence de la lune, il en mesurait l'ampleur au moyen de ces dizaines de milliers d'éclats scintillants, formant un autre ciel face au ciel, comme si le navire circulait sur un miroir suspendu à un mur dont les bords seraient l'horizon. D'autres nuits, les étoiles se faisant timides, la mer en tableau assez vaste pour occuper tout son champ de vision devenait une masse dense et tourmentée, puisant du noir de ses entrailles les déments remous qui suggéraient au si petit observateur l'impression qu'à tout moment quelque chose allait en jaillir pour le faire basculer, ou l'engloutir dans une poigne sans mesure. Et tout ce qui n'était pas cette encre épaisse partout d'un côté n'était que boursouflures intangibles glissant de l'autre, ainsi que sous et au-dessus de lui. L'univers n'était qu'un colosse turbulent et Hadoc subsistait sur son poil de bois, conscient que toutes les protubérances de coton noir lui étaient inaccessibles, et donc sublimes à contempler. Le ciel et la terre devenaient divinité; lui seul témoin de leur présence.

    Mais son ciel de nuit préféré, c'était celui des ténèbres totales. Celles où chaque pas fait oublier le sens de son corps et où seule la chaîne, condamnée à léviter en silence par les lois de Newton, était l'unique élément qui lui permettait de se rappeler qu'il ne rêvait pas, que ses pas le menaient bien quelque part. Un bouclier de bois derrière lequel guettait un homme qu'il ne pouvait voir. Il ne faisait que sentir ses troubles, la peur ou l'incompréhension de l'aveugle ignorant que sous lui, un fantôme l'observait. Et cette présence dérangeait l'errant. Il aimait tant ne plus rien sentir, ne plus capter en vigie ou sur le pont les âmes qui le contraignaient plusieurs fois par nuit à regagner son poste de simple prisonnier. Quand il ne le voulait pas, ou ne le pouvait pas sans donner l'alerte, il libérait son aura meurtrière et leur offrait un profond sentiment d'insécurité. Le pont de nuit devenait un péril pour les marins qui, tout bien considéré, préféreraient s'y atteler de jour. L'esprit sans lois du bretteur agissait comme s'il était la conscience du navire, veillant sur eux quand ils dormaient et les forçant à retourner se reposer quand l'idée intolérable de s'aventurer sur le pont les prenaient. Cet espace de liberté qu'il s'était offert, il l'entendait dénaturé le jour quand il se balançait sans force.

    Kihal, la fatigue, la qualité de la nourriture, les fantômes des anciens membres d'équipage revenus les hanter, les discussions superstitieuses gagnaient le coeur des marins et alourdissaient le labeur de leur périple. Ce n'était pas intentionnel. Gharr ne prenait aucun plaisir à les tourmenter. Mais que pouvaient-ils espérer en mettant au fer le fantôme de la Marine ? Pouvaient-ils sérieusement songer à aller sur le Passeur sans y trouver la mort ? Gharr n'était pas devenu ce qu'il était pour nourrir une image folklorique. Il était le Ghost Dog bien avant d'avoir son équipage, bien avant même d'avoir été engagé à la marine. Privé de son uniforme, de son équipage, de tout ce qui faisait de lui un être humain, il récupérait sa nature profonde et elle se jouait de ceux qui n'embrassaient pas comme lui la voie de la solitude. L'équipage de marginaux qui avaient adopté le Passeur n'étaient pas le fruit d'un curieux hasard. Tous étaient des morts ambulants, à leur manière, inaptes à la vie si elle n'était pas sans cesse coursée par la faucheuse.

    Qu'ils s'épuisent le jour ces hommes, comme lui, et qu'ils se rassurent de leur nombre ou de la confiance envers leur timbré de chef. La nuit, quiconque quittait son hamac était happé par la peur de la chose qui rôdait en eux. Oui, chaque crépuscule ressuscitait le chien, et chacun de ces crépuscules réveillait la peur des membres d'équipages qui étaient enfermés malgré eux avec cette bête faisant du soleil le seul rempart entre eux et le monde des morts. Tous les soirs, ils devaient craindre ou dormir.

    La traversée avait épuisé tout le monde. Le mouillage ne fit débarquer que des zombies errants, redécouvrant seulement au contact de la vie du dehors ce qui les avait toujours animés. C'était la lumière au loin que tous empruntaient, ravis d'enfin en finir avec le néant de la traversée.

    Elle lui offrit à boire. Elle, Flaca, était la seule que la présence du fantôme n'avait pas affectée. Même le fou, trop dérangé pour réagir comme les autres, avait connu un excès de nervosité durant le voyage, et une agressivité accrue qu'il ne pouvait identifier. Mais elle, elle avait toujours été hermétique à tout ça et sans doute avait-elle contribué à protéger les marins de l'influence macabre. Gharr la ressentait comme un esprit semblable au sien. Elle ne respirait aucune joie de vivre, mais sa présence influençait ceux qui l'entouraient. Le marine lui-même avait puisé du réconfort dans sa douceur quand le jour le torturait sans bruit. Et elle était la seule contre qui il n'avait jamais déchaîné son aura sombre, sans savoir s'il pensait cela inutile, ou s'il voulait simplement la protéger de tout, y compris lui-même. Hadoc la respectait, elle qui était incomprise de son équipage, vue comme une intruse indigne du rang qu'on lui accordait, et, pourtant, tellement plus précieuse qu'eux. Elle aurait fait une formidable Ghost Dog.

    La raison de sa présence lui ôta les liens, au mépris probable de l'avis du dément au sabre blanc. S'il lui rendait sa liberté, c'est qu'il récupérait enfin le droit de mourir. Hadoc but l'eau offerte en homme, et non plus en bête ou en esclave comme on l'avait traité jusqu'alors. Il remercia d'un hochement de tête les deux bienveillants et mordit dans ses manches pour arracher des bandelettes de tissu qu'il noua autour de ses poignets empourprés. C'était un marine, jamais il n'abandonnait. Si un enfant passait par là, il ne devrait pas voir les marques de son échec, jamais. Et par ce geste, il souligna également à ceux qui purent le comprendre que malgré son état pitoyable, il était prêt à continuer la lutte contre eux.

    Pour la première fois depuis des semaines, Gharr put bouger dans la même dimension que les autres. Son calvaire résonnait encore dans chaque parcelle de son corps, et pourtant tout semblait déjà si loin. Comme un très mauvais rêve que l'on oublie pourtant en se levant. Il prit le repos que lui avait conseillé Jakbar, sans chercher à fuir ni récupérer une arme. S'il avait voulu les contrer, il aurait employé le mini-escargophone logé dans son oreille pour capter un navire marine aux environs. Ou il aurait profité de ses balades sur le mât pour neutraliser la vigie et détacher ses liens. Mais la fuite n'était pas une option, pas après tout ça. L'employeur de tous ces hommes avait fourni tant d'efforts pour l'amener jusqu'ici. Au mieux, Gharr lui échapperait un moment et le conflit reprendrait. Autant en finir, que cela cesse. Qui que soit celui à qui il devait sa présence ici, il avait gagné depuis longtemps le droit de choisir le moment où Hadoc lui servirait de passeur.


    Dernière édition par Gharr Hadoc le Mer 27 Aoû 2014 - 3:28, édité 3 fois
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    L'aube croque les dernières miettes d'obscurité dans le ciel. Les hommes se réveillent. Beaucoup aspiraient à un sommeil plus long, ou plus confortable, mais il leur faudra se contenter de ces sept heures-là. C'est déjà beaucoup. Personne ne se plaint, tout le monde se met en action d'un même élan; le campement est plié dans une méthodique irréprochable et une rapidité à faire pâlir de jalousie les troupes d'élites de la marine. Bientôt, il ne reste plus qu'un feu calciné comme unique trace de leur passage. Le contingent, fort d'une trentaine d'hommes, reprend sa route pour remonter à rythme régulier le sentier qui mène à la ville. À la clarté du jour naissant, on la devine derrière ses remparts; on distingue les massives silhouettes de certains immeubles étrangement imposants. Ils pourraient rivaliser en hauteur avec les infrastructures de Marie-Joie. Certains viennent lécher les nuages, d'autres s'y perdent même. La blancheur des édifices centraux tranche avec le taciturne qui s'étale aux contours. D'ici, c'est comme un point de clarté dans la nuit.

    Pendant le trajet, on ne parle pas, on ne s'arrête sous aucun prétexte. Deux éclaireurs ouvrent la voie devant Jabkar. Derrière lui suit la colonne avec en son sein, Hadoc, qui peut sentir sur sa nuque le souffle vicié de Kihal; le chien fou attend le moindre mouvement de velléité de l'Officier, guette l'opportunité d'intervenir avec gourmandise. Enfin, derrière, l'arrière-garde.

    Peut-être la vigilance du corps entier laisse t-elle deviner la peur d'une attaque ? Ils ne seraient donc pas en territoire ami. À moins que ce ne soit là que simple rigueur, à mettre sur le compte de la sagesse et de la prudence du leader. Difficile à déterminer. Le premier élément de réponse arrive avec le barrage dressé en entrée de ville qui se présente à eux au bout de deux heures de marche soutenue. Il est tenu par une escouade d'une huitaine d'hommes. Le groupe continue sa progression, mais Jabkar se laisse glisser à hauteur de Gharr, pour l'avertir :

    - Ces hommes n'ont rien à voir avec notre affaire. Inutile de les impliquer.

    Les propos sont simples, assénés avec cette sombre et tranquille gravité inscrite au plus profond de son être. Puis, le bretteur va se présenter devant les soldats qui ne se montrent pas trop méticuleux au moment de laisser la délégation pénétrer dans la ville. Aucun d'eux ne prête véritablement attention à Hadoc.

    Les voici dans la capitale. L'architecture locale a de quoi surprendre. On passe d'un genre à l'autre sans transition, on rencontre des maisons perchées en haut de statues de pierres à la stabilité douteuse, des immeubles entiers battis sans le moindre respect du nombre d'Or, des espaces sous-terrains cloisonnés au plafond en verrière qui s'apparentent à des cités dortoirs. Dans les rues tantôt sinueuses, tantôt linéaires, on peut voir des décrets royaux placardés. " Port de chausses vertes obligatoire les dimanches ", " Interdiction de s'entretenir avec les commerçants avant 19 heures ", " Saluez l'autruche royale sur votre gauche " peut-on notamment lire. Et les passants s'exécutent avec déférence, s'inclinant bien bas devant le squelette d'un oiseau qui devait sans doute plus porter sur le vautour, ou l'aigle à en juger ses restes et leur anatomie.

    - Bienvenue au Royaume de l'Absurde, Tjaa-haha... persiffle Kihal à l'oreille du Commodore.

    L'heure suivante à déambuler dans les rues mène le groupe vers des quartiers plus nobles, qui sont autant d'occasions de se rendre compte que les arrêtés et autres ordonnances proclamées ici justifient à eux-seuls l'appellation de l'endroit. À deux reprises, ils croisent une patrouille, non pas de marines, mais d'une milice territoriale qui répond au maitre des lieux, quel qu'il soit. Au sortir d'une rue plus huppée, ils sont rejoints par un messager, qui délivre une lettre cachetée à Jabkar. Celui-ci prend connaissance de son contenu avant de la passer à Kihal en l'avertissant que ce sont ses nouveaux ordres. Une paire d'yeux fous dévale les lignes, puis un grand rire surgit, subit, mauvais.

    - Tja-ha ! Je m'en vais retrouver tes ouailles ! À bientôt, Commodore.

    Et il s'en va, comme ça, en déchirant la lettre. À en juger les mimiques qui pointent sur les visages autour du marine, personne ne regrette vraiment son départ. D'un signe de bras, Jabkar annonce la reprise de la marche. Elle ne dure plus bien longtemps. Quand ils arrivent au pied du donjon qui trône au dessus de la ville, ils s'arrêtent. Flaca explique au captif que devant eux se dresse les habitations privées du Roi Wakopol, Suzerain incontesté de l'île. Le mauvais goût apparent des infrastructures ici donne une bonne idée de la personne qu'il est. Quant à eux, ils demeurent dans un bâtiment qu'elle lui désigne d'une main. C'est un ancien complexe militaire désaffecté auquel ils ont donné une nouvelle vie. Personne ne le réclamait, personne ne s'est plaint de les voir s'y installer. Le chef de meute serait en bon terme avec une personne d'importance, ici, avance encore son interlocutrice avant d'ajouter :

    - Quand nous entrerons, je vous montrerai vos quartiers. Vous y ferez vos ablutions. Ensuite, vous irez vous présenter à notre maître, il vous convie à partager son repas. Rejoignez-le en salle de cérémonie. Vous obtiendrez ainsi des réponses à certaines de vos questions. À moins que le fait de le rencontrer n'en soulève d'autres, encore. Tout dépendra de vous, et de votre état d'esprit, maître samouraï.

    Les battants de bois tressés du portail s'ouvrent. La troupe entre. Le Commodore est sur le point de rencontrer son ravisseur.
      Les gardes de la ville auraient été bien savants s'ils avaient reconnus un Commodore dont la majeure activité sur le terrain avait été de se déguiser pour ne pas être confondu. Qui plus est sur Grandline, où ses passages étaient bien souvent succins. Pour les hommes d'armes comme les simples passant, ce n'était qu'un homme usé avec des vêtements qui, dans une vie oubliée, étaient blancs et propres. Seule l'insistance proximité de Kihal lui donnait une certaine importance, dont il se serait bien passé. Mais cet individu était devenu son quotidien et, qu'il le dévisage, ricane ou enfreigne toutes les règles des ouvrages sur la gestion de la colère, il aboyait plus qu'il ne mordait. Ou plutôt, disons que Hadoc n'était pas une nourriture qu'il lui était permis de goûter. Ce fait distrayait le marine. Il avait l'impression que Kihal était un singe enragé dans une cage ou un orage grondant au dehors. Le premier soir, ça impressionne. Le second mois, ça attendrit presque.

      Bien sûr, Gharr n'est en rien attendrit part cet être. Au mieux il compatit. S'il avait tous les membres de l'organisation dans une salle d'interrogatoire, et qu'il désirait en faire tomber le chef via les confrontations, il miserait tout sur Kihal. Il lui ferait un résumé de lui peu flatteur et probablement partiellement erroné, mais cohérent et certainement teinté de vraies choses. De ce que le monde retiendrait de lui. Toujours dans la provocation, pour susciter ses instincts plutôt que ses principes, ou sa logique. Il lui dirait qu'il pourrait essayer de le banaliser en lui affirmant qu'il en a vu des tas des dingues dans son genre, mais ce n'était pas le cas. Kihal n'est pas fou. Il est troublé et instable émotionnellement et il est fort probable que ses débordements soient d'une grande utilité lorsqu'il faut quelqu'un pour se salir les mains, mais son incapacité à se trouver une meilleure famille d'accueil est probablement l'atout principal de ce balayeur qu'on doit flatter en lui trouvant un nom plus prestigieux. De ce fait, c'est l'enfant attardé de la famille à qui on confie les besognes trop banales pour les autres. Etes-vous surpris Kihal ? Pourtant on vous a confié ma sécurité uniquement durant une traversée balisée, et sans danger pour vous puisque j'avais prêté serment de me tenir tranquille et que contrairement à vous, j'arrive à me comporter autrement qu'en enfant capricieux. Vous avez réussi, cela dit, mais les bons mots de grand frère Jabkar, frère que vous ne pourrez jamais égaler et qui possède visiblement une place que vous ne pourrez que rêver dans vos moments naïfs, ont certainement contribué à cette réussite brillante d'une fonction pourtant si banale pour tant d'autres. Vous surpasse-t-il donc dans tous les domaines pour que vous vous écrasiez devant lui ou est-ce parce que vous savez que si vous vous en prenez à lui, le maître de maison vous fera probablement piquer ? Et n'oublions pas Flaca, la police d'assurance. On peut être indigne de confiance par état d'esprit mais là c'est de la pure gouvernance d'un petit dernier attardé. Ca vous plait cette place Kihal ? Vous voulez broyer des biscuits en forme de dinosaure pour vous calmer ?

      Pourquoi ne pas chercher à monter votre propre équipage ? Vous savez que vous en êtes incapable ou c'est grisant de se blottir sous l'aile d'un être qui face mine accepte l'individu défectueux que vous êtes ?  Et s'il y a une once d'intelligence et de véritable fidélité dans cet esprit faussement génial de machiavélisme, pourquoi rester avec des gens qui vous acceptent alors que vous mettez à chaque instant de votre existence leur pérennité en danger. Ou vous vous pensez génial et vous êtes le seul à vous en persuader, ou vous savez à quel point vous êtes pathétique et là il était temps que nous vous arrêtions pour pouvoir travailler. Ils vont tout vous mettre sur le dos. Enfin, Jabkar ne dira rien, il veut un bon point de bras droit idéal, mais l'un d'eux vous mettra tout sur le dos. Quelqu'un qui en aura assez de sentir votre présence, qui se pensera plus à même d'occuper votre place, ou quelqu'un qui aura tout simplement compris qu'il nous faut sacrifice à porter sur l'autel de la Justice et de tous les officiers que nous avons, vous êtes celui qui existe pour ce rôle. J'imagine qu'ils trouveront des mots de circonstance pour louer votre action martyr et qu'ils reprendront leurs affaires, avec l'idée de se trouver un nouveau Kihal pour la prochaine fois. Et pour vous, ce sera le couloir final. Vous mourrez en anonyme au milieu de gens bien plus fous que vous, et surtout bien plus forts. Si vous avez la chance d'être assez chargé pour être descendu à leur niveau parce que personnellement, je ne vous trouve pas assez de panache pour vous offrir l'apprentissage en prison avec des gens de la trempe de Jabkar. Eh oui, même les prisons ne vous offriront pas la satisfaction d'être craint et influent.

      Ne perdons plus de temps à présent. Voici le papier de vos aveux complets, pour vous boucler et relâcher les chefs. C'est votre porte de sortie pour ce monde que visiblement vous détestez tant. Une signature et on peut tous retourner dans nos foyers respectifs. Quand ma femme me demandera comment a été ma journée, je lui répondrai "oh tu sais, la routine". Mais si vous ne signez pas Kihal, si quelque part dans cet être il y a quelque chose qui veut gagner et vous offrir une vraie chance de faire votre carrière là on n'a fait que vous faire croire que vous en possédiez une, au mieux par procuration, alors je pourrai prester quelques heures de plus ici pour que nous décidions ensemble de la brebis qui sera égorgée ce soir. Si la couleur du sang me plait, tu auras le choix entre une nouvelle chance de te faire un nom dans la piraterie ou une amnistie moyennant un suivi psychologique en centre assisté. Pas pour te trouver de bonnes raisons d'être emprisonné, juste pour s'assurer que l'éventuelle vie hors du crime soit viable et que tu puisses te réintégrer dans un monde bardé de règles que tu devras suivre. La plupart des gens y arrivent. Et tu pourras quitter ce centre quand tu voudras. Tu seras juste refais pirate si c'est avant la réussite de la thérapie. ais si c'est un départ de plein gré et sans aucun crime commis, personne ne t'arrêtera. Bien sûr, si tu ne me m'envoies pas balader, tu voudras probablement directement reprendre tes affaires. Moi je m'en fiche, mon choix c'est te courir après ou signer ton ordre d'exécution. Le centre de réhabilitation, ça par contre ça m'empêcherait de t'attraper. Tu aurais même assez de temps pour songer à comment marquer le monde lors de ton grand retour, le tout aux frais du gouvernement. Et si je te dis clairement que ça m'arrangerait moins que tu m'échappes, c'est parce que les types qu'on assied ne prennent jamais cette option. Je ne te la propose même pas pour t'aider. C'est juste la procédure, on doit vous offrir une chance de vous en tirer quand vous avez de quoi nous donner un plus gros poisson. Mais dans tous les cas, je t'offre le luxe du choix et de ses conséquences. Civil, pirate ou martyr. Tu veux aménager le suspense ou tu sais déjà lequel tu préfères ?

      Hadoc ignore ce que répondrait Kihal, même après un temps de réflexion pour se décider. Ce qu'il sait, par contre, c'est que ce souffle narquois n'a rien d'oppressant. Qu'il danse autour d'un feu qu'il ne pourra jamais suffisamment approcher pour se brûler ailes. Hadoc ne lui offrira pas le loisir de troquer la vie d'un pathétique contre la parole d'un noble. Pathétique devant lequel le marine avance avec droiture, ne cédant en rien à cet indigne la joie d'avoir porté atteinte au maintient de l'officier.

      C'est avec la même dignité qu'il entra dans le repère de ses hôtes. Un endroit aux fondations faites de pierres assemblées jusqu'au niveau des cuisses. Puis, du bois clair et des portes solides. Sûrement insonorisées. Le Commodore suit Flaca qui l'amène à l'étage supérieur. Autre étage, autre décor. Le bois envahit tout, du parquet au plafond, mais il est cette fois très sombre et laqué. S'il en avait, Hadoc retirerait ses chaussures. Il aperçoit au niveau supérieur une autre ambiance encore, mais c'est ici que sa guide l'emmène. Des palissades en papier de riz composent la totalité des couloirs. parfois une absence de murs laisse voir des tatamis et des paravents richement décorés d'estampes. Et des armes de bois, simulant pour la plupart des sabres de différentes tailles. L'étage des bretteurs. S'il n'était pas prisonnier, il se sentirait bien ici. Sans les voir, il sent l'aura guerrière derrière les chambres. Elles se succèdent en cellules et aucun bruit ne sort d'aucune d'elles, si ce n'est du bois qui craque, le froissement du tissu de quelqu'un qui se déplace, les petits chocs d'un couvercle de théière qui se repose cérémonieusement. Aucun mot, aucune musique. Seulement le son étouffé des pas du convoi et de la porte qui coulisse quand Flaca lui indique ses quartiers. Il la remercie d'un salut et entre.

      La pièce fait trois mètres sur quatre et ne possède aucune fenêtre. Sur les côté, les fenêtres de papiers donnant sur d'autres résidents et, au font, un mur de bois meublé d'une armoire. Hadoc y trouvera le futon et des vêtements de rechange. Tous les mêmes, mais de différents coloris. Sans doute pour s'adapter aux lois de l'Absurde. Le centre de la pièce est garnit d'une petite table basse presque noire et de quoi écrire. Quand Hadoc lui demande où est la salle d'eau, elle lui signale qu'elle est à l'étage du bas et qu'elle l'y conduira quand il aura choisi sa tenue. Il prend l'orange et la suit jusqu'en bas où une des portes solides révèle des thermes, avec tout ce qu'il faut en bassines de bois, savons et serviettes pour se laver. Il y a même des miroirs avec des lames de barbier, des lavabos, des brosses à dents et tout ce qui, pour un homme qui n'a plus pu se nettoyer depuis un mois, compose un véritable lieu de plaisirs. Gharr prend son temps. Il se douche et se rince, puis se détend dans un bain. Il passe ensuite devant le miroir pour se brosser les dents, se recouper barbe et cheveux, et se parfumer avec des extraits d'agrumes. Une odeur qui ravive sa faim, mais peu importe. Il prend également le temps de nettoyer ses vêtements et les met à sécher sur de la pierre chauffée. Ses ablutions terminées, il finit d'inspecter l'état de son corps, et s'habille. A sa sortie, Flaca n'était plus là.

      Gharr se met en quête de la salle de cérémonie, au deuxième. Le premier ne comportait que les quartiers des hommes, avec les chambres et ce qui pouvait constituer des salles repos, ou d'entraînement commun. Si la salle de cérémonie devait se trouver quelque part, c'était à l'étage supérieur.
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      Le deuxième étage ne respire pas cette même austérité martiale dont on peut s'imprégner au premier. Ici, tout est soigné, jusqu'au parquet lustré, et respire ce devoir d'hommage, de respect envers les codes et les valeurs inculquées. Il y a une saveur décoratrice dans chaque pièce, pourtant toujours retenue prisonnière derrière un devoir d'apparence qui a valeur de témoignage de la pensée défendue. Froide poésie, rigoureuse beauté. Rien de ce qui est montré ne l'est par ostentation, nul étalage vulgaire ici. Juste une preuve de la culture prônée en ces lieux.

      La première pièce dans laquelle pénètre le Commodore est réservée à la calligraphie, sur parchemin principalement. Des pièces d'art de la taille d'un homme, accrochées aux murs. Un unique mot est dessiné sur chaque feuille. On peut lire " Honneur ", " Courage " ou encore " Mort ". Des signes que le visiteur doit laisser pénétrer dans son esprit, pour goûter à leur sagesse, pour les entendre résonner d'une façon unique et singulière en fonction de sa sensibilité propre et de ce qu'ils lui évoquent. Certains n'éprouveraient rien au contact de ces œuvres, pour ne s'être jamais posé les bonnes questions sur ce qui doit motiver leur comportement, sur leur code, mais Hadoc n'est pas de ceux-là. Il peut retrouver l'essence d'une éducation qu'il a patiemment reçu et maîtrise parfaitement dans chaque goutte d'encre, dans chaque mouvement du poignet qui a accouché de ces symboles. Il sait lire les traits tantôt rigides, tantôt flexueux pour reconnaitre l'état d'esprit de celui qui faisait danser le pinceau contre la peau. Il retrouve l'impétueux, le belliqueux et sa violence dans sa lecture. Mais aussi l'homme entier, droit, inflexible même.

      La deuxième pièce, qui communique avec la première, ressemble à une bibliothèque. Une bibliothèque qui renfermerait un savoir inestimable; un concentré de sagesse, d'expérience et de devoir de témoignage flotte ici dans l'air. Chaque bouffée aspirée rend un peu plus grandi. On se nourrit de ces particules chargées de vie et de compréhension du monde. Chaque œuvre est exposée sur un socle de bois verni qui lui est réservé, pour renforcer le caractère sacrée de chacune, et protégée de la poussière ou des brimades du temps par un cocon de verre que l'on peut ôter sa convenance si l'on souhaite se saisir du document. De véritables pièces de collection, soignées, choyées, potentiellement uniques. Sont là des poèmes, des livres philosophiques, quelques plus rares maximes et biographies. Le samouraï prend le soin de relever les titres, de lire certains traits d'esprits, son attention naturellement captée à chaque nouvelle feuille sur laquelle il pose les yeux. Un pas après l'autre, comme s'il visitait un musée, il remonte la pièce dans son ensemble pour se trouver devant le battant menant à la troisième pièce. Une ombre se découpe depuis l'autre côté, il devine une silhouette d'homme assis. Il ouvre.

      Une aura dure l'accueille. Elle n'est pas hostile, juste incroyablement forte. Il n'en a peut-être jamais rencontré de telle. L'homme le fixe; ses prunelles noires semblent aiguisées tant son regard est intense. Il est de forte carrure, même assis en tailleur. Le kimono d'un rouge sombre et ample qu'il porte ne suffit pas à engloutir sa musculature. Son visage aussi est carré, dur. Il est coiffé et rasé avec soin. À sa ceinture, un katana et un wakizashi dans leur fourreau. Il se passe quelques secondes où les deux hommes se toisent, sans bouger. Puis, d'un geste, l'hôte fait signe à son invité de s'asseoir face à lui. Une table basse les sépare. Elle est garnie de plateaux, de bols et de plusieurs plats contenant du riz, du porc bouilli et diverses garnitures encore fumantes. Également, une petite bouteille de saké à mi-distance entre les deux hommes, sur la droite de l'homme en rouge. Le Commodore s'attable, son ravisseur le dévisage d'un ton neutre. Gharr ne peut que supposer être une source de curiosité, les traits de l'homme qui lui fait face n'expriment rien. Il demeure parfaitement impassible. Puis, il s'incline légèrement, dans un salut aux victuailles. En commençant à se servir, il lance encore, d'une voix étrangement paisible, normale :

      - Je vous souhaite un bon appétit.

      Par des gestes lents qui témoignent d'un certain maintien, il commence à manger, sans un mot. Une bouchée de ci, une autre de ça. Une gorgée aussi. Il ne se hâte pas, et ne s'intéresse plus à rien d'autre que la nourriture. Il se concentre sur les ingrédients, ferme les yeux parfois pour mieux capter les saveurs. Il ne force pas Gharr à se servir, ni ne l'observe à la dérobée. Il le laisse profiter simplement du premier vrai repas civilisé auquel il est convié depuis bien longtemps. Une demi heure passe ainsi. Les plateaux se vident, les estomacs se remplissent. Enfin, quand il estime s'être suffisamment restauré et voit qu'il en est de même pour le Commodore, l'homme parle à nouveau :

      - Bonjour Commodore, et bienvenue dans ma demeure. Il est impoli de ne pas se présenter, aussi vous dirai-je m'appeler Koüto. Mais mon nom ne vous dira rien. Vous vous en doutez déjà, c'est moi qui ai orchestré votre enlèvement. Si j'ai agi ainsi, c'est pour une raison bien précise. Vous voulez regagner votre liberté ? Pour cela, il vous faudra me prouver votre valeur. En tant que guerrier, en tant que marine, en tant qu'homme. De la même façon que votre équipage a une mission à remplir avant de pouvoir venir à votre rescousse, vous avez la vôtre si vous voulez repartir d'ici.

      L'homme vide sa coupelle de saké, avant de reprendre :

      - Nous sommes au Royaume de l'Absurde. Terre avilie par un monarque inconséquent. Ici, la fière Marine ferme les yeux sur ses décrets, se prend même à les faire appliquer. Ses hommes sans respect pour l'uniforme qu'ils portent et la Justice qu'ils ont juré de porter au firmament sont une injure à leur Ordre. Le suzerain, Wakopol, trublion farceur, est également indigne de son titre. Voici votre tâche, Commodore : rétablissez l'ordre et la stabilité sur cette île. Vous êtes libre des méthodes. Cependant, voici une contrainte à respecter : vous devrez découvrir la véritable histoire de cette île, parmi les légendes, les sornettes et les histoires farfelues dont Wakopol agrémente le recueil du Royaume. Ainsi, vous aurez honoré votre uniforme et l'esprit clairvoyant que l'on vous prête.

      Enfin, sachez également ceci. Vous n'êtes pas ici par hasard. Nos histoires sont liées. Et si vous découvrez ma véritable identité, je vous libérerai sur le champ. Vous avez ma parole. Pour ce faire, vous aurez droit de me poser une question chaque jour. Lorsque vous aurez la certitude de savoir qui je suis vraiment, vous pourrez me donner votre réponse. Mais attention, vous n'aurez droit qu'à une tentative. Et elle vous coûtera la vie si vous vous trompez. Vous êtes bien entendu libre de ne pas accepter cette offre, mais dans ce cas, sachez qu'une fois votre mission accomplie, vous devrez me défier et me vaincre en combat singulier pour quitter l'île.


      Son regard s'assombrit. L'aura de violence refait surface, plus présente encore qu'auparavant. Si son visage reste de marbre, les yeux de Koüto sont le miroir d'une âme en quête de combat et de sang. C'est un véritable fauve qui fixe Gharr maintenant, et reprend :

      - Avez vous bien compris, Commodore ?
        Ce n'est pas compliqué.

        C'est la première phrase qu'il prononce depuis la rencontre. Hadoc avait apprécié le calme de l'endroit, les ouvrages rassemblés, l'art de la calligraphie. L'homme dont le nom ne lui dirait rien avait livré beaucoup d'informations sur lui et, curieusement, lui rappelait une sorte de reflet de ce qu'il est. Comme un clone maléfique, si on devait par manichéisme déterminer qui est le bon et qui est le truand. Et il doit le savoir; il le sait forcément. Koüto a étudié la même Voie que lui et si Jabkar était déjà déjà un fleuron du genre, le samouraï rouge n'est pas en reste. Il lui évoque même une sorte de haut prêtre d'une basilique dédiée au bushi. Gharr aurait pu être avec eux s'il n'avait pas été Gharr. Qui Koüto connait-il d'ailleurs ? Gharr le marine ou Karu l'assassin ? Aucun des deux n'a commis beaucoup d'erreurs dans sa vie mais, comme tout le monde, ils sont imparfaits. A cet instant, Hadoc et Hadoku s'était demandé quel visage la statue se plaisait à regarder. Probablement les deux.

        Le repas avait été calme et codifié. Gharr, en bon reflet, mais aussi en bon traqueur, avait mangé en canon avec Koüto. Il lui avait laissé une bouchée d'avance et s'était plu à prendre la même nourriture que lui à une pioche d'intervalle. Une façon de ne rien lui révéler de lui, si ce n'est qu'il était prudent, alerte et que où qu'aille son hôte, il le suivait comme une ombre. La nourriture était bonne et très fine, de ses ingrédients à la méthode de préparation. En ces lieux le détail laissait si peu de place au hasard. Cela lui plaisait. Et Koüto, bon diable patient, faisait un formidable opposant. Il n'y aurait déshonneur à mourir de sa lame. Et tant de chose à apprendre en lui survivant.

        Tu as dû m'observer depuis longtemps pour me préparer un tel piège. Jusqu'à l'emploi d'un fruit opportun employé par un adversaire adéquat. C'est d'une précision digne de haute estime.

        Après le repas, il avait goûté le sake. Celui-là, il le connaissait. C'était une exportation de Shimotsuki. Une attention délicate, c'est ce que le samouraï orange aurait apporté s'il avait été invité officiellement. Ou bien était-ce une façon de lui dire qu'il l'avait lui aussi suivi au point de ressentir jusqu'aux mêmes sensations qu'apportent les mêmes mets. Koüto devait être un assassin lui aussi. Karu avait travaillé avec d'autres groupes durant son enfance. Il fallait gagner sa vie à partir d la mort de son père et, tout doué qu'il soit, un enfant de quatre ans ne peut pas décrocher de contrat. Il avait davantage été voleur et éclaireur que véritablement tueur, au début. Et rarement au sabre. L'escalade et le poison font un bon binôme. L'arc et le feu aussi. Et dans les groupes de son âge de raison, aucun ne lui rappelait Koüto. Aucune n'était aussi jeune que lui, du reste. Le diable rouge devait être plus jeune, ce qui était très troublant. A moins qu'il n'use d'un fruit ou d'un subterfuge pour changer son apparence. Les yeux se faisaient bien mauvais amis. Il y a une chose toutefois dont il était sûr. Cette aura, elle était nouvelle. Koüto était l'ombre du fantôme.

        Il est probablement inutile de te dire qu'une simple lettre de défi aurait suffi pour que nous nous rencontrions. Mais tu n'as pas voulu opter pour cette méthode. Pourtant, le code prône l'emploi de moyens simples et directs pour atteindre son objectif. Parce qu'il est impossible de maîtriser tous les paramètres, la voie de l'immédiateté t'aurait offert dès que tu l'aurais souhaité le duel, que tu veux quoique je fasse pour toi ici. Mais tu ne veux pas me tuer. Tu veux me faire danser et te régaler du spectacle. Ou mourir en t'offrant un dernier tour de piste en guise d'éloge à toi-même. Parce que ton ego est démesuré Koüto. Tu es fort, et tu as pu t'entourer de gens qui ne te suivent sûrement pas pour un salaire, ni des rêves de gloire. Ils te suivent parce que tu tiens leur coeur, via la crainte ou la loyauté. Tu es un excellent chef, vraiment. Mais ton armée ne peut rien pour toi. Tu regardes les gens. Tu regardes les choses. Rien n'est plus seul que toi. Comme moi.

        Sa première réponse, "ce n'est pas compliqué", était un trait d'humour. Une façon amusante d'entamer la conversation. Gharr aurait aimé qu'on lui réponde ça s'il avait eu les mots de Koüto. Et plus encore qu'une façon de plaisanter avec un ennemi, c'était un moyen de ne pas signer son contrat. La certitude commune des deux bushis était que chacun d'eux pouvait vaincre l'autre. Et ils tenteraient leur chance, même si elle n'aurait pas sa place dans ce combat. Mais leurs objectifs étaient tout de même différents. Ils n'avaient rien le même caractère. Alors que Koüto parlait avec douceur en déployant son aura agressive, Hadoc privilégiait les termes crus et se parait d'une aura calme, presque amitieuse. Rien de personnel chez lui, Koüto était une mission, un maître et un élève.  

        Nous avons mangé et tu m'as laissé t'observer de près, pendant assez longtemps pour savoir comment te combattre. C'est l'erreur des narcissiques. J'en ai croisé des dizaines dans ma vie. Souvent, ils soliloquent, fiers d'eux, de leur plan, de leur situation. Quelqu'un reflétant le monde, ou l'ennemi, doit entendre à quel point ils sont excellents, supérieurs. C'est une façon d'esquiver l'autocongratulation enfantine, mais dans les faits, c'est exactement ce qu'ils produisent. Je les tue toujours quand ils entament leur question. "Qu'est-ce que tu en penses","Pourquoi t'épargnerais-je","est-ce que tu as peur de la mort","Avez-vous bien compris, Commodore". A cet instant, ils baissent leur garde. Partiellement, parfois, mais ils le font toujours. C'est un mécanisme humain, on pense que l'interlocuteur réceptif est intéressé par une question complète. On se prend soi-même à s'écouter. Il est impensable pour eux que leur point d'orgue de discours soit coupé alors que tout le reste a pu passer si facilement. L'ego, ça tue toujours les gens.

        Il se tait un instant, observe Koüto, ressent son saki, et poursuit, imperturbable.

        Tu n'es pas mort parce que je n'ai jamais cherché à te supprimer. Et ce n'est pas parce que ton idée de jeu me plait, mais parce que je t'offre, pour saluer ton ingéniosité, le privilège de choisir le moment où tu mourras. C'est un cadeau inestimable, mais je pense que tu peux en mesurer la valeur.

        Ton jeu...n'est qu'une mascarade. Tu troquerais ma vie que tu penses en mesure de prendre contre la simple idée que je découvre ton identité ? Je n'ai pas besoin de savoir qui tu es, Koüto. Pour moi, tu n'es qu'une ombre de plus et j'ai assez d'ennemis en ce monde pour ne pas me soucier d'autre chose que comment les éloigner de ma route. C'est toi qui as besoin que je te reconnaisse. Si tu veux que je t'offre ce besoin de viscéral qui semble avoir construit tout ce qui nous entoure, propose-moi quelque chose que tu possèdes. Ma vie, tant que tu ne me l'auras pas prise, sera toujours à mienne. Ma liberté aussi. J'ai donné ma parole à Jabkar de me rendre sans encombres jusqu'à toi, parce que tu voulais me voir et que par notre duel, il avait remporté ma parole. Elle est tenue, cette liberté louée à ton bushi, je l'ai retrouvée dès l'instant où tu m'as souhaité la bienvenue. La vérité Koüto est que malgré tous tes efforts et ton formidable talent, tu ne possèdes rien de moi. Pas même la vie de mes hommes que tu sembles t'amuser à faire danser aussi.


        Karu s'arrête. Gharr enchaîne.

        Personne en ce monde ne connait les Ghost Dogs comme je les connais. J'ai observé, recruté et formé chaque membre à bord. Pendant des années. Et malgré cela, je ne pourrais pas estimer leur force. Ils bougent sans cesse, vivent librement, se renforcent, parce qu'ils savent que la vie que je leur réserve est sans avenir s'ils ne dépassent pas mes attentes. Malgré l'envoi de Kihal, je ne suis pas inquiet pour ce qu'il pourrait leur arriver, je suis inquiet pour ce qui attend les tiens.

        Tu ne sembles pas comprendre que tu vas affronter des chiens de guerre experts dans l'art de combattre. Des hommes qui sont les meilleurs avec des armes à feu, des blanches, à mains nues. Des hommes qui ont été entraînés à ignorer la douleur, à ignorer le temps, à survivre en dehors de toute civilisation, à se nourrir de choses qui feraient vomir un bouc. A la marine, leur mission est de saper les forces ennemies sans qu'elle ne s'en rendent compte. Improviser, s'adapter et dominer, encore et toujours. A cet exercice, la 107ème est la meilleure. Mais toi, tu spécules sur la dangerosité de fantômes que tu n'as jamais pu voir. Si tu leur envoies ton armée, elle ne reviendra pas. Parce que ce que tes hommes pensent être l'enfer, eux ils appellent ça leur quotidien.

        Je passerai du temps ici. J'apprendrai peut-être même la véritable histoire de cette île. Remettre de l'ordre fait partie de mon devoir. Mais surtout, j'en apprendrai davantage sur toi. Mais tu dois en imprégner ton esprit: plus le temps passera, plus je serai apte à te vaincre. Tu penses jouer avec moi ici et vouloir me faire prouver ma valeur ? Personne ne peut me contraindre à prouver ce que je vaux, pas même les dieux. Et ce n'est pas de l'ego, Koüto, c'est la voie du samouraï. Peu importe ta force, même si elle m'est infiniment supérieure, tu ne seras jamais apte à me faire me justifier devant toi.


        Gharr se tait à son tour, les deux observent Koüto. Prêts au combat, prêts à repartir, prêts à poursuivre la discussion. Si l'hôte a un pouvoir absolu, c'est bien celui de disposer de son temps et de celui de son entretien.
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        Koüto a écouté, attentif. Pas une ride ne vient tordre son visage devant l'énoncé de Hadoc qui entend lui faire la leçon sur ce qu'est un vrai samouraï et la force qui l'habite. Il ne laisse transparaitre aucune réaction, pourtant, impossible de supposer qu'il se désintéresse des propos du Commodore. En réalité, s'il reste figé, c'est pour mieux s'imprégner des paroles qui lui sont adressées, pour s'en nourrir, littéralement. Il se doit de les assimiler, parce qu'elles seront les seuls indices dispensés par l'homme qui lui fait face pour comprendre qui il est derrière ce masque rigide de devoir et de détermination. Aussi le laisse t-il s'exprimer sans manifester d'agacement ou d'impatience, en prenant le soin de s'imprégner de chaque mot pour en mesurer la portée et en évaluer la justesse. Son esprit, habitué à prendre des décisions rapidement pour avoir déjà éprouvé sa force en tant qu'homme et établi depuis bien longtemps le code moral qu'elle défend, s'accorde ici le temps d'une réflexion plus poussée, plus mature.

        Une longue minute s'égrène. Gharr respecte le silence, conscient de ne pas être celui qui dicte l'échange ici. Koüto se lève, effectue quelques pas, lents, mesurés. Il ouvre la porte coulissante qui donne sur la terrasse et demeure, dos à son invité, à admirer le ciel capricieux. Puis, subitement, il se retourne, et la paix intérieure qui l'habitait un instant à peine s'évanouit déjà. L'aura guerrière regagne en force, le regard acéré toise de nouveau Hadoc. Pourtant, sa voix ne se départ pas de son caractère noble, presque mélodieux.

        Je vous remercie. J'apprécie la compagnie un interlocuteur habile au cours d'un repas. Mais il porte à sa fin. Vous avez parlé avec bon-sens, et fait valoir votre point de vue avec verve. Toutefois, je vous répondrai ceci : puisque vous me reconnaissez fin stratège, me pensez-vous sot au point de dévoiler ce qu'il conviendrait de tenir secret ? Vous dites en apprendre beaucoup de ma façon d'agir, pourtant, vous m'en avez révélé tout autant sur vous en accaparant la conversation. Vos propos sont aiguisés, tranchants, mais il n'est d'aucun intérêt d'afficher son agressivité dans ses paroles. L'homme qui ne sait montrer de douceur dans le débat ne saura pas réveiller sa fougue au combat, pour n'avoir jamais discerné toutes les sensations qui font de lui un homme et ni reconnut en quel temps privilégier un état à un autre.

        Vous auriez pu me tuer ? Je n'y crois pas. Mais quand bien même cela serait vrai, vous n'avez pas agi; il n'y a aucun intérêt à me le faire savoir, à moins que vous manquiez vous aussi de modestie. Car viser par cette démarche à me faire peur est voué à l'échec et vous êtes suffisamment sage pour le savoir. Vous parlez d'égo, mais qui de nous deux est le plus imbu de lui-même ? S'il est admis que nous le sommes. Vous avez les traits marqués de l'homme affaibli; vous vous savez incapable de me battre aujourd'hui. Pourtant, votre orgueil vous pousse à vouloir l'emporter sur le seul terrain qui ne vous demande pas d'effort physique pour ne pas sortir totalement vaincu de cette première rencontre. Je ne retirerais nulle satisfaction à triompher en duel d'un homme diminué, pas même vous, et vous offre de faire votre devoir sur un coin de terre laissé en proie à l'anarchie. Acceptez la bonté de celui qui reste votre ennemi avec reconnaissance et montrez-vous attentif à ses paroles plutôt que de lui faire des leçons de morale.

        Je ne forcerai pas le destin pour vous combattre. Je vous l'ai déjà dit, si vous découvrez mon identité, vous serez libre de repartir à moins d'être vous-même déterminé à m'affronter. Sans doute ai-je disséminé les indices dans mes actes ou mes paroles, mais c'était le plus souvent intentionnel. Je ne prétends pas n'avoir fait aucune erreur, mais il est impossible de vivre sans en commettre et vous le savez fort bien. Vous considérez ma manière d'en dévoiler trop être une faute de jugement, vous me pensez aveuglé par mon égo mais sachez ceci : l'égo est un moteur inouï qui s'offre à celui qui sait le cultiver. Il est l'apanage des guerriers forcenés, aux rêves de domination et de puissance. Votre méthode est différente, je la respecte; mais votre vision est restrictive, vous généralisez. Chaque homme puise force et détermination où il le juge bon. Ne refusez pas à autrui le talent de briller par une Voie que vous n'empruntez pas. Si nous en venons à croiser le fer, nous verrons quelle méthode est la plus efficace.

        Enfin, sachez encore ceci : je n'ai pas jugé l'homme qui a traversé mille épreuves avant de se présenter devant moi, je l'ai accueilli dans le respect des valeurs sacrées d'hospitalité et lui ai exposé deux problèmes qu'il doit s'attacher à résoudre, sans me montrer désobligeant. Ce que vous venez de faire. Vous me taxez de négligence et de vantardise sans effectuer sur vous-même le travail de remise en question qui doit animer tout samouraï désireux de toujours s'approcher un peu plus de la plénitude et de la maîtrise totale de son art pour servir au mieux son maître et sa mission. L'expérience est devenu votre premier guide dans la Vie, elle a remplacé la soif d'apprendre. Je ne vous en tiendrai pas rigueur. Les derniers évènements ont pu vous ébranler, mais je n'accepterai plus de me faire insulter sous mon propre toit, Commodore. Si vous persistez à ne voir en moi qu'un homme ivre de vengeance, aveugle et indigne de son titre ou de sa position, alors je me verrai obligé de vous défier. Et de vous tuer.

        Si vous avez quelque chose à me répondre, faites. Sinon, je vous recommande de prendre des forces. Quel que soit le chemin que vous choisirez d'emprunter, vous en aurez besoin.