Le Choc
Un œil s’ouvre. Quelques formes indistinctes, des lumières, des ombres… Mais c’est flou. L’ouverture de l’autre œil permet de gagner en netteté mais le décor est toujours aussi obscur. Henry ignore absolument tout de ce qui se passe. Il est sonné, sa tête lui tourne et il a violemment mal au crâne. Il cligne des yeux, mais rien n’y fait. Il ne voit absolument rien, rien de reconnaissable en tout cas. Il veut se frotter les yeux, mais ses mains ne répondent pas. Malgré tous ses efforts, pas moyen de faire le moindre mouvement. Un bruit métallique lui apprend qu'il est enchaîné.
Ses esprits reviennent d’un coup. Le port ! Les deux hommes en costume noir tout droit sortis d’un mauvais polar ! La dizaine de larbins qui les suivait. La bagarre, les coups ! Le goût du sang… D’un coup de langue, il sent encore l’entaille douloureuse dans sa joue. Il ne rêve donc pas. Ses souvenirs se précisent, ils deviennent plus clairs et des détails lui reviennent à l’esprit. Ces mecs lui sont tombés dessus après son dernier deal et l’ont battu à mort. Il a tenté de discuter pendant quelques secondes, trouver un arrangement, négocier. Mais ils ne lui avait pas laissé la moindre chance et l’avaient massacré sans la moindre hésitation. Il aurait dû frapper le premier. Il le savait pourtant.
Le meilleur moyen d’atteindre le cœur d’un homme, c’est par l’estomac. En remontant d’un coup sec.
Il a fini par s’évanouir et maintenant, il est là, privé de toute liberté de mouvement dans le noir total. Il est… prisonnier ? Prisonnier. Un esclave. Se savoir à la place de ceux qu’il a toujours capturé et revendu pour s’assurer un petit confort l’a fait disjoncté. Son cerveau travaille à si vive allure que plus une pensée n’y passe. Son regard est vide, il ne comprend pas. Il ne bouge pas. Il ne cille pas. Il reste là, comme captivé par ce qu’il ne voit pas. Tous ses sens sont aussi déconnectés que son esprit.
Un petit caillou s’est inséré dans les rouages de sa cervelle et tout le mécanisme s’est grippé. Les roues forcent, la pression est à son comble mais rien ne bouge. A peine quelques vibrations qui se traduisent par des tics nerveux. La paupière, le coin supérieure droit de la lèvre. Parfois un sourcil. Mais rien de plus. Soudain, la pression est trop forte et le caillou se brise. Les engrenages reprennent leur course et les pensées lui reviennent d’un seul coup. Impossible de faire le tri.
C’est dommage. Il n’a même pas eu le temps de dépenser l’argent qu’il s’est fait en vendant l’athlète et le cyborg. Il aurait pu enfin se prendre son propre bateau. Plus besoin d’en voler aux pêcheurs. Il aurait même pu aller dans ce petit resto du traiteur homme-poisson à côté du Ni-Bar. Le homard est à tomber. Servi par un véritable homme-homard. Amusant ! Original ! On en fait plus des restos comme ça !
Mais qu’est ce qu’il raconte ? Il déteste le homard.
Il cligne des yeux et se tortille. La réalité reprend sa place. Il est prisonnier. C’est faux ça aussi, hein ? Il délire encore, voilà, c’est ça. Il ne peut pas être prisonnier, pas lui ! Il est esclavagiste, bordel ! On n’emprisonne pas un esclavagiste ! C’est contraire à toute logique ! C’est comme si les amiraux étaient de dangereux criminels corrompus ! Oh bordel…
Il est prisonnier.
Dernière édition par Henry Morgan le Dim 31 Aoû 2014 - 0:51, édité 2 fois