It's jungle out there!

La Nasse a fait "pouf!". Irrémédiablement, les navires furent alors entraines pas le courant. Tant de bateaux qui se frayaient un chemin dans ce goulot comme des saumon remontant une rivière. Naturellement, il y eut des accrochages. Et c'est à cause de ça que la plus charmante des musiciennes passa par dessus bord!

Les dieux de la chance évitèrent à Kuro une noyade en la faisant retomber sur une embarcation plus modeste que le Roi des Mers. Le nom du navire, on s'en fiche un peu. Le plus important était bien la destination de ce dernier. Armada. Après avoir sympathisé avec l'équipage grâce à ses talents musicaux (et aussi à un bounty poster fraichement paru dans le journal), voilà que la pistolera abordait l'île. Sans instruments, sans rechange, sans munitions, et surtout, sans un rond!

Que ce fut dur! Pour une maniaque de l'ordre et du rangement, Armada, son enchevêtrement de planches et de cordages, c'était l'Enfer. Un capharnaüm sans nom. Cet endroit allait tellement contre tout ce que Kuro chérissait qu'elle ne put arpenter les "rues" qu'au prix d'un effort surhumain (enfin, pour elle).

Très vite, la malheureuse se retrouva à bout de forces. Il lui fallait quelque chose. Un remontant. Tien? Ce n'est pas un bar, là bas? Maintenant que Kuro disposait d'un azimut, elle réussit tant bien que mal à rallier sa destination. Une fois sur place, elle allait goûter à sa médecine favorite. Un Ouïski. Mais le barman refuse de la servir. Trop jeune, selon lui. Scandaleux! Le petit brin de femme insiste, et finit par avoir sa boisson.

Aaaaah! Ça fait du bien! Seulement, il faut payer! Et c'est là que la petite réalise... qu'elle n'a pas un sou vaillant en poche. Kuro s'excuse, mais ça ne suffit pas! Alors on jette la mini-pirate dehors. Patatras! En plus du sol, elle "rencontre" une autre personne.

Un peu sonnée, Kuro se relève et époussette ses habits. C'est seulement après, qu'elle percute, qu'elle a bousculé quelqu'un. Enfin, elle n'avait pas fait exprès. Puis, une fois en vol, on ne change pas de trajectoire comme ça! Sentant qu'il était de bon ton de s'excuser afin d'éviter d'autres ennuis (ainsi qu'un autre vol plané), la musicienne lança simplement.

"Kuro est désolée de t'avoir fait tomber! Ça va?"

Kuro regarde la dame qu'elle vient de bousculer, bien malgré elle d'ailleurs, l'enguirlander. Se faire reprendre par une autre nana. Elle avaient l'air de demoiselles de petite vertu. Seulement, elles avaient des sabres. Et la petite savait bien que les prostituées ne se baladaient jamais avec des armes. Pourquoi, elle n'y pigeait goutte. Mais voilà, les deux personnes du beau sexe en avaient l'air, mais sans en être, ce qui était plus que perturbant pour la snipeur. Le cerveau bloqué sur ce paradoxe, elle ne répondit rien aux question posées. Il est même fort probable qu'elle n'écouta pas! Kuro se contentait de les fixer comme si Hathor et sa seconde débarquaient fraichement de Mars.

Soudain, le barman rappela que Kuro devait encore payer sa consommation. Poussant un petit couinement apeuré, Kuro alla se blottir contre Aoi.

"Dis, mamie! Tu peux payer le Ouïski de Kuro? Kuro n'a pu de sous! Parce que Kuro est tombée du bateau à Kuro! Sur la montagne zarbi où l'eau monte au lieu de descendre! En plus y'avait plein de ces sales oiseaux de la Marine! Bouh, les vilains!"

Elle se mit alors à sortir ses flingues et à vous raconter la bataille de la Nasse, version Kuro. C'est à dire avec plus d'onomatopées que de mots, des grands gestes des bras, des "Kuro" partout, et une pistolera qui rejouait son propre rôle! Et de finir par le final tragique.

"Et c'est là que Kuro est tombée du bateau... le comment dejà? Le Roi des Mers! Yup. Un navire avec un nom de poisson qui ne nage pas! Incroyable, non? Enfin, plus important Kuro n'a plus de sous, parce qu'ils sont restés sur le bateau, avec les instruments à Kuro, avec les rechanges à Kuro! Kuro n'a pu rien! Faut que t'aides Kuro, mamie!"

C'est quoi un usurier? Kuro l'ignorait. Mais il y avait dans la voix de mamie Nakajima quelque chose qui faisait tilter la mini-pirate. Sans comprendre pourquoi, la musicienne se doutait que ce n'était pas quelque chose de bon pour elle. Ainsi, elle préférait déjà la fameuse autre solution. Alors qu'elle ne savait même pas ce dont il s'agissait! C'est ainsi qu'elle lança simplement.

"Kuro aime bien les solutions pacifiques!"

"Tu peux payer en nature, enfin, me rendre un service pour me dédommager. C'est la loi du Capitaine Red, et donc, c'est la loi d'Armada."

Le barman ne pensait pas qu'il allait provoquer une telle réaction chez Kuro. La petite le regardait fixement. Puis, elle inclina la tête sur la droite et cligna des yeux deux fois. Puis sur la gauche. Et enfin, de nouveau à droite. Toujours en clignant des yeux.

"Red, c'est pas un monsieur tout de rouge vêtu? Quand Kuro l'a rencontré, c'était une nana, puis c'est devenu un mec. C'était où déjà? Ah oui! A Logue Town. Kuro est née là bas! Y'a eu gros combat!"

Et voilà la snipeur en train de faire le récit des événements de Logue Town, de sa rencontre avec Adell à sa fuite avec Red et Reyson. Encore une fois, elle joua l'histoire plus qu'elle ne la raconta. Ce ne fut qu'une fois qu'elle eut fini qu'elle se résigna.

"Enfin, la Loi, c'est la Loi, et c'est comme ça. Tu veux quoi comme service de la part de mam... madame Aoi?"

Et voilà! Kuro avait complètement zappé le fait que c'était elle qui devait rembourser le barman!

Kuro est entrainée doucement à l'intérieur. Pensant qu'Aoi allait régler sa "dette", la plus charmante des pirates de poche souriait niaisement. Tout se réglait tout seul. Comme toujours! Seulement, lorsque ce fut le moment de passer commande, la femme-lave priva la snipeur de boisson. Comme pour la punir! Dépitée, le petit brin de femme poussa une longue exclamation de surprise et de déception.

Et que dire de la solution que proposait la capitaine pirate. Kuro serveuse? C'était un suicide. Kuro était bien trop maniaque pour réussir à travailler dans un bar. Et de toute façons, il était plus que probable qu'elle n'en fasse qu'à sa tête et ne serve même pas les bonne commandes aux clients. Et surtout, le plus important dans cette histoire, elle n'en avait pas envie!

"Kuro dit, c'est pas possib'! Serveuse, c'est nul! Kuro veut pô être serveuse! Ça craint comme du boudin! Kuro joue de la musique. La musique, c'est bien. Kuro aime la musique. Mais Kuro peut pô jouer, parce que les instruments à Kuro sont sur le batooooooooo!"

"On a un piano là bas..."

Lança un barman dépité. Et voilà que Kuro file comme une balle près de l'instrument. Il était si vieux et si poussiéreux qu'on aurait facilement pu le confondre avec le mur derrière. Agissant comme une possédée, la musicienne piqua un chiffon au tenancier du bar pour donner à l'instrument un aspect plus présentable, puis, elle fit courir ses doigts sur le clavier. Juste quelques notes un peu discordantes. La petite fait la moue, ouvre le coffre, retend les cordes et commence enfin à jouer.

Il s'agissait d'un petit air simple et entrainant. Rien de bien fabuleux, mais qui eut le mérite de s'entendre de l'extérieur. Très vite le cocktail boisson plus musique attira des consommateurs. Il faut dire que ce genre de mélange agissait généralement comme un aimant chez les pirates. Et en moins de temps qu'il ne faut pour épeler le nom d'Aoi, le bar fut plein comme jamais! Il était fort à parier que Kuro venait ainsi d'éponger sa dette, mais pas sa soif.

Malheureusement, dans le bar, il n'y avait pas que de la musique et de l'alcool. Il y avait aussi des filles. Aoi, sa seconde et Kuro. Autant les deux Ombres du Choas inspiraient la crainte, autant, Kuro paraissait assez abordable. Et la situation commença à dégénérer autour du quart de portion. La musique s'arrêta net. La musicienne ne pouvait plus rester près de l'instrument tant les soudards l'importunaient. Et puis... ce fut l'agression, et Kuro cria.

"Arrêtez de toucher Kuro!"

Inutile de faire un dessin sur ce qu'il se passait dans le bar. Aoi était intervenue et le calme était revenu. Comme quoi, on peu avoir mangé le fruit du magma et jeter un froid comme personne! Kuro elle, était allongée sur le sol. Elle essayait de comprendre ce qu'il se passait. Péniblement, elle se relève. Et regarde sa tenue. Ces brutes l'ont bien malmené. Et surtout ses habits. Son débarder est déchiré et son manteau est sale. Jamais de sa vie elle s'était autant sentie souillée.

Traumatisée, elle restait là, à fixer le plafond. Puis soudain, un ombre et un visage se glissèrent dans son champ de vision. Le barman. Ensuite, elle sentit qu'on la soulevait. Mais elle n'avait ni la force ni l'envie. Groggy, elle se laissa transporter et poser sur le comptoir comme un vulgaire bibelot. L'homme prépara un double whisky qu'il servit à la demoiselle. Impassible, la petite tourne lentement la tête vers l'homme et laisse échapper un monocorde.

"Kuro a pas de sous.

"C'est la maison qui offre.... Allez, bois, ça te requinquera."

Avec une lenteur qui ne lui ressemblait pas, Kuro porta le verre à ses lèvre et but une gorgée de liquide ambré. Il lui fallut quelque secondes pour comprendre ce qu'elle était en train d'avaler. Une fois que l'information eut atteint le cerveau, la musicienne vida son godet d'un trait. Et là, ce fut le réveil. Mais, ce ne fut pas très gai. En effet, elle se mit à pleurer. Et le pire dans l'histoire c'est que Kuro elle-même ignorait pourquoi. Mais, au fond d'elle, la snipeur sentait qu'elle allait mieux.

Alors, d'une voix encore tremblante d'émotion, elle demanda à cet homme où elle pouvait se laver. Galamment, ce dernier lui proposa d'utiliser sa salle de bains personnelle. Oui, le barman habitait au dessus de son rade. Dans une sorte de chambre de bonne où seule Kuro pouvait s'y tenir debout sans risquer de se fendre le crâne sur une poutre. En somme, c'était pas grand. Encore sous l'effet du choc. La musicienne traversa les lieux sans rien ranger. Ni nettoyer d'ailleurs. Elle se contenta d'aller sous la douche et de bien se savonner.

Ce ne fut que lorsqu'elle sortit de la douche qu'elle reprit ses esprits. L'eau lui avait semble-t-il filé un bon coup de fouet. Et voilà donc une Kuro un peu moins apathique qui voulut se rhabiller. Seulement, ce n'était plus possible. Elle qui était toute propre, elle ne pouvait pas remettre des habits sales. Elle dut donc partir en éclaireuse dans la piaule du barman pour se chercher de quoi se vêtir.

C'est donc avec une simple chemise empruntée au propriétaire de lieux et une ceinture autour de la taille que Kuro revint en salle. Heureusement la différence de gabarit entre les deux personnages concernés faisait qu'on avait l'impression que la demoiselle portait une robe un peu ample. Pieds-nus, la petite expliquait au barman (qui n'a ni nom ni prénom!) qu'elle ne pouvait ni se balader ni et encore moins remettre des habits sales. Et donc qu'elle lui rendrait ses sapes qu'une fois qu'elle aurait trouvé une tenue plus convenable.

Mais pour le moment, Kuro avait autre chose en tête. Légère comme une brise d'été, la pistolera traversa la salle jusqu’à se retrouver devant Aoi, sa navigatrice et ... une troisième personne! Un homme de surcroit! Ses "amies" l'avaient remplacée! Quelle odieuse trahison! Rouge de colère, elle tempêta.

"Voilà Kuro s'en va jouer de la musique quelques minutes et paf! Vous remplacez Kuro par un homme! Un pas très beau en plus! C'est inadmettable! Kuro qui pensait qu'on était amies! Z'êtes vilaines!"

Et Kuro de partir comme une trombe pour pleurer son chagrin dans un coin. Seulement, distraits par cette scène de ménage assez ubuesque, personne n'avait remarqué que la pianiste avait pris la carte au trésor sur la table pour un mouchoir, et qu'elle s'était tirée avec!

"Nan, Kuro veut pas!

Répondit simplement Kuro. Elle ne savait pas à qui elle avait affaire, et encore moins ce qu'elle risquait à provoquer ainsi Aoi. Mais la pistolera s'en fichait. Plus par ignorance que par défi, la petite persistait à ne pas vouloir rendre la carte.

"T'es une vilaine fille mam... dame Aoi. Kuro te donnera pas le mouchoir! C'est une carte? C'est pareil! Maintenant, c'est à Kuro! Donc, pas touche, la mouche!"

En bruit de fond on pouvait entendre le légitime propriétaire de l'objet râler parce que personne ne semblait comprendre que cette carte lui appartenait. Quant à Kuro, elle avait sorti un briquet, mais pas de clopes. A la place, elle se préparait à allumer un autre type de feu. Ce plan, auquel tout le monde semblait bien tenir. Ça devait être un truc précieux. Et donc, une idée avait germé dans l'esprit de la plus sournoise des musiciennes.

"Tu bouges plus, vilaine! Sinon, la carte, elle fait frrrrt! Ou fwouf! Enfin, Kuro y met le feu! Si tu veux ton bout de papier, il va falloir donner des sous à Kuro. Ça t'apprendra à être méchante avec Kuro! Na! Bien fait, vilaine!"

Et voilà que Kuro se permettait en plus de tirer la langue à miss Nakajima.

"Si tu veux ton papier, ça te coutera cinq mihyons de berrys! Et ce serait mieux que tu les donne de suite, Kuro n'aime pô attendre!"

Rapide comme un serpent, Kuro s'empare de l'épée, et délaisse cette carte. De toutes façons, qu'est-ce que Kuro aurait bien pu faire d'une carte au trésor? Rien, vu qu'elle ne sait lire que les partitions! Contente de son nouveau jouet, elle sortit la lame de son fourreau et commença a donner des coups dans le vide. Inutile de dire que même le profane pouvait s’apercevoir que la snipeur n'avait rien d'un bretteur. Déjà lassée par l'objet, elle remit la lame au fourreau.

Soudain, elle se tourna vers William le barman.

"Hé, tiens, voilà un sabre, t'as dix mihyons?"

"Heu, tu sais, ce truc vaut au mieux cent mille berrys."

"C'est plus ou moins que dix mihyons?"

"Heu, Kuro, tu sais compter?"

"Ben, non, Kuro sait pas compter! C'est pour ça que Kuro demande!"

On put alors entendre quelques mains claquer contre des fronts, signe que certains zyeutaient la scène et étaient plus que navrés par la bêtise de Kuro. C'est ainsi que la plus charmante des demoiselles ayant tenu un revolver échangea son sabre contre dix mille berrys. Elle s'était faite avoir deux fois! Une par Aoi, et l'autre, par le barman qui n'avait pas de raison de se priver d'abuser de la naïveté d'une gamine qui ne sait pas compter. Mais au moins, Kuro était renflouée. D'ailleurs, elle sautillait partout.

"Cool, Kuro est riiiiche! Ha ha ha! Kuro va pouvoir acheter des habits neufs pour fille! Kuro peut acheter des balles pour les revolvers à Kuro! Et des instruments de musique! Non, tout un orchestre! Trop bien! Et une culotte aussi, parce que là, Kuro n'en porte pas!"

Tout d'un coup, elle fonça à la table d'Aoi.

"Hé, toi! Mam... madame Aoi! Tu sais où Kuro peut s'acheter une culotte? Une jolie. Et des chaussettes assorties? Et des soutifs' aussi? Et des habits? Mais des classes, pas comme les tiens! Parce que là tu ressemble un peu à une pro-située. Si tu vois ce que Kuro veut dire."

Pauvre reine des masques! Si elle pensait pouvoir enfin goûter à peu de paix, c'était râpé!