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Un grondement sourd déchire le silence des lieux. Une détonation, lourde, brève, intrusive. Elle se fraie un chemin à travers la pierre des murs et frappe directement les tympans. Généreuse, elle revient une dizaine de secondes plus tard, plus assourdissante que la fois précédente. Gronde, agresse l'esprit torturé des pensionnaires des lieux. Le Mile High Purgatory, prison céleste, nid à raclures, pourritures, déchets. Des âmes jugées coupables de crimes abominables, d'actes immondes, de faits déplorables. Hommes, femmes, okamas, des êtres à l'esprit fêlé, déséquilibré. Personnes dangereuses pour la société, devant répondre de fautes jugées impardonnables. Expier leurs péchés, trouver le pardon d'une déité qui leur échappe, ou tout simplement croupir derrière d'épais barreaux, se laisser ronger par le temps. La seul échappatoire qui leur est offerte, s'effacer, déchiré.
Secteur 5, cellules 23. Quatrième jours. Le nouveau. Tout droit venu du navire de guerre mené par le Contre-Amiral Fenyang, le léviathan. Ancien Commandant, sadique, inhumain, désaxé, dépeint comme un fléau au sein de l'équipage, la petite perle de la fournée de la semaine. Chaleureusement accueilli par une première décharge électrique, délicatement conduit à ses appartements par des coups de matraques à haut voltage. Tout juste ses pieds nus foulaient-ils le sol gelé de sa geôle, qu'il se faisait électrocuter l'ossature. Il hurle, ses jambes vacillent et le reste de son corps chute. Gémissant, injuriant. Son tortionnaire invisible ricane, c'est ce qu'ils font tous au début, lorsqu'ils ont encore l'espoir, la hargne de sortir. Son doigt presse le bouton magique, que l'électricité soit. Et la chair du taulard grille. Aussi tenace soit-il, le nouveau sombre dans l'inconscience, exténué, blessé, tant physiquement que psychologiquement.
Et ce n'est que le début. Le mal foudroie le captif, qui sursaute de peur et de surprise, visage frappé par la douleur. Un flash aveuglant lui déchire les yeux, l'obligeant à détourner le regard. La migraine le ronge, l'engourdissement le guette, la fatigue l'accable. Il n'a quasiment pas dormi durant la traversé en fond de cale du léviathan. Exténué, on l'abandonne à son sort, lui laisse entrevoir un matelas sur lequel s'apaiser, se reposer. Il ne l'atteint pas, foudroyé par un mécanisme étranger, effrayant. A terre, les paupières lourdes, il entrevoit les bras de Morphée. Il en est arraché avec violence, brutalité. C'est tout son être qui endure le supplice. Il comprend ce qui se trame ici, dans cette prison. Ils s'amusent avec les incarcérés, les malmène, rompt toute perspective d'évasion, de repos, se complaisent à les broyer. Sa folie ne l'a pas abandonné, éparpillée dans son esprit, elle l'encourage.
Lui, Stark Lazar, abattu par une bande de sadiques et de lâches ? Non. Jamais. Il peste, force sur ses bras pour se redresser, chancelant. Il n'a pas été épargné depuis son arrestation. Damné Fenyang, c'est à lui seul qu'il doit ce séjour dans ce lieu sordide. Son rire dément fend la pierre, alors qu'il pense à sa situation, hilare. Chienne d'ironie, lui qui a voué sa vie à ruiner l'existence du crime par le biais de sévices tous plus épouvantables les uns que les autres. Guidé par sa démence, amusé par l'image qu'il offrait aux autres. Voilà qu'il pourrirait pour le restant de ses jours dans le plus sauvage des bagnes. Il croit être arrivé il y a une semaine, cela ne fait seulement que trois jours. Privé de sommeil, il lutte avec sa cage piégée pour pioncer, plus d'un quart d'heure étant une victoire. Affamé, le maigre repas servi ne suffit pas à lui redonner toute l'énergie dont il souhaiterait bénéficier.
Parfois, souvent, on lui fait la blague de la bouffe électrique. Souriant, ravi d'avoir de quoi se mettre sous la dent, il prend place à la table. Il est nouveau, il ne s'attend à rien, n'anticipe rien. Et c'est la décharge. Assez de volt pour vous ôter ce maigre sourire qui venait tout juste de percer sur cette montagne de tristesse. Les autres rient. Ceux qui en ont encore la force, du moins. Ou le courage de se risquer à recevoir la même sentence. Le retour au trou n'enchante guère, chacun dans sa loge, dans l'attente. Lazar offre de la résistance, présente de l'intérêt. Cela arrive parfois, que des esprits récalcitrants ne plient pas dès les quatre premiers jours. Ceux-là sont en général déjà lourdement abîmés lorsqu'ils sont confié aux bons soins du Directeur et de son personnel. Ils sont les plus palpitant à manipuler, arranger, à réparer. Car c'est bien de cela qu'il s'agit au fond, le Mile High Purgatory soigne ses patients du mal qui les consument.
Ceci est l'asile dont Stark avait tant besoin.