En rang, deux par deux !
Les copains sont pas vraiment des copains, ils le disent quand Tark est dans les parages pour pas qu'il fasse la mauvaise tête, mais quand il est malade, Tark, ils s'éloignent tous de moi. Je sais pas s'ils m'évitent. Et pourquoi ils feraient ça. J'y pense beaucoup. Je leur parais peut-être bizarre parce que j'ai des bonnes notes et je crie pas pendant la classe. Je leur parais peut-être "chiant", comme ils disent dans les BD de grands, parce que les blagues sur les mères me vexent facilement. Je leur fais peut-être peur car j'ai de sacrées dents, assez mal brossées, et que les requins ont jamais les beaux rôles dans les histoires. Ou alors ils sont jaloux de mes parents, très riches. Très importants. Pas très gentils ni très aimants, pourtant. Mais je les aime quand même.
En rang, je suis toujours tout seul. Ça me rend pas triste, j'ai l'habitude. Je me plains pas, ça serait leur donner raison. Ignorer les envieux, snober les sots, ça s'appelle la force.
Ça avance en chahutant, j'essaye de plus rien écouter d'autre que les bruits de la rue qui me donnent hâte de ressortir. T'as de la chance Tark. C'est cool la grippe. J'en voudrais aussi, j'espère que tu m'en garderas. Le ciel est tout bleu, mais je sais que ça reste qu'une bulle. Comme un grand aquarium. Moi, quand j'aurai grandi, j'voudrai monter à la surface et devenir le héros de ma propre aventure. Faire des trucs de héros et casser des méchants sous un VRAI ciel bleu, trop grand pour qu'on en distingue les bords.
... Kamina Craig !
Présent !
Encore en dernier ?
Oui.
La maîtresse qui penche la tête pour me voir. Elle est plutôt vieille. Pencher la tête autant tout les jours ça pourrait être dangereux, à son âge. Lui abîmer la gorge ou quelque chose du genre. Mais comme elle est une poulpe, elle s'en fiche. Elle peut même faire des noeuds avec son cou élastique ! Je l'ai vu faire à la récré devant les 4èmes années avant-hier. Je préférerais savoir faire ça plutôt qu'avoir des grands rasoirs effrayants plantés à l'envers partout dans la bouche. Qui me font peur à moi-même en plus. Si je me mordais la langue, je saignerais sûrement beaucoup...
Elle est gentille, madame Home. Elle bavarde avec la maîtresse des 5èmes années. Sûrement à cause des "restrictions budgétaires". Et que le directeur est un incompétent et un pourri, aussi. S'ils ont besoin d'argent, ils pourraient demander à Papa. On en a trop de toute façon.
Les 5èmes années, les plus vieux, s'attardent à côté de nous. Bizarre. J'ose pas les parcourir des yeux de peur de trébucher sur un costaud qui voudrait me faire la peau. Plus on est grand, plus on est susceptible. Frangin me le répète tout le temps : là-haut à la surface, on tue pour un regard. Alors laisse pas traîner tes jolies pupilles n'importe où, qu'il continue après, parce qu'on pourrait te les voler. Ses mots sont comme des images, au Frangin, ça m'embrouille souvent. Est-ce que je devrais le prendre au pied de la lettre ? C'est souvent qu'on croise des voleurs d'yeux ?
Oh. Ah. Non ! J'ai attiré son attention, je crois. Un piranha carré, qui me domine d'une tête, dans le rang des cinquièmes. Je détourne le museau comme je peux mais les gouttes de sueurs font déjà la course sur mes tempes. Pourvu que ça provoque rien. Pourvu que. Tout seul, je dois me faire discret. C'est ma règle numéro un. Parce que Tark il est un rempart, et moi une maison de paille. Si je rentre dans des tempêtes je me fais balayer.
Il me regarde plus ? Je sais pas. Tout rigide mais un peu tremblant, j'ai mes deux pattes qui s'enracinent dans le sol et je mets du temps à les décoller quand l'appel est terminé et que le rang avance.
Très bien. On avance ! On accueille les grands en classe, aujourd'hui, les enfants.
Oh. Ils vont nous parler de ce qu'ils font de compliqué et nous aider dans nos devoirs. Ou du sport en équipe où ils sont toujours plus forts que nous. La plupart ont trois ans d'plus que nous, et en trois ans quand on est enfant on grandit beaucoup, alors ils nous prennent de haut. Et quand j'étale ma science pour leur fermer le clapet, ils se moquent et trouvent un autre moyen de me faire honte.
On avance, comme l'a demandé madame Home. Et devant la porte, chacun de nous reçoit un grand pour l'accompagner. A moins que ça soit le grand qui reçoive le petit...
Je me cache derrière la foule et j'espère qu'ils vont m'oublier.
Les copains sont pas vraiment des copains, ils le disent quand Tark est dans les parages pour pas qu'il fasse la mauvaise tête, mais quand il est malade, Tark, ils s'éloignent tous de moi. Je sais pas s'ils m'évitent. Et pourquoi ils feraient ça. J'y pense beaucoup. Je leur parais peut-être bizarre parce que j'ai des bonnes notes et je crie pas pendant la classe. Je leur parais peut-être "chiant", comme ils disent dans les BD de grands, parce que les blagues sur les mères me vexent facilement. Je leur fais peut-être peur car j'ai de sacrées dents, assez mal brossées, et que les requins ont jamais les beaux rôles dans les histoires. Ou alors ils sont jaloux de mes parents, très riches. Très importants. Pas très gentils ni très aimants, pourtant. Mais je les aime quand même.
En rang, je suis toujours tout seul. Ça me rend pas triste, j'ai l'habitude. Je me plains pas, ça serait leur donner raison. Ignorer les envieux, snober les sots, ça s'appelle la force.
Ça avance en chahutant, j'essaye de plus rien écouter d'autre que les bruits de la rue qui me donnent hâte de ressortir. T'as de la chance Tark. C'est cool la grippe. J'en voudrais aussi, j'espère que tu m'en garderas. Le ciel est tout bleu, mais je sais que ça reste qu'une bulle. Comme un grand aquarium. Moi, quand j'aurai grandi, j'voudrai monter à la surface et devenir le héros de ma propre aventure. Faire des trucs de héros et casser des méchants sous un VRAI ciel bleu, trop grand pour qu'on en distingue les bords.
... Kamina Craig !
Présent !
Encore en dernier ?
Oui.
La maîtresse qui penche la tête pour me voir. Elle est plutôt vieille. Pencher la tête autant tout les jours ça pourrait être dangereux, à son âge. Lui abîmer la gorge ou quelque chose du genre. Mais comme elle est une poulpe, elle s'en fiche. Elle peut même faire des noeuds avec son cou élastique ! Je l'ai vu faire à la récré devant les 4èmes années avant-hier. Je préférerais savoir faire ça plutôt qu'avoir des grands rasoirs effrayants plantés à l'envers partout dans la bouche. Qui me font peur à moi-même en plus. Si je me mordais la langue, je saignerais sûrement beaucoup...
Elle est gentille, madame Home. Elle bavarde avec la maîtresse des 5èmes années. Sûrement à cause des "restrictions budgétaires". Et que le directeur est un incompétent et un pourri, aussi. S'ils ont besoin d'argent, ils pourraient demander à Papa. On en a trop de toute façon.
Les 5èmes années, les plus vieux, s'attardent à côté de nous. Bizarre. J'ose pas les parcourir des yeux de peur de trébucher sur un costaud qui voudrait me faire la peau. Plus on est grand, plus on est susceptible. Frangin me le répète tout le temps : là-haut à la surface, on tue pour un regard. Alors laisse pas traîner tes jolies pupilles n'importe où, qu'il continue après, parce qu'on pourrait te les voler. Ses mots sont comme des images, au Frangin, ça m'embrouille souvent. Est-ce que je devrais le prendre au pied de la lettre ? C'est souvent qu'on croise des voleurs d'yeux ?
Oh. Ah. Non ! J'ai attiré son attention, je crois. Un piranha carré, qui me domine d'une tête, dans le rang des cinquièmes. Je détourne le museau comme je peux mais les gouttes de sueurs font déjà la course sur mes tempes. Pourvu que ça provoque rien. Pourvu que. Tout seul, je dois me faire discret. C'est ma règle numéro un. Parce que Tark il est un rempart, et moi une maison de paille. Si je rentre dans des tempêtes je me fais balayer.
Il me regarde plus ? Je sais pas. Tout rigide mais un peu tremblant, j'ai mes deux pattes qui s'enracinent dans le sol et je mets du temps à les décoller quand l'appel est terminé et que le rang avance.
Très bien. On avance ! On accueille les grands en classe, aujourd'hui, les enfants.
Oh. Ils vont nous parler de ce qu'ils font de compliqué et nous aider dans nos devoirs. Ou du sport en équipe où ils sont toujours plus forts que nous. La plupart ont trois ans d'plus que nous, et en trois ans quand on est enfant on grandit beaucoup, alors ils nous prennent de haut. Et quand j'étale ma science pour leur fermer le clapet, ils se moquent et trouvent un autre moyen de me faire honte.
On avance, comme l'a demandé madame Home. Et devant la porte, chacun de nous reçoit un grand pour l'accompagner. A moins que ça soit le grand qui reçoive le petit...
Je me cache derrière la foule et j'espère qu'ils vont m'oublier.