Bweuh, ça tangue. Je n’pensais pas que le navire restaurant était aussi stable, ironie. Les quelques morceaux de mollets qui se mélangent dans mon estomac rejettent leurs excès de sang, ça m’remonte dans l’œsophage. Ouais, ça se bat avec l’acide gastrique. Passons ce détail, j’ai déjà un autre problème sur les bras. Une traque à l’homme, une chasse encore jamais vue. J’m’immobilise un tant soit peu, les vagues font leurs travail sur la coque du bateau. Là, j’déroule un papier. Une feuille du gouvernement, ce n’est pas l’type de contrat habituel pour un chasseur de primes. J’pourrai prétendre être corsaire, réquisitionner l’navire et vider tout le stock de viande mais, il me manque une partie. Et tu vois ça, ça a le don de mettre mes crocs en émoi.
Ce bout d’papier, je l’ai récupéré dans un café miteux de Shell Town ; l’genre de paperasse qu’on ne laisse pas trainer impunément. Ce jour là, c’était mon jour de chance. J’débarque dans la bâtisse, l’air de rien, l’air d’un homme-poisson quoi. Les regards se rivent vers moi, vers l’ombre imposante qui fait obstruction à la lumière de la pièce. J’me fais bousculer par un gars en furie, l’genre bureaucrate qui s’est souvenu qu’il avait un peu de boulot sur la planche. J’m’assoie donc à sa place, sur une banquette qui accueille plutôt mal mon gabarit. J’commande un jus d’sang d’orang-outan, l’truc illégal qui s’vend uniquement aux carnassiers de mon espèce. J’le sirote en m’apercevant qu’le tissu qui m’sert de repose-verre est en réalité une note. La curiosité prend alors le dessus, j’attrape la feuille entre mes doigts brisés par le nombre incalculable de mandales distribuées. J’inspecte chaque recoin de la page pour y lire un petit « 2/2 » en bas à droite. Ne m’demande pas pourquoi, un sourire avare s’empare de mon visage à cet instant. L’vieux accoudé au comptoir l’a compris, il y a une putain de somme laissant prédire une pluie de lingots d’or sur mon visage. A ce moment là, une phrase vient briser le mythe « A l’attention de l’agent Feu-aux-doigts, rappelez-lui qu’il y a deux pages. On commence à l’connaître celui-là. ». J’fais la moue, surtout après qu’le cachet du gouvernement mondial me fasse de l’œil. J’me suis dis que c’était une prime comme une autre, un peu différente, ouais, mais tant pis.
Et me voilà, ici. Pardon ? Ah oui, ce que contient la lettre. Une multitude de détails physique et caractériel sur une cible à ramener morte ou vivante. Ouais, à moitié-morte ça compte aussi mais je n’sais pas dans quelle catégorie qu’ils classent ça. J’crois que ça dépend de la caserne, certaines tolèrent qu’il manque des membres, d’autres non. ‘Fin bon, cette mission, c’est un peu la merde pour le coup. L’seul renseignement potable sur la cible, c’est le lieu de résidence actuel. « Nous l’avons localisé sur le Baratie, cela fait déjà plusieurs jours. J’te remets la phrase ici Feu-aux-doigts, au cas où tu lis entre les lignes sur la page une. »
Beurp.
Ouah, une remontée chaude et succulente. La faim commençait à se faire sentir, c’est une belle feinte pour l’estomac ça. J’continue à zieuter la feuille, une liste sur les spécificités du bonhomme. Paraît qu’il ne porte pas de lunettes, paraît qu’il a une bague en argent à l’annulaire de sa main gauche. Tah, ça m’fait chier. Je n’ai pas tout, l’autre moitié est écrite sur l’autre page. J’ai encore quelques éléments mais j’vais m’concentrer sur ces deux informations pour le moment, je verrai la suite après. J’range ma feuille en me mettant en quête du parfait suspect, première étape, la réception.
J’ouvre les portes battantes comme un nouveau client affamé et déshydraté, l’genre de héros qui illumine la scène par son manque de délicatesse. C’est pour attirer toutes les petites têtes, toutes les petites lunettes. Le projecteur imaginaire fait ressortir mon charisme déroutant, les bruits de couverts s’arrêtent en un temps. C’est là qu’le verre ne peut s’empêcher de m’aveugler de tous les côtés, j’élimine chaque myope. Pas du genre à leur mettre des coups de pieds sautés ou des nuées de piranhas le long de leurs muscles, non. Plus du style à me rappeler la tête des bigleux, c’est moins simple mais plus abordable dans ce genre de situation. Trois, sept, douze ; douze qui finiront un jour par faire de la concurrence aux borgnes. Ça m’prend quand même la tête de devoir retenir leurs visage, l’mieux à faire, c’est de les coucher. Mais ça, ce sera après avoir fait le ménage parmi les hommes fiancés.
Dernière édition par Danzel le Sam 11 Oct 2014, 21:35, édité 1 fois