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Examiner un culte


Nouvelle journée, nouvelle mission. J’débarque sur Inari au p’tit matin. Le froid m’pince un peu, donc j’engonce mes pognes dans les poches de mon pardessus après m’être allumé une clope. En levant la tête, j’vois le caillou volant, le Boru Bodur, comme il s’appelle. Une sacrée vision, quand même, dommage que l’île vale que pour ça.
Ouais, un repaire de religieux. Au moins, ils se sont tous foutus au même endroit, et ça c’est pratique. C’est même ce qui m’amène. Dans c’coin à touristes et croyants sectaires, y’a un genre de nouvelle religion qu’est apparue. Une secte. Un groupe de fanas.

Y’a des rumeurs un peu bizarres qui trainent sur eux. Des sacrifices humains. Ou pas, ptet que des moutons, des bœufs. Des trucs un peu sanglants, en tout cas, tous les bruits qui courent parlent de ça. Si c’étaient que des on-dit, sûr que j’serais pas là, j’me doute. Soit quelqu’un qu’a des amis haut-placés se sent le cul qui chauffe, soit ces haut-placés voient pas d’un bon œil l’essor d’une religion pareille.
Ouais, y’a un putain d’essor, apparemment. C’est la même religion, mais elle a pas l’air si sanglante à la lumière du jour. J’me suis pas encore trop intéressé au concept, toujours des histoires de salut, de paix, de bonheur, et des prophéties en veux-tu en voilà. Tant que les gens restent sages dans leurs chaumières et respectent la loi, ils peuvent bien croire ce qu’ils veulent.

J’écrase mon mégot de cigarette par terrre avant d’en sortir une autre. Un type avec l’allure parfaite du grouillot s’approche de moi. Petit, s’frottant les mains dans l’froid matinal, habillé n’importe comment avec des fringues repiécées tellement de fois qu’on distingue même plus la couleur initiale. Quant à moi, j’dois ressembler à la proie parfaite : le type un peu négligé qui débarque à l’aube sur Inari à la recherche du Salut et de l’Absolution Divine, pour donner un sens à ma vie.
« - Bonjour, bonjour, m’sieur, vous voulez une réplique 100% argent du Boru Bodur ? Pas chère, pas chère, une bonne affaire !
- Non, merci, pas intéressé.
- Mais si, mais si, regardez ! Une affaire en or, si j’puis dire, même si c’est d’l’argent, héhéhé…
- Vraiment pas. Dites, j’cherchais le…
- Aaaaah, la mémoire du vieux Charlie n’est plus ce qu’elle était ! Mais un petit geste l’aiderait sûrement à… »

Putain. J’ai envie de le bousculer pour tailler la route et demander où trouver ce culte à quelqu’un qui me fera pas raquer, et qui schlingue pas, idéalement. Ouais, le vent a tourné depuis le début de la conversation, et le mélange de la sueur rance et de la mauvaise bière, c’est à gerber. Pourtant, j’suis à jeun.
Bref, j’allais l’envoyer valdinguer, mais l’problème sur ce genre d’île, c’est qu’on sait jamais sur qui on tombe. Qui regarde les nouveaux arrivants. M’étonnerait pas que quelques guetteurs des cultes zonent dans l’port toute la journée histoire de foutre le grappin sur les gens qui débarquent, histoire de les convertir pronto. Du coup, si, manque de bol, un bonhomme du Culte de Raos, comme il s’appelle, m’regarde, j’voudrais pas qu’il m’renvoit dans les dents que j’suis légèrement irritable quand j’vais m’pointer au temple.

« - Tant pis pour l’vieux Charlie, alors. Tiens, regarde là-bas, d’autres touristes, va tenter ta chance, mon gars.
- Vais pas pouvoir. L’quai numéro 6, c’est celui du Petit Jean, et l’seul truc petit, chez lui, c’est sa patience. Depuis qu’il est pote avec les prêtres de Raos, personne il s’approche de son morceau de quai. Déjà qu’il était pas bien sympa avant…
- Bah voilà, tu vois, quand tu veux, tu renseignes les gens. Ciao Charlie.
- Rev’nez ! Z’avez pas encore vu mes répliques hyper réalistes d’Hubert ! Made in Inari ! 100% coton ! »

Laissant là le type qui refoule, j’me dirige droit vers Jean, dit le Petit, un marmule qui doit bien taper dans les deux mètres fastoche. A voir sa gueule, le genre qui manque singulièrement d’humour, aussi. Les yeux rapprochés, la machoire prognathe et les coins des lèvres s’affaissant dessinent un visage tout à fait antipathique. Bien ma veine.
« - Bonjour, monsieur. Jean, n’est-ce pas ? »
Dès qu’il se tourne vers moi, brusquement, son regard s’illumine et un grand sourire aux dents gâtées m’accueillent. Tu parles d’un changement, j’ai fait un demi-pas en arrière, prêt à m’enfuir.
« - C’est moi-même ! Vous venez d’arriver ? Vous avez fait bon voyage ? Je peux vous aider ? »
Elocution parfaite, aimable, souriant. Au moins, il devrait m’donner un coup d’main.
« - Très bon voyage, merci. J’viens d’arriver, j’ai débarqué y’a même pas quinze minutes. Vous voulez une cigarette ?
- Non, merci, je ne fume pas. Je chiquais, avant, mais depuis que j’ai trouvé ma Voie, ma vie a pris un tour pour le meilleur.
- Oui, justement, c’est cette voie que je cherchais.
- La Voie. »
Oui, on sentait bien la majuscule quand il le disait.
« - La… Voie, donc, que j’reprends. Le Culte de Raos, pas vrai ? J’en ai entendu parler et…
- Oh, bien sûr. Vous voulez que je vous indique le chemin ?
- ‘Xactement !
- Vous voulez d’abord une auberge pour poser vos affaires ?
- Idéalement, oui.
- Nous arriverons juste à temps pour le sermon du matin, en plus. Suivez-moi ! »
Ouais, j’avais une p’tite valise avec le nécessaire. De quoi changer de fringues, quelques couteaux en plus, des machins utiles, quoi.

On part pour s’enfoncer dans Inari, histoire de m’trouver un coin où m’pieuter et grailler. Ca discute budget, situation, ça blablate, quoi. J’improvise une histoire bidon. Licenciement. Quête de vérité, prendre un nouveau départ. Ca fait mouche. Crédule, le Jean, mais ça m’étonne moyennement d’un type qui était docker du genre violent et qui finalement est devenu doux comme un agneau après un sermon.
Comme j’suis censé être un peu fauché, il m’dégotte un truc bas d’gamme. Pas que ça m’dérange, j’comptais pas y passer ma vie. J’largue mon sac et on bouge fissa vers le lieu du sermon. Apparemment, y’en a plusieurs par jour, tous dans des endroits différents.

Il commence à m’causer de sa religion. J’suis plutôt intéressé par les gens, moi. Style les penseurs du mouvement, les têtes de l’organisation. Les types les plus susceptibles d’être impliqués dans les machins douteux, quoi. Mais pas moyen de lui tirer les vers du pif, il fait une fixette sur les préceptes.
On arrive à une place sur laquelle les gens commencent à se masser. Un vioque monte sur une estrade, mais le genre vioque en forme, le dos droit, fière allure, mal sapé mais la classe. Tout le monde discutait, mais là, ça se calme. L’homélie va commencer. J’écoute vaguement le blabla religieux en grillant une clope. Ma voisine, une virago qui doit peser son quintal, me regarde de traviole.. J’tends l’oreille juste assez pour savoir de quoi ça parle.

Et j’réfléchis à ce que je vais faire. Identifier les patrons, les filer, voir ce que ça donne. Simple et efficace, si j’me fais pas gauler. Pas l’temps d’monter tous les échelons internes, si tant est que ça soit possible, de toute façon.


Dernière édition par Alric Rinwald le Ven 05 Déc 2014, 22:45, édité 3 fois
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Lorsque l'on rentre d'un grand voyage, tout ce que l'on désire c'est de retourner dans sa maison, s'enrouler dans sa couverture et rester allongé à ne rien faire. Car oui, le mal du pays est quelque chose d'assez frustrant et d'incurable qui n'as pour seul remède que de rentrer chez soi. En cette belle matinée toute fraiche qui venait de ce lever sur Inari, je m'apprêtai à ne rien faire, comme à mon habitude lorsque je rentrais. Mais il fallait compter aujourd'hui sur un évènement majeur sur notre île, l'avènement d'un nouveau culte et comme de par hasard, qui est-ce qu'on envoyait quérir des informations ? Cette gentille Mariza qui n'a même pas son mot à dire. Bravo la dictature !

Mais, il faut dire que cela ne me déplait pas vraiment, car il y a des choses qu'on ne tolère pas par chez nous. Lorsque l'on dit qu'il y a trois ordres, treize processions et vingt-deux religions et cultes, ce n'est pas pour rien ! On a déjà refusé l'autre secte d'Astral Ernesto, hum, la Cabale. Alors y'a vraiment pas de raison pour que l'on accepte ce nouveau culte sorti de nulle part et qui n'a même pas la politesse de se présenter devant le conseil présidé par l'autre taré d'Hubert. Le gosse qui doit être bien plus jeune que moi et qui est à la charge de tout les cultes sur Inari, dont le notre. Pas mal comme métier, beaucoup de travail mais un gros prestige.

Avant de partir pour le centre-ville d'Inari, ce lieu grouillant de touristes mal renseignés qui se font dépouillés comme des bleus, j'ai le droit à un briefing de la part du conseil de ma religion. Le culte de Raos, un culte tout nouveau, tout frais, sorti des méninges d'un illuminé comme un autre. À part ça, aucune autre information. Je quitte donc le Boru Bodur pour l'île du dessous, Inari. Rapidement, j'arrive au centre-ville, rien de vraiment notable, c'est le bordel habituel. Une foule de personne attroupé autour de marchands qui vendent leurs babioles, importées depuis je ne sais où. J'ai même pu voir un homme qui vendait des répliques du Boru Bodur, plaqué argent. Ce qu'ils vendent, c'est vraiment du toc. Une fois, j'ai débuté une petite entreprise de troc, des bonbons contres des babioles, les échanges ont été très fructueux et j'ai pu me faire une collection de « reliques » en tout genre.

Je quitte la place pour les ruelles sombres d'Inari, c'est là où j'ai le plus de chance d'obtenir l'information que je souhaite. Au fil du temps, je me suis liée d'amitié avec un gamin des rues, un dénommé Charles qui a pour habitude de trainer dans les salles recoins. Mais en réalité, Charles est un véritable informateur, il sait tout ce qu'il se passe sur Inari, pas une information lui échappe. Il doit forcément savoir pour le culte de Raos.

Aujourd'hui, il se terre dans une ruelle assez large et a décidé de jouer au mendiants. Je m'approche de lui, il me regarde en souriant. Ses cheveux ébouriffés, ses vêtements en lambeaux me font sourire.

« Salut Charles, ça t'amuse de jouer au mendiants ? Tu sais, avec toutes tes qualités, tu pourrais vraiment devenir quelqu'un. Notre culte t'es grand ouvert si tu désire te convertir. »

Il se lève et me regarde de haut. Il est beaucoup plus grand que moi et je suis obligée de lever la tête pour le regarder

« Hum… ça doit faire dix ans qu'on se connaît Mariza et à chaque fois qu'on se croise tu me le demandes mais ma réponse sera toujours non !
- Mais pourquoi ? T'aimes à ce point vivre dans la rue ?
- Disons que j'ai mes petites habitudes. Mais venons en au fait ! Ça fait un bail que j'tais pas vu rodé par ici. Tu rentres d'un autre de tes voyages avec ton prof de médecine ?
- Oui, un bon gros voyage sur South Blue mais je t'avoue que je suis pas venue ici pour papoter. Je cherche le culte du Raos. Tu connais ? »

Il me regarde en souriant.

« Cela fera 100 Berries, prix d'ami. Tu trouveras pas l'info autre part, foi de Charles !
- Quoi ? Mais c'est la première fois que tu me fais payer, j'croyais vraiment qu'on était ami. T'es pas sympa.
- Rooo mais j'te taquine un peu. Bon alors, le culte de Raos c'est une sorte de culte bizarre qui s'est récemment implanté sur Inari. J'ai pas trop d'info dessus mais je sais qu'ils organisent une réunion dans le Nord de la ville.
- Merci, j'y cours !
- Tu vas faire quoi là-bas ?
- J'ai des affaires à régler. »


Dernière édition par Mariza le Sam 15 Nov 2014, 22:04, édité 1 fois

    Quatre jours que j’suis sur Inari. Quatre jours à écouter des sermons. Quatre jours à bouffer de la religion. J’peux pas dire que j’avance beaucoup, en plus. Le p’tit Jean est sympa, mais un poil envahissant.
    Lors de la première journée, en fin d’aprèm, ça devait déjà être le cinquième service de la journée auquel j’assistais, alors j’suis allé pour me griller une clope, à nouveau au milieu de la foule. Ca m’détend, ça m’occupe pendant que j’m’emmerde. En tout cas, j’ai identifié trois gars qu’ont l’air d’être des cadres.

    Jean, lui, il a plutôt l’air de remplir de rôle du type à tout faire. Il s’affaire, il aide, il rend service, il guide les p’tits nouveaux. Un chic bonhomme, quoi. J’l’aimais bien, jusqu’au moment où il m’a retiré ma cigarette de la bouche avant de l’écraser par terre du talon. Il m’regardait quand même d’un air gentil, hein.
    « Fais comme moi, libère-toi de ces drogues qui t’obscurcissent l’esprit. Alors seulement, tu pourras voir toute la Vérité, l’Universalité de Raos.
    - Mmh, oui, bien sûr, bien sûr, j’vais essayer ! »
    J’ai plus rien pour m’occuper, alors j’pique du nez. J’ai peur qu’il le prenne mal, alors j’joins les mains en prières et j’baisse la tête, j’me laisse pénétrer par les saintes paroles du prédicateur. Et par le son de la scie qui coupe du bois. Mon recueillement a impressionné Jean, ce jour-là.

    Le lendemain matin, quand il a senti l’odeur du tabac froid sur moi, par contre, mon brusque accès de foi l’a pas fait rêver. J’avoue que j’avais fumé en cachette, comme un gamin qui joue à l’adulte. Pas que j’aie jamais eu à faire ça, avec mon alcoolo de père. Mais j’voyais les camarades qui revenaient le matin d'après avec une marque de gnon sur la gueule. J’ai cru que l'Jean serait en colère. Triste. Vexé.
    J’avais sous-estimé sa foi. Sa Foi, même. Il m’a dit qu’il me soutenait dans cette épreuve, que c’était dur, au début. Que la prière était un bon refuge pour résister à la Tentation. Ouais, adorable, ce type, aux antipodes de son apparence physique et de la description que l’vieux Charlie m’en avait fait le premier jour.

    Mais au bout de quatre jours, j’ai beau ne pas le voir tout le temps, ce type me hérisse. Il en demande trop. Et j’suis irritable pasque j’me retiens de fumer. Il a l’odorat d’un chien de chasse. Une fois, il a déterminé le jour d’après que c’étaient mes voisins qui fumaient et pas moi. A l’odeur. Et c’était vrai.
    Du coup, j’étais à un énième sermon. Un des bonshommes que j’suppose être une pointure du Culte est à la barre. Il raconte des trucs. Au-delà des préceptes et postulats de base, c’est toujours la même chose qui revient. J’écoute que d’une oreille. Jean est à côté de moi. On est au milieu d’une petite foule. J’baisse la tête pour m’recueillir dans le silence respectueux. Et piquer un p’tit somme, l’air de rien.

    La fatigue, l’énervement d’arriver à rien. Les coins d’ma bouche s’affaissent, mon nez se fronce imperceptiblement. Enfin, j’croyais, jusqu’à ce que le Petit Jean me pose la main –qu’il a petite en comparaison du reste de son corps, sur l’épaule :
    « Je te sens irrité, mon ami. Un problème ? »
    Autant pour l’agent irréprochable du Cipher Pol capable de cacher et jouer de ses émotions à la perfection. J’sais pas si j’suis mauvais, s’il est bon, ou si sa religion débile l’aide à se tourner vers les autres, mais il m’a carrément grillé. J’note de faire gaffe, à l’avenir.
    « Ouais, en fait, j’pense que ça m’aiderait bien de parler directement en tête-à-tête avec un des ministres les plus investis du Culte.
    - Hmm, peut-être bien, je me disais la même chose. Par contre, je ne peux pas te proposer de tête-à-tête. Il y a trop de sollicitations pour ça. Tu vas devoir attendre un peu, mon ami. Mais il y a une table ronde organisée après le sermon. Souhaiterais-tu y participer ?
    - Ca serait vraiment super ! »

    A quelque chose malheur est bon. Du coup, j’dresse l’oreille pour écouter la suite du discours du type qui cause sur l’estrade. Histoire qu’il me prenne pas en flagrant délit de manque d’attention. J’prépare mon regard écarquillé de fanatique impressionnable.
    On arrive à la fin du blabla infâme, tout le monde se tire sauf les quelques élus qui auront le droit de tailler l’bout d’gras avec Quelqu’un Qui Sait. Un Eveillé. Woah, j’suis tout impressionné, j’en trépigne dans mon calbut’.

    La table ronde a pas lieu sur la placette pourrie qu’on utilise pour une partie des homélies et services assimilés. C’est la fête, j’vais ptet découvrir un des lieux qui sert de Q.G. aux autres fadas. J’suis Jean et l’Eveillé, un dénommé François, jusqu’à une bâtisse en vieille pierre. Un peu miteuse mais un certain cachet. On doit être rejoint par d’autres p’tits veinards dans la maison à poutre apparente, qui est maintenue dans un état de propreté irréprochable par la dame âgée qui crèche là.
    Enfin, les autres devaient nous retrouver là, mais on arrive les derniers. Trois haut-placés que j’ai déjà identifiés les jours précédents sont là, avec huit personnes assisent autour sur des tabourets. Des gens que j’ai croisés, en règle générale, lors des services religieux précédents. Tous, sauf une jeune femme aux cheveux roses. Ptet quelqu’un d’important.


    Dernière édition par Alric Rinwald le Dim 19 Oct 2014, 16:03, édité 1 fois
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    Grâce aux indications de Charles, j'ai trouvé assez rapidement le lieu où se tiennent les fameux « sermons » du culte de Raos. Car en écoutant bien ce qu'ils racontent, on se rend parfaitement compte que ce culte n'est qu'un mélange d'autres religions, piochant des idées par-ci, par-là. Bref, c'est un peu une sorte de millefeuille religieux, pas besoin de faire un détour pour le gouter ni pour le contempler, mais on m'a donné une mission et je vais la remplir. Les personnes qui me connaissent m’ont souvent dit que j'avais deux personnalités distinctes : celle de la tête en l'air, et l'autre beaucoup plus concentrée et attentive. Je n'y ai pas vraiment fait attention, mais en ce moment, je suis dans une phase de concentration excessive.

    Après avoir essuyé deux séances de sermons successifs, car aujourd'hui est un jour spécial. Pourquoi ? Aucune idée, j'ai fini par m'endormir à deux reprises, les paroles de ce prêtre étant pour le moins soporifique. J'ai été réveillé une fois par le bruit de la foule qui s'éloigne. La seconde fois dans un autre bâtiment, cette fois-ci par le bruit des chaises des personnes quittant la pièces. Le sermon est enfin fini et je n'aspire qu'à partir et rentrer chez moi, car finalement, il ne s'est pas passé grand-chose d'intéressant. Petit à petit, la salle se vide et il ne reste que quelques personnes. Hum... j'aurai peut-être dû partir plutôt que de rester plantée là comme une idiote. Je vais encore me taper un autre sermon ou pire encore ! Tant pis pour moi, je n'aurais pas dû m'endormir.

    Je me lève, m'étire un peu et observe les autres personnes de la pièce. Pas grand monde visiblement, rien de bien notable, hormis un bon gars de deux mètres, qui traine avec un autre type. Il est nerveux, cela se sent, et à première vue, il n'a rien à faire parmi tous ces religieux. Mon radar d'hérétique a parlé !

    Au bout d'un moment, un homme arrive et nous demande de le suivre, je m'exécute sans broncher et nous arrivons finalement dans une autre pièce. Je n'ai absolument aucune idée de ce qu'il se passe, mais vu la tête des autres personnes, cela doit être quelque chose d'extraordinaire. À ma droite, une vieille dame en pleur s'agenouille et fait des tas de gestes bizarres vers le ciel.

    Nous nous asseyons et l'homme qui nous a menées ici, laisse place à un autre, bien plus charismatique. La quarantaine, la barbe parfaitement taillée et les manches bien retroussés, il est vêtu d'une tenue sombre agrémentée d'une rose rouge dans la poche de son torse. Les autres se lèvent, je fais de même et peu de temps après nous nous rasseyons, c'était bien utile de se lever ! L'homme énigmatique se présente, il est l'un des prophètes du culte de Raos et demande à ce qu'on l'appelle « L'érudit du vent du Nord ». Y'a mieux comme surnom, enfin, cela souligne surtout qu'il doit y avoir d'autres érudits du vent, et surtout c'est quoi ce vent ?

    L'érudit commence a blablater sur son culte et lentement, mon cerveau se déconnecte de la conversation. Au contraire, en face de moi, le petit Jean, l'homme d'environ deux mètres, les larmes à l'œil, il serait presque tenté d'applaudir à chaque parole de l'énigmatique prophète. J'esquisse un sourire, son voisin en revanche, est en instance de se suicider. L'ennui le gagne et apparaît nettement sur son visage, il baille, il est proche de s'endormir. Il est crispé, en manque de quelque chose, et en un clin d'œil son tic a disparu. Il a remarqué que je le regardais et me fixe droit dans les yeux. Je lui réponds avec un sourire, cette forme de langage universelle qui en dit bien souvent plus que les mots eux-mêmes. Il a vraiment l'air sympa, c'est la personne la plus jeune de la salle après moi. J'irai peut-être lui parler à l'occasion.

    « Bien, si vous êtes ici, réuni autour de cette table de l'amitié, c'est car vous avez été choisi, enfin, nous avons remarqué en vous, l'éveil d'une flamme, la flamme de la passion pour Raos. Et nous ne demandons qu'à mieux vous connaître. Allons, allons, je vous en prie. »

    Rapidement, un tour de table se met en place, on commence à l'opposé de moi. Niveau personne présente y'a rien qui sort du lot, juste des fanatiques invétérés. Finalement, c'est à mon tour de parler. Je me lève pour me distinguer des autres.

    « Bonjour à tous, je me prénomme Mariza et ... hum ... ce sera tout. Le culte de Raos ? J'adore, vraiment. C'est la véritable voie pour le salut éternel ! »

    Je me rassois, mon intervention à fait son effet, les autres applaudissent. Le tour de table reprend et c'est finalement au tour de l'homme ennuyé.


    Dernière édition par Mariza le Sam 15 Nov 2014, 22:11, édité 1 fois

      Dans la salle, un bonhomme qui se la pète tellement qu’il doit être proche d’exploser vient nous raconter des conneries sur le Culte de Raos. Putain. Non seulement c’est chiant, mais le manque de nicotine commence à m’rendre nerveux au point que ma voisine d’en face, avec les cheveux roses –sérieusement c’est particulier niveau style, me grille et me regarde longuement.
      Elle doit mettre en cause mon attachement au culte, même si elle-même n’a pas l’air très investie, vu sa présentation naze. Digne d’un gamin de dix ans, mais les autres, aveuglés par leur Foi, n’y voient que du feu, semblerait. Ou ils font rudement bien semblant.

      Quand mon tour arrive, j’sais déjà bien ce que je veux leur raconter. J’ai eu le temps de m’préparer, pasque, coup d’bol, j’étais à la fin. J’ai pioché sans le moindre scrupule dans ce que les autres ont dit pour faire un machin à ma sauce.
      J’me lève tranquillement, paisiblement. Et j’prends la parole, les yeux brillants, grand ouverts.
      « Bonjour, tout l’monde. Voilà, j’m’appelle Alex, vingt-cinq ans. J’ai connu quelques déboires qui m’ont mis plus bas que terre, et du coup, j’étais venu chercher la lumière à Inari. J’ai entendu parler de la Voie par un des rares amis qui m’a pas abandonné quand j’étais au creux de la vague. Du coup, j’ai soldé mes comptes, rassemblé mes économies et pris mon bâton de pèlerin, et j’suis venu ici.
      J’ai d’abord rencontré Jean, comme certains d’entre vous le savent. Il m’a aidé à faire les premiers pas sur le nouveau Chemin de ma Vie. Grâce à lui, j’ai pu assister aux sermons, trouver un endroit qui m’hébergerait, arrêter de fumer… Et venir ici, à cette réunion, pour rencontrer l’Erudit du Vent du Nord me permettra, j’en suis sûr, de continuer ma Route.
      Voilà, merci de m’avoir écouté. »

      J’pense qu’ils sont impressionnés. Les quelques gestes hésitants au début du discours, puis l’ardeur ensuite, mon dosage était, en toute modestie, proche de la perfection. Il tromperait probablement jusqu’à des acteurs professionnels. La métaphore filée sur les chemins, les routes, les rus et les rigoles, en tout cas, Jean, il l’enfile en courant.
      J’jette un regard circulaire vite fait à la table. Ils ont l’air d’acheter mon p’tit numéro. Sauf le patron, il garde un air impénétrable genre vieux sage paisible. J’aime pas trop ça, j’crois voir de l’ironie au fond de ses yeux, mais j’me trompe peut-être. Pour le moment, ce Culte est tout ce qu’il y a de plus bidon. Comme la plupart des autres.

      Mais j’suis consciencieux, alors j’vais rester encore un peu. Y’a une fête religieuse, dans quelques temps. S’il s’passe toujours rien d’ici là, j’rentrerai chez mémé, R.A.S. sur le rapport et c’est marre. J’pourrai cloper, aussi, comme ça.
      Le Prophète blablate encore un p’tit peu, il a bien l’air de l’Eveillé, tout ça. Ca impressionne vachement les autres débiles, apparemment. La fille qui me matait tout à l’heure, celle qui ressemble à une gamine, elle pique du nez. Elle se cache derrière ses tifs, mais j’crois que ça prend pas trop sur l’Eveillé, il aime pas trop le sommeil, haha. Putain, c’était pas drôle.

      Mon regard s’humidifie alors que j’imagine une clope pendant que l’autre taré parle de Salut Eternel. Grosse synchro. Finalement, il boucle son histoire naze. Dès que j’arrive à mon auberge, j’change de fringues pour mettre des trucs plus discrétos. J’ai acheté un genre de long pardessus à capuche noire. L’genre qui s’fond dans l’paysage la nuit.

      En sortant, j’tape la discute avec Jean. J’essaie d’en savoir plus sur l’Erudit du Vent du Nord. Depuis que j’suis là, première fois que j’entends parler de ce rang. Du coup, j’suis un peu surpris. Puis si c’est l’vent du nord, ça veut dire qu’ils nous font les quatre directions cardinales ? Ou ils font toute la boussole ? Ca nous amènerait à huit, voire seize Vents différents.
      Ca commence à faire du peuple, quand même. Du coup, pour une religion à peine établie, qu’il y ait déjà seize responsables comme ça, c’est gros.
      « Hé, Jean ?
      - Oui, Alex ?
      - Cet Erudit du Vent du Nord, c’marrant, j’en avais jamais entendu parler ?
      - Oui, effectivement, il était en réclusion, pour méditer. Les autres ne devraient pas tarder non plus.
      - Les autres ? Ils sont nombreux ? Trois ?
      - Le nombre dépend de ceux qui atteignent l’Eveil. Il devrait en avoir trois autres qui s’Eveilleront bientôt, ce qui porterait le nombre de Vents à six.
      - Je vois. Et il y a une cérémonie, pour… ?
      - Oui, mais je n’ai pas les informations là-dessus. Il faut être proche de l’Ascension vers un plan d’existence supérieur pour les connaître. C’est tant mieux, cela nous permet de nous concentrer exclusivement sur la Voie.
      - Ouais, j’vois.
      - Nous devons d’abord faire intervenir le changement en dedans de nous, avant de pouvoir le transmettre au reste du monde.
      - Bien sûr, c’est logique.
      - En tout cas, Alex, je trouve que tu as beaucoup progressé depuis que tu es ici. Une fois ton addiction à la cigarette disparue, tu découvriras réellement la Vie.
      - Je n’en doute pas. »

      Sauf que j’compte pas rester si longtemps. J’abandonne Jean en lui disant à demain, puis j’vais m’préparer à retrouver et filer ce Vent du Nord et son p’tit sobriquet ridicule. Une cérémonie secrète, c’est pile c’qu’il fallait pour éveiller ma curiosité.


      Dernière édition par Alric Rinwald le Dim 19 Oct 2014, 16:06, édité 1 fois
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      Le dénommé Alex vient de sortir un bien glorieux discours, à tel point que je commence à douter sur ses véritables intentions. Il est peut-être véritablement intéressé par le culte. C'est une chose que je dois éclaircir, en plus de la situation de cette nouvelle religion. Puis, c'est le trou noir : je suis de nouveau gagnée par le sommeil. À la fin, tout le monde quitte la pièce et finit par se disperser. On nous informes d'une fête religieuse prochaine, où nous sommes conviés d'assister, et c'est bien entendu encore une autre perte de temps.

      Il va bientôt faire nuit, je décide de rester sur Inari et me base dans un petit hôtel choisi au hasard, bizarrement le même que celui d'Alex. Hum… cette petite filature en toute discrétion a été assez sympathique. Dans ma chambre, je me poste devant la fenêtre, entrouverte, guettant une éventuelle sortie de cet Alex. Et cela arrive finalement un peu plus tard, il s'est changé et va discuter avec le petit Jean. Ces deux là doivent surement être des amis d'enfances ou des meilleurs amis, cela ne fait aucun doute. Ils commencent à discuter et dans la pénombre de ma chambre, je m'approche de la fenêtre et je tends l'oreille. Ils parlent de ce qu'il s'est passé lors de la table ronde et surtout du grade d'érudit du vent, d'éveil, six, et enfin d'ascension, peut-être la cérémonie dont l'érudit à parler tout à l'heure. Je n'ai pas tout suivi car j'ai du mal à entendre : ils ont progressivement commencer à chuchoter. Mais en faisant un petit mélange de tout ça, on obtient qu'il y a six érudits du vent qui devront s'éveiller lors de l'ascension. Cela ne m'avances pas beaucoup, j'ai vraiment l'impression d'être dans l'erreur.

      Petit Jean finit par partir, laissant Alex seul, c'est le moment idéal pour l'aborder. J'observe sa position depuis ma fenêtre, il ne bouge pas et après avoir réfléchit l'espace de quelques secondes, il se déplace vers le Nord de la ville. Je descends en trombe les escaliers de l'hôtel, laissant ma clef au guichet et sort à l'air libre. Alex est toujours dans mon champ de vision mais il va s'enfoncer dans la foule. Je commence à courir tout en essayant d'être le plus discrète possible : une filature se doit d'être méconnue de la cible.

      Alex s'arrête à plusieurs étales de vendeurs, il regarde les marchandises et sans parler aux vendeurs, il continue tranquillement son chemin. Au bout d'un moment, il pivote à droite et s'enfonce dans une partie de la ville que je connais pas. J'accélère la cadence, il ne peut pas me semer car je connais cette ville comme ma poche. Et alors qu'il sort de la rue, je déboule juste devant lui. Il me regarde en souriant, comme s'il savait que depuis le début j'avais prévu de le suivre. Son sourire m'agace, il me nargue.

      « Bonsoir, nous nous sommes rencontrés lors de la table ronde lors du culte de Raos. J'étais juste en face de vous, mais je crois que vous l'avez déjà remarqué. J'ai cru comprendre que vous étiez un fervent admirateur de ce culte, mais entre nous, je vois clair dans votre jeu. Votre prétendue envie d'arrêter de fumer n'est qu'un tissu de mensonge ! Ce n'est pas très gentil de faire subir ça à se pauvre petit Jean, qui lui, croit vraiment en votre rédemption prochaine. J'ai très bien remarqué vos petites manies et vos tics. Vous êtes en manque de tabac, de nicotine et j'arrive à percevoir cela sans aucun soucis. Le sevrage est difficile, vous êtes nerveux, insomniaque peut-être, irritable, fatigué… Je lis en vous comme dans un livre. Alors dîtes moi, que voulez-vous à cette religion ? Votre parfait maniement des mots ne marche pas avec moi, j'ai bien vu que votre discours de toute à l'heure n'était que mensonge ! »

      Alex me regarde et applaudit, de manière très sèche. Aucun sourire, il ne cherche pas à s'enfuir, j'ai visiblement trouvé juste.

      « J'ai raison hein ? Vous allez où comme ça, pourquoi le Nord ? »

      Et la réponse à ma question parut brusquement. Le nord, l'érudit du vent du nord, six vents. Il devait surement y avoir un lien entre les deux.

      « Mais bien sur, le Nord, vous enquêtez sur cette religion ? Je peux venir avec vous ? »

        Putain. Qu’est-ce qu’il me bouscule, ce type ? J’vais lui éclater la tête. Nan, pas l’temps. Faut que j’aille au Temple du Vent du Nord. Des infos que j’ai extorquées à Jean, à d’autres connards fanatiques du Culte de Raos.

        J’veux fumer, merde.

        Du coup, comme prévu, j’me sape pour être discrétos le soir. Et j’vais droit vers l’Nord. Faut que j’retrouve l’autre illuminé. Avec un peu d’bol, il brille dans l’noir. Mais j’me fais pas d’illusions. Faudrait déjà qu’il décide de sortir de chez lui, c’qu’est pas gagné. Pas grave, j’arrive pas à pioncer, en ce moment. Ca m’occupera plus ou moins.
        Par contre, j’repère une touffe rose qui m’suit. J’en ai pas croisé cinquante, dans ma vie, des touffes roses. J’fais quelques détours, j’prends des contresens, j’reviens sur les pas, un trajet sans queue ni tête, et toujours cette chevelure d’une couleur absurde.

        Ca fait pas un pli, j’suis pris en filature. Par une grosse daube, en prime. Après avoir enchainé quelques virages, elle apparaît juste devant moi. Facile. Elle commence à m’tailler la discute. Ouais, okay, j’suis légèrement en manque, ça va, faut pas exagérer. Par contre, l’heure court, j’ai pas le temps de faire du babysitting.
        Du coup, elle dit qu’elle pense que j’suis bidon. Sans charre. Elle veut venir avec moi. Elle avait pas l’air emballée par la Voie, vu comme elle pionçait dessus. Après coup, j’me rappelle que l’Erudit a blablaté sur le lièvre et la tortue. Comment le lièvre s’est endormi en chemin. Ouais, ça ressemble vachement à quelqu’un qu’on a un peu côtoyé, hein ?

        Comme j’ai la flemme de discutailler, qu’elle veut visiblement, comme moi, en apprendre plus sur Raos et ses p’tits potes et que j’ai pas l’temps de la convaincre d’aller se repeigner ailleurs, j’lui dis banco :
        « Ouais, sûr, tu peux venir.
        - Super !
        - Ouais, c’est ça, super. Fais-toi discrète, on taille la route. »
        Enthousiaste, elle a l’air de bondir sur place. La grande aventure. Une filature, une vraie, c’est trop cool, quand j’vais raconter ça aux copines demain matin en allant au collège, ça va trop les impressionner. Ouais.

        J’sens le paquet de clopes dans ma poche de poitrine. Putain.

        On passe devant un bonhomme qui vend des babioles, le genre tombées du navire. Des fringues, des accessoires, pile c’que j’cherchais. Y’en a qui trainent un peu partout, c’qui m’arrange bien. J’cherche un truc particulier, en même temps, j’flâne pas, j’fais pas du lèche-vitrine, même si y’a pas de vitrines. Juste des étals un peu pourris, quand c’est pas carrément posé par terre sur un drap dégueulasse.
        Au bout d’un moment, j’attrape un genre de bonnet hyper profond et un châle. Les deux sont noirs. J’me tourne vers la fille. J’sais même plus trop comment elle s’appelle, j’ai pas fait gaffe. Marie. Ca doit être un truc comme ça.

        « Tu choisis lequel… Marie ?
        - Comment ça ?
        - Ta touffe rose, l’est trop reconnaissable. J’t’ai cramé à cent mètres sans même faire gaffe, que j’réponds en passant sous silence que c’est un peu mon métier.
        - C’est pas une touffe ! C’est mes cheveux ! J’en prends beaucoup soin !
        - Extra. Tes C H E V E U X, donc, ils se voient de trop loin. Faut les couvrir. Un bonnet ou un foulard, t’peux choisir. Mais magne-toi, sinon j’te plante là.
        - Je prends le bonnet, alors.
        - D’acc’. »

        J’jette du fric au vendeur, le bonnet à la p’tite, et j’reprends. On est en retard sur l’horaire. Le sermon du soir, une redite de celui du matin, devrait bientôt finir. Au temple du Nord. C’est forcément ça, le lieu. La cérémonie secrète, si y’a des trucs pas nets, c’est là-bas. Donc faut que j’attrape le vieux sage et que j’le suive.
        J’fends la foule, Marie derrière moi. Le Temple du Nord, malgré son nom ronflant à souhait, c’est juste là où crèchent quelques membres du Culte. M’suis renseigné. J’ai envoyé une demande d’infos aux informateurs qui sont à Inari. Un genre de maison de passe un peu glaucos avec un autre bâtiment derrière, pour les soirées select, apparemment.

        Et quoi de plus select qu’une cérémonie dont personne connaît les détails ? Les soirées de l’ambassade, certes. Les deux sont ptet pas aussi affriolants. J’espère que ça vaudra l’coup d’œil. Devant l’bordel, on regarde qui rentre, qui sort. Les gens habituels. Parfois des types plus huppés, ça se voit à leurs fringues, leur posture, et leurs masques pour cacher leurs identités.

        Oh la la, j’vais rougir.

        Et j’ai toujours autant envie de fumer, putain.

        J’dis à la jeune fille de rester à l’entrée, que j’vais faire le tour du bâtiment. Histoire de voir les issues de secours, ce genre de trucs toujours utiles à savoir. Elle m’accuse de vouloir la laisser tomber là. C’est pas la tentation qui manque, mais c’était même pas mon plan.
        J’vois pas grand-chose, en fait. Ptet une porte de service, mais verrouillée, cadenassée, et plutôt deux fois qu’une. J’ai pas l'matos pour la forcer.
        En cinq minutes, j’suis revenu.
        « Hé, Marie, il est passé, Vent du Nord ?
        - Oui, il vient de rentrer.
        - Putain. Bon… »

        J’ai bien une ébauche de plan, mais ça m’emballe pas plus que ça. Attendre cinq minutes puis rentrer, genre p’tit couple à la recherche d’un peu de fantaisie ? J’espère qu’elle a une meilleure idée…
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        On ne va pas se voiler la face, ce bonnet envoie du lourd, en plus c'est un cadeau ! C'est donc avec ce nouveau bonnet que j'attends patiemment le retour d'Alex, qui est parti vadrouillé pour trouver le moyen d'entrer. Il revient peu de temps après, sans réelles idées. Entre temps, l'érudit du Vent du Nord est passé, accompagné de quelques personnes dissimulées sous de larges draps. Ambiance mystère et secte secrète. Nous devons absolument entrer mais la seule entrée qu'Alex a repéré est cadenassée, impossible de briser le cadenas sans un bruit.

        « Marie, on pourrait se faire passer pour un p'tit couple et forcer le passage. T'en pense quoi ?
        - Hum… sa marchera pas. Primo parce que t'es pas du tout mon style, j'aime pas trop ton air hautain, du type qui sait toujours tout à l'avance. Notre relation ne sera pas du tout crédible. Secundo parce que j'ai déjà essayé de forcer le passage tout à l'heure et je me suis faite recalée comme une malpropre. Et tertio… j'ai pas de tertio. Mais ça marchera pas !
        - Suffisait de faire semblant… On s'en fout si c'est pas crédible. Mais vu que t'as déjà été cramée par le vigile, c'est mort. »

        Il grogne et part marcher tout seul dans son coin. Il ne semble pas être content que je sois venue avec lui et il regretterait presque d'avoir accepter. Faut que je me rattrape, donc j'observe le bâtiment pour voir s'il y aurait pas un moyen d'entrer. Y'a une seule entrée possible, celle gardée par le vigile, l'autre entrée est cadenassée. Il y a des barreaux sur les fenêtres et des rideaux noirs ou rouges peut-être. La bâtisse ne semble pas être très grande et est composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage. On pourrait peut-être passer par les fenêtres du 1er étage, y'a pas de barreaux sur celles-ci. Je courre chercher Alex, il a lui aussi réfléchi.

        « On pourrait passer par les fenêtres du premier étage tu penses pas ?
        - Et on monterait comment ?
        - Je monte sur tes épaules et je grimpe à l'étage. Après on se fait une petite infiltration !
        - Et moi je monte comment ?
        - Ba… hum…oui ça marchera pas. Ou alors…
        - Écoute Marie, j'vais pas te mentir. Laisses tomber tes idées sont nulles. J'te propose d'attendre autour et dès qu'un type masqué arrive, on le choppe et on lui prend sa cape, son masque et ses papiers.
        - Mouais, c'est mieux.
        - Tu boudes ?
        - Non… »

        Oui je boude, l'est pas gentil Alex. Mais bon, faut avouer que son idée est beaucoup mieux que la mienne. On se déplace rapidement et on attend, tapis dans l'ombre d'une ruelle déserte. Deux personnes arrivent, deux hommes. C'est déjà ça. En une fraction de seconde, Alex a bondit sur eux et les a mis à terre. Je l'ai même pas vu bouger, il s'est limite téléporté. Ce type est un magicien ! Je fonce vers lui et l'aide à prendre sur les deux évanouis les affaire dont on a besoin.

        « Faut que je mettes ça ? Parce que c'est un truc d'homme et j'ai pas trop envie de…
        - Tu veux venir ou pas ?
        - Oui… »

        J'enfile cette affreuse cape et le masque du lapin, Alex lui, a un masque de singe. J'ai envie de rire tellement on est ridicule dans ces tenues. On ne va tout de même pas au bal masqué ! On se dirige maintenant vers le vigile, il nous regarde, nous examine. Surtout moi, on ne sait pas pourquoi.

        « Vous pouvez entrer. »

        Il ouvre la porte et nous nous faufilons à l'intérieur de la maison. Nous allons enfin voir cette cérémonie.
          Comment ça, j’suis hautain. C’est elle qui sert à rien. A la première embrouille, j’la balance dans les pattes des autres et j’me casse. ‘Suffit, l’babysitting. En plus, mon costume est moche. Et le sien, à Marie, il traine par terre, elle aurait dû faire un ourlet.
          Enfin bref, on est rentré dans le club très sélect du gars du Nord. D’abord, un p’tit vestibule aux murs nus. Grosse ambiance, un gars costumé qui trousse une personne en costume. Pas pu voir si c’était un mec ou une nana. Pas trop intéressé, au demeurant.

          De là, on est arrivé dans un couloir qui paye pas d’mine. Du carrelage par terre, du papier-peint ocre moche aux murs. Un escalier en bois mité sur la gauche, une ouverture sur une grande salle à droite. D’ici, on entendait la musique –un orchestre de swing, le brouhaha des conversations, des cris haut-perchés, le fracas des choppes. D’ici, on sentait l’odeur du stupre et de la luxure, de la bonne chère et de la boisson.

          D’ici, on voyait que c’était pas ce qu’on cherchait, Marie et moi.

          Par contre, au bout du corridor, une porte avec un panneau ‘’Réservé au Personnel’’. Sûr que c’était alléchant. Ma binôme l’avait vue aussi. Y’avait personne dans l’couloir, juste nous et cette porte. On est passé vite fait, discrétos, devant l’ouverture qui menait à la grande salle, puis devant l’escalier. J’ai entendu des grincements du plancher en bois venir de l’étage au-dessus. ‘Doit être les gens dans les chambres, j’suppose.
          La porte est même pas verrouillée. Pas que j’m’en plaigne, c’est gentil de la part de ces connards de fanatiques de m’faciliter mon boulot. Fanatiques qui crèchent dans un bordel, j’signale. Des p’tits rigolos, ils perdent pas l’nord de vue, surtout l’Erudit du Vent Nordique. S’amuser c’est cool, rendons grâce à Raos de nous permettre de fourrer la gueuze et du bon vin dans nos gorges desséchées par les sermons quotidiens.

          La cour qui s’ouvre derrière l’entrée avec restriction est un banal espace au sol de terre battue, sans rien dedans. Pas d’arbre, pas de plantes, pas de gens, pas de décorations. J’suis pas misanthrope, mais ça nous arrange pas mal, qu’il y ait personne. Les murs qui encadrent la cour font bien leurs trois, voire quatre mètres de haut, sans la moindre ouverture, par contre.
          Niveau voie de sortie, de fuite, ça se limite pour le moment à la porte d’entrée, et ptet à celle qu’était cadenassée à l’arrière, que j’ai vue en faisant l’tour des bâtiments. Pas fôlichon, donc. Vaut mieux pas que la situation s’envenime. Rapide coup d’œil aux fenêtres qui donnent sur la cour, semble pas y avoir un chat pour mater ce que des gens qu’ont rien à foutre là bricolent.

          J’fais un signe à Marie et j’traverse à grandes enjambées. J’espère que la porte de l’autre côté est pas fermée non plus, ça la foutrait mal.

          ‘Videmment, à la seconde où j’pense ça, j’me rends compte que c’est verrouillé. Chiasserie. J’ai pas mon matos pour ouvrir les serrures avec moi. Pas que j’sois un cador, mais j’me défends, les nécessités du métier.
          « Marie ?
          - C’est fermé à clef, c’est ça ?
          - Ouais, semblerait.
          - On retourne dans le couloir ?
          - Dépend. Dans tes tifs, t’as pas un genre d’épingle à cheveux ? J’ai entendu dire que ça marchait pas trop mal.
          - Euh, si, je dois avoir ça. »

          J’la laisse farfouiller dans ses cheveux roses jusqu’à me sortir un machin si gros que j’sais pas comment j’vais faire pour l’insérer dans le trou d’la serrure. J’me mets au boulot, j’me concentre, j’jette des regards vers les fenêtres. J’peux pas dire que j’sois en confiance. Déjà que c’est pas mon rayon, qu’en plus j’ai du matos de merde et qu’en prime elle regarde par-dessus mon épaule ce que j’fais…
          Au bout d’un moment, j’en ai marre. J’crache méchamment :
          « Tu veux pas plutôt faire le guet et vérifier que personne nous tombe dessus ? » Elle le fait sans un mot.
          C’est injuste, j’le sais. J’suis frustré et en stress. Ca fait longtemps que j’ai pas clopé. La mission avait distrait mon esprit, mais là ça revient, plus fort qu’avant, exacerbé par la situation. J’note de m’excuser si on s’en sort, par principe.

          J’me recentre, tripote l’épingle. J’la tords. J’tape dedans. J’peste. J’fulmine. Ca s’ouvre. A croire qu’la porte a eu peur que j’passe à des moyens moins conventionnels et plus brutaux, et qu’elle a décidé de s’ouvrir toute seule. J’sais que c’est pas quelqu’un qu’a ouvert de l’autre côté, l’épingle était enfoncée tellement profondément qu’une clef rentrerait pas.
          Nouveau bâtiment, même couloir, même architecture, même déco, mais en inversée. J’laisse Marie m’rejoindre puis j’ferme derrière nous et j’remets le verrou. J’l’ai pas cassé comme une brutasse. J’lui rends son épingle à cheveux totalement tordue, légèrement moite de sueur, aussi. Elle la prend sans entrain et la fout dans une de ses poches.

          Là, gros changement d’ambiance. Fini le olé-olé, bienvenue à l’odeur étouffante de l’encens et aux psaumes chantés par des chœurs graves. Ca vient de la grande salle. On s’approche en douce du coin du couloir pour jeter un œil.
          D’épais tapis orientaux recouvrent le carrelage, des encensoirs partout, des candélabres richement décorés, trois adeptes qui chantent au fond de la salle, les yeux fermés, tout à leur mélodie et à leur texte auquel j’bite que dalle. Les syllabes sont trop longues pour comprendre le moindre mot, et leur ânonnement me tape sur les nerfs, que j’ai déjà tendus.

          Notre pote l’Erudit du Vent du Nord prie au centre de la salle, un grand livre ouvert devant lui, les mains jointes, l’incarnation de l’homme pieux. J’en suis ému. Tous ces jours à m’infiltrer dans cette religion débile pour voir un crétin prier, ça valait l’coup.
          Du coup, j’ai vu ce que j’avais à voir. Reste la fête dans quelques jours à surveiller et j’pourrai aller faire quelque chose de moins chiant. Ptet poser quelques jours de congé, tiens, ça a l’air de s’accumuler. J’tapote l’épaule de Marie pour lui signaler que j’compte me tirer, pas m’éterniser. Elle a l’air captivée par Bidule. Grand bien lui fasse.

          Finalement, elle s’arrache à sa contemplation réfléchie. A cause de ce foutu masque, j’vois pas son expression. On retourne à la porte quand on entend quelqu’un arriver en bas des escaliers. Chiasserie. Entre le costume à la con et les autres amputés du bulbe rachidien, j’l’ai pas entendu arriver.
          J’tourne le verrou pour le mettre en position ouvert, j’attrape Marie et j’la plaque contre le mur avant de me baisser sur elle. Ouais, on est des visiteurs du bordel dans un endroit où on devrait être, faut de l’alibi. J’y travaille déjà bien quand j’prends une bourrade dans les côtes. Ca fait mal, putain, sois un peu reconnaissante, sale radasse.

          « Qu’est-ce que vous faites là ?! S’exclame le type, un petit brun en robes de religieux.
          - Oh, ah, euh… Que j’réponds en feignant la culpabilité du mec pris en flag’ sans trop m’forcer.
          - Alors ? Cet endroit est interdit au public, vous avez dû voir les panneaux !
          - Oui, c’est que… Le frisson de l’interdit… Avec ma mie… On voulait… Varier un peu… Les plaisirs… »
          Marie me recolle un coup de coude au même endroit et un coup de poing dans le bras. Ca donne envie de se décarcasser pour les autres, merde. Je hausse les épaules en penchant la tête sur le côté, l’image du type qui veut faire comprendre que sa compagne assume pas trop.
          « Bande de détraqués… Puisse le Seigneur vous avoir en Sa Miséricorde. Mais c’était pas fermé à clef ?
          - Ah non, c’était ouvert, comme maintenant.
          - Bon, ouste, du balai ! Vous allez déranger la méditation d’un saint homme avec vos pensées impures !
          - Désolé, on recommencera plus !
          - Vaut mieux pas. Ca va pour cette fois, je vous pardonne.
          - Merci, Révérend. »

          Sur ce, on ouvre la porte et on sort. Dès qu’on est dans la cour, on entend le cliquetis du verrou qu’on remet en place. Putain, on l’a échappée belle. Marie me fout un coup de pied dans le tibia. Mazette, aucune reconnaissance, la p’tite. Mais j’laisse filer. J’veux partir.
          On enfile le couloir pendant que les gens dans la salle commune enfilent autre chose, et pas des perles, et on sort à l’air libre. Le vigile nous regarde bizarrement. Ouais, on est pas resté longtemps. J’vois un p’tit sourire mesquin se dessiner sur son visage. Il doit penser que j’suis éjaculateur précoce, ou quelque chose du genre. Rien à battre, larbin.

          On s’éloigne avec Marie jusque dans une ruelle proche et vide, avant de virer nos costumes pourraves.
          « Bon, bah, le Culte a l’air propre, hein, qu’j’entame.
          - Effectivement, cela semble être le cas.
          - Du coup, j’ai plus rien à faire ici, j’vais y aller, que j’ajoute sans dire que j’compte bien revenir pour la fête dans quelques jours.
          - Pareil.
          - Ciao, bonne journée.
          - Bonne journée. »

          Elle a l’air vexée. Boudeuse. Pensive. J’sais pas trop. J’m’en carre l’oignon, j’préfèrerais ne pas l’avoir dans les pattes plus tard. J’bazarde le costume dans un coin et j’pars sans rien dire de plus, tout en m’assurant qu’elle me refait pas le coup de la filature. A priori, elle aurait aucune raison de le faire, mais on sait jamais.

          Tiens, j’me suis pas excusé. J’file un mauvais karma, j’demanderai au prêtre de m’absoudre de mes péchés, si j’ai une brusque poussée de foi qui m’vient comme un putain d’furoncle.
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          Cela fait deux jours, deux jours après notre infiltration dans l'étrange repaire du Culte du Raos. La « fête » se déroule aujourd'hui non loin de là où nous étions lors de la table d'honneur, là où j'ai rencontré Alex pour la première fois. D'ailleurs, je me demande ce qu'il est devenu, je ne l'ai pas vraiment revu depuis cette soirée. Avec mon ami Charles, nous marchons vers le lieu de la grande fête, il est devant moi et me guide.

          « Tiens d'ailleurs, t'a trouvé ce que tu cherchais ?
          - Non.
          - Tu cherchais quoi en fait ?
          - Aucune idée, on m'a demandé d'aller jeter un coup d'oeil mais y'avait rien qui m'a attiré hormis des paroles lors de cette soirée.
          - Ah ? C'était quoi.
          - Juste des paroles en l'air, rien de bien grave. »

          Je lui décroche un petit sourire mais les traits de mon visages trahissent ce à quoi je pense, ces paroles n'avaient rien de normal, au contraire elles étaient vraiment énigmatiques et je n'arrive vraiment pas à les sortir de ma tête. « Nous, membres du culte du Raos, pour parvenir à retrouver l'état unique, l'état originel, nous devons réduire la division de l'être. Par nos prières et nos actes, petit à petit, nous nous rapprochons de l'âme et de l'être unique. Gloire à Raos, chemin pour retrouver l'universalité de l'être». Ça m'énerve, vraiment, j'en aurai dû en parler à Alex quand j'en avais encore l'occasion mais maintenant il s'est complètement évanoui dans la nature. Après que l'on se soit séparé, j'ai eu l'occasion de me renseigner et de me plancher un peu plus sur ces paroles, surtout que j'ai appris à lire entre les lignes des textes religieux. Au premier abord, ça pourrait ressembler seulement à des paroles d'illuminés mais c'est beaucoup plus profond.

          « On y est Mariza ! Je serais bien resté un peu avec toi mais mine de rien moi aussi j'ai mes affaires.
          - À la prochaine Charles, merci de m'avoir accompagné jusqu'ici.
          - Pas de soucis, prends soin de toi ! Bisous. »

          Charles s'en va de son côté, me laissant seule au milieu d'une foule de membres du culte de Raos ou peut-être des futurs membres. Je n'ai pas de temps à perdre, Alex a dit qu'il allait venir, je dois absolument le trouver. La foule est en attente du discours d'un des érudits du Vent d'après les conversations que j'ai pu entendre. Je me faufile à travers les personnes, toujours à la recherche d'Alex mais impossible de le trouver. Il n'aurait quand même pas quitté l'île ? Soudain, une voix résonne à travers la place, un silence s'installe, le discours commence. Je me met sur la pointe des pieds et dirige mon regard vers l'estrade qui a été installée pour l'occasion. Deux hommes sont présents, l'érudit du Vent Nord et un autre type, l'air fatigué et pas très en forme. C'est mauvais, si mes prédictions sont exactes, je dois avertir Alex. Je me faufile sans un bruit hors de la foule. C'est vraiment embêtant, maintenant que les personnes sont compactées comme des vaches dans un enclos, je n'arriverai jamais à le trouver.

          Je m'éloigne un peu de la foule et m'adosse contre un mur. Je soupire, si je ne le trouves pas, je rentre sur le Boru Bodur. Je jette un dernier regard furtif vers la foule, un homme dépasse les autres de plusieurs têtes, mais c'est Petit Jean, l'ami d'Alex ! Ils doivent surement être ensemble. Je me dirige comme une furie et me jette dans la foule et fi finis par me heurter contre un type qui se retourne en me jetant un regard hargneux, bingo, c'est Alex ! Je l'attrape par le bras et tente de le tirer hors de la foule mais le Petit Jean retient son ami.

          « Euh… tu pourrais le lâcher ? On a décidé de se marier avec la bénédiction de Raos, mais on a quelques détails à régler. Faut qu'on parle Alex, c'est urgent ! »

          Le Petit Jean lâche son camarade et baisse les yeux, manifestement gêné de s'être interposé dans le pseudo-couple de son ami. Nous nous éloignons vers une ruelle déserte.

          « Salut Alex ! Quoi de neuf depuis la dernière fois ? J'savais pas que t'étais autant ami avec Jean. Vous êtes comme les doigts de la mains tout les deux hein ?
          - Non.
          - Ah ? Bon c'est pas grave. Sinon, je te cherche depuis ce matin, tu te cachais ou quoi ? »

          Je le regarde dans les yeux, il a l'air blasé, peut-être aurait-il voulu rester écouter le discours du nouvel érudit. J'ai l'impression qu'il ne m'aime pas beaucoup.

          « Je te promet que c'est la dernière fois que je te dérange. Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer. Et je t'avoue que ça me plairait pas trop d'aller en enfer. Moi ce serait plutôt le paradis, avec des vrais anges. Hum.. Enfin bref, tu te rappelles de quand on était dans la petite pièce dans le manoir de Raos ? Y'avait une sorte d'incantation qu'était prononcée dans la grande salle. Et bien je me suis renseignée et c'est pas très joli-joli.
          - C'était quoi les paroles ?
          - Nous, membres du culte du Raos, pour parvenir à retrouver l'état unique, l'état originel, nous devons réduire la division de l'être. Par nos prières et nos actes, petit à petit, nous nous rapprochons de l'âme et de l'être unique. Gloire à Raos, chemin pour retrouver l'universalité de l'être. J'pense que t'as dû comprendre que l'état unique a un lien avec Raos, le chemin pour retrouver l'universalité.
          - Où est-ce que tu veux en venir ?
          - Ça me paraît vachement louche cette manie de vouloir retrouver l'universalité. Tu sais, j'ai lu une théorie qui disait qu'auparavant il y avait un être unique, qui s'est ensuite divisé mais ses divisions sont imparfaites et de plus en plus impures. Donc pour retrouver l'universalité faut qu'il y ait moins de divisions, donc moins d'hommes. »

          Il me regarde d'un air attentif, j'ai enfin réussi à attirer son attention.

          « J'sais pas si t'a vu tout à l'heure, le nouvel érudit avait l'air un peu fatigué, pas vraiment en forme, salement amoché, comme s'il s'était battu avec quelqu'un d'autre.
          - Tu veux dire qu'il faut se battre pour devenir érudit ?
          - Oui, je sais que ça peut paraître fou mais j'ai l'impression qu'il y a une sélection des érudits parmi les membres du culte et tu pourrais bien être le prochain !
          - Moi ?
          - Ba on dirait pas mais t'a vraiment l'air motivé par ce culte, t'a de l'esprit et tout. Du coup tu pourrais être dans le collimateur, donc affronter un autre prétendant au rôle d'érudit. Puis y'a aussi Petit Jean, il a l'air vachement attaché à toi, si vous vous connaissez depuis l'enfance sa pourrait passer sinon c'est comme s'il voulait te préserver.
          - P'tête bien. Donc la finalité du culte serait d'éliminer les personnes extérieures au culte de Raos, pour se rapprocher de cet état d'universalité.
          - C'est ça !
          - Et quand il ne restera plus que des membres du culte du Raos ?
          - Il ne restera que les érudits. »

          Il rigole.

          « J'suis pas folle ! T'façon j'voulais juste te prévenir, tant pis pour toi. J'me casse ! »

          Je me retourne et me dirige vers la sortie de la ruelle.


            Marie, elle me retrouve le matin de la fête religieuse, dans la foule. Enfin, pas moi, Petit Jean. Mais du coup, vu qu’on traine vachement ensemble, fatalement… Elle vient m’raconter une histoire d’universalité, de p’tits morceaux d’humains qui deviennent des grands, enfin que c’était l’inverse avant, et que les débiles de Raos veulent retrouver cet état.
            Ca a l’air complètement con. Du coup, pour une religion, c’est hyper crédible, forcément. Après m’avoir lâché ça, et qu’ils s’entretuent ptet pour qu’à la fin il en reste peu qui soient proches de l’Homme Universel, elle essaie de s’barrer.

            Hé, quoi, j’vais devoir me battre pour ma peau dans une religion pourrave ? Exactement ce que j’cherchais ! Sauf que j’suis pas totalement téméraire. J’ai beau être un agent du Cipher Pol avec quelques techniques du Rokushiki dans la manche, on sait jamais contre quoi on peut tomber. Un utilisateur de Fruit du Démon bizarre mais balaise, ou j’sais pas quelle autre entourloupe. Sans même parler de la possibilité que le combat soit truqué, aussi.

            Bref, une sale histoire.

            Avant même que Marie ait fini de rejoindre la ruelle pour s’faire la malle et m’laisser à mes affaires, j’la rattrape, j’lui pose la main sur le bras en m’mordant la lèvre. Putain, j’veux fumer. J’ai mon paquet bien au chaud dans ma poche de poitrine. J’fais comme Jean m’a dit, j’expulse les mauvaises pensées.
            Nan j’déc’, j’me contente de les planquer sous le tapis pendant que j’cause à Marie :
            « Attends, Marie !
            - Oui ?
            - Si ce que tu as dit est vrai… »
            Elle hausse un sourcil vexé.
            « Nan mais j’te crois, j’t’assure ! Du coup, tu voudrais pas m’accompagner ? M’servir de garde-fou ?
            - Hmm…
            - En plus, si nous sommes censés nous marier, ça serait bizarre que tu viennes pas si j’suis invité à devenir un grand membre du Culte de Raos. Et ça ferait de toi quelqu’un de louche. Et tu risquerais de te faire ‘’universaliser’’. »

            Là, j’la sens qui réfléchit. Bon, j’avoue ne pas être aussi optimiste qu’elle. A mon avis, j’suis pas en passe de devenir un Erudit, j’suis sur le point de servir de casse-dalle à l’un d’entre eux. Avec tout ce que ça implique de conditions défavorables. Donc avoir quelqu’un prêt à me donner un coup d’main si nécessaire, c’serait inestimable. Puis c’est plus convivial et moins lourd psychologiquement parlant.

            Même si faut s’occuper d’elle et tout.

            Et j’compte pas sur Petit Jean, acquis corps et âme qu’il est au Culte.
            « Et désolé si parfois j’suis désagréable… C’est mon addiction qui fait que… »
            Puis le fait que j’suis un peu comme ça, aussi, de base. M’enfin ça, elle a pas besoin de le savoir, j’veux juste qu’elle me couvre. Finalement, elle se laisse fléchir et me suit quand nous retournons dans la foule.
            Juste avant de rejoindre Jean, j’lui attrape la main et l’empêche de la retirer en serrant un peu. Hé, essaie de rentrer dans ton rôle, t’avais qu’à pas dire qu’on allait s’marrier, quoi.

            On assiste, côte à côte, au discours du prêcheur au milieu des gens rassemblés, en partie des badauds, en partie des croyants nouvellement convertis. Quand ça se termine enfin sur l’annonce que la célébration aura lieu dans la soirée, tout le monde éclate de joie, avec tout c’que ça implique de sifflements, de rires, de clappement des mains et autres piétinements rythmiques.
            C’est l’euphorie, Jean nous couve, Marie et moi, d’un regard doux et attendri. Connard, si j’m’en prends une, c’est ta faute, et j’te la rendrai, que j’pense très fort. J’attrape ma ‘’fiancée’’ par les hanches et j’la soulève pour la faire tourner autour de moi. Elle est d’abord surprise mais rentre dans son rôle tout en m’foutant des coups d’pieds l’air de rien. Des fois que j’prenne trop la confiance, sans doute. Quand j’la repose, j’me dis qu’on doit être l’image crachée du couple heureux. Tant mieux, faut bien ça.

            Jean attend qu’on ait fini nos célébrations, avec tous les autres débiles venus écouter le prêchi-prêcha, puis nous demande de le suivre. Marie m’adresse un regard appuyé, genre « j’te l’avais dit ! ». Ben moi, j’ai jamais dit que t’avais tort, hein. J’lui adresse un grand sourire énamouré. Elle grimace quasi-imperceptiblement.

            Dis-le, si j’te dégoûte tellement, putain.

            Y’a que nous dans une antichambre meublée de trois chaises d’une simplicité désolante. On s’asseoit l’un à côté de l’autre, à mon initiative. J’continue de lui tenir la main, mais elle a arrêté d’essayer de s’enfuir, on dirait. Puis on attend.

            On attend bien quinze minutes, sans un mot, l’regard dans l’vague.

            Enfin, alors que l’ambiance allait passer du chiant au carrément pesant, Jean se repointe par la porte du salon et nous fait signe d’entrer. Un type en robe qu’j’ai encore jamais vu est assis en tailleur sur un peu de jonc posé par terre, devant une table basse. Y’a rien d’autre que de l’encens et des bougies dans la pièce aux murs de brique. Même pas de fenêtre, du coup, l’odeur est lourde et l’air trouble. J’retiens un éternuement.
            On s’met naturellement en face de lui alors que mon poto le p’tit Jean referme la porte sans entrer. Wouah, on est en tête à tête.

            « Le Souffle de Raos a fait parvenir à mes oreilles que vous souhaitiez vous unir, dit-il d’une voix vide de toute expression.
            - Tout à fait, Erudit, que j’réponds.
            - Je ne suis pas Erudit, Alex. Pas encore, du moins.
            - Pardonnez-moi, dans ce cas.
            - La Voix de Raos s’est exprimée par le Souffle des Erudits des Vents. Le meilleur moment sera ce soir, au cours des célébrations.
            - Super ! »
            J’feins le ravissement. J’note qu’il m’a pas pardonné. Marie moufte pas. Sois pas trop enthousiaste, tu vas te faire du mal.

            « Cependant, Alex… Auparavant, tu dois t’acquitter d’une petite formalité.
            - Bien sûr.
            - Ce n’est qu’après que tu pourras t’unir à Marie.
            - Je comprends. Quelle est cette formalité ?
            - Il s’agit du Test de Raos. Il aura lieu en fin d’après-midi. Petit Jean va t’aider à te préparer.
            - Ce… Test, est-il difficile ?
            - Trois fois rien. Dès que ce sera fait, nous pourrons procéder à l’union sacrée de ton Âme avec celle de Marie. »

            J’ricane intérieurement. J’acquiesce sans un mot extérieurement. J’suis mort de rire, pour de vrai. Si j’lis entre les lignes, ça veut dire que si j’clamse pendant un genre de combat truqué, mon âme rejoindra celle de Bidule en face de moi, et que Marie devra donc l’épouser, parce qu’on parle de l’union d’âmes.
            J’lui jette un coup d’œil en coin, à ma chère promise. Elle aussi a l’air d’avoir compris, et vu comme elle détaille notre vis-à-vis, il a pas l’air à son goût. J’vois pas pourquoi, il est charmant avec son crâne dégarni, son nez busqué et sa grosse verrue sous l’calot gauche.

            Ha, va falloir te mouiller un peu, en tout bien tout honneur, pour donner un coup d’pouce à l’ami Alex, hein ?
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            Alors là non, hors de question que je marie vraiment, que ce soit avec Alex ou avec l'autre type bizarre qui porte une robe qui ressemble plus à un drap de lit découpé et enfilé sur sa tête. Ça m'apprendra à mentir pour « manipuler » quelqu'un et faire en sorte qu'il m'obéisse. Je retiens la leçon, mentir c'est mal, les mauvaises actions auront toujours une retombée quoi qu'on fasse. Puis, après c'est pas totalement de ma faute, Alex aussi, il a joué le jeu, même un peu trop. Moi, j'avais juste inventé un bobard pour qu'il me suive, j'lui ai jamais demandé de faire tout ces petits trucs bizarre avec ses sourires amoureux, ça m'énerve ! À moins qu'il ne soit vraiment amoureux de moi le pauvre. Mais non, n'importe quoi, s'il a choisi de me suivre, c'est parce que le Petit Jean doit tellement l'irriter que ma compagnie serait presque moi agaçante !

            J'suis dans de beaux draps, si Alex éclate pas l'autre type, je vais me devoir me marier avec l'homme en robe. Et puis qu'est ce qu'il est laid, avec son crâne gras brillant grâce à la lampe au dessus de sa tête, et puis cette verrue dégoutante sur son nez, berk ! À côté de lui, Alex est un vrai apollon !

            La porte s'ouvre, Petit Jean qui étais toujours derrière, sans doute en train d'écouter en douce, entre à son tour. Il me sourit niaisement l'enflure !

            « Hé bien Alex, il est temps de vous préparer pour l'épreuve. Petit Jean, approchez je vous prie. » annonce le futur érudit

            Il s'approche de l'homme à la robe, il se penche et des murmures s'échangent entre eux C'est louche, faudrait presque que je m'inquiète pour le sort de ce pauvre Alex, lui qui paraît si calme. À quoi pense t-il en ce moment ?

            « Bien, Alex et Petit Jean, vous pouvez partir ! » annonce l'érudit en devenir. « Quant à vous Mariza j'aimerai m'entretenir personnellement avec vous. À propos des détails pour la cérémonie, ce que vous devrez faire. Bref, je ne peux en parler devant votre futur marié, sinon le rituel pour vous unir sera faussé. »

            Alex se lève et s'apprête à sortir avec son ami, mais je lui attrape le bras et lui jette un regard désespéré.

            « Hein mais non, je pense qu'il vaudrait mieux que nous connaissions tout les deux les détails pour la cérémonie. C'est mieux vu qu'on va se marier et vivre ensemble pour l'éternité.
            - Je me dois d'insister Marie, je dois m'entretenir uniquement avec vous. »

            Alex me regarde de haut avec un grand sourire signifiant bien fait pour toi. Il se dégage de l'emprise de mon bras et se dirige vers la sortie.

            « Non je t'en supplie, me laisse pas avec… »

            Il claque la porte et s'en va. J'ai envie de pleurer, il aurait pu être un peu gentil et dire « à toute à l'heure » ou « t'inquiète pas ». Mais non, monsieur fait son macho, sûr de lui et s'en va sans broncher. Quand on sera mariés tout les deux, ça se passera pas comme ça ! Mais qu'est ce que je raconte, je me marierai avec personne, plutôt crever. Forcer une jeune fille de 17 ans à se marier, c'est pas interdit ? Remarque, ce culte est tellement bizarre qu'il doit forcément y avoir une entourloupette pour justifier le mariage à tout âge. Puis avec l'autre type qui me dévisage, me juge, j'ai pas vraiment l'impression d'être en sécurité.

            « J'ai pu sentir en vous une vague d'appréhension Marie, votre âme n'est pas en harmonie. Êtes vous sûre de vouloir vous marier ? Car le mariage dans le culte de Raos consiste en l'union de deux âmes et si la votre n'est pas harmonieuse, votre mariage risque de subir de fortes irrégularités et de très nombreuses querelles.
            - Vraiment ? J'ai pourtant toujours été quelqu'un de très calme, certes un peu rêveuse mais c'est ce qui fait mon charme, c'est justement comme ça qu'Alex est tombé amoureux de moi. »

            Je souris, je fais semblant d'être éperdument amoureuse, de toute façon, Alex est pas là pour voir ça.

            « Mais pensez vous qu'Alex est : le bon ?
            - Bien entendu, il a d'énormes qualités que je ne pourrais énumérer au risque d'y passer l'après-midi mais oui, c'est le bon, c'est mon âme sœur ! »

            Bravo Mariza, continue de mentir, comme si t'étais pas déjà dans un bourbier ! Bravo, belle lucidité, tout ce que tu diras te retombera dessus, alors arrête tout de suite !

            « Bien, bien c'est parfait, parlons maintenant des détails pour la cérémonie. Avant toute chose, il vous faudra revêtir une tenue spéciale, rien de bien méchant, une robe confectionné par nos artisans. Vous verrez, elles sont très belles ! Puis, il vous faudra réciter un cantique.
            - Un cantique, lequel ? Je n'ai pas vraiment bien lu nos précieux ouvrages religieux.
            - Mais il n'y a pas de problème, c'est celui-ci. »

            Il me tend un livre déjà ouvert, un passage est entouré au crayon à papier : « Je m'ouvre à toi Raos, mon âme est en voie de retrouver l'unité. Puisse tu guider mes prétendants vers l'osmose glorieuse et permettre ainsi une fusion de l'âme victorieuse avec la mienne. » Mes prétendants ?

            « Euh… je peux garder le livre pour apprendre le passage ?
            - Ce livre est désormais votre.
            - Et je me demandais, pourquoi y a t-il écrit prétendants, au pluriel ?
            - Votre beauté a fait des émules parmi nos fidèles et Alex ne sera pas le seul à combattre pour vous. Je ferai moi même parti de ces combattants douce Marie. Ce n'est pas à vous de choisir votre époux, c'est à Raos de le faire.
            - Mais… j'aime Alex…
            - Et nous le remercions car il a amené votre âme a maturité mais désormais pour la mériter, il doit affronter d'autres âmes pour atteindre une forme de maturité animale. Et une fois cette maturité atteinte, il pourra vous épouser et peut-être devenir un de nos érudits.
            - Il faut se marier pour être érudit ?
            - Il ne s'agit pas de se marier mais d'avoir une âme complète, une âme sensible et une âme animale. Raos a besoin de ces deux éléments.
            - Ah... »

            En gros j'suis juste un objet pour devenir érudit, c'est chouette. Après cette légère explication, il tape dans ses mains et une vieille dame entre dans la pièce.

            « Mircella, emmenez Marie et préparez la pour le mariage. Vous vous chargerez de lui expliquer les autres détails du rituel. Nous nous verrons ce soir Marie, profitez bien de vos derniers instant d'imperfection car bientôt, vous serez complète ! »

            Je me lève, désemparée mais aussi dans un état d'incompréhension. Mircella m'attrape par la main et me tire, presque de force, pour me préparer pour l'épreuve de cette après-midi.

              Après qu’l’autre connard m’ait signifié mon congé, j’ai adressé un sourire encourageant à Marie, même si elle a eu l’air de mal le prendre. Pas eu le temps de taper la discute, la carcasse oppressante de Petit Jean m’donnait pas envie de trainer. J’passe la porte à la suite de mon grand pote, mon guide, celui qui m’a introduit dans cette magnifique religion qu’est le Culte de Raos.
              Ce connard hypocrite qui recrute des paumés sur les docks, quand ils débarquent à peine à l’aube, du sommeil plein les paupières, de la lumière solaire plein les mirettes. Aveuglés et perdus, aussi bien au sens littéral qu’au sens propre. Quoi que j’lui adresse un procès d’intention en silence, alors qu’il croit p’tet vraiment à ce qu’il fait. Enfin, j’veux dire qu’il se rend pas forcément bien compte.

              Ca serait gros, quand même. J’exclus les calculs cyniques auxquels ses supérieurs, les érudits, se livrent. Pauvre type, Jean. Mais avec les informations que j’vais probablement achever de récupérer sur le Culte, faudra que j’vois si y’a moyen de dissiper le sort qui l’entoure, lui fait croire à toutes ces conneries.
              J’note ça dans un coin d’ma tête, dans la colonne bonus. Pour l’moment, j’ai un objectif vachement important en ligne de mire, ça s’appelle survivre, j’pense que ça serait pas mal. Et sortir Marie de là, j’vais pas l’abandonner dans cette merde dans laquelle j’ai contribué à la fourrer. Toujours respecter le contribuable, le civil moyen.

              On arrive, Jean et moi, dans une dépendance à côté de la maison du futur érudit. Enfin, futur… pas si j’ai mon mot à dire. L’heure du repas du midi approche et j’dois dire que j’ai les crocs. Y’a une odeur de bouffe qui flotte dans l’air, en plus. La déco est faite dans un style un peu pourri pauvre que les membres du Culte de Raos ont l’air d’affectionner, en tout cas.
              Deux grosses tentures dans des tons bordeaux sur les murs, avec des dessins style genèse du monde. Un table basse et du jonc par terre, tout pareil que chez l’autre. A part ça, les murs et le sol sont nus. Y’a rien, nada, queud’, peau d’zob’. Pas de chandeliers, de candelabres comme chez l’autre érudit. Juste l’odeur de la becquetance. Une odeur lourde, en plus.

              On entre, on pose nos affaires par terre, à défaut d’avoir quelque chose à quoi les accrocher. Une bonniche usée par l’âge et la bidoche. Elle tient dans ses maniques un plat en terre cuite qui fume. Le couvercle m’empêche de voir ce que c’est. Y’a assez pour quatre, j’me demande qui on attend. Elle pose ça sur la table basse et repart dans cuisine, dont elle ramène deux tasses un peu fendues sur le haut, de la même matière que le plat.

              Petit Jean s’asseoit et me fait signe de faire de même.
              « Mange, Alex, il faut que tu prennes des forces.
              - Tu vas me parler du rite ?
              - Pas tout de suite, après manger, après un petit rituel. Alors tu seras prêt.
              - Et sinon, c’est quoi, à manger ?
              - Un plat traditionnel d’Inari à base de pommes de terre et de pleins d’épices. Il y a de la viande, aussi, finement hachée. En fait, on coupe les…
              - D’acc’, j’vais goûter, que j’fais en lui coupant la parole pasque j’m’en carre de sa recette.
              - Bon appétit.
              - Ouais, bon app’. »

              On n’a pas de couverts, pas d’assiettes. C’est traditionnel version clodo pauvre, visiblement. J’me crame presque les doigts en attrapant une bouchée de nourriture, puis j’me crame carrément la langue en gobant. J’me dis que c’est ptet empoisonné, bourré d’herbes spirituelles qui donnent des hallucinations bizarres.
              J’me dis aussi que j’ai la dalle et que c’est l’heure de bouffer. J’ai pas un système immunitaire spécialement blindé au poison, mais j’me démerderai. J’pense pas qu’ils vont nous camer au point qu’on puisse plus tenir debout de toute façon. Ca ferait pas un beau spectacle pour la galerie qu’il y aura sûrement.

              C’est drôlement bon, un peu lourd. J’ai le bout de la langue qui me brûle encore, donc j’sens p’tet pas autant le goût que j’devrais, mais c’est plutôt savoureux tout en restant simple. On a de l’eau, avec. La cuisinière a apporté aussi une cruche histoire qu’on ait des recharges. J’dois dire qu’on est bien soigné, même si j’serais mieux dehors.
              Les nattes de jonc empêchent pas la dureté du sol d’arriver jusqu’à mon fion, pendant qu’on nettoie les dernières traces de bouffe dans le plat. Puis les restes dans nos ratiches et sur le coin de nos gueules. Et enfin on s’essuie les paluches à des serviettes posées là.

              J’me recule un peu, j’sors de ma position en tailleur et j’m’appuie sur mes bras. J’suis calé. Il est temps de demander la suite du programme.
              « Alors, Jean ?
              - C’était bon ?
              - Délicieux. Du coup ?
              - Maintenant, on va passer dans la cave pour un peu de méditation rituelle. Puis nous passerons au rite proprement dit avec tous les autres. Je vais t’aider à te préparer.
              - Sûr. »

              J’me relève difficilement avec un ‘’hmpf‘’ marqué. J’ai vraiment trop bouffé. J’suis Jean, qui a graillé deux fois plus que moi mais qui se porte comme un charme, jusqu’au sous-sol. Changement d’ambiance radical. C’est là qu’ils avaient planqué les bougies, les tapis et l’encens.
              En tout cas, il fait plutôt bon, l’atmosphère est lourde sur mes paupières et sur mon odorat. Si j’médite là-dedans, dans vingt secondes, je ronflote doucement, promis juré. Y’a un chiffon jeté en vrac à côté d’un paquet de petits bols remplis de j’sais-pas-bien-quoi. J’me contente de regarder de loin pendant que Jean examine la pièce.

              Il a finalement un hochement de tête approbateur et s’avance vers le chiffon qu’il soulève et étire. C’est un genre de robe sans manche couleur sable.
              « Tu dois mettre ça, Alex. Ensuite, on continuera.
              - Ah, okay. »
              J’me dessape sans pudeur et j’enfile ça. Ca tient pas bien chaud mais il fait pas froid. C’est pile à ma taille, aussi. Pas que j’aie des mensurations super peu courante, juste qu’ils sont équipés. Ensuite, Jean attrape les bols, et me fait signe de m’agenouiller devant lui. J’m’exécute, à ce stade, y’a pas grand-chose d’autre à faire. J’ferme les yeux et j’le sens me peinturlurer la gueule, puis les bras, le torse qu’il peut atteindre via l’échancrure de la robe.

              J’me sens vachement plus proche de Raos.

              Nan j’déc.

              Une fois l’atelier maquillage terminé, il fait signe à la bonniche qui vient de s’pointer d’amener la boisson. Ca fume dans les tasses, encore, ça doit être un thé. Cinq récipients tous remplis un liquide de plus en plus clair à mesure qu’on va de la gauche vers la droite.
              « Je vais maintenant te laisser méditer pendant une heure, Alex. Bois les tasses à intervalle régulier, cela te permettra de t’enfoncer plus avant dans l’état de méditation, de te rapprocher de Raos. De te préparer pour ce qui t’attend.
              - Ce qui m’attend ?
              - Tu verras. »
              Il s’incline en faisant un signe bizarre de la main, puis s’tire avec la bonniche.

              La bouffe, l’encens me crament le cerveau. J’sens la somnolence pas loin. J’ai un léger voile devant les yeux, j’sais pas si c’est les bougies qui crament un truc pas très légal. J’jette un œil aux cinq boissons. J’suis pas très enthousiaste. J’regarde mes fringues posées juste à côté de moi. Y’a personne, ça pue sec ici. S’en rendront pas compte. Ca m’éclaircira les idées. Sûrement. J’me jette sur mon paquet de clopes, j’en allume une à un cierge. J’inspire, ça faisait longtemps. J’sais pas ce que j’vais faire de la cendre et du mégot, j’trouverai bien. Dès que la première est finie, j’en allume une autre.

              Puis j’planque la cendre et les restes sous un tapis. D’ici à ce qu’ils s’en rendent compte, j’suis peinard. Restent les tasses. Va bien falloir les boire, j’crains fort. Ca doit être bourré de trucs hallucinogènes. Si ça finit en combat, j’suis prêt à parier que les autres en auront l’habitude et pas moi, de quand ils se font leurs trips mystiques. J’cherche où j’pourrais les vider en douce. Trop à boire. Les tapis suffiront pas. Et ça les tachera.

              Bon, ben… Quand faut y aller…

              Quand même… Putain…
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              La vieille Mircella m'emmène dans une pièce à part, une chambre avec le strict minimum : un lit qui n'a pas l'air d'avoir servi depuis des lustres, quelques vieux meubles, une sort de commode de beauté avec un miroir et tout ce qu'il faut pour maquiller. Je reste debout, droite, pendant qu'elle me jauge du regard et file fouiller dans l'armoire. Après quelques secondes, elle en sort une petite robe blanche, sans manche.

              « Enfilez-là, me dit-elle avec un sourire bienveillant
              - Elle serait pas un peu courte ? Faudrait pas que je prenne froid quand même. Ce serait bête que je sois enrhumée pour mon mariage.
              - N'ayez crainte, l'ambiance se réchauffera dans la soirée. Vous pouvez enfiler votre robe sans risque
              - Vous pouvez sortir pour que je me change ?
              - Bien entendu, j'attendrai devant la porte. Venez me chercher quand vous aurez fini de vous habiller, je m'occuperai de votre maquillage. »

              Elle sort de la pièce, je suis désormais seule. Je m'avance vers l'unique fenêtre, masquée par des rideaux rouges. Une échappatoire ? Nous sommes à l'étage, une chute ne sera pas mortelle, je tire donc le rideau mais des barreaux sont apposés sur la fenêtre. C'est une prison ou quoi ? Je ferme le rideau, résigné. Je me déshabille, plie mes vêtements et enfile la robe en vitesse. Après cela, je vais chercher la vieille dame, qui ouvre grand ses yeux, marqués par de profondes rides.

              « Vous êtes ravissante Marie, votre mari sera très heureux de vous avoir comme femme.
              - Merci… »

              Elle me fait m'assoir sur une chaise devant le miroir. C'est vrai que cette robe est joli finalement, il faudrait que je la garde après la cérémonie. La vieille Mircella attrape ma touffe de cheveux rose et l'attache en chignon au-dessus de ma tête, tout en y ajoutant une couronne de violettes. Puis, en attrapant toute sortes d'objets sur la commode, elle commence à maquiller totalement mon visage à tel point que je pourrai presque être méconnaissable. Cool, je ressemble à une prostituée, enfin bref.

              « C'est fini Madame Mircella ?
              - Oui, vous êtes désormais prête pour la cérémonie. Avez vous retenu le cantique ?
              - Quasiment, il me manque quelque mots mais sa devrait aller je pense. Je dois juste le répéter quelques fois et ce sera bon.
              - Vous ferez cela en chemin, nous partons Mademoiselle.
              - D'accord, je vous suis. »

              Mircella me traîne à travers l'étage, me fait descendre les escaliers et puis encore d'autres et nous débouchons dans un vaste sous-sol. J'ouvre grand les yeux, je n'aurai jamais imaginé qu'il puisse y avoir un tel endroit au coeur même d'Inari. Nous sommes sur une sorte d'estrade entourant une zone centrale bien plus basse, une sorte de Colisée avec plusieurs entrées, une pour chaque prétendant. À notre étage, j'aperçois l'érudit du Nord, le premier que j'ai rencontré, ainsi que celui de la fête de ce matin. Ils s'approchent de nous.

              « Merci pour vos efforts Mircella, vous pouvez disposer, s'exclame joyeusement l'érudit du Nord
              - Très bien maître Sorah. »

              Elle s'exécute et quitte la pièce par là où nous sommes entrées il y a quelques minutes, me laissant seul avec les deux érudits.

              « Ainsi nous nous retrouvons Marie, quand nous sommes nous rencontrés ? À la table d'honneur n'est ce pas ? »

              J'acquiesce en hochant de la tête.

              « D'ailleurs je ne me suis pas encore présenté officieusement, je suis l'érudit du Vent du Nord mais on m'appelle Sorah.
              - C'est votre prénom ?
              - En effet, me répond-il en souriant. Et lui, derrière moi c'est Joaquim. L'érudit du Vent… hum… t'es érudit de quoi toi ?
              - Érudit du Vent Insulaire monsieur
              - Haha, c'est vrai j'avais oublié. Forcément, une fois qu'on a pris les quatre points cardinaux, faut innover. Alors Mariza, me demande t-il en se tournant de nouveau vers moi, c'est le grand jour hein ?
              - Euh… oui.
              - Qu'elle est mignonne cette petite. »

              Il s'approche de moi et me tire les joues.

              « J'te taquine Marie. Hé Vent Insulaire, c'est lequel ton favori ? Moi j'mise sur Alex, l'a un certain flegme ce type, puis c'est marrant de voir à quel point P'tit Jean s'est attaché à lui, c'est bien la première fois que ça lui fait ça.
              - Hum… Vous pensez que Petit Jean va intervenir ?
              - Nan, il est bien trop fidèle à nos rites mais sais t-on jamais. Donc ton favori ?
              - Je dirais Athos, il m'a l'air assez puissant comparé à votre Alex qui lui ressemblerait plus à une allumette, cassée en deux bien entendu.
              - Haha t'es un comique toi, j'taime bien. T'façon ça changera rien, les autres cardinaux sont pour Marmès. Que c'est barbant ! Va encore y'avoir du favoritisme, c'tait pareil pour toi l'Insulaire, sinon t'aurai pas gagné j'te le dit. Ça m'énerve ça, c'est pas loyal, surtout qu'ils ont dû faire en sorte de bien faire infuser le mien. »

              Du favoritisme ? C'était bien ce que je me disais, à tous les coups tout sera fait en sorte pour avantager Marmès, hum c'est… ah oui le type qui nous a accueilli Alex et moi tout à l'heure, celui avec la verrue sur pif. Pauvre Alex, il part avec un sacré désavantage, surtout avec cette histoire d'infusion que j'ai pas trop comprise.

              « Bon, c'pas tout ça mais faut commencer, vu que les autres sont déjà là. L'Insulaire, va rejoindre les autres, j'arrive tout de suite. »

              En face de moi, sur une rangée de siège, une petite assemblée s'est réuni et scrute l'intérieur de l'arène. Ce sont les autres érudits, sur les sièges du haut, dont un actuellement vide, les trois cardinaux. Dans les rangées inférieures, les autres Vents.

              « Prononce ton discours mademoiselle. Bien fort s'il te plaît. »
              - Euh oui, euh… Je m'ouvre à toi Raos, mon âme est en voie de retrouver l'unité… Puisse tu… gronder… euh guider mes prétendants vers… hum… l'osmose glorieuse et permettre ainsi une fusion de l'âne avec la mienne
              - De l'âme pas l'âne et puis t'a oublier victorieuse, corrige Sorah
              - Ah oui merci, de l'âme victorieuse avec la mienne. »

              Les portes de l'arènes s'ouvrent et quatre personnes entrent en même temps. Une sorte de colosse, dans les deux mètres, plus grand que le Petit Jean, même. Il rentre dans l'arène en se baissant. Ce doit sans doute être Athos. En face de lui, entre à son tour Marmès, et dans la porte voisine, un autre prétendant dont je ne connais pas le nom. Enfin, Alex arrive, il n'a pas l'air d'être lui même, pire encore, il porte une robe dans le même style que celle de Marmès mais en bien plus laid. C'est mortel, vraiment trop drôle. Il est pas fait pour mettre des robes Alex, c'est tellement drôle hahaha. Malgré la situation actuelle, j'aurai presque envie de rire mais il vaudrait mieux que je me retienne mais c'est dur.

              « Que le combat commence ! » s'exclame Sorah




                « Que le combat commence ! » s'exclame Sorah.

                J’regarde autour de moi. Le public de l’arène est flou, se fuse en un ensemble de taches à prédominances beiges, avec un pointillisme de toutes les couleurs pour les cheveux, les vêtements. Les cris arrivent comme étouffés, avec un écho, comme au travers d’un long tunnel.
                J’tourne la tête pour mirer mes trois adversaires du jour. Pendant le mouvement, mon esprit enregistre mal l’image mais dès que j’m’arrête, et m’concentre, tout devient net. Le gros marmule, le prêtre à la verrue, et un autre gars aussi. L’a du bide, numéro trois. Quand j’ricane, j’manque de perdre l’équilibre.

                Franchement, ces boissons aromatisées et tout, elles étaient quasiment pas droguées, j’suis lucide. Ou j’suis p’tet naturellement résistant. Héhé.

                Les trois gars adressent un signe complexe et compliqué à la foule, à eux-mêmes, à Raos. J’tente de les imiter avec un signe de mon cru, mais c’est pas très inspiré. Si j’avais su, j’me serais entrainé. J’reste sur place, j’réfléchis, la moue plissée. Un petit signe stylé, j’dois bien en avoir un en stock. Dégainer mes poignards et jongler des poignets ?
                Ouais, ça sera la classe. Pas d’doute. J’m’exécute. Ce mouvement, j’le connais par cœur. En dehors de la partie que j’fais tout le temps, le reste, c’est toujours cool pour frimer après avoir dégommé du criminel. Et maintenir une couverture. Entre hors-la-loi, c’est normal, ce genre de trucs. En tout cas, on m’a jamais grillé. J’maîtrise.

                Le premier geste fait sortir les lames de mes manches. Puis, tout en fluidité, les yeux fermés, je sens les poignards virevolter dans mes mains, bondissant même de la droite vers la gauche et inversement pendant que je pose un genou en terre, le dos bien droit, les bras écartés triomphalement.
                Je savoure quelques secondes ma classe, ma réussite, mon succès. J’ai tout visualisé, ça s’est déroulé sans la moindre anicroche. J’entends le grondement appréciateur du public. J’entends le grondement des pas de l’armoire à glace qui se rapproche de moi. Tss. J’vais le planter vite fait bien fait.

                J’me redresse brusquement alors qu’il est à bon mètre de moi, les yeux grand ouverts. Ma main droite esquisse à peine un mouvement rapide qui lui tranche la gorge. Le temps de cligner des yeux, je valdingue cinq mètres plus loin, roulant dans la poussière de l’arène.

                Quoi ?!

                J’refais la séquence dans ma tête en une seconde telle qu’elle aurait dû s’dérouler. Mh, non, rien à dire. J’vérifie, allongé dans la poussière, l’armoire à glace est toujours bien en vie et vaillante, elle a commencé à se battre avec les deux autres.
                J’refais une seconde fois la séquence. Au ralenti, cette fois. J’suis sûr d’avoir touché, pourtant… Un problème avec mon couteau ? La lame a sauté, j’ai que la garde en main ? J’ouvre le poing pour examiner mon arme. J’referme ma main. J’la rouvre. Vide.

                C’était p’tet ça, le souci, en fait. J’avais pas de couteau. Putain.

                Ca m’revient, maintenant. Ca m’frappe presque aussi fort que l’géant. J’ai laissé mes lames avec mes fringues, dans l’autre cave, quand j’me suis mis en robe. J’avais juste oublié c’détail. Du coin d’l’œil, j’vois un truc me faire des signes de façon insistante. J’lui dis de pas m’déranger pendant que j’cogite. Du coup, j’faisais quoi les mains vides ?
                De l’extérieur, j’crois que j’ressemblais à un bébé pigeon qui agite ses embryons d’ailes. Et putain, j’ai pas vu masse de bestioles plus hideuses qu’un bébé pigeon. Pas que j’sois zoologue ou zoophile, donc j’connais p’tet juste pas.

                Pendant que j’me remémore mes instants de gloire toute relative, les trois autres candidats se foutent sur la gueule. Ils doivent avoir considéré que j’étais pas en état de m’battre. J’vais leur apprendre. Mais d’abord, faut que j’m’occupe de ce qui m’adresse des signes depuis un bon moment, sans s’arrêter.
                C’est vrai, quoi, on voit rarement une tête géante à la bouche bardée de dents aussi pointues que des crocs rebondir par terre à côté de soi. Maintenant que j’regarde bien, j’me sens empli d’appréhension, de respect. De respect. Ouais.

                « Raos ? Que j’demande.
                - Inutile de parler à voix haute, j’entends tes pensées.
                - …
                - Ne pense pas ça, c’est insultant.
                - Mais…
                - Ne joue pas avec ma patience, humain !
                - J’aime pas trop les pensées, on peut faire ça en parlant ?
                - Hmpf.
                - Oui ?
                - Pff.
                - Moi, j’lis pas dans les pensées, vous savez ?
                - J’avais oublié.
                - Ben voyons… j’murmure, un dieu, on sait jamais.
                - Bon, sinon, Alric, ça va, cette cérémonie ?
                - Moi, c’est Alex.
                - Bien sûr, Alric. Tu comptes faire quelque chose ? Récupérer le dernier survivant et le démonter ?
                - Ca a l’air pas mal comme plan.
                - Chouette. On s’capte quand tu seras érudit, okay ?
                - Vous restez pas ?
                - Si, si, mais j’ai soif, j’vais faire un tour au buffet.
                - Y’a un buffet ?
                - Allez, ciao ! »

                Là, la tête flottante géante a disparu, m’est resté que l’image persistante sur ma rétine. Bon, l’est temps d’faire mon boulot. Devenir un Erudit de Raos ? Nah, m’sortir de là maintenant que j’ai, bon gré mal gré, pu voir de mes yeux vus que ces débiles de fanatiques procédaient à des combats illégaux meurtriers et comptaient pas s’arrêter en si bon chemin.
                Juste un élément à déterminer. Comment j’me tire de cet endroit daubé. Dans l’absolu, j’ai qu’à buter les trois autres clampins, j’suis sûr qu’avec ma super formation d’agent du Cipher Pol, ils font pas le poids. En pleine possession de mes moyens, j’les saigne comme des cochons, j’deviens grand patron et j’me tire.

                Ouais, c’est un bon plan, sauf qu’à moins d’une excellente raison, j’suis pas trop censé dégommer du civil, ça fait désordre, y’a plein de paperasse, et c’est carrément mal vu. J’jette un coup d’œil sur l’côté voir si Raos est toujours là. Il aura p’tet une idée.
                Putain il m’a appelé Alric, aussi. Il est fort, y’a pas à dire. Alric l’agent du CP, et pas Alex le gars un peu paumé qui rejoint l’Culte de Raos. Mmh, leur histoire d’âme unique fragmentée, c’est quand même ballot. Mais bon, c’est p’tet vrai. Après tout, j’viens de taper la discute avec leur divinité tutélaire.

                Une ébauche de plan en tête, j’me relève sans difficulté à mes yeux. A ceux du public, par contre, je tangue, je trébuche sur rien du tout avant de rétablir mon équilibre en agitant les bras. J’vais les mystifier avec le rokushiki, les bouseux, ha !

                Pendant que j’conversais avec Raos et moi-même, deux gars sympathiques, intéressants et intelligents, les trois autres se sont cognés dessus jusqu’à ce que celui avec du bide finisse au sol, le crâne ensanglanté. J’arrive pas à voir s’il est encore en vie.
                A mon arrivée lourdaude, Gros Balaise et Verrue –le gars qui nous avait fait le topo, à Marie et moi-  désengagent pour m’faire une place dans le triangle des combattants. Tiens, Marie, elle devient quoi ? Pendant qu’mon esprit vadrouille ailleurs, les deux connards se mettent d’accord pour m’coller une mandale, j’le vois qu’au dernier moment.

                Pff, Tekkai. J’ai pas peur, moi. J’me les fais tous, les touilles-merdes !

                Les deux poings se sont écrasés violemment, un par pommette, et j’ai à nouveau volé de quelques mètres en arrière. Sale histoire. Sale habitude que j’prends. J’touche précautionneusement mon visage. M’ont pas loupé. En parlant de raté, mon tekkai était pas mal, dans le genre. Les deux autres ont recommencé à se battre entre eux. J’dois pas représenter une grosse menace, j’suppose.
                Z’allez voir de quel bois j’me chauffe ! Mais avant de m’relever, j’vois mon pote Raos à nouveau à côté de moi, alors j’me redresse en position assise.
                « Hé, Raos !
                - Salut, quoi d’neuf, ça va ? La famille, les amis, le travail ?
                - Tranquille, j’maîtrise la situation.
                - Ah ouais ? Pasque de là où j’étais, on aurait dit que tu te faisais démonter ta face, en fait.
                - Stratagème, que j’crache.
                - Et c’est quoi, l’étape suivante ? Te faire trancher la gorge pour leur faire croire que t’es mort ?
                - Très drôle. Et toi, quand est-ce que t’achètes un corps pour aller avec ta tête, hein ?
                - Les paroles d’un mortel ne me touchent pas. Mais j’vais t’répondre quand même.
                - T’es grave pas touché, ouais…
                - J’ai mon corps quand j’veux, mais là j’veux pas, pigé ?
                - Pigé, patron, vot’ majesté, dieu tout puissant.
                - Allez va bosser, Al-RIC, va mériter ta paye !
                - Et s’quoi ton métier, à toi, Raos…
                - Dieu.
                - C’est quelque part entre chômeur et étudiant ?
                - Va. Bosser. »

                Impressionné par l’ordre divin, la perspective de la paye, et un léger instinct de survie, j’me relève. Les idées un peu mieux en place. Les drogues dans les thés m’ont ptet légèrement affaibli auparavant, mais là, ça va mieux.
                J’fais quelques exercices pour tester mon sens de l’équilibre et ma coordonnation œil-membres. Pas fôlichon, mais ça passe. Raos m’adresse un regard approbateur et un sourire plein de dents pointues dans tous les sens.

                Quand faut y aller, faut y aller.

                D’un Soru décisif, j’apparais derrière Gros Balaise et j’lui fous un coup d’talon dans l’genou de sa jambe d’appui. J’sens, j’entends l’articulation qui craque. Il hurle de douleur, s’écrase par terre. La foule retient son souffle. Verrue en a profité pour se glisser derrière moi et arme une manchette vers ma nuque. Un Tekkai, réussi cette fois-ci, provoque chez l’adversaire un rictus de douleur. J’lui attrape l’avant-bras sans lui laisser le temps de se rétracter et d’une clef, j’lui explose tour à tour poignet, coude et épaule.

                Putain, m’semblait bien que j’étais meilleur que ces culs-bénis. J’les ai pas loupés. J’adresse un pousse levé à Raos qui clapote des lèvres pour signifier son contentement.

                La foule, après s’être tue, a retrouvé sa voix. Ca gueule ‘’A mort !’’ sur tous les tons, sur tous les rythmes. J’avoue que j’ai pas trop envie. La montagne de paperasse à remplir… Mazette, ça ferait même fuir un CP1. J’lève les bras pour réclamer le silence à l’assemblée et j’me tourne vers les grands patrons :
                « Fidèles de Raos ! Erudits des Vents Divins ! »
                Le silence se fait progressivement, les vieux prêtres sont dans l’expectative. Ils doivent croire que j’fais un p’tit discours avant l’exécution.
                « Pendant ma méditation, puis mon combat au nom de Raos, j’ai compris ! J’ai compris que j’avais besoin des âmes de Gros Balaise, P’tit Bide et Verrue ! Bon, ils s’appellent pas comme ça en vrai, mais on sait tous de qui j’parle, hein. Enfin bref, j’ai besoin de leurs âmes, mais l’truc, c’est qu’en l’état, elles sont un peu pourries. »
                Ca se met à murmurer sec, dans la tribune. J’me démonte pas.
                « Leurs âmes ne sont pas dignes de rejoindre la mienne, tout comme ce combat à sens unique l’a prouvé ! Il leur faut encore méditer, s’enrichir pour atteindre la Pureté ! Alors seulement, au terme d’un nouveau combat, l’Âme survivante en sortira grandie ! »

                Bon, les Vents ont pas l’air ravis, mais la foule, elle s’en cogne, visiblement. Elle a eu son combat, y’a du suspense sur ce qui va se passer ensuite, tout va bien. Plus qu’à voir la décision des Erudits et à aller tout cafter au Gouvernement Mondial. Dans la poche, que c’est. J’adresse un clin d’œil à Raos et un autre à Marie, que j’viens d’reconnaître.

                Sale histoire, ce culte, quand même, putain.

                J’prendrais bien une clope.


                Dernière édition par Alric Rinwald le Ven 05 Déc 2014, 22:47, édité 1 fois
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                « Mais c'est quoi ce mec ! » s'exclame Sorah.

                Il a l'air stressé, se ronge les ongles et fais les cents pas sur sa petite tribune. Les autres érudits sont également dans l'incompréhension, comment Alex a t-il pu abattre ses ennemis aussi facilement alors qu'au départ, titubant,  normalement « empoisonné » par le breuvage et la nourriture hallucinatoires, il aurait dû se faire détruire par ces trois concurrents et mourir sans ressentir la moindre douleur. Ils ne comprennent pas, ils sont en état de choc. Les nouveaux érudits sont en paniques, d'autant plus que la foule commence à se rebeller. Les paroles d'Alex n'ont fait qu'attiser son mécontentement. Bien joué Alex ! Je lui adresse un signe de remerciement, j'agite mes bras comme une folle. Après tout, grâce à lui je n'aurai pas à me marier, c'est limite le plus jour de ma vie !

                Petit Jean est heureux, il sautille de joie et ferais presque trembler l'estrade s'il était un peu plus lourd. Je le vois courir vers une porte, disparaître et quelques minutes plus tard réapparaître dans l'arène, attrapant Alex et le soulevant pour que la foule puisse l'acclamer de plus belle. Cette foule d'ailleurs qui petit à petit perd son entrain, parallèlement au discrédit des érudits. Car Alex a rompu la tradition qui les avait tant fait apprécié les cérémonies de sacre d'un nouvel érudit : cette violence caractérisée et la purification par la mort. Leurs idéaux s'envolent, éclaircis d'une foi nouvelle, il semblerait qu'ils se décident à rejeter en masse ce culte qui correspond seulement à l'apologie de la violence.

                La foule est colérique, elle gronde, les érudits sont cernés, entourés de par et d'autres par une masse de personnes mécontentes. La seule alternative pour eux serait de sauter dans l'arène, mais étant donné la hauteur, ils n'en ressortiraient pas indemne. Ils sont manifestement pris au piège, dans une cage qu'ils ont eux même crées. Seul Sorah, le plus lucide d'entre eux, prenant les devants, s'est enfui. Discrètement, il se faufile vers la sortie, accompagné docilement par l'érudit du vent insulaire.

                Quant à moi, j'emprunte alors le même chemin que petit Jean pour rejoindre Alex. Je dévale les marches d'escaliers à toute vitesse, enfonce plusieurs portes et arrive finalement dans l'arène. Je fonce vers Alex et Petit Jean, ce dernier serrant fermement le premier dans ses gros bras : c'est beau l'amitié !

                « T'es un cachotier Alex ! J'me suis inquiété pour toi tu sais, en plus, y'a les érudits qui m'ont dit que t'avais surement été empoisonné ou un truc du genre. En plus tu te bas un peu bizarrement non ? Au début tu titubes, tu frappes dans le vide, tu cherches même pas à esquiver et tu prends des coups. Et tout à coup, t'as une révélation divine et t'éclates tes trois adversaires. Franchement, chapeau, tu m'as bluffée. Euh… Jean, tu voudrais pas le lâcher ou desserrer ton étreinte parce que je crois que tu l'étouffe la. »

                Petit Jean baisse les yeux et se rend compte de son erreur, il lâche Alex, tout gêné par son excès d'amour.

                « Désolé Alex, c'est… l'émotion tu vois. »

                Je m'approche d'Alex, il n'a pas l'air trop amoché. Il est radieux et paraît presque plus en forme qu'avant.

                « Du coup il va se passer quoi pour les érudits ? »


                  Bon, j’ai pas tout suivi, pasqu’après mon discours, le public a commencé à gueuler contre les érudits. Puis j’ai mal au crâne, j’ai l’impression que dès que j’bouge la tête, tout se floute en plus d’avoir l’impression d’être une caisse claire sur laquelle un connard de batteur cogne.
                  Mais j’ai gagné mon combat en explosant les autres brêles, j’aurais pu le faire sans les mains. Du coup, j’fais le beau, le fier, l’incroyable. Faut que j’remercie mon public, mes fans, mes soutiens-sans-qui-rien-n’aurait-été-possible.  

                  P’tit Jean m’secoue partout, me serre, j’peine à souffler. J’prends conscience que j’ai mal au bide, aussi.
                  « Du coup il va se passer quoi pour les érudits ? Demande Marie, descendue pour l’occasion.
                  - S’ils se font pas lyncher par la foule, ils vont probablement se faire pincer par le Gouvernement Mondial, la Marine, enfin un truc du genre, j’suppose.
                  - Ah, bien. »

                  Y’a un blanc. J’sais pas quoi raconter, j’essaie de maîtriser mon estomac qui s’agite. J’ai une p’tite idée de ce qui va venir et j’peux pas dire que j’sois enthousiaste. J’ai pas dû bien réagir à leurs thés bizarres et leur cuisine traditionnelle venue de j’sais-pas-où. Ca devait être les épices dans le plat. Et l’encens, aussi, ça m’fait bobo tête. Marie reprend :
                  « Merci d’avoir empêché le mariage.
                  - De quoi ? Mais on va se marier tous les deux, maintenant ! »
                  Elle me regarde d’un air interdit, limite la bouche qui bée. Quand elle va reprendre la parole pour émettre de vives protestations, j’en doute pas, j’lève les mains, j’la coupe :
                  « J’déconne, j’déconne, c’est bon ! Si on peut plus rigoler… »

                  Cette fois, c’est elle qui garde les lèvres serrées. Elle a pas trop goûté l’humour, on dirait. Y’avait un truc que j’voulais dire, aussi, depuis un moment. Ca vaut toujours le coup d’être honnête avec soi-même et les autres, quand on a été en tort, après tout :
                  « Au fait, Marie, désolé de pas avoir été toujours très sympa. Les nerfs, tout ça… »
                  Elle m’regarde, me jauge. Ouais bah ça va, déjà j’fais l’effort de m’excuser…
                  « C’est bon, je te pardonne. »
                  Super. M’enfin pardon accordé ou pas, moi, j’avais fait ma part du bouzin.

                  « Moi, j’trouve que vous devriez quand même vous marier, intervient Petit Jean, avec un train de retard.
                  - Plus tard, Jean, plus tard. Il nous faut encore…
                  - Elever nos Âmes, achève Marie. »
                  J’retiens un ricanement, j’transforme mon rictus moqueur en large sourire. Plus ou moins. Mon ventre gargouille.

                  « Bon, que j’fais, on y va ? »
                  Puis notre trio se décide à bouger. Jean m’fout une grande tape dans le dos. Il a l’air content. Ca m’secoue de l’intérieur, pas sa joie, sa frappe. Ca coupe pas, j’fais deux pas sur le côté avant de déverser le contenu de mon estomac par terre.

                  Putain.

                  Marie veut m’ausculter, voir ce qui va pas. J’l’écarte, juste la bouffe qu’est pas passée, tout se passera bien. On s’dirige vers la porte pour se tirer de ce coin tout naze. En sortant, j’adresse un signe d’au revoir à Raos, qui est assit dans un coin désert des tribunes.

                  Il m’fait un clin d’œil, ce con.


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