Manuel de Balistique Martiale,
Chapitre III, page 26.
Normalement, on nous apprend qu’une pièce d’artillerie en service sur les navires de guerre standards de la marine ont besoin de trois personnes pour fonctionner à l’optimal. A cause des affections et des pertes en situations de combat, c’est néanmoins rarement le cas. Pour permettre au canon de donner de la voix ça prend un artilleur et deux servants. Ces derniers sont chargés de charger la bête, puis de l’incliner et de l’orienter selon les directives de leur artilleur. L'Artilleur est une sorte d’ingénieur ayant suivit une formation poussé en balistique. Le poste de servant requière bien plus d’endurance physique et de rapidité à obéir que de jugeote. Ce sont d’ailleurs bien souvent les élèves sous-officiers artilleurs peu performants qui sont affectés en tant que servants.
Archipel Sabaody,
Port,
Zone d’entrainement des Artilleurs de la Marine.
*Je ne quitte pas ma montre des yeux. La montre gousset fait partie de nos dotations de bases, à nous autres canonniers. L’on s’en sert souvent pendant les entrainements pour chronométrer le temps que mette les servant pour parer un canon au tir. C’est un modèle en standard en acier, juste assez grande pour tenir dans le creux de ma main.
Je sais bien que c’est une tradition de nommer sa montre, comme le font les fusiliers avec leur arme, mais je ne peux pas m’y résoudre. Les gens normaux aiment bien ce genre ces petites facéties pour se donner de l’originalité. Les gens cinglés s’en gardent bien…ils font tous leur possible pour paraître normaux. Puis comme ces derniers temps je suspecte la présence d’un petit canard faisant du vélo dans ma tête…ma montre restera une montre. Pour Walter se sera Bichonne, et pour Heinz il hésite encore entre Marjorie et Maman…mais moi, je fais impasse.
Pas besoin de la course des aiguilles pour se rendre compte que comme servants Gibbons et Domino craignent un max. Ca fait combien de fois qu’on reprend la manœuvre ? Ces deux là viennent d’inventer un paradoxe : plus ils s’entrainent, plus ils deviennent mauvais. Il faut le voir pour le croire. Ha…il se dirige vers moi…un sourire veule sur la tronche…il veut quoi ?*
- Oui, Fred ?
- Hé, Sophie…tu la joue pas réglo avec tes vieux potes…
- C’est vous qui avaient demandé votre affectation dans mon équipe…
- Bien sur ! On croyait que tu allais la jouer cool avec nous deux…
- Vous avez tous les deux presque échoués la formation à cause de votre trafic de culotte. Si vous aviez vraiment passé votre temps à étudier au lieu de voler les sous-vêtements de la cantinière pour les revendre, vous n’en seriez pas là.
- Une fille ne peut pas comprendre la beauté d’une culotte de femme…
- Ni sa valeur artistique…
*Bon…ils sont partis pour un de leurs petits monologues. Si je ne me trompe pas, ils devraient en avoir pour huit minutes. Je vais les laisser souffler, et je déduirais ce temps ci de leur pause de l’après-midi. J’ai grandi avec ces deux là. Dire que je les aie regardé essayer de grandir serait plus juste.
C’est ahurissant de les voir travailler ensemble. Ils ne maitrisent encore aucune base.*
Elle se laissa aller à les regarder manœuvrer. Du point ou elle était, sur la passerelle de bois en extension du port, elle pouvait voir sur un navire une brochette d’officiers occupés à se fendre la poire. Trois gradés, dont il était impossible depuis ici de discerner les galons. Ils avaient fait une coutume de venir voir s’entrainer le trio tous les soirs après la journée de formation commune. Qui pis est, ses deux subordonnés ne semblaient jamais s’en rendre compte.
Fred Gibbons s’entêtait à graisser les boulets pour qu’ils coulissent mieux dans le goulet du canon…procédure complètement inutile. Dangereuse même, quand on voyait combien de fois il se les laissait tomber dans les pattes. Domino était tout bonnement en surpoids. Il devait surement s’essouffler quand il s’agissait de se torcher le derche dans les latrines…alors alimenter un canon, le tout soumis à la pression d’ordres…impossible pour lui.
* Je ne sais pas pourquoi ces deux là on choisit cette spécialisation. Moi, je suis douée dans les chiffres, ce qui signifiait que j’aurais moins de travail à fournir. Puis l’artilleur fait partie d’une unité qui se positionne loin de la ligne de front. La logique opportuniste, voilà la clef.
Mais ces deux là…surement encore pour me suivre Après l’incident du surdosage de poudre, ils n’ont plus aucune chance de se faire diplômer sous-officier. Ha…voilà Louis qui vient encore vers moi…ses lèvres bougent, du son en sort. Les sons forment des mots…et merde. Il veut me parler.*
- Louis, c’est un exercice chronométré. Tu ne peux pas sans cesse l’interrompre de cette manière. Si tu persiste, je vais devoir faire un rapport…
- Quuuoooaaa ? Tu me ferais ça ?
- Oui.
- A moouuaaa ?
- Oui.
- Tooouuuaa, à moouuaa ??
- Oui.
- Tu as la grosse tête depuis que tu as soumis ce rapport technique sur la création de boulet en granit marin. Lèche-gallons
- Je dirais même lèche-botte, renchérit Fred tout en nettoyant le fut du canon avec son pompon.
- Non. Les rapports techniques fondés qui contribuent à l’amélioration de l’arsenal sont parfois récompensés par de l’avancement.
- En attendant, tu te prélasses sur cette caisse en jouant les maitres d’œuvre…pourquoi tu serais supérieure à nous ? Heiiiin ?
- Fred ?
- Oui ?
- Tu sais calculer un azimut à partir d’une carte et d’un sextant ?
- ….
- Louis, tu sais comment appliquer les donnés d’un astrolabe pour naviguer ?
- …
- Alors maintenant, comme le dirait un Sergent Instructeur de notre connaissance, bouger vos deux paires de grosses miches et faites moi suer ces dessous de bras. Si vous ne performez pas par rapport à votre précédent temps, ça va chier. Je ne sais pas encore comment, mais ça va chier. Et puis…après tout si, je sais comment. Si je ne certifie pas vos demandes d’affectation dans mon équipe, vous devrez demander à un autre ingénieur balistique…vous voulez tenter votre chance et voir si les autres sont intéressés par les deux derniers clampins du classement ?
Après s’être lancés un regard silencieux mais qui en disait long, les deux compères se remirent à l’ouvrage à contrecœur.
*A contrecœur…mais plus rapidement. C’est déjà un début. Je déteste parler autant mais ces deux idiots ne comprennent que ce genre ce menaces. Je ne suis pas faite pour commander…je n’aime pas commander. Trop d’efforts et de responsabilités. Mais bon…je suppose que la solde doit se mériter, même en temps de paix...*
- Fred ? Laisse tomber ce cordage et va me chercher une coupe de glace chez Paul Potame.
- De ce pas, Soph’ !
Trop heureux de laisser le labeur derrière lui le temps d’une course en ville le pauvre bougre se tailla à toute vitesse. Il mettrait le temps…trainerait bien…passerait surement par la boutique de soutien-gorge de Madame Mcpatte…et reviendrais après une heure en prétextant ne pas avoir pensé à lui demander les berry pour la glace.
Sophie-Laure le regarda filer, sa montre en main et un bâillement aux bords des lèvres.
Chapitre III, page 26.
Normalement, on nous apprend qu’une pièce d’artillerie en service sur les navires de guerre standards de la marine ont besoin de trois personnes pour fonctionner à l’optimal. A cause des affections et des pertes en situations de combat, c’est néanmoins rarement le cas. Pour permettre au canon de donner de la voix ça prend un artilleur et deux servants. Ces derniers sont chargés de charger la bête, puis de l’incliner et de l’orienter selon les directives de leur artilleur. L'Artilleur est une sorte d’ingénieur ayant suivit une formation poussé en balistique. Le poste de servant requière bien plus d’endurance physique et de rapidité à obéir que de jugeote. Ce sont d’ailleurs bien souvent les élèves sous-officiers artilleurs peu performants qui sont affectés en tant que servants.
Archipel Sabaody,
Port,
Zone d’entrainement des Artilleurs de la Marine.
*Je ne quitte pas ma montre des yeux. La montre gousset fait partie de nos dotations de bases, à nous autres canonniers. L’on s’en sert souvent pendant les entrainements pour chronométrer le temps que mette les servant pour parer un canon au tir. C’est un modèle en standard en acier, juste assez grande pour tenir dans le creux de ma main.
Je sais bien que c’est une tradition de nommer sa montre, comme le font les fusiliers avec leur arme, mais je ne peux pas m’y résoudre. Les gens normaux aiment bien ce genre ces petites facéties pour se donner de l’originalité. Les gens cinglés s’en gardent bien…ils font tous leur possible pour paraître normaux. Puis comme ces derniers temps je suspecte la présence d’un petit canard faisant du vélo dans ma tête…ma montre restera une montre. Pour Walter se sera Bichonne, et pour Heinz il hésite encore entre Marjorie et Maman…mais moi, je fais impasse.
Pas besoin de la course des aiguilles pour se rendre compte que comme servants Gibbons et Domino craignent un max. Ca fait combien de fois qu’on reprend la manœuvre ? Ces deux là viennent d’inventer un paradoxe : plus ils s’entrainent, plus ils deviennent mauvais. Il faut le voir pour le croire. Ha…il se dirige vers moi…un sourire veule sur la tronche…il veut quoi ?*
- Oui, Fred ?
- Hé, Sophie…tu la joue pas réglo avec tes vieux potes…
- C’est vous qui avaient demandé votre affectation dans mon équipe…
- Bien sur ! On croyait que tu allais la jouer cool avec nous deux…
- Vous avez tous les deux presque échoués la formation à cause de votre trafic de culotte. Si vous aviez vraiment passé votre temps à étudier au lieu de voler les sous-vêtements de la cantinière pour les revendre, vous n’en seriez pas là.
- Une fille ne peut pas comprendre la beauté d’une culotte de femme…
- Ni sa valeur artistique…
*Bon…ils sont partis pour un de leurs petits monologues. Si je ne me trompe pas, ils devraient en avoir pour huit minutes. Je vais les laisser souffler, et je déduirais ce temps ci de leur pause de l’après-midi. J’ai grandi avec ces deux là. Dire que je les aie regardé essayer de grandir serait plus juste.
C’est ahurissant de les voir travailler ensemble. Ils ne maitrisent encore aucune base.*
Elle se laissa aller à les regarder manœuvrer. Du point ou elle était, sur la passerelle de bois en extension du port, elle pouvait voir sur un navire une brochette d’officiers occupés à se fendre la poire. Trois gradés, dont il était impossible depuis ici de discerner les galons. Ils avaient fait une coutume de venir voir s’entrainer le trio tous les soirs après la journée de formation commune. Qui pis est, ses deux subordonnés ne semblaient jamais s’en rendre compte.
Fred Gibbons s’entêtait à graisser les boulets pour qu’ils coulissent mieux dans le goulet du canon…procédure complètement inutile. Dangereuse même, quand on voyait combien de fois il se les laissait tomber dans les pattes. Domino était tout bonnement en surpoids. Il devait surement s’essouffler quand il s’agissait de se torcher le derche dans les latrines…alors alimenter un canon, le tout soumis à la pression d’ordres…impossible pour lui.
* Je ne sais pas pourquoi ces deux là on choisit cette spécialisation. Moi, je suis douée dans les chiffres, ce qui signifiait que j’aurais moins de travail à fournir. Puis l’artilleur fait partie d’une unité qui se positionne loin de la ligne de front. La logique opportuniste, voilà la clef.
Mais ces deux là…surement encore pour me suivre Après l’incident du surdosage de poudre, ils n’ont plus aucune chance de se faire diplômer sous-officier. Ha…voilà Louis qui vient encore vers moi…ses lèvres bougent, du son en sort. Les sons forment des mots…et merde. Il veut me parler.*
- Louis, c’est un exercice chronométré. Tu ne peux pas sans cesse l’interrompre de cette manière. Si tu persiste, je vais devoir faire un rapport…
- Quuuoooaaa ? Tu me ferais ça ?
- Oui.
- A moouuaaa ?
- Oui.
- Tooouuuaa, à moouuaa ??
- Oui.
- Tu as la grosse tête depuis que tu as soumis ce rapport technique sur la création de boulet en granit marin. Lèche-gallons
- Je dirais même lèche-botte, renchérit Fred tout en nettoyant le fut du canon avec son pompon.
- Non. Les rapports techniques fondés qui contribuent à l’amélioration de l’arsenal sont parfois récompensés par de l’avancement.
- En attendant, tu te prélasses sur cette caisse en jouant les maitres d’œuvre…pourquoi tu serais supérieure à nous ? Heiiiin ?
- Fred ?
- Oui ?
- Tu sais calculer un azimut à partir d’une carte et d’un sextant ?
- ….
- Louis, tu sais comment appliquer les donnés d’un astrolabe pour naviguer ?
- …
- Alors maintenant, comme le dirait un Sergent Instructeur de notre connaissance, bouger vos deux paires de grosses miches et faites moi suer ces dessous de bras. Si vous ne performez pas par rapport à votre précédent temps, ça va chier. Je ne sais pas encore comment, mais ça va chier. Et puis…après tout si, je sais comment. Si je ne certifie pas vos demandes d’affectation dans mon équipe, vous devrez demander à un autre ingénieur balistique…vous voulez tenter votre chance et voir si les autres sont intéressés par les deux derniers clampins du classement ?
Après s’être lancés un regard silencieux mais qui en disait long, les deux compères se remirent à l’ouvrage à contrecœur.
*A contrecœur…mais plus rapidement. C’est déjà un début. Je déteste parler autant mais ces deux idiots ne comprennent que ce genre ce menaces. Je ne suis pas faite pour commander…je n’aime pas commander. Trop d’efforts et de responsabilités. Mais bon…je suppose que la solde doit se mériter, même en temps de paix...*
- Fred ? Laisse tomber ce cordage et va me chercher une coupe de glace chez Paul Potame.
- De ce pas, Soph’ !
Trop heureux de laisser le labeur derrière lui le temps d’une course en ville le pauvre bougre se tailla à toute vitesse. Il mettrait le temps…trainerait bien…passerait surement par la boutique de soutien-gorge de Madame Mcpatte…et reviendrais après une heure en prétextant ne pas avoir pensé à lui demander les berry pour la glace.
Sophie-Laure le regarda filer, sa montre en main et un bâillement aux bords des lèvres.