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Belle est la bête

Je n'étais jamais restée aussi longtemps sous ma forme papillon. En dépit du fait que tout se passait bien jusqu'à présent, je ne pouvais m'empêcher de me faire du souci. Je n'avais jamais entendu parlé d'un zoan qui était resté bloqué sous sa forme animale. Aucune menace pressante ne rodait autour de nous. Pourtant j'étais sur nerfs. Et les nerfs de papillon, croyez-moi, c'est du fragile. Je sursautais au moindre bruit, et par les chaussettes du Grand Djinn, qu'est-ce qu'il y en avait, du bruit !
On pourrait croire que le désert, c'est mort, mais c'était bien le contraire. Rien que le vent, qui en faisant glisser le sable d'une dune à l'autre, créait des symphonies lancinantes et encore plus irritantes par leur irrégularité. Le frottement des grains sur les rochers, le grésillement des insectes qui survivaient ici et là... Un désert n'était jamais vide que de présence humaine.
Sauf qu'en plus de toute la vie naturelle au désert, qu'il fut de sable ou de poussière, on rajoutait une bande de pillards sans aucune éducation.
Et ça, c'était ce qu'il y avait de pire !
Bruyants, puants et absolument sans aucune manière. Je veux dire, pourquoi tous les bandits semblent se faire un devoir d'être absolument dégoûtants de saleté et d'idiotie ? Je pouvais comprendre que se laver dans un désert n'était pas la chose la plus facile à faire. Mais de là à se sentir obligé de cracher, tousser, morver et pisser à grand vent dès qu'ils s'en sentaient l'humeur ? Et pourquoi se flatter de leur médiocre ouverture d'esprit ? Comme si c'était un signe de réussite dans la piraterie ? Ce qui était en plus totalement faux, si on en croyait l'histoire criminelle de notre monde. Shanks, Barbe-Blanche et Crocodile n'étaient pas des sages parmi les sages, mais ils savaient lire, écrire, compte et réfléchir. Sans s'arrêter sur le cas extrême de Nico Robin... un bon pirate, fut-il de mer ou de terre, ne pouvait pas se contenter de rire grassement à toutes les blagues vaseuses. Il suffisait encore de regarder le présent : les deux plus grands hors-la-loi d'aujourd'hui étaient Tahar Tahgel et Toji Arashiborei, deux ex-officiers supérieurs de la Marine, et toute révo que j'étais, je restais fille de Marines, et donc reconnaissait une valeur aux galons donnés...
C'était une bonne chose que je ne fusse pas autre chose qu'un papillon, parce que je pense que je les aurais déjà tous tués trois fois avant le lever du deuxième jour. Ma forme animale les protégeait de ma juste colère, mais ne m'épargnait pas d'avoir à endurer le flot continuel de leur bavasserie insipide.

Solomon et moi avions quitté Yuba quelques jours auparavant, accompagnés d'une demi-douzaine d'hommes de différents clans. Ils devaient agir en éclaireurs tout en nous guidant sur le chemin vers Syrdaha. Le but était de repérer les impies alors qu'ils quittaient ou revenaient vers la cité sacrée, et de trouver un moyen de se mêler à eux. Le comment ? Aucune idée. Nous avions convenus que l'improvisation serait le mieux.
Ce fut ainsi que nous prîmes en filature une petite bande d'une vingtaine de pouilleux, clairement en route pour un méfait quelconque. Vu leur armement et le soin – tout relatif – qu'ils prenaient dans leur déplacement, ce n'était pas difficile de comprendre qu'ils préparaient un coup. Cela s'avéra être l'attaque d'une caravane marchande de petite taille – à peine sept wagons et une grosse dizaine d'esclaves traînée derrière un chameau fatigué. Rien ne devrait présenter un défi incommensurable pour ces gredins. Avec le recul, je comprenais que si. Leur force n'était pas dans leur intelligence, mais bien dans leur nombre. Seuls les quelques chefs avaient une bonne vision des choses, et s'ils avaient eu des troupes un temps fut un peu plus dégourdies, nul doute qu'ils auraient mis la région à feu et à sang. Ainsi, ce convoi faisait l'office d'une prise de guerre de choix.
Bon, soyons honnête. Ce raid était pour eux d'une importance capitale. Ce n'était que des chariots de nourritures, ce qui expliquaient la relâche dans la défense assurée par juste cinq mercenaires qui ne m'inspiraient pas plus que ça – mais bon, à ce moment de ma vie, pas grand chose ne m'inspirait quoique ce fut. Cependant, sept fourgons de nourriture, quand on habitait une ruine au beau milieu d'un désert, ça valait bien des trésors. Mais ça, je ne le savais pas encore.

Un rapide conciliabule plus tard, nous passions à l'attaque. Je confiais Nova au bon soin d'un des guerriers des sables, pendant que je fonçais vers les esclaves. Solomon devait s'occuper des gardes, avec perte et fracas. Fracas surtout, mais c'était un domaine où il excellait, comme il me l'avait déjà prouvé. Nous prenions ainsi de court les brigands qui assistèrent donc à l'attaque héroïque de notre maître espion qui, seul contre cinq, prit possession d'un magot pas dégoûtant. Je profitai du chaos pour libérer les esclaves, détruisant à mains nues leur entraves de métal – mine de rien, le rokushiki, ça a du bon – et les adjoignant de déguerpir au plus tôt. Puis je pris ma forme papillon, pour venir me glisser dans la besace de mon ami, qui forcément allait devoir faire face aux gredins. Pour sûr, nous avions leur attention désormais. Enfin, Solomon. Le bonus dans tout ça restait que les innocents commerçants et leurs mercenaires gisaient inanimés dans le sable tassé de la piste par mes bons soins, inanimés et non morts comme l'auraient presque certainement voulu les voleurs.

De ma cachette, j'assistai à la sortie de nos cibles, encerclant Solomon, tentant de l'impressionner et de lui faire rendre son butin en échange de sa vie. Quelques baffes plus tard, mon lépreux préféré était admis dans la bande en tant que recrue, et nous, chariots, bandits, bandeletté et papillon confondus, faisions route vers Syrdaha.

Le voyage fut long, ennuyeux, bruyant – mais je l'avais déjà dit. Les nomades qui devaient nous suivre le faire avec une telle discrétion que même moi je ne pus les détecter. J'aurais pu profiter du froid de la nuit pour me glisser hors de la poche de Solomon pour venir à eux, mais justement, le froid m'engourdissait plus que nécessaire et je me retrouvais toujours à m'endormir. Une ou deux fois, Solomon m'écrasa dans son sommeil, en se retournant, et il comprit vite que ce n'était pas judicieux de ne pas poser son sac à côté de lui. Mes phéromones semblaient être capables de produire en lui les pires cauchemars possibles, car sous cette forme, j'avais une parfaite maîtrise de mes pouvoirs. Hé oui, j'étais papillon après tout.
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Une large inspiration, un frisson haché. Les grains de sables volaient partout autour d’eux et s’infiltraient dans les moindres interstices. Il haïssait le sable, à l’inverse des autres momies de son genre. Ses bandes le grattaient et il avait l’envie furieuse de se les arracher mais … mais il ne le pouvait pas. Pas encore. Les choses se profilaient mal pour cette nouvelle effarante qui commençait à se creuser un sillon dans son esprit. Il ne pouvait s’y résoudre, surtout depuis qu’il n’avait plus de mémoire. C’était un constat d’horreur qui saisissait son esprit à chaque fois qu’il entendait ce nom. Nul chemin arrière, il était aujourd’hui trop lâche pour constater l’évidence. Qui avait remarqué la façon si subtile qu’avaient les courants chauds du désert de le traverser ? Ce n’était pas ce qu’on clamait, il n’était pas une engeance immortelle qui se pavanait sous le soleil impétueux en toute impunité. La vérité était pire encore.

Leur plan ? Ridiculement simple. Il y avait des hommes avec qui la seule loi du plus fort l’emportait. Pourquoi échafauder des inepties en compagnie de gens qui n’y comprenaient rien. Il n’y avait qu’une seule manière de gagner la cité sacrée et ils ne le savaient que trop. Les nomades les abandonnèrent rapidement, laissant le soin aux deux compagnons de se trouver un chemin pour leurs sinistres exactions. Une caravane emplie de faux-semblants, quelques glanées çà et là suffirent. Pour trouver des voleurs, il suffisait de nourrir leur appât du gain. Qu’avaient-ils à craindre sur leur terrain, ces satanés bandits ? Aucune rivalité, et pourtant …

« Rends-toi, mumiya. » tonnèrent les bandits à l’encontre de l’impudent qui se tenait entre leurs sombres desseins et eux.

Ils parlaient avec un accent étrange, loin des formalités engoncées des nomades. Des corps gisaient un peu partout autour d’eux. Inanimés, aucun mort. Une vaste blague en somme.

« On se calme, les affamés du Gange. Ma caravane, mon butin. Vous voulez faire quoi à vingt contre un ? » grogna l’antipathique rouleau de papier toilette.

Les poignes se resserrèrent sur les armes, les yeux lancèrent des éclairs. Pouilleux, certes, mais crève-la-faim avant tout.

« Fanfaronne tant que tu veux, le fanfaron, mais tu ferais mieux de te rendre à l’év… » fit l’un des sbires, le pointant d’une dague revendicatrice.

Plus vite que la musique, la momie s’était avancée et lui avait collé sa main au milieu du torse. L’imprudent s’encastra dans le sable quelques sept mètres plus loin, robe renversée et fesses en l’air. Des bleus à l’égo à n’en pas douter.

« Le premier qui s’avance y passe. Alors vous pliez bagages et on se dit au revoir. » menaça Solomon, un sourire carnassier sur les lèvres.

« Ahem … et tu vas aller où dans le désert avec des esclaves qui ont fui avec tous les chameaux ? » fit l’un des pouilleux, plus sagace que les autres.


Avec un geste empreint de stupidité, la momie se retourna, avisant le nuage de poussière qui disparaissait au loin. Il revint vers le groupe qui l’encerclait et … leva un doigt accusateur.

« Et bien … et bien … »

« Tu sais au moins où tu es, mumiya ? Tu es au fin fond du désert … nulle part où aller et il se trouve qu’on est les seuls à pouvoir t’aider … Alors je vais te faire une offre que tu pourras pas refuser : une prime de risque. Tu nous remets la marchandise, tu nous suis et vu que t’as l’air de te livrer au même commerce que nous, on pourra peut-être te trouver une place ? » fit le pouilleux-moins-stupide-que-les-autres-mais-arriéré-quand-même.

« Et ça paye combien votre bande de rigolos ? Vu vos habits, je dirais un berry la semaine … »

« Toujours plus que ce que tu pourras tirer de ce chariot ailleurs. Alors, mumiya ? T’as l’air d’avoir de la testostérone à revendre. On a besoin de gars qui manqueront à personne dans les rangs. »

« Tch. Et sinon ? »


Fallait quand même opposer un minimum de résistance, se faire désirer, tout ça. Il sentait tout de même le regard courroucé de Shaï qui lui vrillait le dos. Il avait réussi à attraper ce qu’ils voulaient, fallait pas pousser le bouchon trop loin !

« Sinon, on se tire et on revient quand tu seras mort de soif et de faim… »

« Bonne idée, chef, comme ça, au pire, on pourra le tuer dans son sommeil … »

« Hey ! Je t’ai entendu le marmot ! Le premier qui essaie de me tuer, je le bute ! Avec sang et sans honneur … »

« Non non, Pédrolito, j’ai une bien meilleure idée pour un type comme lui … Je pense que Castor sera content d’notre nouvelle recrue, pas vrai les gars ? »


Pédrolito ? Castor ? Ahem … quelle bande de … tout ceci n’avait aucun sens. Même le désert n’avait aucun sens. La vie n’avait aucun sens. Sauf le saucisson, qui en avait deux.

Quelques paroles de plus suffirent à faire rentrer le lascar dans troupe, bon gré mal gré. Avec un petit papillon caché sous les bandelettes, il prêta main forte aux bandits. Faute de chameaux, ils s’arrachèrent eux-mêmes aux carrioles pour un périple qui semblait en valoir la peine. C’était comme si ces gusses avaient trouvé le trésor de leur vie, traitant les réserves avec parcimonie et se félicitant d’avoir trouvé un imbécile pour prendre des risques à leur place. Puis se rappelant que l’imbécile avait enfoncé l’un des leurs dans le sable d’un geste. Alors ils parlaient à voix basse, sans se douter que ça ne changeait rien.

Le voyage passa comme une lettre à la poste. Quarante degrés au compteur, positifs ou négatifs en fonction du jour ou de la nuit. Et visiblement, ça se passait mieux du côté de Solomon que de celui de Shaïness. Lui prenait part aux réflexions vaseuses et après une petite semaine de trajet sans se laver, il avait rejoint la meute et son odeur. Un scorpion géant, quelques cactus animés plus tard et il était définitivement rentré dans le lot. Enfin, rentré … tous se cachaient derrière lui dès que le moindre problème se présentait. Fallait dire qu’ils étaient partis à trente de Syrdaha. C’était le nombre qui faisait la force.

« Et voilà Syrdaha, notre chez-nous. »

Tout ça commençait par des pierres qui émergeaient de nulle part, accueillant les intrus comme autant d’irrégularités dans la surface lisse du désert. Puis peu à peu, quelques brindilles se faisaient place au milieu du sable. Des dalles, puis une route. Enfin, les bâtiments se dessinèrent à l’orée d’une Dune un peu plus petite que les autres. Le soleil se couchait sur une cité blanche aux sommets inégaux. Au loin, on pouvait voir trôner quelques merveilles aux inspirations pyramidales. Des vestiges de remparts les accueillirent rapidement. Puis, surgissant de nulle part, un homme aux habits élimés et au visage creusé. Quelques mots de passe s’échangèrent et la troupe reprit son périple. Les ruines semblaient inhabitées mais on pouvait voir que les bâtiments étaient en réalité quasiment tous aménagés pour recevoir des habitations temporaires, comme l’avaient décrit les nomades. Les ruines étaient à la fois usées et entretenues, comme si l’on avait cherché à maintenir la ville dans cet état délibérément. Puis ils gagnèrent les avenues principales, lieu d’habitation des bandits. Là, l’atmosphère changeait du tout au tout. Des barricades de fortune ainsi qu’une végétation bien plus abondantes. On entendait le fourmillement d’une ville en activité. Une vraie ville, au milieu des ruines du plus hostile des déserts. La troupe se stoppa devant l’entrée, visiblement, de la cité. Des hourras firent alors trembler la ville.

« Heu … »

Des claquements sinistres retentirent, provenant de ce qui semblait être le centre-ville. Un bruit de déchirure écoeurant. Foutredieu, maintenant il savait pourquoi les nomades ne voulaient plus mettre les pieds ici.

« Des requins des sables … » mumura la momie, serrant les dents.

Sa dernière rencontre avec l’un de ces spécimens ne s’était pas si bien passée que ça. Il avait juste failli y laisser quatre ou cinq fois sa peau.

« Mumiya … »

C’était le marmot qui le secouait par la manche. Ce gamin s’était, contre toute attente, lié à la momie. Il voyait en lui une espèce de héros bandit des temps moderne. Et en plus, il ressemblait à une momie : dans un pays de pharaons, c’était la classe.

« Solomon, je t’ai déjà dit que c’était Solomon. »

« Castor veut te voir. »

« Ah. Bon, ben je te suis. »


Déjà ? Sacrément rapide en besogne, le Castor. Au moins comme ça, il n’y aurait plus rien qui puisse faire barrage entre eux.
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Nous étions arrivés. Joie intense. Cité sacrée.... Mouais, ça ne cassait pas trois pattes à un canard. Les ruines de la ville antique étaient en elles-mêmes assez « class ». Elles en imposaient. La civilisation qui avait vu le jour et trouvé la mort en ces lieux avait dû valoir le coup d’œil. Les frises sur les bas-fond et contreforts des bâtiments témoignaient d'une ligne artistique développée, loin des rudimentaires carrés et figures de base. Je pouvais croire facilement qu'Alabasta descendait de Syrdaha. Mais le temps n'avait pas arrangé les affaires. Si les nomades n'avaient pas dégradé le lieu, ils ne l'avaient pas entretenu, et les piles de pierres rongées par le vent et le sable, tachetées de piqûres de soleil et à moitié ensevelies offraient une vision de déchéance bien pitoyable. Maintenant que la cité était aux mains des pirates, tout allait de mal en pire. L'odeur déjà... celles de corps qui n'avaient pas d'eau. Les bruits de brouhaha d'une foule sans éducation, aux cris et rires grossiers. Le bêlement ou blatèrement de troupeaux plutôt négligés, sales et mal nourris, parqués dans des bâtiments peu adaptés et surtout, peu aérés (et dans des ruines, c'était tout le même un comble!)... Syrdaha était bien à l'image de la colonne de pillards...

Je profitai de l'agitation provoquée par l'arrivée des brigands pour quitter la besace de Solomon et me cacher dans un creux de pierre. M'éloignant à tire-d'ailes, sautant d'ombre en ombre, je fis le tour des lieux.
Les plans ne ressemblaient à rien de ce que j'avais pu voir. Aucun bâtiment spécial n'occupait le centre de la ville : ni palais, ni temple, ni pyramide. Peut-être avait-ce été un lieu public, une agora ? En tous les cas, c'était maintenant une sorte de bourbier de sable liquide de plus de dix mètres de long, dans lequel un aileron se profilait de temps à autre dans un sinueux et fin sillon mortel. Une poutre étroite traversait le « bassin » à une cinquantaine de centimètres de la surface. Comment les piliers la soutenant avaient-ils été posés sans que les requins des sables ne s'en prirent aux ouvriers ? Aucune idée, et je ne voulais pas savoir.
Les trois formes plus ou moins triangulaires se montrèrent plus intéressantes. L'une servait d’entrepôt de vivres, armes et objets en tout genre, sûrement à cause de la fraîcheur relative procurée par la hauteur sous pierre. La seconde était un chantier où s'activaient plusieurs dizaines de bandits. Si je discernais une sorte de bateau des sables dans la forme globale de leur ouvrage, je ne pus que me questionner sur la capacité de ce... truc... à pouvoir bouger sans tomber en morceaux dans la demi-seconde. C'était un mélange de bois, de pierre, de tissus et je ne savais trop quoi, assemblés, maintenus par une force dépassant ma compréhension.

La dernière pyramide servaient de QG aux têtes de cette bande. Je comptais deux meneurs, assistés par trois bras-droits. Tous donnaient dans le genre armoire à glace de Goa, et s'ils étaient grands, ils n'en avaient pas oublié d'être bêtes. Pour ce que je compris de leur échange, ils avaient l'intention de regagner le rivage à l'aide du machin qu'ils construisaient, pour reprendre la mer à bord d'un bâtiment échoué sur le sable suite à une mauvaise tempête... même tempête qui avait poussé à la dérive un second navire, qui avait lui été capturé par les gardes-côtes de l'armée locale. Les deux vaisseaux naviguaient de concert, et apparemment, ils avaient écopés d'une prime quelconque, ce qui avait poussé les autorités à les mettre sous verrou le temps d'en référer au Gouvernement. Le temps aussi que l'équipage B n'arrivât et ne délivrât l'équipage A – ou ce qu'il en restait, la tempête n'ayant épargné ni les uns ni les autres.
Je fus tentée pendant un moment de rejoindre Solomon et de lui dire d'abandonner cette mission. Puisque les pirates allaient partir, pourquoi s'enquiquiner à les affronter ? Surtout qu'ils étaient nombreux et à mon avis, capables de nous donner du fil à retordre. Mais l'accord passé avec les tribus me revint en mémoire, et force me fut de constater que Syrdaha – ou plutôt, les ruines de Syrdaha – ferait une excellente base révolutionnaire, pour y entraîner les recrues, stocker des marchandises ou laisser les scientifiques travailler en paix. Si une explosion de labo devait arriver, elle ne dérangerait personne, si ce n'était un occasionnel scorpion.

Le second soir, je quittai la ville en direction de l'est, où je trouvais, après un voyage assez long, la demi-douzaine de nomades qui nous avaient accompagnés. Comme convenu, ils m'attendaient. Aussi vigilants qu'ils fussent, ils ne me virent pas arriver – pour cause ! - et lorsque je semblai surgir du sable comme un mirage, ils sursautèrent tous. Enfin, autant qu'un homme des sables pouvait sursauter. Ces gars avaient des nerfs d'acier.
- « Asherafi. » me saluèrent-ils tous avec un geste pas très motivé de respect. Courber la tête devant une femme, ça semblait leur être anatomiquement impossible.
- « Les gars. Alors, ça roule ? » Je m'amusai avec eux, parce que je savais qu'ils ne pouvaient rien dire, rien faire. Ils n'en pensaient pas moins, et assez peu discrètement, mais ça, c'était leur problème, pas le mien.
- « … Nous sommes à votre service. »
- « Bien dit, mon grand. Alors, il faudra aller chercher du renfort. Ils sont beaucoup, et on pourrait avoir besoin de vous. »
- « C'est pourtant le rôle de l'Asherafi de combattre les démons. » L'un d'entre eux fit glisser l'objection d'un air réprobateur, avec un sourire narquois aux lèvres. Pour lui, je venais d'avouer mon incapacité à être un bon Asherafi.
- « Mais totalement. Je combats, vous faites la distraction. Je n'ai pas besoin de vous pour réellement mettre à bas ces hommes. Solomon me suffit largement. Il est le seul à être à ma mesure. Mais bon, je pensais que vous apprécierez que je vous laisse une chance de rattraper votre honneur et de faire couler le sang de ses hérétiques. » Écoute, mon mignon, t'as pas le niveau pour t'opposer à moi. Ni physiquement ni encore moins verbalement. « Alors, vous faites ce que je vous dis. Vous allez chercher des renforts et vous vous rapprochez un peu de Syrdaha, sans vous mettre en danger. Préparez-vous à mener la charge de l'Enfer. »
- « Nous ne croyons pas en votre Enfer. »
- « Alors à ce qui fait office d'Enfer chez vous, beau gosse. J'suis pas contraignante, moi. J'accepte les différences, moi.. »
- « … …. Comment saurons-nous qu'il est temps pour nous d'intervenir , Asherafi ? » reprit l'un des hommes après un moment de silence blasé collectif.
- « Oh, ça, ne vous inquiétez pas. Vous ne pourrez pas vous tromper. Quand vous le verrez, vous le saurez. » Comptons sur Solomon pour y mettre du sien, et le signal sera on ne pouvait plus clair.
- « Bien. Et Ibanes ? »
- « Je ne l'ai pas encore vu. » Mais comme je ne l'avais pas spécifiquement cherché...
Et je repartis comme j'étais venue.

Ibanes. Le nomade qui avait guidé les pirates jusqu'à Syrdaha. Avait-il été capturé, torturé et contraint ? Ou avait-il trahi sa tribu ? Je savais que la question était sensible, car les Touaregs d'Alabasta n'appréciaient nullement les renégats. Euphémisme. La mort qui l'attendait... même moi, je trouvais ça crade. Et s'il s'agissait d'une participation forcée... Disons que ces mêmes Touaregs locaux se considéraient tous comme des hommes, des vrais, et qu'une preuve de faiblesse n'était pas une bonne chose. Pas du tout. Or se faire capturer et avoir dû obéir au lieu de mourir dans l'honneur... Pas sure qu'il s'en sortisse vivant, l'Ibanes. Une mort traditionnelle, et la honte pour sa famille, voilà que ce qu'il l'attendrait. Ces nomades avaient une tendance à être expéditifs dans leur mode de pensée. Ils auraient pu me plaire, si je ne les détestais pas autant.
Il me fallait donc trouver Ibanes en premier et obtenir sa version des faits. En ma qualité d'Asherafi, je me réservais le droit de le punir, quelque fut son crime. Les tribus n'étaient pas au courant, et je me doutais que l'Isifi pourrait me sortir un texte miteux comme quoi j'avais outre-passé mes droits. Mais vu qu'à la base, il ne m'avait rien enseigné du tout... Voilà, sa faute.
Je n'agissais pas ainsi pour faire la nique aux tribus. Je voulais juste m'assurer qu'Ibanes recevrait le juste châtiment, celui d'une civilisation qui l'avait entraîné dans le sillage des pirates. Nous l'avions exposé à la corruption, à nous de régler cette histoire. Il n'appartenait plus aux nomades de se réfugier dans le confort de leurs traditions étriquées. La modernité, avec ses avantages et son lot de déception avait sonné à la porte. Mince, elle avait même squatté le canapé qu'était Syrdaha.
Je tuerai Ibanes, proprement, ou je le sauverai. En le bannissant de sa tribu, en l'intégrant au sein de la révolution s'il le fallait. Il vivra ici, avec sa famille si elle désirait le suivre dans son exil, et il sera le lien entre la révolution et Alabasta. Il pourra parler de ce désert, nous former et nous apprendre tellement d'autre chose.
L'espace d'un instant, l'idée de le faire Asherafi à ma place me séduit. Il suffisait de le laisser me battre. Il serait alors propulsé à une position de pouvoir sans équivoque. Mais non. C'était pousser le bouchon un peu trop loin, et ça lui attirerait plus de problèmes qu'autre chose. Enfin, j'allais tout de même lui en toucher deux mots, et s'il le voudrait, je jouerai le jeu.
Mais cela supposait qu'il fut une innocente victime. J'assume parfaitement cet élan de me cœur qui me prédisposait favorablement envers cet étranger, bien que je ne saurais l'expliquer. En règle générale, j'étais plutôt du genre à penser le pire des mes semblables, et j'aurais dû être plus qu'enthousiaste à l'idée de m'imaginer un homme vénal qui aurait cédé à l'appel des sirènes d'un enrichissement aussi soudain que facile. Je pense que cette présomption d'innocence était le fruit d'un processus mental inconscient qui faisait que bien malgré moi, j'admirais l'intégrité des nomades. Je veux dire, l'Isirifi n'avait pas à nous sauver la vie face à la fureur de ses compagnons. Bon, nous savions qu'il avait mis son nez dans l'affaire pour éviter une dépopulation drastique des tribus car Sol' et moi les aurions trucidés sans plus sourciller. Mais il aurait pu taire cette histoire d'Asherafi et nous faire partir. De même, le conseil des étolés aurait pu me promettre qu'il mettrait en place un conseil des femmes et ne pas le faire. Non, ils avaient été honnêtes et avaient accepté de considérer la chose, et encore, avec la plus grande réticence. Alors oui, il y avait toujours une exception à la règle, et Ibanes aurait pu être la pomme pourrie du panier. Mais je ne croyais pas à la coïncidence comme quoi cette pomme pourrie tombait nez à nez avec le tas de compost qu'était cette bande de pillards. Cela aurait été une collision bien trop cosmique. Et tellement peu valorisante, laissant croire que le Destin ne bénéficiait qu'aux truands et autres cloches... Non. Ibanes était la proie d'un coup de mal chance.

Retrouver un type, qu'on ne connaissait que de nom – et en se doutant qu'il ressemblait à un nomade – dans l'immensité toute relative de Syrdaha n'était pas une mince affaire. La chaleur, bien que tempérée par la présence de la source, était accablante en journée, et si les hommes étaient endormis à ce moment de la journée, ils s'éparpillaient à travers les ruines pour trouver son coin de calme. La nuit tombant, ils sortaient, comme des rats, pour venir faire la fête autour de la place centrale, ou prendre leu place dans un des ateliers qui fonctionnaient en nocturne, le froid étant alors repoussé par la sueur et les efforts. Je ne risquais pas vraiment d'être repérée. Je risquais de m'épuiser avant d'avoir réussi.
Finalement, je localisai mon homme. L'aube du troisième soir – si vous m'excusez cette expression – pointait, teintant l'horizon de pourpre violacé très particulier. Aujourd'hui encore, je n'ai pas retrouvé cette nuance. Ce n'est pas pour autant qu'elle me manque. Mais elle m'a marquée.
Ibanes était prisonnier, mais pas mal traité. Son visage et son corps portaient encore la preuve qu'il avait été rudement malmené, mais depuis son arrivée à Syrdaha, les pirates l'avaient simplement ignoré. Enchaîné aux chevilles, il passait ses journées en solitaire, ne recevant de la visite que le temps de se voir servir un peu de nourriture. Il savait qu'il était gardé en vie pour servir de vigie lors de la traversée du désert vers la mer. Il savait qu'il mourrait sur le sable mouillé. Il se préparait à faire son devoir, à perdre la vie alors que les pilleurs erreraient pendant des jours, ou se feraient dévorer par un djinn. Il n'existait pas de plage de sables mouvants suffisamment large pour avaler toute la troupe, et c'était bien dommage.
Trébuchant par fatigue, étourdie de me retrouver dans mon propre corps après avoir passé tant de temps sous forme papillon – au point que je me sentais encore des ailes dans le dos – je parvins à ouvrir la porte de sa cage, avant de m'écrouler à ses pieds.
- « Qui... qui es-tu ? » bégaya-t-il en me voyant, femme en mauvaise condition dans cet endroit où je n'avais réellement pas ma place.
- « Je suis... l'Asherafi. » articulai-je à travers mes lèvres séchées. Sans lui demander son autorisation, je vidai la cruche posée à terre, la drainant complètement de son eau. Ibanes, en bon petit nomade, économisait son eau, ne buvant que par petites gorgées. Vu l'exercice qu'il faisait, il n'avait pas plus soif que ça, me disais-je en un accès de mauvaise foi pour excuser mon geste.
- « Toi ? Une femme ? »
- « C'est compliqué. J'ai gravement amoché sans faire exprès l'ancien Asherafi, et j'ai écopé de la mission de sauver Syrdaha des hérétiques, et toi par la même occasion. »
- « Mensonge !! » me cracha-t-il au visage. « Jamais les Anciens ne t'auraient dit de me sauver !! »
- « Chut, parle moins fort, veux-tu ? » lui ordonnai-je avec une œillade mauvaise, pendant que j'examinai ses chaînes. L'idée n'était pas de le délivrer tout de suite, car sa disparition mettrait les bandits en branle-bas de combat. Or, je devais encore retrouver Solomon pour échanger nos informations, puisque cela faisait trois jours que nous enquêtions chacun de notre côté. Il nous fallait encore monter le plan à grande échelle avant de passer à l'action.
Je pourrais me débarrasser d'un coup de shigan de ces chaînes. Presque même les briser à mains nues. Mais il y avait quelque chose en elles qui me dérangeait clairement. Je devais être plus affaiblie que je ne le pensais, me disais-je.
- « Arrière, femelle ! Succube de Shaïtan, tu es ici pour me tromper !!. »
- « Mais chuuut, à la fin !!! Tu vas attirer les gardes !! »
- « Je ne te laisserai pas me tenter !! Je resterai fidèle aux principes de ma tribu et je ne me déroberai pas devant me voir. Arrière, démone, arrière, je te maudis !!! TU M'ENTENDS, DIABLESSE ? JE TE MAUDIS !!!! »
- « MAIS TU VAS LA FERMER, BOUGRE DE PIGNOUFFE DÉGÉNÉRÉ ?  »
Au temps pour la discrétion.
Les gardes déboulèrent bien plus vite que je ne l'avais imaginé. Je cueillis le premier sans coup flétrir, l'étendant du premier geste. Mort ou assommé, je ne savais pas encore, mais c'était clair qu'il allait finir mal. Je ne pouvais permettre que ma présence fut connue. Je pensais sincèrement qu'il n'y aurait que trois ou quatre pirates dans le coin, que le combat serait facile, et rapidement expédié. De plus, l'étroitesse de la porte me donnait l'avantage de n'affronter qu'un ou deux opposants à la fois, et je comptais bien sur les corps à terre pour faciliter tout ça. Mais apparemment, il y avait un groupe qui passait dans le coin et tout comme leurs chefs, ils n'étaient pas des imbéciles heureux. A un moment donné, l'un d'entre eux eut l'idée d'abattre le mur de pierre et de boue, chose absolument pas impossible à faire. En fait, c'était encore un miracle que la pièce fût encore intacte après tout ce temps et ce début d'échauffourée. Arriva ce qui devait arriver : tels des cafards sortant de tous les coins, ils pénétrèrent dans la pièce, me submergeant par le nombre, bien que je me défendis de manière valeureuse.
Valeureuse et totalement stupide, car pas une seule seconde, je ne pensais à reprendre ma forme papillon pour m'échapper, ou à utiliser une technique du Rokushiki pour en finir... sûrement parce que je savais qu'aucune d'entre elles n'étaient spécialement discrètes, surtout face à un tel nombre et que je ne pouvais pas, encore une fois, lancer le début des hostilités sans savoir que Solomon et nos amis les Nomades étaient prêts.

Un coup, puis deux, me touchèrent. Le troisième me fit tomber à genoux, le quatrième me coupa définitivement la respiration et au cinquième, je n'avais qu'une envie, me laisser tomber dans l'inconscience. Ce qui n'allait absolument pas à Orgueil. Sous les yeux effarés de Paranoïa et Instinct de Survie, il décida qu'il était hors de question que nous fîmes ainsi. Il n'avait pas tort. Quel sort pouvaient bien me réserver une bande de pirates, privés de femme depuis quelques temps déjà ? Oui, voilà. Autant finir en beauté.
Trouvant de l'énergie d'on sait où, je me ruais sur le premier pirate, lui fauchant les jambes avant de l'achever d'un shigan. Il fallait croire que l'énergie du désespoir, ça marchait. C'était aussi ainsi que j'avais mis à terre l'ex Asherafi. Mais cette fois, le type à mes pieds était bel et bien mort. Et j'enchaînais les coups. Cependant Orgueil seul contre tous, et nous chutâmes. Vivre et mourir au même lieu. Dire : « Au revoir ! », jamais : « Adieu ! », et quand je te dis adieu, pour m'en venir ici, comme tu t'en vas, retourne-t'en ainsi. Et tel comme je vins, je m'en retourne aussi, et pour m'être abusée d'une ingrate assurance, tu t'en vas plein d'espérance. Toujours le pardon, toujours le sacrifice ! Je ne te reverrai jamais, cruel maléfice.
Satané Orgueil.

Quand je repris mes esprits, j'étais bâillonnée, et quelqu'un derrière moi s'activait à mes lier les mains dans le dos. Le brouhaha de la foule autour de moi fut au début étouffé par la migraine qui tambourinait comme un zoulou en pleine frénésie d'avant grande chasse à mes tempes. Le regard encore incertain, je pris la scène : moi, faible, sans chaussure – mais pourquoi m'avaient-ils pris mes bottes ! Pillards, je veux bien, mais quelle bande de salopiauds ! - à deux pas d'une poutre.
La cuve aux ailerons.
Le divertissement ultime pour cette bande de pillards.
Une mise à mort à la fois sophistiquée et primaire, faisant appel au jugement de la nature dans tout ce qu'elle pouvait dégager de violence, d'art de la survie.
Au cœur des ruines, une cuve de sable flottant. Ce n'était pas du sable mouvant, qui avale et tue. Non, c'était une étrangeté de la nature, à la fois pierre et eau, une étendue de constance semblable à de la boue dans laquelle où pouvait plonger et nager et même respirer. Avec difficulté, certes, et sur un temps relativement bref, mais on pouvait y tomber et s'en sortir.
C'était ce fragment d'espoir qui faisait tout l'intérêt macabre de la cuve aux ailerons.

Car le territoire était déjà clamé par deux créatures du désert, des requins de sable, qui n'acceptaient pas de partager leur domaine. Tomber dans leur cuve, c'était recevoir le baiser de la mort. Les victimes qui se retrouvaient condamnées à la cuve devaient donc traverser toute la cuve dans sa longueur – une dizaine de mètres - les yeux bandés et les mains liées dans le dos, sur une poutre de bois de peut-être vingt centimètres de large.
Je regardais la scène en sentant une boule se former dans ma gorge. J'étais comme hypnotisée par les deux ailerons qui sillonnaient cette surface tellement semblable à du sable...
- « Croque-Misère et sa fille, Dent-de-lait. C'est d'elle qu'il faut te méfier. Si j'ai une jambe arrachée, c'est à elle que je le dois. Mais je ne lui en veux pas, elle aurait pu me prendre la carcasse entière. J'étais mal engagé, faut avouer.. » me confia le gardien de la cuve, en me préparant pour la traversée. Son sourire édenté était à l'égal de son haleine : infecte. Ceci lui valait son nom : Mange-brèche. Mais en plus de ne plus pouvoir se nourrir que de potée plus ou moins liquide, le bandit exhibait avec une fierté presque paternelle un moignon de jambe. « Voilà, t'es prête... si tu parviens de l'autre côté de la cuve, tu es libre. S'agit juste de ne pas tomber. On te bandera les yeux et puis aussi... à combien de pichets ? »
Parce que oui, les yeux et les mains entravés ne constituaient pas un handicap suffisant. J'étais condamnée à devoir avaler, de force s'il le fallait, un nombre de pinte d'alcool de datte frelaté allant de deux à vingt, le maximum avant mort instantanée, selon la décision du tribunal local.

Si je n'étais pas déjà morte ou violée, c'était parce que l'un des types que j'avais tué se trouvait être un chef. Lequel ? Aucune idée. Il me plaisait de penser que c'était l'un des deux capitaines. Quoi qu'il fut, il devait être aimé, car je fus condamnée à 12 pintes. Et comme je me débattis, je dus les avaler à travers un entonnoir dont l'embout me fut enfoncé de force dans le gosier. Pour des pirates squatteurs de bled, je les trouvais bien préparés.

Et ceci fut ma dernière pensée cohérente.
En fait, ce fut ma dernière pensée tout court.
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La demoiselle s’était enfuie à tire-d’aile vers sa mission. Un petit éclat rose foncé qu’on ne pouvait percevoir que si l’on savait qu’elle était là. Sur un signe de tête entendu, le révolutionnaire s’en alla à son propre plan, celui de devenir l’un de ces bandits par une méthode qu’ils reconnaissaient : la force. Il avait du mal à croire en ses propres capacités mais son corps le faisait à sa place. C’était à se demander comment il avait pu se retrouver dans un tel état alors que chacune des fibres de ses muscles criaient puissance et invincibilité. Il n’était pas sot au point de se croire unique en ce monde mais pour l’heure il n’avait pas rencontré d’adversaires à sa mesure. Ses nombreuses cicatrices, qu’il sentait parcourir sa peau étrangement bronzée, en témoignaient. Quel entraînement son ancien locataire avait-il pu bien faire subir à sa chair ? Il le mettrait à l’épreuve aujourd’hui à n’en pas douter. Il accepta l’invitation, si on pouvait en parler ainsi, d’un geste de la tête. Castor n’était visiblement pas le genre de type que l’on pouvait faire attendre. Encadré par trois malabars aux muscles saillants, la nouvelle recrue se glissa à travers la palissade de tôles et de matériaux de récupération. Tout ce qu’ils avaient pu piller, visiblement. Cela détonnait avec l’ambiance générale de ce lieu sacré. Tout comme l’odeur lui lançait les narines. Pire encore que celle de la colonne de pillards qu’ils avaient suivi. Un concentré de malfrats au sens approximatif de l’hygiène.

La petite troupe passa à travers des rues délabrées où les putains de fortune frayaient au milieu des culs-de-jatte. L’endroit où tous les rats se retrouvaient, assurément. La misère se disputait à la faim, malgré les raids incessants. Il en fallait des réserves pour nourrir ces quelques centaines d’individus. Pour un peu, on se serait cru dans les badlands. Oui, vous savez, ces terres de désolation post-apocalyptique où une faune interlope survivait malgré elle ? Les ruines, les bâtisses aménagées à la va-vite … Les nomades devaient s’en mordre les doigts.

« Mumiya ! » tonna une voix à en lézarder les murs.

Une sorte de siège aménagé à partir des restes d’un vaisseau de guerre. Des crânes reposaient autour de cette sculpture grotesque, en hommage à un passé maritime de flibustier. Des crânes de toute sorte, que ce fussent des animaux ou des hommes. Nul doute que nombre nomades faisaient à présent partie de cette œuvre d’art. Le révolutionnaire leva les yeux vers la créature qui se dressait devant lui, l’écrasant de stature malgré le fait qu’elle soit assise. Bardée de cicatrices, il se dégageait de cette chose une aura malsaine de violence. Et terriblement envoûtante aussi. Un charisme animal, brutal et … complètement ravagé par les deux incisives qui trônaient sur son faciès délabré. Solomon se mordit la joue pour réprimer un rictus inapproprié. Castor, hein ? Est-ce qu’il avait aussi la ...

« C’est donc toi cette fameuse recrue dont nous a tant parlé mes ravageurs ? Paraît que t’es un combattant d’génie, mumiya. Paraît même que tu pourrais faire le poids face à Tronkr et moi ! Ah ah ah … de l’humour, mes ravageurs, hein ? » continua de grogner le colosse, adressant une œillade noire qui fit frémir ses sbires.

Le révolutionnaire sentit une étrange impression lui couler le long de l’échine. Rien d’alarmant cependant. A compter de cet instant, il sut que Castor était moins fort que lui. Il en eut l’intime conviction. Comme une chape de plomb que le colosse tentait d’abattre sur ses épaules, sans que cela n’ait le moindre effet. La brute sembla aussi s’en rendre compte. Elle fronça légèrement les sourcils, se demandant pourquoi cet étranger n’était pas sujet à la force de son fluide royal. Son sourire s’évapora. Peut-être que Solomon aurait dû jouer le jeu, paraître moins sûr de lui et arrogant face au chef qu’il se devait d’amadouer. La lueur sombre qui passa dans les yeux de Castor était de mauvais augure. Même ses dents esseulées ne suffisaient pas à le décrédibiliser.

« Et bien, parle, mumiya ! Dis-moi, à quel point es-tu fort ? Pourquoi tu nous rejoindrais, hein ? » gronda la chose, serrant ses doigts musculeux sur les accoudoirs de son trône.

« Je m’appelle Solomon. Solomon Grundy. »  répliqua le révolutionnaire, soutenant le regard incandescent de son interlocuteur.

Il ne courberait pas l’échine devant une créature au quotient intellectuel déficient. Surtout une chose moins forte que lui. Son égo ne le supporterait pas. Enfin, son égo ne supportait pas grand-chose mais là c’en était visiblement trop pour lui. Son insolence était trop ancrée en lui pour qu’elle ait souffert de l’amnésie.

« Je suis fort … tout est relatif. Je suis un mercenaire. Et j’ai eu quelques déboires avec la justice, disons. » continua-t-il, sortant un parchemin replié à sa ceinture.

Il envoya le papier à Castor, qui s’en saisit avec un rire gras. Il déplia le papier et constata la prime du révolutionnaire. Rien de bien fameux, mais assez pour justifier qu’il se soit trouvé en plein désert à piller une caravane. Et assez pour qu’il les rejoigne de son plein gré.

« Joli CV. Mais ça me dit pas en quoi t’es fort. Le moindre de mes gars a plus de berries sur sa paume que toi. Pourtant, paraît que t’as été sacrément efficace contre les bestioles du désert. Tu tombes bien, mumiya, car on est bientôt prêts à reprendre la mer, ah ah ! Et on va fêter ça entre nous, à notre manière. Si tu gagnes le tournoi, j’te promets qu’on t’embarque avec nous. »  proposa Castor, froissant le parchemin en boule et l’envoyant sur la tête du pillard qui lui avait ramené Solomon.

« Reprendre la mer ? Et vous fêtez ça avec un concours de beuveries ? » répondit-il, insolent malgré lui.

« Du sang pour le dieu du sang … des crânes pour le dieu des crânes. »  ricana Castor, se levant de son siège.

Il devait bien dépasser les trois mètres. Un monstre de force brute. Il se dégageait de lui une aura sordide de violence, assez pour faire glisser inconsciemment la main du révolutionnaire vers la garde de son katana bon marché.

« N’aie crainte, petite mumiya, tu sortiras ton épée rapidement. On va aller te montrer l’arène. » fit le forban, s’emparant d’une énorme masse qu’il glissa sans frémir sur son épaule.

Des chuchotements parcoururent l’assemblée : Castor se levait pour cheminer avec l’étranger ! C’était inédit, inconcevable ! Il devait être d’une force rare pour que leur chef soit prêt à marcher à ses côtés. Le sol frémissait à chacun des pas de Castor, qui devait bien avoisiner la demi-tonne de muscles. Il devait certainement avoir du sang de géant dans les veines. Solomon lui emboîta le pas, sa tête frôlant le coude du pirate. Les hommes s’écartaient devant eux, ce qui lui procurait un plaisir insoupçonné. Le respect, ça change l’école.

L’arène dont parlait Castor n’était en réalité qu’un carrefour crasseux où on avait creusé la terre pour que tout le monde puisse voir ce qu’il se passait en contrebas. L’installation n’était pas terminée mais on voyait grosso-modo ce que ça allait devenir. Un terrain d’une centaine de mètres carrés, avec des gradins et quelques armes entassées çà et là. Un sourire amusé trônait sur le visage du pirate, incapable de cacher le mauvais coup qu’il préparait. Ils bifurquèrent ensuite vers un autre carrefour aménagé, où des bandits se confrontaient les uns aux autres. Castor lui révéla qu’il s’agissait là des différents combattants à se préparer pour le lendemain. Puis, sans un mot, il lâcha Solomon là, prétextant un rendez-vous avec Tronkr. Le révolutionnaire se retrouva donc au milieu de types patibulaires qui le toisèrent d’un œil circonspect avant de se remettre à l’ouvrage. Il ne savait pas pourquoi, mais ce tournoi, comme l’appelait Castor, cachait quelque chose de louche, même pour des types de cet acabit. Il s’installa sur un banc, se contentant de les observer. Certains prirent cela pour une insulte car ils ne tardèrent pas à s’éloigner, à lui tourner le dos.

Le révolutionnaire se servit de ce répit contraint, vu qu’à chaque fois qu’il essayait de s’éclipser un pirate surgissait pour lui ‘conseiller’ de s’entraîner en vue du combat, pour étendre son don de perception à outrance. Il s’échinait à suivre les mouvements de Shaïness et à en apprendre un peu plus sur ces pirates. Il s’étonnait encore de la force de ce haki de l’empathie, comme on l’appelait. Il pouvait entendre les conversations à des lieues à la ronde, ou peu s’en fallait. Il apprit ainsi que Tronkr et Castor avaient décidé de l’affaiblir avant de le tuer dans l’arène, ce dont il ne se doutait qu’à moitié. Il apprit aussi que le tournoi avait pour but de gagner des places sur le bateau qui quitterait Alabasta car tous ne pourraient y demeurer lors de leur prochain départ. Les deux chefs voyaient en la force supposée et la défaite prochaine de Solomon un atout pour renforcer leur autorité. Visiblement, Castor n’était pas aussi bête que cela, et ledit Tronkr ne rivalisait pas de fourberie. Les deux individus étaient frères, à ce qu’il avait perçu, et maintenaient leur équipage par la terreur, comme tout bon pirate.

Deux journées passèrent ainsi, jusqu’à l’annonce du début du tournoi, au milieu d’après-midi du troisième jour. Le révolutionnaire avait été cantonné à ses quartiers, suivant d’un air amusé les aventures de sa comparse. La discrétion d’un papillon, ça avait du bon … On finit donc par le mener aux abords de l’arène, finalement achevée. Les travaux de terrassement avaient fini par creuser le sol de quatre bons mètres, faisant du carrefour une arène respectable. Les nomades s’en mordraient les doigts, mais là n’était pas le problème du révolutionnaire. Ces deux jours à méditer, si on pouvait appeler cela ainsi, avaient été forts instructifs. Il n’y avait pas que par la force et les muscles que l’on résolvait un conflit. Les deux chefs avaient prévu de l’écraser une fois qu’il serait affaibli : il ne leur laisserait pas cette occasion. Il éliminerait ses adversaires avec une démonstration harassante de puissance puis anéantirait les chefs de la même manière, faisant sienne la bande de pirate. Il pourrait ainsi les faire déguerpir et mener à bien la mission imposée par les nomades … peut-être qu’il pourrait garder le contrôle de la bande après cela ? Des hommes pour son propre navire, sous pavillon révolutionnaire …

~~ Le tournoi de Syrdaha ~~

« Solomooooooon Grundy ! »

Des cris, des sifflements. Il était hué, incroyable. Après tout, mis à part les pillards qui l’avaient ramassé, personne d’autre n’avait pu le voir à l’œuvre. La foule s’écarta pour le laisser passer, tandis qu’il faisait jouer son épée autour de lui pour la première fois. C’était un tournoi à mort, après tout. Tuer pour survivre ? Il n’avait jamais eu autant de scrupules. Le révolutionnaire ne se donna pas la peine d’attendre qu’on lui ouvrit la porte. Il sauta par-dessus comme si cela ne représentait rien pour lui. Posant genou à terre, il atterrit en soulevant une gerbe de sable. Soudain, sa vue se brouilla et son épée tomba à terre. Il vacilla, recula et tomba à la renverse, sous les éclats de rire du public. Que … que lui avaient-ils fait ? Il essaya de s’emparer à nouveau de son sabre, tandis qu’une langueur insoutenable s’emparait de lui. Le moignon de son bras gauche rencontra le pommeau de son épée, lui tirant un gémissement de dépit. Il tenta de se relever de sa main encore indemne mais peine perdue. Il perçut les pas trainassant de son adversaire, se rapprocher de lui. Des pieds nus, comme les siens sur des tas de petits objets intrigants, noirs et saillants. Des grigris d'un ancien temps, mis à jour par une quelconque facétie du destin. L’homme se baissa vers lui, agita la main devant son air hagard. Le masque du pirate ne suffisait pas à masquer son sourire. Il recula son pied et lui asséna un violent coup dans les côtes. Le révolutionnaire s’en alla rouler contre le mur, se retrouvant le dos appuyé contre une tôle en fer. Un filet de sang commença à couler le long de son menton, souillant ses bandages.

« Alors, Grundy, on m’a raconté beaucoup d’histoires sur toi, mais rien de concret, ah ah ! » jubila le pirate, convaincu par les autres pillards qu’il allait mourir contre lui.

Il s’agenouilla par-dessus lui et lui asséna un violent crochet du droit, tirant un gémissement étranglé au révolutionnaire. Putain … tout ça pour ça ! Il resserra sa main sur le sable et l’envoya valser dans les yeux du pirate. Le masque ne protégeait pas ses yeux, ainsi il bondit en arrière en grognant de douleur. Il s’arracha le masque pour révéler une face couverte de brûlures et se frotta le visage ses mains gantées. Solomon tenta de se relever en toussant de douleur, se demandant ce que pouvaient être que ces petits objets en pierre qui semblaient aspirer toute sa force. Nul doute qu’ils devaient avoir été remis en surface par les travaux des pirates. Il tenta de se relever mais ses forces avaient disparu. Le pirate revint à la charge, ramassant son arme. Il la pointa vers le révolutionnaire, et l’enfonça en travers de son torse. De sa seule volonté, il parvint à anticiper le coup et se servit de sa main pour arrêter l’épée, dont la lame lui transperça la chair avec un cri étouffé de douleur. Le pirate s’appuya sur son arme et traversa la main de Solomon, avant d’atteindre son torse et de s’y enfoncer avec un geyser de sang. Il la retira d’un geste victorieux, levant haut son arme maculée. Le révolutionnaire s’affaissa en fermant les yeux. Merde … crever comme ça, c’était … honteux …

Un long tunnel blanc, une odeur écœurante … ce n’était pas la première fois qu’il voyait cela. Une odeur de mort, un charnier. Les choses étaient amenées à se répéter. Il se souvenait d’une arme fouillant ses chairs, d’une main resserrée sur son cou. Puissante et vindicative. Fenyang … Le Vice-Amiral Fenyang. Il revoyait son visage, le royaume de Goa ? Un flash destiné à lui rappeler qu’il était déjà mort une fois. Quel jour étions-nous ? Ah oui, dimanche … Mort un dimanche, ressuscité un …

« Shaïness ! »

Solomon ouvrit les yeux en grand. Il faisait nuit et il était enfermé sous un tas de cadavres. D’une main il balaya les corps. Son autre bras était redevenu comme auparavant, mais les bandages avaient chu. Il n’en restait qu’un bras gris, aux contours vaporeux. Il se retourna, relâcha le contenu de son estomac. Revenir des morts n’était pas une mince affaire … Même pour la seconde fois. Il gageait qu’il n’était pas vraiment mort, que c’étaient cette espèce de sable gris, présent un peu partout dans l’arène qui avaient précipité son trépas. Il passa une main tremblante sur ses blessures, qui avaient disparu. Il inspecta sa main. De même. Oui, c’était logique après tout …

Mise en scène musicale:

Il se releva, écartant les autres cadavres. Un sentiment pressant lui enserrait la poitrine. Shaïness encourait un danger. Il s’extirpa de la gangue de cadavres et tituba vers le bruit des festivités qui se poursuivaient. La plupart de ses bandages étaient tombés, révélant son corps soigné de tous les vices infligés à Syrdaha … et à Goa. Des sévices, pour la plupart, guéris depuis longtemps mais masqués par les bandages. Ses pouvoirs reprenaient le dessus, effaçant tout ce qui n'était pas issu de blessures irréversibles pour eux. Il entendait des cris de réjouissance, les combats pourtant terminés. Il se tramait quelque chose d’obscur pour sa comparse. Ses pas commencèrent à s’accélérer, puis il courut. Ses forces se réveillaient. Vint un moment où il fut assez proche entendre distinctement ce qu’il se passait là. Son instinct lui commanda de bondir, mais ce fut tout autre chose qu’il se passa … Un filet de fumée s’engouffra au-dessus des gradins, tournoyant à la manière d’une tornade grisâtre. La sombre émanation s’enroula autour des pirates puis frappa violemment le centre de la cuve, faisant s’envoler le sable. Les quelques lanternes vacillèrent sous la force de l’impact. Le sable retomba lentement, révélant la silhouette qui se redressait tant bien que mal au milieu de la cuve, des ailerons dessinant des cercles autour d’elle, marchant sur la surface meuble comme s'il n'avait pas de réelle substance.

« Solomon Grundy ! »  tonna Castor, frappant du poing contre l’accoudoir de son trône, déplacé là pour l’occasion.

« Non ... je n'y crois pas ... c'est pire que cela. C'est impossible ... crétin de Castor ... tu nous as fait un ennemi redoutable ...» lâcha Tronkr, s’emparant de son mousquet, la main tremblante.

« Tout va bien, Shaï ? »  fit le révolutionnaire, desserrant ses bras pour révéler le corps de la jeune femme aux cheveux roses « Il semblerait que j’ai quelques trains de retard … tu peux marcher ? »


Avec les quelques bribes de mémoire semblaient aussi lui être revenus son penchant pour la mise en scène et les révélations mélodramatiques mielleuses. Que voulez-vous, on ne se refaisait pas. S’assurant que la jeune femme pouvait se remettre debout, l’assassin se releva, toisant les pirates d’un œil déterminé. Tous avaient entendu parler ce qu’il s’était passé au Royaume de Goa. Tous savaient qui il était. Ce qui expliqua que les pirates se levèrent et dégainèrent leurs armes à l'unisson.
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Oui, en ce début de soirée, personne n'aurait parié un sequin sur la jeune Shaïness. Déjà à moitié assommée, et désormais presque ivre morte, elle était condamnée. Les paris se portaient en faveur de cinq pas avant la chute. Du coup, les places les plus proches de la petite plate-forme en bois où Mange-Brèche présidait à la préparation de la jeune femme étaient très disputées. On voulait voir de près le moment où elle tomberait dans ce sable presque liquide et où les ailerons plongeront pour aller la taquiner. Puis il y aurait des bulles, des remous et peut-être même une tentative désespérée pour nager, pour se raccrocher à la poutre ou au bord du bassin pour se hisser à l'abri des mâchoires de la mort. Ceci dit, elle ferait mieux de viser la poutre, car les mains tendues vers elle depuis les abords de la cuve ne seraient là que pour la repousser.
A ce jour, seule une personne avait survécu à la Cuve. Mange-Brèche, bien naturellement, en parvenant justement à remonter en sûreté, après avoir cependant payé son tribu. La douleur de son amputation avait chassé toute ivresse, et ce fut l'esprit clair, quoique brûlant de fièvre, qu'il avait réussi à se traîner d'un bout à l'autre de la poutre. Son crime ? Plus personne ne s'en souvenait. Juste qu'il avait eu droit à dix-huit pintes.
On pourrait croire qu'un infirme au moignon pas forcément guéri aurait été éliminé de la bande, surtout d'une bande qui organisait des compétitions de mise à mort pour ne garder que le nombre de gars nécessaires à la navigation. Mais il ne fallait pas oublier qu'un pirate, c'était surtout et avant tout superstitieux. Le Mange-Brèche avait triomphé de la Cuve, et n'avait même pas succombé aux infections que le désert distribuait pourtant avec allégresse. Ce gars avait le cul bordé de nouilles, et telle la sirène en proue de leur navire, Mange-Brèche leur porterait chance. Il était sous la protection des Djinns du désert, sans nul doute.
Ainsi, en général, il bénéficiait d'une aura qui lui permettait de jouir d'un espace personnel qu'on ne franchissait pas. Mais l'idée de voir une fille se faire boulotter par des requins, alors qu'elle était pourtant mignonnette – qu'importe que Jean-Bob fût mort. De toutes les façons, on n'aimait pas Jean-Bob – attisait les esprits et pour une raison inexpliquée, chacun voulut d'un coup la toucher, ou peut-être lui couper une petite mèche, pour la chance.

Les mouvements s'amplifièrent et il ne fallut qu'une étincelle pour qu'une bagarre n'éclata. Les pirates fluèrent et refluèrent, pour débordèrent sur la plate-forme qui n'était pas prévue pour ça. Il va sans dire qu'à ce moment,  personne ne s'intéressait encore au sort de la pauvre Shaïness. Déstabilisée par l'alcool et le brouhaha, elle  tomba. Seul Mange-brèche semblait avoir compris l'urgence de la situation. Le pauvre homme, visiblement, tenait à son spectacle
- « Non, attendez !! Elle... »
Mais c'était bien connu, la foule en proie à la frénésie d'une bonne bagarre ne respectait rien, et Mange-brèche, poussé par les ripailleurs, allait en subir les conséquences. A son tour, il fut propulsé en avant, en trois pas hésitants sur sa jambe unique et bascula dans l'eau-sable.
Fâcheuses pour lui, car Dent-de-lait le reconnut aussitôt !
En somme Dent-de-lait lui était fidèle ! Et trouvait en la situation une belle occasion de le lui prouver.

Ce que allait sauver Shaïness car la voilà confrontée uniquement à Croque-Misère. Le plus vieux des deux requins aimait prendre son temps. Le sadisme arrivait avec l'âge, il en était la preuve vivante ! Il tournait autour d'elle, la frôlant ici et là, ajoutant encore à la panique qui s'était emparée d'elle. Que voulez-vous ? Les mains attachées dans le dos, et à moitié inconsciente, en train de se noyer dans du sable... Et tandis que le pauvre Mange-brèche s'en allait en morceaux, Solomon arriva. Il parvint à repousser le vieux Croque-misère à coup de poing dans les entrailles, perçant la peau et les écailles pourtant résistantes. Shaïness sortit enfin la tête des « eaux » à bout de souffle, crachotant certes, les poumons en feu... mais vivante !!! Plus bas, attirée par le sang, Dent-de-lait s'était retournée contre son père. Une histoire de famille en quelque sorte, dont il fallait s'éloigner.



Je ne me rappelais pas d'avoir fait la fête. Pourtant, elle avait dû être sacrément arrosée, pour que j'eusse un tel mal de tête. Qu'avais-je pu célébrer avec autant d'insouciance, moi qui me souciais avant tout de mon apparence ? De plus, l'expérience m'avait peut-être menée aux portes de la paranoïa et baptisée adepte de la théorie des complots, mais elle m'avait aussi enseignée le contrôle absolu, pour ne plus être prise au dépourvue. Or, ce contrôle, si je voulais l'exercer sur les éléments extérieurs, je devais commencer par l'imposer à moi-même. Jamais je n'aurais bu au point de perdre la mémoire. A moins que la Révolution n'eût gagnée... était-ce ça ? Avions-nous fini par faire démissionner le Conseil des Cinq Étoiles et démanteler l'organigramme vérolé des Institutions Gouvernementales ? Les Dragons Célestes étaient-ils tous destitués, et pour la plupart, en train de pourrir dans les pires cellules dans l'attente de leur procès ?
Avec difficulté j'ouvris les yeux. La pénombre de la nuit était éclairée par de nombreuses torches, mais c'était loin de la clarté du jour. Pourtant, l'éclat des flammes me brûla, et je gémis. Enfin, j'essayai, mais comme j'étais déjà occupée à tousser du sable-eau, ça passa moyen. J'avais l'impression de faire un malaise en fait, pas celle de revenir à la vie. J'étais comme sourde à tout ce qui n'était pas le bruit saccadé de ma respiration. Inspire, expire, inspire, expire! me répétai-je alors que je fouillai frénétiquement ma mémoire pour me rappeler. Quel était mon dernier souvenir ? Mais j'avais l'impression que tout n'était que noirceur et que mon dernier souvenir, c'était justement mon premier : cette sensation d'air dans les poumons, des lumières aveuglantes, et sur mon corps des mains qui m'arrachait la peau.
Plus loin encore, en cherchant à dépasser cet écran de ténèbres, je ne pus que constater une peur. Un sentiment de peur intense, presque folle. La certitude que j'allais mourir et que je ne pouvais rien y faire.
Étais-je morte ? Peut-être que j'étais en train de vivre une résurrection. Cela expliquerait le manque de souvenir, et je notai, avec un certain décalage détaché, que ressusciter, ça donnait la gueule de bois.
Et ce fut l'absurdité de cette pensée qui me donna la poussée nécessaire à me reprendre.

Si je n'étais pas ni un zombie, ni un miracle, c'était parce que je n'étais pas morte. Et si je n'étais pas morte, alors j'avais été en vie depuis le début. Donc, si je n'avais pas de mémoire des événements récents, c'était parce que mon esprit tentait de me préserver de quelque chose de nocif. Pff, nocif est mon cinquième prénom ! Alors, ce n'était pas une tentative de meurtre sur ma personne qui allait me déphaser. Orgueil déploya ses ailes et fit la roue, tel un paon, hululant ses « léon, léon » d'un air particulièrement débile pendant que Bon Sens envisageait avec sérieux de prendre sa retraite. Ou le suicide.
Oui, je me souvenais maintenant de cette sensation d'être tombée, mais sans fin. Le sable de la Cuve aux Ailerons n'était pas ni sable classique, ni même du sable mouvant. Il n'y avait rien d'aqueux là-dedans. Pourtant, c'était liquide, et je m'y enfonçais sans m'en rendre compte vraiment, Sans même flotter. Instinctivement, j'avais fermé les yeux, et je me disais que le sable-eau devait bien vous arracher les yeux, mais pas forcément les piquer. Et bon, ce n'était pas comme si j'avais pu voir quelque chose. Si je devais rapprocher cette expérience, je la rapprocherais d'un bain de boue. Sauf qu'on ne met jamais la tête sous « l'eau » du bain de boue, et qu'à la base, un bain de boue, c'était relaxant et bon pour la santé.
Pourtant, je n'avais pas paniquée. Je ne me rappelais pas de panique. Je n'avais pas eu peur. Je ne savais pas pourquoi. Parce que je me rappelais maintenant, d'avoir tout tenté, tout ce que je pouvais. Gesticuler, crier – au point d'en avoir avalé, de ce satané sable-eau – et même utiliser le geppo ou le soru, de me changer en papillon ou en forme hybride (un papillon serait mort sous la pression de l'eau... qui est du sable... un papillon peut-il survivre sous du sable, d'ailleurs? Crétine, bien sur que non, personne ne peut survivre sous le sable. Sauf des requins de sables). Justement, je les avais senti, là, ces requins, prêts à se jeter sur moi.
J'avais tout tenté.
Jusqu'à déclencher, volontaire – avec la force du désespoir – ce pouvoir dont Mosca m'avait confirmé l'existence. Le Haki de l'Empathie. Jusqu'ici, j'avais réussi à utiliser cette sorte de prescience qu'au prix de migraine effroyable, et ce pendant quelques minutes tout au plus. Solomon m'avait confirmé que ce n'était pas une entourloupe, ou un délire collectif entre révolutionnaires, et que lui n'avait pas de problèmes à l'usage. Entre nous, ça valait mieux, vu ce qu'il s'était déjà pris dans les dents.
Et j'avais Vu. Et Senti.
J'avais su, avec l'absolue certitude de la juste cause, que je n'allais pas mourir. Je savais que Solomon allait venir me sauver. Alors je n'avais rien fait, attendant que le futur devint présent.

- « Mer-ci. » crachotai-je à son intention. Ça y était, j'étais de retour.
Pas besoin de Haki pour le sentir se tendre comme une corde à un arc. Pas plus pour entendre le bruit des lames tirées hors fourreau et les chiens des fusils armés. Je savais qu'il se passait quelque chose, mais je ne pouvais rien faire. J'étais encore trop occupée à reprendre mes esprits. Solomon me déposa rapidement quelque part, avant qu'il ne me quittât et je l'entendis se plonger dans la bataille. Bien décidée à ne pas être la pauvre petite princesse qu'on vient sauver (même si cela avait été le cas), je bloquais tout : son, lumière, sensation. Tout ce qui n'était pas moi. Tout ce qui n'était pas nécessaire à faire de moi une combattante en mesure de se battre. Sinon, autant rester à terre.

Quand je fus capable de me remettre debout, je fus projetée à terre. Je ne savais pas ce que Solomon venait de faire, mais il l'avait fait. Quand j'ouvris les yeux, il y avait de la fumée par tout mais les combats continuaient... Pire, ils s'amplifiaient, avant que je ne comprisse que les cris ne venaient pas de la place, mais de l'extérieur de Syrdaha.
L'attaque de l'oasis par les tribus !
Un premier moment de flottement tandis qu'une première rafale fauchait tout sur son passage.
Puis ce fut la panique « ennemis en vue !!! »
Une panique monstre à laquelle personne ne résista tandis que les balles sifflaient à présent au-dessus des têtes.

De mon côté, je vins, glissant sur l'air comme une naïade sur l'eau, me porter au secours de Solomon. Je profitai de ma position haute et de l'instant de surprise pour abattre, froidement, de dos, lâchement, deux types qui semblaient organiser les pirates faces aux nomades. Une fois à terre, je me mis dos à dos avec mon ami, prête à tout :
- « Tu prends le grand, je prends le gros ? »
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Quel était cet engouement qu’on lui portait soudain ? Des armes se pointaient vers lui et Shaïness comme si le diable en personne avait posé pied sur terre. Qu’avait-il fait dans sa vie antérieure ? Quel était ce royaume de Goa qui lui revenait en tête, ce nom incessant qui tiraillait son âme et nourrissait sa haine ? Un écho lointain de la dernière fois où il avait fini au milieu d’un amas de corps en décomposition. Sauf qu’ici-bas, il n’avait pas volontairement choisi d’en finir. Un frisson coula le long de son échine tandis que Castor ordonnait à ses hommes de se mettre en joue. Le révolutionnaire fronça les sourcils, acceptant la proposition de Shaïness d’un hochement de tête. A lui la brute épaisse, à elle la brute perfide. Il sentait que ce n’était pas ainsi qu’il était fait, qu’il n’était pas un homme propice aux combats de masse mais son cœur battait comme jamais. Il arpentait une voie déjà empruntée, sentait que la réponse à ses questions était là, au bout du chemin. Les silex s’amorçaient, pointant les deux révolutionnaires. Solomon arracha les derniers lambeaux de tissus qui lui enserraient le visage, ouvrant les yeux aux quelques imprudents qui n’avaient pas fait le lien entre l’annonce de la victoire de la Marine et la chronique mortuaire des révolutionnaires. Auditore a été vaincu, cet homme a été exécuté par le Contre-Amiral Fenyang. À croire que non.

Au moment où les balles claquèrent, le révolutionnaire avait déjà disparu. Un filet gris s’était faufilé jusqu’à Castor, le frappant de plein fouet. Le bandit avait chu de son promontoire et avait fauché une bonne partie de l’estrade d’un réflexe imbécile. Sans compter que les balles avaient touché les réserves d'alcool qui avaient servi à saouler la donzelle. L'étincelle qui alluma le feu : l'autre partie de la "cuve" explosa à grand renfort de flammes. La fumée ne fit que s’ouvrir sous sa lame, avant de se reformer. Poursuivant sa cible, l’assassin sauta dans la rue et frappa du poing dans le sol, creusant la terre là où Castor se trouvait une fraction de seconde plus tôt. Une décharge fumeuse balaya le sable, faisant trembler les fondations de la cuve, située derrière lui à présent. Ses coups en devenaient presque intuitifs, son corps se rappelait mieux que lui encore. Castor encaissa le nuage sans frémir, balayant la fumée d’un revers de main. Les flammes s'élevaient haut derrière eux, parfait signal pour les nomades.

« Mais … t’es quoi au juste ? » grommela-t-il, faisant jouer son imposante épée.

Pour toute réponse, le révolutionnaire bondit sur lui, frappant du poing. Le colosse barra l’attaque de son arme, reculant tout de même d’un pas sous le choc. Solomon faisait pâle figure comparé à la carrure du monstre, mais il assénait ses coups avec plus de virulence encore. L’arme ne se fendit pas mais le son du choc se réverbéra dans les rues en ruines. Etonnant qu’un être si fin puisse posséder autant de force. Assassin, combattant, fumée … tant de facettes mais peu de réponses.

« Ah, j’ai compris … t’es un logia ! » grogna Castor, faisant montre d’une intelligence peu commune pour le stéréotype qu'il incarnait.

Le révolutionnaire arqua un sourcil, ne comprenant pas ce que cela pouvait changer. Visiblement le colosse avait percuté quelque chose puisque sa main gauche se para lentement de noir, une sorte de fluide que Solomon avait l’impression d’avoir déjà vu quelque part. Sans répondre, il se dématérialisa et fonça sur son adversaire qui, sans se démonter, plongea la main dans la fumée et attrapa la nuque de son adversaire avant de l’envoyer valdinguer dans le mur de la cuve. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, Solomon s’écrasa minablement dans les constructions, emportant avec lui plusieurs pirates. Un pan entier du décor s’effondra.

« Ah ah ah !! Tu t’y attendais pas à celle-là, hein ? » ricana le pirate, levant haut son arme.

De la fumée qui s’échappait des décombres se composa une silhouette, reprenant rapidement la forme du révolutionnaire. Frôler la mort avait comme débloqué nombre de ses capacités, ce qui n’était pas plus mal pour faire face à ce tas de muscles. Il se passa une main sur sa gorge rouge de la poigne de Castor. Ça serait moins facile que prévu … Le bandit para ses deux bras du même fluide noir puis se rua à l’attaque. Se baissant, le révolutionnaire esquiva les premiers coups. Son empathie lui permettait d’anticiper aisément les frappes de son adversaire. Il ne dénotait cependant aucune faille dans les assauts successifs de ce dernier. Non pas qu’il fut trop rapide ou doué mais il sentait que se rapprocher n’était pas la bonne solution.

« Arrête de gigoter ! » fulmina le colosse aux dents de rongeur, frappant dans tous les sens.

Un sourire amusé se fit percevoir sur les traits de Solomon. Ce gros lourdaud était vraiment long à la détente. Percevant enfin une faille, le révolutionnaire frappa du poing dans les côtes de son adversaire. Une côté craqua. Une nouvelle faille et un nouveau coup. Castor recula de deux trois pas, se tenant les côtes. Un léger filet de sang coulait le long de son menton, preuve que les dommages causés par Solomon étaient réels. Il l’avait atteint à l’intérieur, au-delà de la masse d’os et de muscles. Le sourire amusé devint satisfait.

« Grmpf … attends voir … » toussota le bandit, son fluide se glissant sur son arme.

Puis, sans prévenir, il frappa de taille, générant une onde de choc auréolée de haki. Par pur réflexe, l’assassin croisa les bras et encaissa l’attaque qui le renvoya dans la cuve avec une gerbe de sang. Un craquement sinistre en retentit, sous le rire gras de Castor. Le silence se fit, jusqu’à ce que d’une main l’increvable révolutionnaire soulève une poutre. L’un de ses bras était en sang et pendait misérablement sur son côté. Pestant contre le genre des cafards, le pirate bondit sur Solomon. Ce dernier esquiva en reculant son torse. Le colosse roula dans les décombres, plantant son épée dans le sol pour freiner sa course.

Un flash perça alors l’esprit de Solomon. Une sorte de réminiscence de son passé … Un frisson glacé parcourut son échine alors qu’il levait haut sa main gauche, indemne. Lentement, il ramena son bras blessé. Un léger vent se leva, tandis qu’une boule grisâtre naissait entre ses doigts.

« C’est quoi ça encore ? » grommela le pirate, sortant son épée du sol.

« Ça, c’est ce qui te tuera. » répondit le révolutionnaire, ramenant ses bras à sa hanche pour faire grossir la boule de fumée.

Au loin, les hallali des nomades commençaient à résonner. L'explosion de la moitié de la cuve était un signal visiblement suffisant.
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Bon je l'admets. J'avais fait ma crâneuse.
En me choisissant Tronkr comme adversaire, j'avais fait preuve de peu de perspicacité, ou de trop d'audace. Ça ne pouvait pas être un surplus de confiance en moi, ça non, vu l'état assez déplorable dans lequel j'étais. Pourtant, je savais que Castor et Tronkr n'étaient pas des imbéciles. Après tout, ils avaient été capitaines de leur vaisseau respectif. Certes, en soi, ce n'était pas forcément une preuve d'intelligence, d'être capitaine... mais quand on rajoutait « capitaine sur Grand Line », ça prenait une autre proportion.

Je l'avais appelé le « gros » pour le différencier de Castor. Bien que Tronkr ne fut pas aussi grand que son collègue, il me rendait facilement une tête. Et on pouvait aussi en tailler deux ou trois comme moi dans sa masse. Mais gros ? Non. Oh, il pouvait perdre quelques kilos, mais c'était surtout son gabarit qui le rendait trapu. Si je devais faire une comparaison, c'était un ours dont la masse cachait sa puissance.
Mais contrairement à Castor, Tronkr n'était pas ce genre de castagneur. Il se savait lent bien que résistant. Le pirate savait encaisser sans faillir, et tandis que je virevoltai autour de lui, j'avais l'impression de la fourmi qui frappait un arbre. Lui-même tenta quelques coups, presque pataud, sans trop d'enthousiasme. Comme si tout cela le fatiguait. Mais celle qui commençait à s’essouffler, c'était moi. J'avais conscience que si la moindre de ses attaques portait, j'étais finie.

Alors, je changeais de tactique. Adoptant une position défensive, assez statique, je tentais de l'attirer dans mon périmètre, de le forcer à l'attaquer. Tronkr haussa les sourcils et détourna le visage un instant, le temps de cracher un long jet de salive noire.
- « Tsss. » et il osa me faire un signe de la main de m'approcher. De l'autre, il tira une épée à la lame courbée, une sorte de cimeterre. Et là, j'eus peur. Il était déjà terrible avec uniquement ses poings ; j'avais du mal à imaginer ce qu'il pouvait donner avec une arme à la main.
Nous restâmes là à nous défier, à nous sonder du regard, en dépit des mouvements de foule autour de nous. La bande de pillards était mêlée aux nomades en un ballet aux musiques tribales. Les corps chutaient, se relevaient, titubaient, dans les méandres de poussières et de fumée. Syrdaha tremblait.

La tension monta entre nous et je compris que Tronkr n'était pas un adversaire comme les autres. Il me ressemblait bien plus que je ne voudrais l'avouer. En effet, notre force venait des erreurs de l'adversaire. Nous étions spécialistes de l'observation et de trouver LA faille à exploiter, dans laquelle se faufiler pour renverser les rapports de force. Enfin, dans la laquelle JE me faufilais. Tronkr, lui, fonçait comme le rhinocéros, de telle sorte que la faille n'avait plus lieu d'être, vu que le mur qu'elle fissurait n'existait plus. C'était radical, comme solution. Mes instincts ne m'avaient pas trompé : un coup, et j'étais morte. Car s'il ajoutait à sa puissance, le fait de toucher juste...
« Encore fallait-il qu'il me touchât » pensai-je. Lui comme moi savions exactement l'étendue de nos talents, et donc, leurs limites. Nos points faibles, si nous ne pouvions les masquer, étaient agité comme des appâts sous le nez des adversaires. Mais nous étions des miroirs : aucun n'allait tomber dans le piège de l'autre. Nous voilà réduits à l'immobilité ou à profiter d'une faute de l'autre. Une faute involontaire, provoquée par quelque chose extérieur à notre duo. Quelque chose qui ne se passerait pas tant que nous restions là à nous envisager.

Je lançai mes fils, il para ou dévia de la lame. Je tentai de passer sous sa garde, il se replia sur lui-même comme un bulot. Ou un hérisson. Il poussa son avantage, je m'envolai avec un geppo. Son épée décrivit un arc de cercle sournois, un soru m'emmena loin de toute menace. Nous nous tenions en échec dans une harmonie parfaite, sauf que je savais que j'avais entamé une course contre la montre. Tronkr voulait clairement m'épuiser et il réussissait parfaitement. J'étais désemparée. Je ne pouvais demander de l'aide. Déjà, question d'orgueil, mais surtout, à qui ? Solomon – je ne voulais pas l'appeler Rafaelo, non ce n'était pas possible, pas maintenant – était bien occupé avec Castor : je les voyais voler en arrière plan, s'encastrant dans les différentes ruines. A ce rythme, il ne resterait rien de Syrdaha !

Je n'avais pas le choix. Je devais trouver quelque chose d'autre. Un « truc » que Tronkr n'avait pas. Un truc qu'il ne pourrait parer. Et ce truc, je savais ce que c'était : une demi-seconde d'avance. Le temps d'un battement de cœur. Ça serait à moins de profiter de ce laps de temps pour mobiliser tout ce que j'avais appris. Je ne demandais rien de plus. C'était quoi, une seconde, dans l'immensité d'une vie ? Etait-ce trop demander ?
Ce pouvoir, je l'avais en moi. Je le savais. Je l'avais déjà activé plus tôt, donc ce n'était pas totalement impossible. Mais je ne pouvais attendre d'avoir tout essayé. C'était à moi d'arrêter d'être défaitiste et de me laisser faire jusqu'à être sur le point de baisser les bras. Chose que je n'admettais pas. Alors, plutôt que de ne trouver cette force que contrainte, j'allais me débrouiller pour la découvrir à ma convenance. Là, maintenant, si je le désirai. Je n'étais pas plus bête qu'une autre, non ? Je n'allais pas perdre vis-à-vis de moi-même, tout de même.
Les rares fois où j'avais tenté d'allumer mon Haki de façon intentionnelle j'étais au calme, reposée et complètement concentrée sur ce satané Haki. En gros, tout ce que je n'étais pas en ce moment. Mais zut à la fin ! A quoi me servait un truc si je ne pouvais pas l'utiliser quand j'en avais besoin. Généralement, voir l'avenir quand on est en train de faire du yoga, ça n'apportait rien ! Alors, comment faire ?

Pendant que je débattais de la question, Tronkr n'avait rien raté de mon conflit interne. Avec un nouveau haussement de sourcils, complètement incrédule, il finit par attaquer. Je vis le mouvement du coin de l'oeil et je pus faire le pas en arrière qui me sauva la vie. Mais l'épée qui dardait trouva ma cuisse et coupa. Au départ, je crus que ce n'était qu'une égratignure mais bientôt la douleur diffuse devint prenante, présente. Il n'y avait plus que ça ; mon monde s'était rétréci à cette tache rouge qui se répandait sur mon pantalon, comme si c'était la première fois que j'étais blessée ou que je voyais du sang.
J'avais mal... mais je n'étais pas à l'agonie. Par rapport à ce que j'avais vécu quand Solomon m'avait sorti in extremis de la cuve, ce n'était rien. J'avais beau être une précieuse, je n'en étais pas à pousser des cris d’orfraie sur mes tenues de travail qui souffraient. Surtout que cet habit n'était qu'une loque que j'avais acheté au marché et que je n'avais pas l'intention de garder. Bien au contraire. J'allais le brûler et faire tout ce que je pouvais pour effacer toute mémoire de moi en ces frusques.
J'étais en colère. Contre moi. J'avais en moi tout ce qu'il fallait pour ne pas être blessée, pour m'éviter de ce genre de désagrément. Une colère froide, une détermination. Toutes ses pensées très négatives que j'avais eu envers les autres, ces envies de destruction, ce maelström de pulsions noires, je les dirigeai vers moi-même et mon aveuglement, mon obstination, ma faiblesse. Si je ne voulais, je pouvais ; si je voulais, je pouvais. Ce n'était qu'une question de volonté ! Personne ne pouvait m'aider parce qu'il n'y avait que moi qui savais ce qui se passait dans ma tête. Il n'y avait sûrement pas de formule magique qui faisait qu’universellement, le haki de l'empathie venait à vous. Ça se saurait ! A moi de trouver ce qui fonctionnait.
Plus déterminée que jamais, je repris une position défensive, pour ne pas laisser la satisfaction à Tronkr de m'abattre en deux coups. Se faisant, mon poids se porta automatiquement sur ma jambe blessée et je grimaçai. Mon adversaire ricanna.
- « Oh, toi, ta gueule ! » grommelai-je en assurant ma prise sur mes fils. « Tu vas voir, mon gros, tu vas voir ! » J'inspirai et plissai les yeux, cherchant une nouvelle fois une faille. Et là, ce ne fut pas lui, mais moi, qui vis...
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« Caméééééé … »

Le pirate était bien décidé à ne pas se laisser faire. Tandis que la boule de fumée grossissait entre les doigts du révolutionnaire, il rechargea son arme de fluide noir et tailla de nouveau. L’onde tranchante fracassa une fois de plus la cuve. Les dommages collatéraux étaient considérables, tout comme la force de ces maudits pirates. Constatant que son adversaire avait évité son attaque d’un simple bond, Castor se rua sur lui. La boule avait doublé de volume. Il s’en dégageait une sorte de son crispant, à mi-chemin entre le grésillement électrique et la tornade. Quelque chose qui n’augurait rien de bon. Solomon referma ses mains sur la boule, la rassemblant en une sphère pas plus grosse qu’une boule de billard.

« Amééééé …. »

Le mantra lui permettait d’anticiper les actions du bandit, sachant comment éviter ses coups une fraction de secondes à l’avance. Un sourire amusé se peignit sur les traits du révolutionnaire. Il se souvenait du nom de sa technique - comment aurait-il pu prononcer la formule magique sinon ? - sans pouvoir se rappeler la dernière fois qu’il s’en était servi. Une simple histoire de pression et de densité. Il concentrait la fumée en cette minuscule boule, se servant de sa force brute pour en contenir le maximum. Puis vint un moment où sa force ne suffisait plus. Le moment exact où, prenant le pas sur ses esquives, Castor porta une estocade chargée de haki.

« Arrête de bouger ! » hurla le pirate, mettant toute sa force dans ce terrible coup.

Se décalant d’un pas, l’assassin frôla l’épée et colla ses deux mains contre le torse de son adversaire.

« AAAAAH ! »

Toute la puissance de son fruit était condensée entre ses mains. Il la libéra dans une gerbe grisâtre qui monta jusqu’au ciel. Le son produit par la décharge fumigène ébranla l’atmosphère comme un géant l’aurait fait en tombant de plusieurs étages. Les débris de la cuve furent emportés dans la gangue brumeuse puis expédiés dans les airs. D’un geste lourd d’efforts, le révolutionnaire fit remonter la colonne qu’il venait de générer, la renvoyant vers les nuages plutôt que de détruire le reste de la cité sacrée. Puis il baissa les mains, essoufflé. Il laissa pendre son bras blessé et posa un genou à terre. Il lui avait mis tout ce qu’il avait. Une brume épaisse couvrait à présent la zone, masquant la totalité de la scène. Peu à peu, la fumée se dissipa, retombant au niveau du genou du révolutionnaire. Peu à peu, une silhouette massive apparue dans la fumée …

« Pfien foué, petit réfolufionnaire … mais il en faut pluf pour me tuer ! » rugit le pirate, amoché de tous les côtés.


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Pestant contre le sort, Solomon se redressa, s’appuyant sur son genou. Il cracha par terre. Castor sauta sur lui, cherchant à l’écraser de ses points massifs. Par pur réflexe, l’assassin roula sur le côté, évitant la terrible attaque. Merde, pourtant c’était sa technique ultime ! Enfin … il croyait ? Attendez voir, il avait le pouvoir d’un … logia, si c’était ça le nom. Logia de la fumée, fallait croire … alors il pouvait faire de la fumée. Logique. Il se recula d’un bond et passa la main au-dessus de la nappe de fumée, toujours aussi essoufflé. La brume réagit à son geste, s’ordonnant pour venir entourer son bras. Oh. Ah mais oui ! C’était pas pour faire mal sa technique à la base, c’était pour …

« Et mais … lâffe-moi ! Dis à fa fufain fe fumée fe me lâffer ! » fit le pirate, essayant de se défaire de la poigne des deux mains brumeuses qui avaient surgi de la fumée pour l’entraver.

« T’as déjà joué à main gauche – main droite ? » le railla Rafaelo, retrouvant tout le panache du révolutionnaire qu’il était autrefois.

Ce faisant, il relâcha l’étreinte des sa fumée et, écartant les bras, il matérialisa deux énormes mains qu’il abattit sans préavis sur la tête de Castor.

*sprotch*

« Perdu … » fit l’assassin, relâchant son pouvoir.

Le corps sans vie du pirate tomba lentement à terre, agitée de soubresauts. De sa tête ne restait qu’un amas sanguinolent qu’on aurait cru passé entre deux presses, ce qui n’était si faux en soit. La fumée se dissipa lentement, révélant un véritable champ de bataille. De nombreux bâtiments avaient reçu les sévices de leur bataille. Cela n’allait pas plaire aux nomades … Ils voulaient Syrdaha libre, ils auraient au moins ça. Il inspecta son bras blessé pour trouver avec surprise sa peau indemne. Il percevait les réminiscences de la douleur et une sorte d’engourdissement dans son membre mais de la blessure, plus rien. Bon. On se préoccuperait de ça plus tard : l’important, c’était Shaïness !


Dernière édition par Solomon Grundy le Mer 15 Oct 2014 - 15:13, édité 1 fois
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Il fallait croire que j'étais difficile à contenter. Maintenant que j'avais éveillé mon Haki, par ma seule volonté, sans dépendre de circonstances extérieures, je ne souhaitais qu'une chose : l'arrêter. Car je Voyais, mais pas simplement le futur. Non, sous mes yeux se déroulaient tous les futurs possibles, depuis le plus plausible à l'infinitésimal improbable. Chaque être, chaque chose, jusqu'à la moindre petite particule, avec sa multitude de devenirs. Consciente que je m'approchais de bien trop près du domaine de la folie, je clignai les yeux et me concentrai sur Tronkr.
Me concentrer. L'ironie de la chose. Je n'avais jamais pu me concentrer depuis que j'avais mordu, à mon corps défendant, dans le fruit du démon du papillon, mes pensées n'arrêtaient pas de s'envoler, sans se poser réellement. Suivre un raisonnement selon une ligne directrice m'était impossible. Oh, j'arrivais toujours à me débrouiller pour finir ce que j'étais en train de pondérer, mais pas sans certaines circonvolutions. D'ailleurs, j'avais appris à apprécier ses digressions : elles me permettaient souvent de prendre en considération une autre facette de la situation, ou de voir des implications à mes actes que je n'aurais pas forcément imaginé de prime abord. Cependant, aujourd'hui, c'était un handicap.
Petit à petit, je réduisis le champ des Futurs à la seule image de Tronkr. C'était comme si je voyais des fantômes : des silhouettes semblaient comme émerger de lui, tel de l'eau d'une bouche de fontaine, toutes mimant une action... c'était comme voir les déplacements en ayant fait pause sur image. Tout ce qui serait, là, dévoilé à mes yeux. Les formes les plus pales, à peine visible, marquaient des futures peu convaincants. En effet, je voyais mal Tronkr glisser tout seul sur la flasque de sang crée par un de ses bandits tombé au sol. Mais c'était de l'ordre du probable. Peu probable, mais probable. J'en déduisis donc que, selon toutes les probabilités, mon adversaire allait tenter de feinter par un coup de lame par la droite, pour mieux m'envoyer un coup de poing vers la gauche. En conséquences, je devrais me décaler en avant, pour le priver de son point d'impact et briser son allonge.
Mais à peine avais-je fait un demi-pas que les futurs changèrent. Ou changeaient. Ce n'était pas soudain, une seconde avec une image et l'autre d'après, une nouvelle image. Non c'était comme le flot de l'eau, toujours de l'eau, mais jamais la même. Les fantômes du Futurs tournoyaient, s'éclipsaient ou se renforçaient, comme s'ils dansaient. Un ballet en guise d'oracle. Ah !

J'étais déjà mal en point, entre l'alcool que l'adrénaline avait repoussé, la fatigue accumulée et ma rencontre inopinée avec la mort dans ce qui avait été une cuve à requin des sables. Là, c'était le mental qui manquait de flancher. Or, Shaïness sans opiniâtreté, ce n'était plus Shaïness.
Je finis par arrêter de lutter. Il y avait des choses que je ne pouvais pas comprendre. Des mystères qui devaient rester de l'ordre du surnaturel. Ce n'était pas forcément en comprenant le pourquoi et le comment qu'un problème se résolvait. Tronkr par exemple, était exempt d'explication. Je n'avais qu'à me fier à ses illusions de lui. Après tout, n'avais-je pas déjà réalisé que le Haki était la seule chose qui me restait dans ce combat ? Et parce qu'il ne m'apportait ps la solution sur un plateau d'argent, étais-je déjà prête à le balayer de la main ? Pff, ça se saurait, si la vie était facile !
Alors, je me laissais guider par les images les plus « solides » et je pus, à l'instar de Solomon, éviter tous les coups, réduisant à presque rien les dégâts, attendant la faille. Tronkr finit par commettre une faute et avant même qu'iln ne pensa la faire, mes fils s'étaient déjà enroulés autour de sa gorge et j'avais sauté par-dessus une arche de pierre, de telle sorte que le capitaine pirate se trouva emporter, les pieds ballottant de façon complètement inutile à un mètres du sol. Il gargouilla, se débattit, et je dus tenir bon, mes pieds glissant dans le sable. Juré après ça, plus jamais je n'irai à la plage !  Finalement, Tronkr fut défait par sa propre masse et l'action de la gravité. Son cadavre finit par tourner au grès des vents qui se calmaient, maintenant que les combats se terminaient. Un pirate pendu, c'était, après tout, une fin appropriée.

Je coupai les fils, rechargeai immédiatement les prochains, prête à toute éventualité. Le silence qui était retombé sur Syrdaha me paraissait nullement une récompense. Non il étouffait. Et je Voyais toujours. Chaque nomade, chaque geste, chaque respiration. Un gémissement s'échappa de mes lèvres alors que je tombais à genoux, pressant mes paumes dans mes orbites, comme si la douleur pouvait chasser ces visions. Un nouveau sanglot monta et je le réprimai en me mordant les lèvres jusqu'au sang. Le goût acide du fer envahit ma bouche et en effet, je sentis le pouls du monde se calmer autour de moi. En effet, je n'appréciais pas de me faire mal. De la même manière que j'avais réussi à activer mon Haki pour éviter de souffrir plus encore, je réussis à le faire taire.
Quand je relevai la tête, à bout de souffle, comme si j'avais couru un marathon en dix secondes – et c'était bien l'impression que j'avais, tellement mon corps était lourd et ma tête brûlante d'une étrange fièvre – je rencontrai le regard inquiet ou sévère des Sheraf et de l'Issifi.
- « Vous aviez raison. Un djinn a laissé sa trace ici. Je... j'ai senti sa main se poser sur moi. » Je n'avais pas l'intention de me relever. Surtout si c'était pour retomber dans la seconde qui suivait comme une grosse patate. « Voilà, j'ai tenu ma promesse. Syrdaha est délivrée des pillards, et vous avez lavé votre honneur dans le sang des hérétiques. Ah, Ibanes était prisonnier quelque part, donc, ce n'est pas sa faute. Par contre, puisqu'il a dévoilé les secrets de Syrdaha, je juge qu'il doit y rester. Ici. Il fera acte expiation en aidant à la reconstruction et à la préservation de la cité sacrée. Et maintenant... je crois que je vais m’évanouir. »
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Evidemment, rien n’était aussi simple. Si les deux chefs étaient visiblement tombés, la marmaille grouillante n’était pas de cet avis. Les pirates de bas étage, dans le chaos ambiant, ne se rendaient pas compte de l’état de la situation. Nombre d’entre eux tentèrent d’attaquer le révolutionnaire pendant son avancée à la recherche de Shaïness. Ils tiraient des balles, frappaient de leur sabre … sans aucun effet. Si le logia avait bien un avantage, c’était celui-là. Les coups passaient automatiquement au travers de leur cible qui en profitait pour les expédier ad patres sans sourciller. La fatigue commençait à devenir de plus pesante. Puis les nomades déferlèrent autour de lui. Ne reconnaissant pas les attraits de l’homme qu’ils avaient envoyé dans Syrdaha, certains commencèrent à l’attaquer et il fallut bien une dizaine d’hommes à terre avant qu’ils ne commencent à croire qu’il s’agissait bien de Solomon. Ce fut surtout le fait que les armes lui passaient à travers et qu’il les envoyait s’enfoncer dans le sable d’un revers de la main qui les convainquit.

« Soloumon … mais qué s’est-il passé ici ? » lui fit l’un des nomades, rangeant son épée sans s’excuser de l’avoir attaqué.

« Demande aux pirates … ils étaient décidés à pas vous laisser les lieux. Et y’en avait deux qui étaient plutôt forts … Alors y’a eu des dommages collatéraux. » expliqua sommairement le révolutionnaire, se passant une main dans les cheveux.

Une barbe de plusieurs jours lui mangeait le visage, mais il doutait qu’on le reconnaisse sur cette île. Enfin, les pirates avaient semblé le reconnaître et il se faisait une vague idée de sa propre identité à présent. Du coup, que des nomades reclus au fin fond du désert aient vent de son existence, cela l’aurait étonné.

« Aye … Mais qu’est-il arrivé à ti bras ? » lâcha le même homme, avisant le membre argenté qui lui saillait du coude.

« Rien. C’est normal. Vous avez trouvé Scarlett ? » grogna-t-il, avisant un groupe de nomades qui avançait arme au fourreau.

La situation semblait régularisée. Les nomades avaient repris le contrôle de l’endroit, profitant du chahut causé par les révolutionnaires. Une grande partie des pirates avait perdu dans la vie dans l’explosion de la cuve. D’ailleurs, qu’étaient devenus les requins ? Peut-être avaient-ils embrassé leur liberté retrouvée … ou pas. Il n’avait pas même pris la peine de les considérer dans son affrontement. Maudit pirate et son haki à deux francs six sous.

« Oui, elle va bien … » commença à répondre le nomade.

« … mais vous avez causé des dommages irréparables à la cité. » répliqua l’Issifi, en arrivant au niveau du révolutionnaire.

Il remettait le couvert. Le regard que lui jeta Solomon fut suffisant pour faire taire toute supplique supplémentaire. Peut-être que sa dégaine y jouait quelque chose. Il était torse nu, maculé de sang et de crasse. Son regard mêlait un œil couleur océan et un œil gris où on pouvait percevoir la brume qui y demeurait à présent. Ses cheveux sales et trop longs pendaient sur sa nuque en mèches filasses. Il paraissait sorti d’une fosse des enfers et ce n’était pas si faux. De multiples cicatrices issues de sa vie avant l’ingestion de son fruit constellaient son corps. S’il paraissait fin, ce n’était que parce qu’il était sec, sculpté par la rigueur d’un entraînement inhumain. L’Issifi le dévisagea étrangement, s’attardant sur son bras fumeux. Il plissa les yeux.

« Je vois. Cela explique beaucoup de choses. L’écran de fumée en personne, vous nous aviez caché cela, Solomon. » lâcha-t-il, sibyllin, avant de se retourner vers la cité en ruines.

« Les pirates ont causé beaucoup de dégâts. Je gage que votre signal en a causé tout autant. Nous retrouvons une cité encore plus en ruines qu’à l’origine … » se plaignit l’Issifi, contemplant la cité fumante et les cadavres encore présents ça et là.

« Mais vous récupérez votre cité. Quant au signal, il ne s’agissait que d’une erreur des pirates. Ils ont tiré sur leur propre réservoir d’alcool. Tellement distillé que quelques balles ont suffit. Vous ne pensiez pas que nous réussirions, c’est à présent chose faite. » trancha le révolutionnaire, inspectant un corps de pirate pour trouver de quoi se revêtir.

« Beaucoup de sang a coulé, en effet. Nous sommes des gens d’honneur, nous respecterons notre part du marché. Vous auriez tout simplement pu révéler votre plan dès le départ, Rafaelo. Nous vous aurions écouté d’une autre oreille. Si tout cela n’avait pour fin que de fournir une base supplémentaire à la révolution … » répliqua l’homme sage, d’un ton acerbe.

Le révolutionnaire serra les dents. Rafaelo. Oui. Il savait, il n’était pas un imbécile non plus. Mais à ce point de l’histoire, il en avait assez. Si Shaïness l’avait dépeint, ce type, sous un jour plutôt lumineux, elle n’avait pas lésiné sur les détails quant à ses méthodes. Il ne croyait plus aux coïncidences : elle le connaissait mieux que quiconque, ou presque. Pourquoi donc était-il arrivé sur Alabasta sinon pour la rejoindre ? L’Issifi continuait de parler mais il ne l’écoutait plus. Il s’était arrêté de fouiller le pirate et restait le regard rivé sur les pavés de la rue. Rafaelo, Rafaelo … Il l’avait appelé l’écran de fumée. C’était comme ça qu’on le connaissait ? À en voir les regards de crainte que s’étaient échangé les capitaines pirates et celui que lui retournait l’Issifi, il n’était visiblement pas un homme fréquentable. Avec ce que la momie avait découvert sur ses propres capacités, le tableau concernant ce Rafaelo était assez clair. Un assassin implacable aux pouvoirs démoniaques. Cela cadrait bien avec ces gars de l’Umbra qu’il avait neutralisé. Il regarda nonchalamment le bracelet qui ornait son bras indemne. Une lame secrète qui ne faisait que trop corps avec ses propres aptitudes martiales. Il était donc un assassin révolutionnaire.

« Rafaelo ? » fit l’Issifi, interrompant son flot de pensées.

« Ouais, pardon. J’avais la tête ailleurs. Scarlett va bien ? » répondit-il, se passant les mains sur le visage.

« Oui, oui. Nous l’avons allongée sur une paillasse, elle a sombré dans l’inconscience après nous avoir informé du succès relatif de la mission. Rien de grave. » lâcha le vieil homme.

« Ok, parfait. Où est-elle ? » grogna le révolutionnaire, balayant la suite de la phrase de son interlocuteur d’un geste agacé.

« Ecoutez, Rafaelo, je … » répliqua l’Issifi, fronçant les sourcils.

L’assassin s’empara alors de l’étole qui enserrait le torse du nomade et d’un geste brusque le plaqua contre un pan de mur. Tenant sa victime à bout de bras, il la fit se soulever d’une dizaine de centimètres du sol, plongeant son regard bigarré dans les pupilles apeurées du nomade.

« Arrête de m’appeler comme ça. J’en ai rien à battre, d’accord ? J’ai passé trois heures dans un putain de charnier pour te libérer cette cité en ruines, j’ai combattu un gars qui a tué des centaines des tiens. Alors tu vas arrêter de me prendre de haut, de m’appeler par ce nom qui veut rien dire, ok ? Je sais pas qui c’est Rafaelo, je sais pas qui je suis, tu comprends ?! Je ne suis qu’une putain d’âme en peine qui peut balayer votre misérable communauté d’un seul revers de la main. Sois heureux, vieillard, que je vous ai aidé aujourd’hui ! Dans d’autres circonstances, j’aurais pu être en face. J’aurais pu ne pas croiser Shaïness et jamais cela ne serait arrivé ! Alors tu vas taire tes remarques, tu vas aller la soigner et tu vas gentiment acquiescer avant que je décide de réquisitionner cet endroit pour mon compte. On avait un deal. Nous avons rempli notre part du marché : tu adresseras tes suppliques au prochain abruti de révo qui passera par là. Ils vont protéger ta cité et t’aider à réparer, tu veux quoi de plus, hein ?! » hurla-t-il, laissant échapper malgré lui une légère fumée grisâtre.

Rafaelo relâcha l’Issifi qui glissa à terre lentement avant de s’écrouler. Le vieil homme venait certainement d’avoir une des plus grandes peurs de sa vie. La folie régnait au milieu du regard du révolutionnaire et il était persuadé, une fraction de seconde, qu’il allait mourir ici et maintenant. L’assassin se détourna, lâchant un juron puis se détourna de la scène pour essayer de trouver Shaïness par ses propres moyens. L’Issifi se releva lentement, adressa un regard rassurant à ses hommes, qui n’avaient pas eu le temps de dégainer leurs armes.

« Laissez-le … et ne l’approchez pas. Cet homme a perdu l’esprit … » murmura l’Issifi.


Le désert prenait et ne rendait pas. Aussi réputé que cet assassin pouvait l’être, assez réputé pour qu’un sage du désert ait entendu parler de lui du moins, le désert lui avait volé quelque chose. Il n’aurait su dire quoi, mais cela prouvait bien que personne ne sortait jamais indemne des caprices du désert.
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Ce qu'il restait de cette nuit était passé, et le jour qui avait suivit aussi, lorsque je me réveillai. Pendant un moment, en retrouvant le flamboiement des torches et les pénombres de la nuit que les plaines astrales éclairaient de leurs lueurs fantomatiques, je crus que tout cela n'avait été qu'un cauchemar, mais le soulagement fit place à la terreur, celle d'avoir à revivre ces moments... Alors que j'étais sur le point de hurler, pour appeler à l'aide, je réalisai que je n'étais plus sous ma forme animale, et que la cité grouillait non de bandits, mais de nomades. Il s'était bien passé ce qui c'était passé.

Après m'être débarbouillée du mieux possible – je donnerais cher pour un bain et une manucure – je me mis en quête de Solomon. Mon esprit fatigué me susurrait des choses à l'oreille que ma conscience refusait de croire, pourtant, force fut de constater de mes propres yeux. C'était bien Rafaelo.
- « Hé, Solo.... Rafaelo ?? » Mes genoux se dérobèrent sous moi et je crus défaillir encore une fois. Bien entendu, mon corps comprit qu'il était temps de se prendre en main, et l'imbécile que j'étais déclencha son Haki. Ou peut-être était-ce moi qui me connaissait mieux que quiconque et qui cherchai à me trouver des réponses à des questions je ne m'étais pas encore totalement posées. L'un dans l'autre, le monde redevint ce kaléidoscope de futurs plus ou moins plausible. Je fus un peu moins déphasée que la dernière fois, et au moins, cela arrêta mon malaise. A la place je fermai encore une fois les yeux et serrai les poings de toutes mes forces, bien décidée à ne pas me laisser submergée. Ce putain de bouton on/off, je l'avais trouvé. A peine avais-je conscience des ongles que j'enfonçai dans mes paumes. Ce ne fut que quelques minutes plus tard que je m’apercevrai des lignes de petites demi-lunes presque sanguinolentes. « Gnnnn. » grommelai-je en reprenant ma respiration. Toujours les paupières closes, je levai un doigt en sa direction. « On reparlera de ça plus tard, Solomon, si tu veux bien. » Et s'il était qui il devait être, il savait parfaitement que même s'il ne voulait pas, j'allais faire comme bon me semblait. « La situation ici est-elle réglée ? »

Bien sûr, elle ne l'était pas. Pas totalement. Le cas Ibanes, par exemple. Celui de Nanette, que je plaçais à Syrdaha comme intendante des ruines. Et puis, parler de la révolution, pour que les Sherafs sussent une bonne fois pour toute ce que nous étions, ce que nous voulions... Libre à eux d'adhérer ou pas. Mais dorénavant, ils ne pouvaient plus être bernés ou gavés de contre-informations. J'espérais de tout mon cœur qu'ils allaient participer à ma syndicalisation des esclaves, de quelque manière que ce fut. Ne serait-ce qu'abriter ceux qui décidaient de tout quitter, de fuir, aussi lâche cela pût-il être.

- « Bien, puisque tout est réglé, je dois partir. Je ne peux pas rester trop longtemps sans... sans éveiller des soupçons sur qui je suis vraiment. Et nous avons des affaires urgentes à traiter. » L'Issifi et moi eûmes un regard glissant dans la direction de Solomon. Et dire que j'avais parlé de Rafaelo à ce type en des termes que l'intéressé n'était pas censé entendre. Au moins pourrait-il dire que je n'avais pas pipeauter son éloge funèbre.
Après des adieux très succincts – décidément, ces hommes des sables, ils n'étaient pas très expansifs – nous repartîmes. Au départ, nous avions une escorte Touaregs, donc difficile pour Sol' et moi de parler du point délicat, et lorsque nous fûmes de nouveau laissés à nous-mêmes, ce fut un silence pesant qui s'installa entre nous. Bientôt nous avions rejoint la grande route pour Nanohana et ce n'était pas un chemin de rase campagne. Et la foule autour de nous nous offrait à la fois une couverture d'anonymat mais un brouhaha peu propice à l'échange. Et puis qui savait quelles oreilles traînaient, dans le coin ?

Vint un moment douloureux, que je n'avais pas vu venir. Qu'allais-je faire de Nova ? Clairement, il ne pouvait pas me suivre dans mes aventures CP. Dommage, il était bien plus doué que la plupart des agents. Et le laisser là, à Nanohana ? Il ne pouvait pas être utilisé comme un simple bœuf à touristes ou autre tâche ingrate. Mon Nova était un dieu du désert à part entière.
- « Dis, dis, je t'achète ton chameau !! » me fit un homme aux portes. Lui au moins était chamelier, mais il avait l'air aussi famélique que ces bêtes.
- « Il n'est pas à vendre. »
- « Si, si, je te jure, je te l'achète. »
- « Je vous remercie, mais j'ai l'intention de lui rendre sa liberté. » Il étrécit les yeux et je reconnus son air calculateur. « Et non, ça ne servira à rien d'aller chercher dans le désert pour le capturer, il est bien plus intelligent que vous. »
- « Un chameau, c'est un chameau. Tu ne devrais pas parler comme ça à celui qui cherche à t'aider. »
- « Déjà, ce n'est pas un chameau, mais c'est MON chameau. Et tu ne cherches pas à m'aider, mais à m'escroquer. »
- « Mais non. Regarde, je te donne lampe magique ! Découverte dans le désert. Les nomades me couperaient la main s'ils savaient que j'avais ça. » L'objet ne m'inspirait rien. « Lampe magique, je te jure, il faut frotter et un djinn apparaît dans nuage de fumée.. »
- « Ouais, non, la fumée, je suis servie, dans ce département. »
- « Mais non, mais non, touche, touche... » Il tenta de me fourguer son machin entre les mains. Franchement, l'envie de l'encastrer dans son mur ne manquait pas mais discrétion obligeait.
- « Je vous ai dit que non, ça ne m'intéresse pas !! Vous n'avez rien qui me plaise, et Nova n'est pas à vendre. » Je me détournai pour prendre mes maigres possessions attachées au harnais... avant de défaire ce même harnais. Nova n'en n'aurait pas besoin là où il allait. Juste une dernière boucle et il serait libre. C'était con, de s'être attachée à une telle créature. Mais voilà, il m'avait été un fidèle destrier et un ami certain. Et cette satanée lanière qui ne voulait pas céder.
- « Ah, laisse-moi t'aider au moins. Tiens-moi ça pendant que je regarde. »
- « Ah merci.... » grommelai-je en tentant de refouler des larmes... sans me rendre compte que l'autre venait de me mettre sa foutue lampe dans les mains.
- « Ahah, marché conclu donc ! » Le marchant eut un sourire torve. Techniquement, selon les lois du souk, le troc avait été conclu. C'était une des raisons pour laquelle je ne voulais même pas toucher sa merde. Ça et la peur de me chopper la gale.
- « Espèce de sale petite fouine !!! » Je fulminai.
- « Ah, toi pas menacer. Toi, tu as lampe magique. »
- « C'est ça, magique, mon œil. COURS NOVA, COURS !! » hurlai-je soudainement en tirant sur la selle d'un coup sec. Libéré de sa dernière entrave, et sous mes cris, Nova se carapata vers le désert.
- « Toi ! Voleuse ! Tu as fait fuir mon chameau !!! »
- « Vous n'aviez qu'à mieux le tenir, votre chameau. »
- « Alors, tu me rends la lampe ! »
- « Que dalle, tu voulais le chameau ? Tu as eu le chameau. Tu n'as juste pas su le garder. » Je hissai la selle sur mon épaule.
- « Tout ça à moi aussi !!! » pesta-t-il en postillonnant largement.
- « Non. On a marchandé un chameau, pas l'équipement du chameau ET son chameau. Fallait être clair, mon petit gars. »
Dans le lointain, Nova était déjà un petit point, mais il me plaît de penser qu'il s'est retourné une dernière fois, à cet instant et que si jamais je devais revenir à Syrdaha, je l'y retrouverais.


- « Et pour la énième fois, que voulez-vous que je fasse d'un harnais et d'une selle de chameau ? »
- « Je ne sais pas Sonny... Les revendre, acheter un chameau, en faire un objet déco. Tellement de possibilités. Vous êtes un grand garçon, vous saurez bien vous débrouiller. Et moi qui pensais vous faire plaisir avec mon cadeau... »
Je boudais. Sonny n'avait pas été le plus rapide à louer mes mérites dans cette expédition. Il l'avait toujours mauvaise, pour Rainbase, alors que les premières conséquences de notre discours semblaient plutôt positives. Pas d'émeute, pas de réaction du gouvernement, beaucoup de discussions. Une certaine chute dans le cours de l'esclave, ceci dit. Quel dommage. J'étais sur le point d'en rajouter une nouvelle couche, car maintenant que mon rapport à Sonny et Raven, via le den-den blanc, avait été fait, j'avais le temps de titiller ce très cher Baldwin. Solomon, de son côté était parti. Ma surprise avait été totale lorsque, à un moment donné, Raven m'avait clairement demandé – ordonné, bien que très gentiment – de la mettre en relation avec Rafaelo. Comment savait-elle qu'il était Solomon-revenu-d'entre-les-morts ? Aucune idée... Je passai le den-den et revint à ma discussion avec Sonny... Une longue, très longue discussion, qui dura toute la nuit. J'étais sur le point d'aller prendre quelques heures de repose, quand mon autre den-den en décida autrement :
- « Agent Raven-Cooper ? Veuillez vous rendre à bord du Ptérodactyle, qui arrivera en quai d'ici dix minutes. Préparez-vous pour une mission embarquée de longue durée, départ immédiat. Ordre selon les directives Omikron 612. Fin de communication. »
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Fulminer, c’était peu dire. Il fumait littéralement de rage. De choses qu’il ne pouvait comprendre et de vérités qui tambourinaient à la porte sourde de son esprit. Des questions existentielles que l’on ne se posait pas à un tel âge. Des questions qui ne faisaient qu’altérer son jugement et nourrissaient sa rancœur. Certes, c’était à vif, mais se heurter à une porte fermée c’était frustrant. Surtout lorsqu’on ne pouvait l’ouvrir. Et ces types qui donnaient du Rafaelo à tout va. Une haine inconsidérable le prit pour ce type dont il connaissait uniquement le visage, et encore. Il se retenait de frapper dans un mur. Toutes ces fourmis qui venaient là et attisaient ses ressentiments. Toutes ces vies bien foutues qui considéraient seulement le lendemain comme préoccupation. Lui, il avait un vide dans sa poitrine. Un truc qu’il n’arrivait pas à remplir et qu’il ne pouvait pas accepter. Et il en ferait quoi de ça ? Quand il ne se souvenait de rien, c’était bien plus facile ! Il avait juste à errer et à jouer les intéressés. Maintenant, il l’était ! Et sans même savoir pourquoi. Cette petite voix qui lui dictait bien ou mal, elle s’était remise en route dans son crâne. Trop de préoccupations, trop d’images. Oh, pas celles qu’il désirait, non. Juste une prise de conscience douloureuse et sans équivoque qu’il était bien ce Rafaelo. Pourquoi serait-il fait de fumée sinon ? Pourquoi aurait-il rêvé de Goa ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi …

« BORDEL ! »

Ce fut dans le sable qu’il défoula sa rancœur. Les grains volèrent autour de lui tandis qu’il frappait à s’en faire encore plus mal aux bras. La douleur avait l’avantage de le détourner de ses pensées, de rediriger le flot de ses pensées vers son bras qui aurait dû être en lambeaux. Qu’étaient ces pouvoirs ? Il se sentait l’égal d’un Dieu mais l’importance d’une fourmi. Comment était-il censé traiter avec cela ? Il n’était qu’un homme parmi les hommes, et voilà qu’il se retrouvait affublé d’un fardeau qu’il aurait préféré oublier. Révolution … un mot qui sonnait chaleureusement dans son cœur … POURQUOI ?! Il fallait qu’il s’éloigne, qu’il se calme. Qu’il évacue toute cette hargne. Sans un regard arrière, il gagna le désert seul. Shaïness dormait, il ne pouvait rien faire pour elle. L’Issifi l’avait mis suffisamment en rogne pour qu’il ne cherche pas à le retrouver. La silhouette agenouillée du révolutionnaire se transforma en une colonne de fumée qui s’envola dans le ciel pour aller frapper le désert plus loin, dans un tonnerre fracassant.

Le lendemain matin.

« Soloumon ? »

Le nomade esquissa un geste de repli. La nouvelle qu’il avait perdu l’esprit et s’était volatilisé dans le désert avait nourri bien des esprits cette nuit là. Pourtant, le regard que lui jeta le révolutionnaire n’était pas empreint de la même rage que la veille. Sévère, mais aucunement vengeur. Il avait décidé que tant qu’il n’avait pas recouvré sa mémoire, il ne serait pas cet assassin dont on lui parlait. Il avait décidé que jusqu’à preuve du contraire, il serait un simple révolutionnaire et prêterait main forte à Shaïness qui avait toujours était là pour lui. Shaïness … encore un cas à élucider. Elle connaissait ce type qu’on lui disait d’être. Elle avait dressé de lui un portrait des plus élogieux. Pourtant, il ne se sentait pas à la hauteur de ce tableau, il se sentait comme avalé par l’importance qu’on prêtait à ce mort ressuscité. Goa ? Lui, le seul souvenir qu’il en avait c’était une épée dans le ventre et un charnier en train de se calciner. Et la vérité ne devait pas être plus glorieuse. Un tiraillement à l’extrémité de sa conscience le guida instinctivement vers la tente de la jeune femme. Il s’arrêta devant elle, sans dire un mot. Il s’attendait à une gifle, à une remontrance ou quoi que ce soit d’autre qui aurait pu lui faire mal, le détourner de ce vide sans nom qu’il sentait dans sa poitrine. Il la vit chanceler, mais elle le coupa avant qu’il ne puisse dire mot. Ainsi il continua de se murer dans son silence, gardant pour lui qu’une partie du désert avait dû changer de place cette nuit … Il ignora les regards des nomades, sella son chameau et prit la suite de Shaïness. Il avait déjà dit ce qu’il avait à dire la veille et gageait que l’Issifi s’en souviendrait très bien.

Le trajet se passa dans une gêne constante entre les deux personnages. Shaïness n’osant vraisemblablement aborder ce sujet là, peut-être parce qu’elle en avait un peu trop dit sur Rafaelo, et Solomon parce qu’il préférait le mur de son silence à toute autre discussion vaine de sens sur l’abruti qu’il fut un temps. Ce qui fit qu’ils arrivèrent rapidement à leur point de chute, où ils abandonnèrent leurs montures. La fin de leur périple sur Alabasta approchait. Solomon revendit sa chamelle contre une toge, il n’en avait pour ainsi dire pas grand-chose à faire de la pauvre bête, puis s’en alla attendre contre un dattier que Shaïness eut fini de commercer. Enfin, ils gagnèrent, toujours sans un mot, un abri relatif pour rendre compte de leur mission. Il commença à perdre son regard dans les nuages épars lorsque Shaïness lui tendit son den den blanc avant de répondre à un autre.

« Rafaelo ? »

C’était une voix qu’il ne connaissait pas. Une voix qui savait une chose qu'elle ne devrait pas savoir. Il laissa quelques secondes s'écouler. À quoi bon nier ? Cette personne devait très bien savoir de quoi elle parlait, vu que Shaïness était en contact avec elle.

« Il paraît. » répondit l’intéressé, non sans masquer son agacement.

« C’est un plaisir de vous savoir vivant. Votre chute était un coup dur pour le mouvement. » continua la voix féminine.

« C’est ça. Que veux-tu ? » trancha-t-il sur un ton acerbe.

« Et je vois que mes sources n’ont pas menti sur la disparition de vos … manières. Pardonnez ma curiosité, mais … comment ? » poursuivit la voix.

« Qu’est-ce que j’en sais ? Je me suis fait empaler et c’est revenu. Merci, au revoir. » répondit le révolutionnaire, en levant les yeux au ciel.

Déjà qu’il avait presque réussi à y échapper avec Shaïness, il n’allait pas se laisser avoir avec cette inconnue.

« Attendez. » la voix se faisait impérative, le genre de ton qui arrêta le geste de Solomon et qui le fit remettre le combiné à son oreille.

« Je dois aussi entendre votre version des faits, Rafaelo. Vous êtes parti en mission sous le drapeau révolutionnaire alors j’ai besoin de savoir si la cité de Syrdaha est libre de danger. Scarlett n’a pas vu la fin du combat, vous si. Vous n’avez pas l’air de vous souvenir de ma voix, mais sachez que dans la révolution aussi nous respectons nos supérieurs. » fit la femme de l’autre côté du combiné.

Pour la première fois depuis des semaines, Solomon ne répondit pas. Il se contenta d’acquiescer comme l’aurait fait n’importe quel humain sensé. Il avait senti le changement de ton. Quelque chose lui conseillait de se taire et d’obtempérer.

« Bien … Ahem. Bon. Tout ? » grommela-t-il pendant que Shaïness s’éloignait pour mieux entendre sa propre discussion.

« Tout. » répondit Raven.

Il lui raconta alors comment ils en étaient venus à aller délivrer Syrdaha sous l’impulsion de Shaïness pour refonder un bastion révolutionnaire, comment ils avaient pris d’assaut le camp au lieu de se cacher comme Sonny l’avait conseillé. De même, il lui conta son combat contre Castor et la façon dont ils avaient libéré la cité des pirates restant avec l’aide des nomades. Raven resta silencieuse jusqu’au bout, écoutant le récit du révolutionnaire sans l’interrompre. Il parlait avec réticence mais n’était pas idiot au point d’omettre des passages. Il détestait cette sensation d’obédience hiérarchique mais ne pouvait s’y soustraire … c’était magnétique.

« Bien. Merci. J’ai cependant une question, Rafaelo. Ce sable dont vous m’avez parlé. Vous avez perdu vos pouvoirs dessus, est-ce là ? » lui demanda-t-elle avec tout le flegme dont elle était capable.

Il la sentait tendue comme un arc, quelque chose qui devait se tramer dans la tête bien faite de Raven. C’était dingue, même à travers une pareille distance, il sentait la pression qu’elle lui mettait sur les épaules. Il inspira pour répondre.

« Oui. Il y avait peut être une pierre ou je ne sais quoi dessous, mais c’était seulement du sable gris. » répondit-il, s’étonnant qu’elle ne s’arrête qu’à cela.

« Mon dieu. Vous ne vous rendez pas compte … Nous allons nous occuper de Syrdaha, je vous le promets. Je pense me déplacer moi-même traiter avec ce peuple. Merci, Rafaelo. Votre chance insolente a, pour une fois, servi nos intérêts. Continuez à seconder Scarlett, je suis sûre que vous obtiendrez ce que vous cherchez à terme. Jusqu’à la victoire. Raven, terminé. » fit-elle avant de rompre la communication.

Ce qu’il cherchait ? Pour une fois ? Mais … Un frisson glacé lui parcourut l’échine. Mais … une envie irrépressible de cogner cette harpie lui prit les tripes. D’où elle se permettait de … Il lança son den den à Shaïness.

« C’était Raven. » lui fit-il d’un regard qui intimait au silence.


Elle le savait certainement mais au moins elle comprendrait la raison de son humeur massacrant et le besoin qu’il avait de rester seul. Il s’empara de sa paillasse et de sa couverture et gagna les abords de la ville bien décidé à ne pas mettre un pas de plus dans la fange humaine pendant bien un mois ou deux, bien que le sort en avait déjà décidé autrement …
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