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Crimes & Châtiments [Quête]


Deux jours... voilà le temps que j'avais passé sans dormir, battant l'air de mes ailes, me hâtant de franchir des centaines et des centaines de miles nautiques, faisant fi de ma fatigue et n'ayant à l'esprit que l'ordre que j'avais reçu. Ce dernier consistait à rejoindre une base de l'Armée Révolutionnaire située dans le lointain royaume de Luvneel. La seule chose que l'on m'avait confié était que la situation était critique et que bon nombre de mes anciens compagnons étaient morts ou sur le point de l'être. Le nom de l'une des grandes figures de l'armée avait été mentionné par les victimes en piteux état, un Révolutionnaire dont on disait de lui que le son de sa lame produisait un sifflement d'un simple mouvement, ce dernier étant capable de fendre la roche elle-même. Ce nom, je le connaissais bien, étant donné qu'il s'agissait de celui-là même qui m'avait appris à manier l'épée pendant les quatre ans de formation que j'avais reçu. S'il s'agissait de mon mentor et de l'une des principales figures emblématiques de notre mouvement, il s'agissait également de l'une des rares personnes que je considérais comme proche, appartenant au cercle très fermé de ceux que je venais même à considérer comme des amis, des Nakama. A la simple mention de son nom parmi les victimes de "l'incident", je n'avais pas attendu une seconde de plus pour sortir du bureau de mon supérieur. Les cris et interdictions de partir sans avoir pris connaissance de la situation ne m'avait pas empêché de lui claquer la porte au nez. Mon œil gauche avait brillé d'une flamme azurée lorsqu'il m'avait rattrapé pour me tenir le bras afin de m'arrêter. Mes pupilles étaient on ne peut plus dilatées, mes sourcils froncés à leur maximum. La simple vision de mon visage ainsi marqué par une expression, chose rare dans mon cas, suffit à le faire lâcher mon bras.

En pleine nuit, dans le silence de la cours centrale de la base, alors que j'étais seul avec cet homme, je finis par déployer trois paires d'ailes dont le ton noir des plumes semblait pouvoir vous engloutir dans un océan de ténèbres, avides de dévorer ceux qui s'y perdent. Sans même faire attention à ce que me disait cet homme, ne prenant même pas en compte sa permission, son ordre de me rendre là-bas, je décollais grâce à un mouvement brutal de mes appendices séraphiques, me moquant éperdument du fait que l'onde de choc vienne à bousculer mon interlocuteur. Intérieurement, je savais qu'il m'avait donné "l'ordre d'aller là-bas" afin d'éviter que je ne fasse preuve d'insoumission en m'y rendant de force, quitte à braver les ordres et me retrouver devant le conseil disciplinaire de la Révolution. A la manière d'une flèche noire, je fendais alors les cieux, prenant une altitude relativement élevée, adoptant un rythme respiratoire adéquat à la raréfaction de l'oxygène, toujours pour aller plus loin, plus vite, sans que le feu qui brûlait en moi ne vienne à s'éteindre ou même simplement se tarir. Mitigé entre inquiétude et colère, je ne me concentrais pas sur la distance qui me séparait de ma destination, ou même du froid hivernal qui régnait dans les cieux. Ma motivation et ma rage d'avancer suffisait à me tenir dans un état d'embrasement émotionnel qui suffisait à maintenir mon être en état de continuer son voyage. Mon capuchon lui-même ne parvenait pas à tenir en place sur ma tête à cause de la vitesse relativement élevée que je m'évertuais à conserver. Je me moquais d'arriver en piteux état, ou même à moitié mort. Mes deux objectifs étaient d'arriver vivant sur les lieux où "l'attentat" avait été commis, du moins si j'en croyais le rapport qui m'avait été délivré par mon supérieur, et de rester en vie le temps de découvrir l'auteur de celui-ci et de lui faire comprendre toute l'étendue de la haine qui m'habitait suite à son acte.

Mes paupières étaient incroyablement lourdes. Quant à mes muscles, chacun d'eux étaient tendus à leur maximum, me donnant l'impression de pouvoir se rompre à tout instant, alors que je ne sentais pratiquement plus mes ailes. J'ignorais si cette absence de sensation était due au froid ou à la pratique incessante de l'effort que je m'évertuais à continuer. Cependant, si le sort de mon maître d'arme m'inquiétait au plus haut point, il était autre chose qui me poussait à continuer ma route contre vents et marrées. Je savais pertinemment qu'une autre de mes connaissances avait été affectée à la base de Luvneel. Il s'agissait d'une autre enfant au passé difficile, une autre âme brisée par les vicissitudes de la vie et qui avait appris à survivre au contact de notre mentor, en prenant les armes, tout comme moi. Ayant suivi la même formation qu'elle, en qualité de rival, mais également en qualité d'ami, j'avais à cœur de ne pas la décompter parmi les victimes. Si tel avait été le cas... je sais que ma faculté de réflexion aurait totalement été occultée par le sentiment de haine qui m'aurait envahi dans l'instant. C'était avec l'espoir de la revoir, elle, son sourire, son art de manier l'épée comparable à une danse des plus élégantes, et d'entendre sa voix des plus rassurantes et douces, que je continuais de repousser mes limites dans cette épreuve d'endurance qu'était la traversée d'un bon quart de North Blue à vol d'oiseau. Chaque réminiscence de notre passé commun me poussait à augmenter ma vitesse, à vouloir arriver le plus tôt possible, peu importait mon état. Et plus je me rapprochais du but, plus j'avais le désir d'aller vite, et l'impression de ne pas aller assez rapidement. Ce sentiment de frustration ajoutait encore plus de force à la hargne qui m'habitait. Peu m'importait la difficulté engendrée par l'absence de visibilité dans les nuages nocturnes de cette région du monde, malgré la présence d'un croissant de Lune des plus lumineux qui soient. Il fallait juste que je sois là-bas le plus vite possible. Attendre une traversée de cinq jour en bateau aurait été insoutenable. Je préférais de loin arriver en deux jours de vol, complètement exténué, qu'en cinq jours, frais comme la rose.

Alors que je me sentais bientôt à ma limite, même si j'étais certain d'avoir dépassé celle-ci depuis un bon moment, je finis par apercevoir l'île de Luvneel, le versant droit de celle-ci abritant notre base éclairé par des torches. Mais indubitablement, l'arrivée s'accompagnait d'une vision des plus tragiques, à savoir celle de ce lieu de mon passé dévasté par un incendie, ne laissant derrière lui que d'épais nuages de fumée, des cendres et des bâtiments en ruine. C'était peut-être un coup trop dur pour mon psychisme, car à l'instant précis où cette vision m'assiégea, je sentais le peu de force qui me restait m'abandonner. De mes trois paires d'ailes, deux d'entre elles volèrent en éclat, laissant un tourbillon de plumes noires m'entourer alors que je chutais, à bout de force, en direction des bois situés non loin de là. Cependant, l'adrénaline que libérait mon corps à cause de la chute fut salvatrice, me donnant juste assez de ressources pour maintenir ma dernière paire d'ailes afin d'éviter la chute mortelle. Finissant de tomber avec une vitesse tout de même assez élevée, j'atterris dans un arbre. Chose intéressante, j'ignorais qu'il existait des catégories d'arbres avec des épines. Peut-être une espèce rapportée de Grand Line et introduite sur l'île pour des études de botanique. Mais mon corps était trop endolori par l'effort que je venais de faire, pour que j'en vienne à sentir les épines s'enfoncer dans mon épiderme. Par chance, j'avais réussi à maintenir un cap de chute pour arriver non loin de ce qui restait des deux immenses portes métalliques de la base. L'une d'entre elles étant complètement tordue, alors que la moitié de l'autre avait été propulsée à une vingtaine de mètres de là sur le sentier qui menait à cette place forte, je n'eus aucun mal à entrer.

Le vigile posté devant me mit en joue, avant que je ne lui donne la missive de mission remise par mon supérieur avant qu'il ne m'explique de quoi cette dernière retournait. Voyant mon appartenance à l'Armée Révolutionnaire, mais également l'état pour le moins pitoyable dans lequel je me trouvais, le garde ne tarda pas à appeler plusieurs médecins. Alors que j'en vis trois accourir, je n'arrivais toujours pas à croire ce que je voyais derrière eux. Les installations avait été complètement détruites, et des tentes de fortunes installées, l'une pour les blessés, l'autre pour les corps des victimes. Boitant en rejetant l'appui que voulait me prodiguer l'un des médecins, je lui ordonnais de me conduire au dénommé Amano D. Mistral. Je ne savais toujours pas si cet homme, mon maître d'arme, était en vie ou non, mais intérieurement, je nourrissais l'espoir de le voir dans la tente des blessés. Mon corps, encore tendu, cette fois-ci à cause du stress, se relâcha en partie lorsque l'on me fournit un appui pour me conduire en direction de la zone des victimes encore en vie. Poussant un profond soupir de soulagement, tout en baissant la tête, manquant de pleurer, je m'avançais en boitant toujours un peu, soutenu par un médecin alors qu'un autre était parti chercher du matériel avec son collègue en vue de me prodiguer des soins. Mais alors que j'avançais, les mots de mon aide-soignant eurent le même effet que s'il était venu à me transpercer le cœur avec une lame dans l'intention de m'infliger la plus grande souffrance qui soit.


- Je dois vous prévenir malgré tout, mais votre ami est en train d'agoniser. Avec ses blessures il aurait dû mourir voilà de cela une dizaine d'heures. C'est un miracle qu'il soit encore en vie à l'heure actuelle.

Mon avancée se stoppa net devant l'entrée de l'immense tente. Un bref courant d'air passa alors, souleva quelques cendres se mêlant à la poussière de la cours, tandis que j'essayais de réaliser et d'assimiler ce que je venais d'entendre. Avalant difficilement ma salive, je finis par soulever le drap servant de porte d'entrée, arrivant dans une allée de lits aux tons blancs mélangés au rouge sang des blessés. Le personnel médical s'activait de tous les côtés alors que les gémissements de douleur étaient comparables aux plaintes d'âmes torturées, flottant à la surface du Styx sans espoir de rédemption. Plusieurs personnes étaient amputées, d'autres brûlées à des degrés variables, mais généralement importants. Alors que j'avançais au milieu des rangés de lit, je regardais à chaque fois le visage de la personne se trouvant étalée sur le matelas, désireux de trouver Mistral, mais craintif qu'il ne soit dans l'état que je constatais pour chaque personne observée. Alors que j'approchais du fond, le médecin cru bon de m'informer que ses blessures extérieures étaient superficielles, mais que la cause de sa mort prochaine était "une simple hémorragie interne" qu'ils ne purent traiter à temps. Sa manière de relativiser me donna envie de vomir, et sans doute lui aurais-je mis mon poing sur la figure si j'en avais eu la force. Son manque de tact apparent m'empêchait de lui demander si ma compagne d'arme pour qui je redoutais le même sort était encore en vie. Contre toute attente, je préférais l'incertitude du doute à la blessure qu'aurait occasionnée la certitude. Pour obtenir une réponse, je préférais m'adresser à Amano. Après tout, il était le père de la fille en question, et son tuteur depuis que le Gouvernement avait rasé le village où sa fille se cachait avec sa femme. Même s'il n'était pas du genre à me ménager, je savais qu'il serait plus appréciable d'entendre la vérité de sa bouche.

Finalement, je le vis, sur son lit, se tenant droit et toujours aussi fier qu'à l'accoutumé. Seules quelques légères marques de brûlure sur son bras droit transparaissaient, le reste de son corps étant couvert de bandages, à l'exception de son visage. Je pus néanmoins lire sur son visage la joie qu'il éprouva en me voyant arriver. Et bien sûr, il ne tarda pas à me sermonner sur l'état dans lequel je me trouvais, prenant même la peine d'en rire et de se moquer de moi. Cet espèce de mastodonte avec des altères dans le cerveau parvint même à me faire rire de la situation en me traitant de moineau à cause de ma taille toujours aussi svelte. Il était amusant de noter cette comparaison, lorsque l'on savait qu'il ignorait le fait que je possède un Fruit du Démon. Mais même si je me mis à rire de bon cœur, au milieu de toute cette souffrance et de cette mort omniprésente, je n'en oubliais pas moins que le temps était compté pour mon ami, malgré le fait qu'il se tienne devant moi, souriant comme jamais, souriant comme si de rien n'était, alors que son temps était compté. Après notre fou-rire, un silence pesant s'installa, chacun de nous ne sachant pas quoi dire. Finalement, alors que je me décidais à briser le silence, trouvant en moi le courage de lui demander pour sa fille, je n'aurais jamais eu la moindre idée de ce qui allait arriver. Prononçant juste les mots
"Au sujet d'Asuna..." je fus brusquement coupé par Amano, sa voix se faisant alors plus rauque.

- C'est elle la responsable. C'est elle qui a placé les explosifs et fait sauter la base pendant l'heure du déjeuner. Tout ce que tu vois ici est son œuvre.

Ces trois phrases suffirent à me figer, m'empêchant d'articuler le moindre mot. Je ne saurais dire ce que j'ai ressenti à cet instant. C'était un peu comme si le sol s'était dérobé sous mes pieds et que mon univers tout entier avait été englouti dans les ténèbres d'un abîme sans fond. Je me sentais chuter, interminablement, prenant de plus en plus de vitesse et redoutant l'instant où mon corps toucherait le sol. Une sensation de vide oppressant s'empara de moi alors que mes yeux écarquillés fixait Amano, mes iris tremblant suite au choc que je venais de recevoir. Comprenant sans doute mon état, mon mentor continua afin de m'expliquer plus en détail la chose, jugeant sans doute que la pilule serait plus facile à avaler si je l'ingurgitais d'un coup au lieu d'un goutte à goutte funeste pour ma fragilité mentale.

- Je l'ai surprise en pleine conversation par Den Den Mushi avec des pirates à qui elle projetait de vendre la localisation de nos dépôts d'armes secrets. Elle ne m'a fourni pour seule explication qu'un regard noir avant de dégainer son épée. Comme tu t'en doutes, même si je lui suis de loin supérieur au sabre, je n'ai pas pu me résoudre à la tuer... et mon erreur m'a coûté la vie, à moi et à beaucoup de nos compagnons d'armes. Je t'ai noté le jour et l'heure du rendez-vous pour la transaction en sachant que tu viendrais.

Alors que je restais silencieux, je n'aurai su dire si c'était la peine ou la rage qui s'emparait de moi. Brisant mon élan de perplexité et d'incompréhension, mon mentor me remit alors un morceau de papier. A en croire ce qui était marqué, le rendez-vous avait lieu demain soir. Avec les deux jours passés pour voyager, je devinais aisément que jamais l'Armée Révolutionnaire n'aurait le temps de déménager les armes avant que les installations ne soient compromises. Fixant à nouveau Amano, je redoutais ce qu'il allait me dire, car je savais très bien en quoi ses prochaines paroles consisteraient.

- Fais-moi une faveur Damien. Tue Asuna. Cette dernière requête a pour moi un goût amer, mais nous ne pouvons nous permettre de la laisser mener à la mort d'autres de nos amis. Peu importe les raisons pour lesquelles elle s'est mise à agir ainsi, tu ne dois pas laisser tes sentiments entraver ton jugement comme je l'ai fait. Maintenant, si tu le permets, je vais prendre un peu de repos, le sommeil commence à me gagner.

Alors que j'acquiesçais pour lui indiquer que j'effectuerai bien ce qu'il me demandait, je le vis fermer lentement les yeux, se tenant toujours droit dans son lit. Un long râle retentit, son dernier souffle s'en allant dans une légère exclamation rauque, visiblement apaisé d'avoir pu me délivrer ces derniers mots avant de passer à trépas. Constatant le décès de mon maître, mon ami, et ne le réalisant véritablement qu'une fois que le médecin eut couvert son corps d'un long drap blanc avant de faire rouler son lit dans la direction de l'autre tente où gisait plus d'une centaine de cadavres calcinés, je restais sur ma chaise, immobile, le regard dans le vide. Je repassais la scène de ces adieux en boucle, refusant d'avancer plus loin dans le temps, avant que les paroles d'Amano ne viennent à résonner en moi comme pour me déchirer de l'intérieur. Je devais désormais aller combattre Asuna D. Mistral, la fille de mon défunt maître d'arme, de mon ami, la personne pour qui j'éprouvais le plus de sentiment. Pour l'instant, j'étais incapable de ressentir la moindre colère, trop envahi par la tristesse et trop choqué. Alors que je me décidais à me lever, mes dernières forces m'abandonnèrent. J'ignorais s'il s'agissait du désespoir ou de la fatigue, mais je venais de perdre conscience. Dans de telles situations, peut-être que notre psychisme rompt temporairement le contact avec la réalité pour nous laisser le temps d'assimiler les faits, nous laissant sombrer dans le sommeil pour nous permettre de nous préparer à l'odieuse vérité.

Je n'étais cependant pas de ceux qui restent assis à se lamenter. Mon esprit, aussi bien que mon corps, répugne à la stagnation. Si je voulais pouvoir survivre dans ce monde de guerre, il me fallait avancer, ne pas m'arrêter sous peine de me faire engloutir par toute cette violence et cette haine qui me consumait. J'ignorais depuis combien de temps j'avais dormi, mais à en juger la position du soleil qui était bien haut dans le ciel, il était passé midi depuis un bon moment. Regardant l'horloge accrochée devant la porte de la chambre dans laquelle j'étais, je constatais qu'il était seize heure. J'avais encore le temps de retrouver Asuna et les commanditaires de ce massacre. Je constatais cependant que j'étais rattaché à des machines chargées de calculer mon rythme cardiaque, ma pression sanguine et autres données médicales. Mon corps était presque entièrement recouvert de bandages, vêtu d'un pyjama si caractéristique des patients d'un hôpital. Mais le plus inquiétant n'était pas l'état de mon corps, même s'il était encore engourdit par l'effort de ma traversée. Ce qui aurait dû m'inquiéter n'était autre que mon état d'esprit. Si je n'étais plus choqué, j'étais en revanche troublé, la tristesse laissant rapidement place à la rage, violente et ardente au point de consumer tout mon être en une étincelle ravageuse. Je n'étais plus guidé par mes raison mais bien par mes émotions. Néanmoins, sans le lieu du rendez-vous, j'ignorais comment trouver mon ancienne rivale. Les gardes devant ma porte furent alors appelés en urgence pour aider le transport de nouveaux blessés. Intrigué et espérant gruger quelques informations, je finis par entendre les paroles d'un médecin poussant un brancard sur lequel se trouvait un homme, amputé d'une jambe. Je reconnaissais bien le type de blessure, si caractéristique du katana d'Asuna. Ce fait me fut confirmé lorsque le médecin s'adressa aux soldats, affirmant que le patient et d'autres de ses camarades avaient tenté d'appréhender un navire suspect aux abords du versant Est de l'île.

Alors que je me redressais, je finis par enlever les électrodes et perfusions situées sur mon corps, avant de fermer la porte de ma chambre à clef. Bien entendu, je savais ce que les médecins allaient me hurler. Sans doute pensaient-ils qu'il me fallait encore me reposer et qu'en aucun cas je ne devais sortir de cet hôpital. Ce genre de discours et de perte de temps n'était tout bonnement pas acceptable pour moi. Tandis que j'entendais les infirmières essayer de forcer ma porte, j'enfilais rapidement mon pantalon et mes bottes, avant de mettre mon manteau à capuchon et de prendre mon épée. Juste avant qu'ils n'ouvrent la porte en la défonçant avec l'aide d'un soldat, ils durent entendre un bruit de verre brisés, car quand ils pénétrèrent dans la pièce, la seule chose qu'ils purent voir était la fenêtre de ma chambre en morceau, ainsi que plusieurs plumes noires traîner sur le sol. Afin de ménager mes forces, je n'avais fait apparaître qu'une seule paire d'ailes. Si je voulais pouvoir affronter Asuna, j'allais devoir me montrer plus ingénieux qu'à l'accoutumé. Après tout, j'avais grandi pendant plus de quatre ans avec elle. Même si elle ignorait le fait que j'ai acquis les capacités d'un fruit démoniaque, elle restait une adversaire dangereuse à affronter, non seulement à cause de sa force, mais aussi parce qu'elle me connaissait bien. Alors que je pensais cela, je me refusais à admettre la vérité... comme quoi je ne serais peut-être pas capable de la tuer, simplement à cause des sentiments que j'éprouvais pour elle.

Volant aussi vite que possible, je finis par arriver sur le versant de l'île où son navire avait été aperçu. Il me restait maintenant à arriver sur le bateau sans me faire remarquer. Piquant pour voler au raz de l'eau, j'arrivais par la poupe, volant derrière l'embarcation afin de ne pas être vu. Contournant alors celle-ci pour me mettre au niveau de l'échelle de corde, je fis disparaître mes ailes qui laissèrent un monceau de plumes s'éparpiller et tomber à la mer, alors que je montais les différentes marches de cordage. Sautant sur le pont une fois tout en haut de cette échelle, je sortais mon épée de son fourreau dans un long tintement métallique. Apparemment, elle n'était pas sur le pont. Peut-être était-elle en cabine, à se préparer pour partir sur le lieu du rendez-vous avec les pirates. Si tel était le cas, elle avait dû m'entendre lorsque j'avais sauté sur le pont. En cet instant, j'aurais mis ma main à couper que je ne tarderais pas à voir sa frimousse surgir de l'une des portes du bateau pour venir me saluer, épée à la main. J'ignorais si j'étais assez serein pour pouvoir me concentrer et parer à un assaut de ce genre...

Mais intérieurement, j'en doutais fortement...


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Spoiler:
    Spoiler:

    Trois jour déjà. Trois jours que j'avais entièrement détruit la base révolutionnaire de Luvneel. Mon père m'avait surprise lors d'une conversation par Den Den Mushi avec les commanditaires de cette actions, des pirates de seconde zone dont je me fichais éperdument. Ce pleutre avait été bien trop faible pour oser me tuer, et cela avait causer sa perte, à lui et au reste des révolutionnaires de la base. Malheureusement pour lui, j'avais déjà posé les explosifs lorsqu'il a apprit mes véritables intentions. Après qu'il m'eut laissé m'enfuir, je me suis suffisamment éloigné de la base pour être à l'abri avant de déclencher l'explosion cataclysmique qui réduisit la base en cendre, tuant du même coup des centaines de révolutionnaires. J'avais appris que mon père avait été pris dans l'explosion mais qu'il avait survécu. Cependant, je savais aussi que ses blessures était très graves et qu'il ne survivrait pas longtemps. A cette pensée, j'esquissais un léger rictus du coin des lèvres. Mon père m'avait toujours prise pour une moins que rien. Une simple femme incapable de manier le sabre correctement, et ce malgré mes progrès évident dans son maniement et mon écrasante domination sur Damien, l'autre apprenti de mon père. Il avait toujours préféré Damien, sans doute parce qu'il était un garçon. Pourtant ce type était vraiment gringalet, à tel point que j'étais presque aussi musclée que lui. Les quatre années que nous avions passées à nous entrainer ensemble nous avait liées d'une certaine amitié. Mais le connaissant, dès qu'il apprendrait ce qu'il s'était passé, il viendrait à ma rencontre... en tant qu'ennemi.

    J'étais sur le bateau, prête à partir pour le lieu de rendez-vous où j'échangerai le lieu de de la cachette des armes révolutionnaires, contre une sommes rondelette, suffisante pour passé quelques années sans avoir à me soucier de l'argent. Le bateau était prêt à partir, je n'avais plus qu'à ranger les informations que j'avais volé dans le coffre-fort de la cabine avant de mettre les voiles. Alors que je faisais rouler la molette du coffre pour sceller de nouveau la serrure, j'entendis des pas sur le pont au dessus de la cabine. Étrange pourtant, j'étais censé être seule sur le navire. Je saisis alors mon sabre et sorti en trombe de la cabine. Le pont avant était désert. Je me retournais alors vers le pont arrière, qui était légèrement surélevé par rapport au pont avant, scrutant avec attention afin de détecté le moindre mouvement. Mon sang ne fit qu'un tour quand je découvris une personne sur ce pont et je fus encore plus surprise quand je découvris son identité : Damien Reyes! Mon frère d'arme était donc sur le bateau. Mais quelles étaient ses intentions? Et comment était-il arrivé jusqu'ici sans que je ne l'entende arrivé? J'approchais alors du jeune homme, montant les escaliers pour me retrouver à sa hauteur.


    - Que fais-tu ici Damien? Tu es venu venger ton m'as-tu vue de mentor? L'énergumène qui osait me servir de paternel? Tu n'aurais vraiment pas du venir Damien. Tu ne m'as jamais battu lors de nos entrainements. Alors pourquoi venir mourir pour venger un crétin comme mon père?

    Cet homme qui se tenait devant moi était celui pour qui j'éprouvais les sentiments les plus fort. C'était un homme merveilleux et à la fois incroyablement irritant. Pendant les quatre années de notre entrainement j'avais ressentis pour lui un amour profond et secret. Si je m'entrainais si dur pour devenir une grande sabreuse, c'était pour lui. Si je le rabaissais constamment c'était dans le but qu'il me montre sa valeur. Je voulais l'admirer, le protéger et être protéger par lui. Chacune des actions que j'avais pu commettre pour le compte de la révolution avait été dans le but de lui montrer que je réussirais coute que coute à le suivre. Mais à cause de cet entrainement acharné, j'avais fini par le dépasser. Au sabre, dans un duel à la loyal, je finissais toujours par l'emporter. Peu importait son ingéniosité ou sa tactique. Face à moi il était totalement impuissant. Puis vint le jour où il partit. "Je pars pour devenir plus fort..." disait-il. Je n'avais jamais été aussi triste de ma vie. Puis la tristesse se transforma en rancœur, la rancœur en colère et cette colère en haine. Je le haïssais parce qu'il m'avait abandonné. Je ne lui avais jamais dit ce que je ressentais pour lui. Et le voilà parti.

    Revoir Damien sur ce pont fit en moi l'effet d'une bombe qu'on lâche sur une ville. J'étais prise dans un tourbillon de haine et d'amour. Je ne savais plus ce que je ressentais pour cet homme. Puis soudain ma raison se rappela à moi. Il n'était plus question de sentiment aujourd'hui. Il était mon ennemi et était là pour me tuer. Je devais donc riposter de toute ma force. Je ne devais surtout pas laisser mes sentiments interféré avec ma mission. Je pris alors la décision qui s'imposait. La lame étincelante de mon katana vibra dans l'air lorsque je dégainai l'arme. Damien mourrait de ma lame. Je le trancherai jusqu'au plus profond de ses entrailles et y déverserait ma haine pour lui, pour la révolution et pour mon père qui l'avait préféré à moi pendant toute ces années.


    - Damien, je suis désolé, mais je vais devoir te tuer aujourd'hui.

    Sur ces mots, je me jetais sur lui à la vitesse de l'éclair, fendant dans le même temps l'air d'un puissant coup de sabre. Damien serait le dernier que je combattrai avec ce sabre. Une fois ce combat fini, je détruirai mon katana. Il avait déjà pris trop de vie. Celle de mon bien-aimé serait la dernière que je prendrait. Avec elle s'en ira toute la haine qui se trouve dans mon cœur. Je serai enfin libre.
      Attendant sur le navire, je sentais mon rythme cardiaque s'emballer. Je pouvais renifler le parfum d'Asuna, même si cela faisait plusieurs années que je n'avais pas eu le privilège de sentir à nouveau cette fragrance. A n'en pas douter, c'était bel et bien son bateau. Peu importait que je rejette la réalité comme quoi elle serait belle et bien la principale complice de cet acte meurtrier, les faits étaient là. Pendant un bref instant, mon esprit s'imaginait qu'il pouvait s'agir d'un acte orchestré par la Révolution elle-même afin qu'Asuna puisse intégrer la Marine en tant qu'agent double sur la base de cet acte de sédition. Bien que je sache que cela était tout bonnement impossible, je ne cessais de vouloir y croire, de vouloir lui trouver un quelconque motif qui pourrait excuser l'acte qu'elle avait perpétré. Mais ma raison, mon satané esprit d'analyse, ne faisait rien d'autre que de me frapper avec un marteau nommé "Réalité", et indubitablement, chaque coup s'accompagnait d'une douleur lancinante à la poitrine que je m'efforçais de contenir du mieux que je le pouvais. Les réminiscences de notre passé commun, à Asuna et moi, m'assaillirent sans que je n'y prenne garde. Plusieurs flash d'il y a quatre ans, plusieurs émotions que je pensais, à l'époque, ne jamais pouvoir ressentir, venaient me hanter à nouveau. Ces sentiments que j'avais tenté d'enterrer, à cause de la peine et de la souffrance qu'ils m'infligeaient constamment, ressurgissaient avec une violence encore plus grande maintenant qu'ils étaient en parfaite opposition avec la mission que l'on m'avait donné. J'avais toujours mis un point d'honneur à faire payer toute personne s'en étant prise à moi ou au peu de personne constituant mon entourage, à tel point que la Vendetta était un art dans lequel j'étais connu pour excellé, faisant payer au centuple les malheureux ayant eu l'audace de se dresser sur ma route.

      Mais cette fois-ci, la trahison venait de mon entourage le plus proche. Je n'avais jamais eu à affronter un tel cas de figure, n'ayant jamais vraiment eu de relation stable et saine avec les autres. Les souvenirs de mon départ me revinrent en tête. C'était il y a un peu plus d'un an... un an loin d'elle, où j'avais tenté de progresser au maximum dans l'art de l'épée afin de combler le fossé qui nous séparait. Un an passé à remplir les moments de vide et de solitude en observant une vieille photo que je gardais toujours sur moi. Il s'agissait du cliché prit lors de mon arrivée à la base, lorsque mon recruteur m'avait placé sous la responsabilité du Commandant Mistral. Dès ce jour, j'avais été en concurrence avec sa fille, tandis que nous nous étions battus après nous être provoqués mutuellement pendant une dizaine de minutes. Bien entendu, j'avais essuyé un cuisant échec, et de ma frustration était née une détermination à me dépasser, à repousser encore et toujours mes limites. Mais malgré mes incessants entraînements, malgré les extrémités auxquelles je me livrais pour parvenir à rattraper Asuna, jamais encore je n'avais réussi à la vaincre. Pourtant, elle était la raison pour laquelle je m'étais lancé dans la voie du sabre. C'était pour dépasser cette défaite d'il y a quatre ans que j'avais choisi de devenir un Bretteur, alors que mes aptitudes me prédisposaient à devenir un excellent Sniper. Malgré toutes les sommations pour me faire changer d'avis, j'avais conservé intact ma volonté de m'élever au rang d'épéiste afin de surpasser cette jeune fille. Et malgré tous nos différents, malgré toutes nos batailles, jamais à un moment je n'ai senti que mon cœur la haïssait. Jamais la moindre colère, autre qu'envers moi-même, n'avait occulté le jugement que je portais sur elle.

      Un an déjà que j'avais quitté cette base. En fermant les yeux un court instant, je pouvais presque revoir le ciel de cette nuit fatidique. Le dernier bateau à quitter le port était prévu pour deux heures du matin et j'avais tout naturellement donné rendez-vous à ma rivale à minuit, pour un dernier combat dans la clairière qui bordait la forêt environnante. Bien évidemment, j'avais une fois de plus perdu. Le résultat était encore sans appel et me confirmait que j'avais fait le bon choix en décidant d'aller voyager pour devenir plus fort. Devenir plus fort... voilà justement la raison que j'avais évoquée pour lui expliquer mon départ. L'espace d'un instant, j'étais prêt à lui donner les raisons de cette volonté, le pourquoi de ce désir ardent de la dépasser... mais les mots s'étaient finalement éteints dans ma bouche avant de pouvoir en sortir. Bien qu'elle ait vu que j'étais sur le point de lui avouer quelque chose, elle resta dubitative. Peut-être avait-elle attendu après ces mots que je n'ai finalement pas prononcés. Peut-être nourrissait-elle l'espoir que j'en vienne à les dire. Mais ma lâcheté de cette époque était trop importante pour que je parvienne à dire de telles choses. Lorsque l'on vous a tout pris, même votre dignité, et que par miracle vous parvenez à sortir de l'enfer, alors il n'est rien de plus difficile que de s'attacher de nouveau à quelqu'un... rien de plus dur que de pouvoir "aimer". Et pourtant, ce ne sont pas des sentiments que l'on est capable de contrôler, peu importe à quel point l'on peut paraître froid et distant. Sans doute aurais-je dû avouer ces émotions à Asuna lorsque j'en avais l'occasion... même si je sentais un feeling particulier entre nous, je n'avais pourtant pas pu m'y résoudre, la peur d'être blessé étant encore trop profondément ancrée en moi. Je l'avais juste quitté en lui tournant le dos, sous un ciel étoilé. Les mots qui auraient dut être prononcés cette nuit-là, le fait que je veuille devenir plus fort pour elle, que j'étais certain de revenir un jour ici pour être avec elle... tout cela était morts prématurément dans ma gorge, avant que quiconque ne puisse les entendre...

      Et pourtant, le bruit de la porte de l'une des cabines me tira de ma nostalgie. Encore haletant de mon effort, je ressemblais presque à l'un de ces personnages de série, ayant couru le marathon pour revoir une dernière fois la fille qu'il aime avant qu'elle ne s'en aille. Comme j'aurai aimé qu'il en soit ainsi. Mais la raison qui m'avait poussé à venir en ce lieu, rencontrer celle pour qui j'éprouvais ces sentiments contradictoire... je ne pouvais clairement la définir. Était-ce l'amour ou la haine ? Étais-je venu en espérant pouvoir la tuer, ou la sauver d'elle-même ? En cet instant, je n'étais même plus sûr de ce qu'il convenait de faire, mes mains tremblant légèrement alors que je tenais mon épée fermement. Je voyais à nouveau ce visage, brûlant de détermination, avec ce regard fixe, qui me donnait l'impression qu'elle voyait toujours au-delà de ce que le commun des mortels pouvait percevoir. Son air sérieux, sa tendance naturelle à se montrer franche... tant de qualités et de charmes qui venaient m'assaillir alors que je l'observais, désemparé et tentant de le cacher. Sa chevelure d'un noir aux reflets bleutés, ses traits fins et sévères... la voir ainsi me rappela encore plus vivement nos souvenirs passés, le jeu du chat et de la souris qui s'était passé entre nous, attendant chacun que l'autre fasse le premier pas. Celle que je désirais plus que tout serrer contre moi était désormais celle que à qui je devais ôter la vie. La violence de cette vérité me retournait les entrailles avec une douleur lancinante des plus vives que l'on puisse imaginer. Plus que tout, j'aurai voulu pouvoir hurler ma rage contre cette réalité, la rejeter de tout mon être et la bannir à tout jamais de ma vie pour ne garder que mes rêves et mes espoirs d'être un jour aux côtés d'Asuna.

      Et pourtant... les mots de la jeune femme étaient prononcés avec une netteté et une sévérité qui aurait été capable de me faire verser des larmes de sang. Bien que désemparé, je parvenais toujours à lire en elle comme en un livre ouvert. Même si elle mettait tout son cœur pour croire en ce qu'elle disait, ses mouvements de faciès et d'épaules me hurlaient qu'elle n'avait pas confiance en ses propres paroles. Jamais encore je ne l'avais vu me mentir de la sorte... se mentir à elle-même ainsi. Même si c'était à peine audible, je percevais le regret dans sa voix. Il était certes faible, étouffé par la rancœur et le désespoir, mais bel et bien présent. Comme j'aurais voulu lui demander de faire demi-tour et de rentrer avec moi... mais je savais pertinemment que lorsqu'elle sortait son épée de son fourreau, plus rien ne pouvait l'arrêter. A la manière d'une lame, garder la sienne dans son étui était un moyen de cacher sa vraie nature. C'était lorsqu'elle dégainait son épée qu'elle était la plus sincère. Dans nos combats, nous percevions chacun ce que l'autre était rien qu'en observant ses yeux lors de nos échanges. C'était au combat que nous montrions toute la détermination dont nous faisions preuve, que nous nous retrouvions véritablement face à face, sans mur, sans apparat ou quelque instrument que ce soit capable de couvrir la vérité. Plus qu'autre chose, je me souvenais des sourires que nous échangions lors de chaque coup de sabre qui s'entrechoquait avec celui de l'autre. Cette complicité était des plus explicites, à tel point que tout le monde à la base avait compris la nature de nos sentiments avant même que nous ne nous en rendions compte nous-même. Je savais que si je voulais faire parler Asuna, si je voulais qu'elle se confie à moi, alors il n'y aurait qu'en l'affrontant que je pourrais y parvenir. Mais étant donné son état d'énervement actuel, je n'hésitais pas à penser qu'elle pourrait très bien m'occire avant que je n'ai le temps de vraiment m'en rendre compte.

      Ce fut alors que les mots qu'elle prononça furent sans doute plus violents que tous les coups qu'elle aurait pu me mettre, que toutes les lames qu'elle aurait pu faire trancher ma chair. Elle affichait clairement sa volonté de me combattre... de me tuer... et ce fut cette volonté qui me fit le plus mal, me donnant l'impression d'étouffer à l'intérieur de mon propre corps, ma poitrine se mettant à se crisper avec une violence renouvelée et encore plus intense. Baissant le regard en serrant les dents, me retenant de toutes mes forces pour ne pas montrer la moindre larme, un léger crissement retentit alors que je resserrais l'étreinte sur la poignée de mon épée. Il était aisé de voir que les mots de mon ancienne camarade venaient de me blesser plus profondément qu'aucune autre personne n'aurait jamais pu le faire. Étais-je seulement capable de passer outre cette douleur ? Étais-je seulement capable de l'affronter dans un duel à mort avec la ferme intention de la tuer ? Ces incertitudes me harcelaient alors que l'heure de notre combat se rapprochait, et la mélodie que tout cela représentait, les paroles qui pouvaient correspondre à la musique qui naissait dans mon esprit en réalisant ce tourbillon d'émotions contradictoire, me fit alors verser une larme, à l'instant même où mon arme entra en contact avec celle d'Asuna. Une seule larme, brève, à peine perceptible, qui laissa place à un visage sévère, les dents serrées, sourcils froncés, davantage pour réussir à résister à l'impressionnante pression qu'exerçait la jeune femme en appuyant avec son épée contre la mienne, que pour exprimer une quelconque rancœur.

      Mais Asuna n'était pas dupe... j'étais certain qu'elle était capable de voir toute la tristesse qui habitait mon épée à cet instant... tous les regrets que j'avais en cet instant, et tous ceux qui m'habiteraient si je venais à gagner ce combat. De la même manière, je sentais des regrets dans la lame de la jeune femme, alors que paradoxalement, je constatais qu'elle mettait toute sa force dans chacun de ses coups. Nos deux armes laissaient d'intenses étincelles se produire lorsqu'elles se frottaient l'une à l'autre, et cela me laissait penser qu'il en était de même pour nos deux âmes... qu'à chacune de leurs rencontres, ce n'était qu'opposition et explosion d'étincelles brûlantes. Mon regard était loin d'être celui d'un épéiste concentré. Mon envie de combattre... s'en était allé à l'instant même où celle que j'aimais avait brandit son épée contre moi. Et ce manque de volonté que je manifestais pour la toute première fois de ma vie risquait de me coûter cher. L'assaut de la demoiselle m'envoya au loin de par sa violence, me laissant traverser le pont sans en toucher le sol, pour que je ne vienne à m'échouer dans le mur en bois de la cabine que je traversais brusquement. J'ignorais si c'était pas réflexe, mais à l'instant de l'impact, ma chute fut amortie par un tas de plumes qui sortirent de mon dos. Bien entendu, Asuna ne put voir d'où provenaient les objets de mon salut, donnant l'impression que mon dos venait d'éclater un oreiller au moment du choc contre le bois. Mais même si l'impact était moindre, il n'en demeurait pas moins violent. Aussi l'une des planches de bois brisée laissa un éclat important se loger dans mon flanc droit.

      Si j'avais eu la volonté d'affronter mon adversaire, j'aurais sans nul doute produit une armure de plumes aussi résistantes que l'acier... mais cette détermination me manquait, et toutes les plumes que j'aurais pu produire n'auraient pas en elle la rage de vaincre que je pouvais transmettre, ne restant rien de plus que de vulgaires ornements. En me relevant, posant ma main droite sur mes côtes brisées et mon flanc transpercé, je constatais que la couleur du plumage produit était écarlate. Si je demeurais incapable de produire des larmes de sang, l'étrange pouvoir que je possédais semblait indiquer que j'en avais l'envie la plus profonde. Tout en me relevant, boitant et saignant là où j'avais été frappé, je retirais l'épieu de bois enfoncé dans ma chair pour le balancer à côté, dans un râle de douleur non dissimulée. Mais même si j'étais blessé, je ne comptais pas abandonner pour autant. J'étais tout bonnement obligé de continuer mon combat tout en sachant que je n'aurais pas la force de le terminer... ni même la volonté. Malgré toute la force de caractère dont je pouvais faire preuve, j'étais incapable de choisir entre mes amis, collègues et frères d'armes... et la femme que j'aimais plus que tout. Mais je devais parler à Asuna... lui dire toutes ces choses que je gardais pour moi depuis trop longtemps. Si nous en étions là, c'était peut-être parce que je n'avais pas été sincère avec elle, peut-être parce que je ne le lui avais pas dit plus tôt. Malgré mes blessures, je sorti de la cabine par le trou que j'avais fait en la traversant, pour réapparaître sur le pont, face à mon adversaire. Brandissant à nouveau mon épée devant moi, je finis par courir vers elle pour laisser s'abattre mon arme sur le sienne, donnant toute ma force brute dans ce coup pour émettre une pression importante. Alors que le sang sortait de ma bouche, glissant en fin filet couleur vermeille aux côtés de mes lèvres, je m'adressais à Asuna en lui hurlant ce trop-plein d'émotion qui m'avait envahi, mélange d'amour et de haine.


      - Sombre idiote ! Ne comprends-tu pas que j'aurai voulu avoir d'autres choix que de blesser celle que j'aime ! Je sais que je ferais mieux d'arrêter d'essayer de croire que rien n'est arrivé, et je sais que ce que tu as fait est irréparable... Mais malgré tout cela... malgré tout cela...

      Même si les émotions étaient là, je ne parvenais par à trouver les mots pour les transmettre correctement. Ainsi penché sur la demoiselle, avec nos sabres pour seule séparation, elle eut une vision que sans doute elle n'aurait jamais imaginé avoir, un contact que jamais elle n'aurait cru pouvoir expérimenter... celui d'une larme qui tomba nettement de mes yeux pour atterrir sur son visage... puis d'une autre. Depuis que je m'étais enfuis de chez les Tenryuubitôs, depuis plus de quatre ans, je n'avais plus jamais versé de larme. C'était la première fois depuis toutes ces années que j'en venais à pleurer. A la première d'entre elles se substitua une deuxième, pour finir en un amont que je ne parvenais pas à stopper. Puisant dans les forces qui me restaient malgré mon piètre état, je la repoussais en faisant glisser ma lame sur la sienne, avant de repartir à l'assaut, enchaînant cette fois-ci les coups avec une vitesse fulgurante, mon émotion me donnant une force que je ne soupçonnais pas, tout en adressant à la jeune femme les paroles qui sortaient, comparable au flot de coup que je livrais contre son épée, mes mots résonnant en parfait accord avec chaque claquement métallique de sa lame contre la mienne.

      - Pourquoi est-ce que tu as fait cela ! Pourquoi as-tu cru que je n'allais pas revenir ! Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à ressentir pour toi cette même haine que tu me portes ! J'ai attendu quelqu'un comme toi toute ma vie... et maintenant... tu t'enfuis loin de moi et te change en ma pire ennemie ! Pourquoi !

      Hurlant ce désespoir, ce dernier "pourquoi" de toutes mes forces, celles-ci finirent par me faire comprendre qu'elles n'étaient plus légions. Une gerbe de sang jaillit de ma bouche, me laissant tomber à genou devant mon opposante, la main droite devant l'endroit d'où jaillissait mon hémoglobine, alors que la gauche tenait toujours fermement mon épée. Essayant de me relever, toussant pour cracher toujours plus de sang, je sentais ma respiration haletante, alors que ma vue commençait à se troubler. Une chose était alors certaine : je n'allais pas pouvoir continuer à l'affronter très longtemps avant de perdre connaissance. Exténué physiquement et mentalement, je ne pouvais manifester cette force que j'avais d'habitude en moi, cette étincelle de vie qui ne semble jamais pouvoir s'éteindre et qui surprenait jadis l'épéiste que j'avais en face de moi. Indéniablement, cette étincelle venait de s'éteindre, et j'avais la certitude que jamais elle ne se rallumerait face à Asuna. Toujours dans l'incompréhension, je la fixais de mon regard vitreux qui témoignait du fait que j'arrivais bientôt à bout de force, espérant des réponses à ces questions qui me harcelaient. La seule certitude que j'avais était que désormais, plus rien ne serait possible entre elle et moi... peu importe quels seraient les choix que nous ferions...


      Dernière édition par Damien Reyes le Ven 1 Avr 2011 - 22:24, édité 1 fois
        Spoiler:

        Notre échange fut intense. Il y avait si longtemps que je ne l'avais pas combattu. Lui, l'élu de mon cœur. La seule personne en qui j'avais eu vraiment confiance. Celle qui m'avait montrer ce qu'était le verbe "aimer". Mais surtout celui qui m'avait abandonner pour suivre son rêve égoïste. Nos lames se croisait comme pour essayer de couper les liens qui autrefois nous unissaient. J'étais si heureuse de le revoir, et à la fois si en colère. En colère contre moi même de ne pas l'avoir retenu ce soir là. De ne pas l'avoir retenu une seconde de plus et de lui avoir crier à quel point je l'aimais. A quel point je voulais qu'il reste. Mais il était parti sans dire un mot, cherchant indéfiniment la puissance qui lui manquait pour me dépasser. Mais pourquoi voulait-il cela? Pourquoi vouloir me prouver qu'il était fort? Je savais à quel point il l'était, et malgré mon avantage au sabre, il était tout de même le meilleur de nous deux. Je ne voulais pas qu'il devienne meilleur que moi au sabre, car si il le devenait, il n'aurait plus aucune raison de m'admirer autant que je l'admire. Je devais lui prouver indéfiniment que je le méritais. Que j'avais le droit de l'aimer même si il ne m'aimait pas en retour. Pourquoi cela alors? Pourquoi voulait-il a ce point me dépasser dans cet unique domaine? Je le jalousais d'être aussi déterminé, et le haïssais d'être aussi égoïste.

        Le combat dura quelques secondes qui semblèrent des heures, mais je ressentais une étrange aura autour de lui. Comme si il n'avait pas la volonté de se battre, comme si il se haïssait autant que je le haïssais. Cela me mettais en colère sans que je puisse vraiment comprendre pourquoi. Il n'avait pas le droit! Pas le droit de se haïr plus que je ne le haïssais. Pas le droit de vouloir mourir quand je voulais sa mort. Il devait être fort et droit. Il devait être celui qu'il était vraiment. Je détestais cet abjecte ersatz de l'homme qui était autrefois mon autre. Celui-là ne mérité même pas la pitié que j'aurais accordé au vrai Damien. Il ne méritais qu'une mort lente et suave. Surpassé par ma propre colère, j'abattais alors ma lame avec plus de violence que jamais. La violence du choc propulsa alors Damien dans le décors, lui faisant traverser une palissade en bois qui explosa dans un panache de poussière, d'éclats de bois et de plumes. Je ne fis même pas attention aux étranges plumes rougeâtres qui volèrent autour de lui lorsqu'il heurta le mur. Ma colère m'aveuglait. Mais celle-ci m'épuisait aussi. J'avais mis dans de force dans ce coup que mes bras étaient engourdit par le choc. Je vis alors Damien se relever. Il avait été blessé profondément par un éclat de bois. Lorsqu'il retira l'éclat de son ventre, je vis une marre de sang se créer tout autour. Cette vision d'horreur fit s'évanouir toute ma colère. Je n'étais plus qu'une petite fille sans défense devant un rapace au regard enflammé.

        C'est alors qu'il me dit les mots que j'avais attendu depuis si longtemps. Ces mots qui firent rebattre mon cœur comme au premier jour. Ces mot qui m'emplirent de joie et de tristesse. Damien m'aimait. Il m'aimait autant que je l'aimais. Et pourtant malgré cet amour réciproque nous tentions aujourd'hui de nous entretuer. Je compris alors qu'il n'était pas parti sans me dire au revoir. Il était parti pour moi. Pour pouvoir me mériter. Des larmes perlèrent aux coins de mes yeux. Comment avais-je pu être aussi stupide? Je m'en voulais tellement de ne pas voir pu comprendre tout cela avant. Aujourd'hui il était trop tard, et même si nous nous aimions, l'un de nous devait mourir. Dans un dernier effort désespéré, Damien se jeta sur moi. Prise de cours, les bras encore engourdit, j'eus du mal à résister à l'impact. Damien Appuyait de toutes ses forces sur sa lames dans le but de me vaincre et de me tuer. Pourtant il pleurait. Il pleurait à chaudes larmes devant moi, alors qu'il essayait de me tuer. Je pleurais tout autant, mais il ne pouvait s'en rendre compte tant ses larmes inondaient mon visage. Il me demanda pourquoi je le haïssais. Pourquoi il n'arrivait pas à me haïr en retour. Mais tout était si confus. Alors qu'il hurlait un dernier 'pourquoi' qui me déchira le cœur, je le vis s'effondrer, un filet de sang coulant de sa bouche.

        - Tu as tué ce qui faisait de moi une révolutionnaire Damien. Pourquoi es-tu parti? Pourquoi ne t'es-tu pas retourné pour me demander de venir avec toi? Pourquoi ne t'es-tu pas jeter sur moi pour m'embrasser et me dire que tu m'aimais? Tu m'as brisé le cœur, et par la même occasion, la révolutionnaire qui était en moi. Et sans cet âme qui brûlait en moi, je ne suis qu'une vulgaire pirate, sans sentiments, uniquement animé par la soif du gain. Voilà ce que je suis aujourd'hui et voilà pourquoi j'ai détruit cette base!

        Je m'avançais alors vers lui pour porter le coup de grâce. Mais ma lame n'atteint jamais son cou. Je ne pouvais me résoudre à le tuer. Peu importait à quel point je lui en voulais. Je ne pouvais me résoudre à lui porter ce coup qui lui serait fatal. Alors qu'il s'attendait certainement à un violent coup de sabre qui séparerait sa tête du reste de son corps, la poignet de mon sabre s'abattit sur sa nuque, l'assommant pour quelques heures. Je l'attachais alors solidement au mat et me préparai à partir. Il était temps de livrer mes informations à mes commanditaires. Je déciderais du sort de Damien plus tard. Alors que mon bateau s'éloignait peu à peu de l'île de Luvneel et de la base révolutionnaire, les larmes que j'avais retenues pendant toutes ces années se mirent à couler le long de mes joues. Mais il faudrait bientôt que je les sèche pour pouvoir enfin changer de vie.

          Agonisant à moitié sur le sol, une main devant la bouche pour tenter vainement d'empêcher mon sang de couler, l'autre posée sur la poignée de mon épée se trouvant sur le pont, juste à côté de moi, j'essayais de rester concentré pour ne pas perdre connaissance. Ma vue était troublée, tant par mes larmes que par mon esprit qui commençait à s'effriter, risquant à tout moment de me faire sombrer dans l'inconscience. Mais malgré l'hémorragie que je sentais s'aggraver, malgré la douleur et malgré le sang que je ne cessais de verser, je pouvais aisément dire que rien de tout cela n'était comparable à la force et à la violence des mots qu'Asuna me lança. J'étais parti sans rien dire... parce que je savais la vérité trop douloureuse. Je savais pertinemment que lui avouer mes sentiments alors que j'allais devoir la quitter n'aurait fait que rendre les adieux plus difficiles. Et pourtant, pas un jour ne s'était passé sans que je n'en vienne à regretter de ne pas l'avoir fait. J'ignorais ce que je devais penser des déclarations d'Asuna. Étais-je heureux d'apprendre qu'elle m'aimait aussi ? Sûrement. Mais en même temps, cette confession rendait encore plus difficile le fait de lever mon épée contre elle. Cet amour, associé à tous ces remords, à tous ces secrets que j'avais gardé pour la délivrer, ne faisait qu'alourdir le fardeau qui pesait sur mes épaules, et rendre plus insupportable la douleur qui me crispait la poitrine. Là, dans mon état des plus pitoyables, je désirais lui répondre, je désirais tout lui dire... mais le sang qui remontait ma gorge et obstruait mes voies respiratoires m'empêchait de parler.

          Je la vis alors s'avancer vers moi, d'un pas lent et faussement calme, à la manière d'une faucheuse qui viendrait prendre l'âme d'un futur défunt. Toussant pour cracher une nouvelle gerbe de sang, je relevais les yeux vers elle, l'observant fixement de mes yeux livides, à moitié fermés. Je parvenais à peine à rester conscient, utilisant toute ma concentration pour ne pas sombrer dans l'obscurité. Je la vis lever sa lame, prête à me porter le coup de grâce. Et pourtant, même à cet instant, ses mots résonnaient encore en moi. J'étais responsable... j'étais la cause de la solitude qu'elle avait ressenti. Tout cela à cause de quoi ? De l'amour que je lui avais porté, de ce désir ardent de la protéger qui n'avait cessé de me donner la force nécessaire pour me battre, même lorsque la situation était désespérée. J'allais mourir, ici, sans avoir pu lui expliquer de quoi il retourner. Sans avoir pu lui dire pourquoi j'étais parti, pourquoi elle n'avait jamais pu quitter cette île, et pourquoi j'avais été affecté aux missions les plus périlleuses au cours de toute cette année. Je ne devais pas mourir maintenant, pas sans lui avoir tout raconté, pas sans lui avoir donné une dernière chance de comprendre pourquoi. Il fallait que je prenne mes responsabilités, que je lui explique tout, que je parvienne à combler le vide que j'avais créé dans son cœur et dans son âme. Si je ne le faisais pas avant de mourir, alors jamais je ne trouverais le repos... et sans doute qu'elle non plus. L'incompréhension que j'avais créée en agissant de la sorte avec elle avant mon départ avait eu des répercussions que je n'aurais jamais pu imaginer. Il me fallait corriger cela tant que j'avais encore un souffle de vie.

          Alors qu'elle rabattit la lame de son katana, je sentis une hésitation. Brève, mais néanmoins présente. Si je n'avais pas réagi, sans doute n'aurait-elle pas porté son coup jusqu'à son point critique, à savoir en me décapitant. Mais voilà, durant l'espace d'une seconde, j'avais à nouveau en moi cette volonté de vivre. J'avais un objectif qu'il me fallait à tout prix accomplir, peu importe que ma vie s'éteigne l'instant d'après ou non. D'un geste vif, je levais ma main gauche, ensanglantée, pour attraper la lame du Katana d'Asuna. Le choc entre ma paume et l'arme produit un tintement métallique largement audible. J'avais réussi à créer un ensemble de plumes dans ma main et à manipuler leur densité pour les rendre aussi résistantes que l'acier, afin d'éviter d'avoir le membre tranché. D'un point de vue extérieur, on aurait pu penser que c'était mon gant qui avait réussi à arrêter l'impact, mais le plumage fin et léger dissimulé en dessous en était la véritable cause. Serrant alors la lame, je me relevais péniblement, pour finalement plonger mon regard dans celui de la jeune femme. Ce fut au moment où j'avais intercepté son épée que j'avais senti son hésitation, comme si son coup allait s'arrêter précisément au moment où je l'avais attrapé. Mes iris azurés se plongèrent dans ceux d'Asuna, mon œil gauche se mettant alors à luire avec une intensité extrême, donnant l'impression de flamboyer. Ce signe, chacun de nous deux savait ce qu'il voulait dire. Ce phénomène se produisait lorsque je me montrais au paroxysme du sérieux durant les combats, lorsque ma détermination atteignait son point culminant. L'œil artificiel que l'on m'avait greffé réagissait aux stimuli d'adrénaline et à la réaction de mon organisme lorsque ce dernier était mobilisé jusqu'à son seuil critique.

          Fixant la combattante, les sourcils froncés, sa lame fermement tenue dans ma main, je m'apprêtais à lui dire toute la vérité. Mais hélas, le pouvoir de l'esprit sur le corps a beau être supérieur, il n'empêche que ce même corps venait d'atteindre sa limite. Aussi, l'embrasement de mon iris gauche fut bref, et à peine eussè-je ouvert la bouche qu'il disparut, en même temps que ma force, me laissant sombrer dans les limbes et l'obscurité de l'inconscience. Mon corps se rabattit lourdement sur Asuna, tandis que je fermais les yeux. L'étreinte accidentelle qui en résultat était ce pour quoi je me suis toujours battu avec acharnement, ce à quoi j'aspirais du plus profond de mon être. Mais les circonstances actuelles donnaient un goût amer à ce rêve qui se réalisait, alors que je m'évanouissais ainsi sur elle. Je n'avais toujours pas réussi à lui dire la vérité. J'ignorais ce qu'elle comptait faire de moi, mais dans l'état actuel des choses, j'étais incapable de pouvoir opposer la moindre résistance. Cependant, malgré que je sois totalement inconscient, je sentais une légère douleur, mêlée à une douceur, au niveau de ma blessure. Peut-être était-ce Asuna qui me rafistolait pendant que j'étais incapable de me plaindre de son manque de délicatesse. Ou peut-être était-ce tout simplement le fait que la douleur était trop insoutenable pour que je puisse y échapper, même durant mon sommeil forcé. Là, c'est à dire nulle part, sauf peut-être dans mon subconscient, j'avais l'impression de flotter, le tout mêlé à une chaleur qui me donnait une sensation de bien-être si l'on faisait abstraction de la douleur lancinante dans mon flanc. Néanmoins, cet état de stase ne dura pas, car j'eus très vite la sensation de chuter interminablement, avant de brusquement ouvrir les yeux.

          J'étais encore en vie... j'ignorais ce à quoi pensait Asuna, mais elle ne m'avait, de toute évidence, pas occis. Alors que je regardais autour de moi, je voyais que j'étais attaché on ne peut plus solidement au mat du navire par un cordage assez épais. En faisant plus attention, je constatais au vent qui remuait mon épaisse tignasse brune que le navire était en mouvement. De toute évidence, nous nous étions bien éloignés de la base de Luvneel. Quant à ma ravisseuse, elle se trouvait devant moi, à la barre, me faisant dos tout en navigant. A n'en pas douter, elle devait sans doute se diriger vers le lieu de la réunion avec les pirates ayant commandité les évènements passés. Être dans une telle position n'était finalement pas un grand mal, car j'allais pouvoir rencontrer ceux qui avaient tout orchestrés, ceux qui étaient la cause même de toutes ces morts, et de l'état dans lequel se trouvait la personne à qui je tenais le plus. Jamais je n'aurai de meilleure occasion pour assouvir une soif de vengeance, plus grande encore que celle que je nourrissais contre le gouvernement. Mais avant toute chose, il fallait que je profite des circonstances pour faire autre chose. En observant le bois du plancher devant les pieds d'Asuna, je constatais que ce dernier était légèrement plus foncé, comme s'il avait été mouillé. Oui... sans doute avait-elle pleuré, et sans doute était-ce ce pourquoi elle me faisait dos maintenant. Sans pouvoir observer si ma blessure avait été ou non soignée, je finis par m'adresser à elle. Il fallait que je lui dise tout maintenant, car peut-être n'en aurais-je plus l'occasion après.


          - Asuna... si je suis parti voilà un an, c'était pour te protéger. Le chef de section avait décidé de te faire participer à une opération suicide. Il voulait que tu infiltres la base de North Blue pour récupérer des renseignements, en sachant très bien que même en dépit de ta force, les chances que tu reviennes étaient proches de zéro. Alors...

          J'ignorais la réaction que mes propos actuels avaient pu provoquer, car mon interlocutrice resta dos à moi. Peut-être réfléchissait-elle en venant à penser que j'essayais de sauver ma peau, ou peut-être simplement essayait-elle d'assimiler ce que je lui révélais. Reprenant une profonde inspiration, je finis par continuer mon récit. La pilule serait sans doute plus digeste à avaler en une seule fois, à la manière d'un sparadrap que l'on arracherait d'un seul coup. Néanmoins, même si ce que je disais était la stricte vérité, je savais que ma réputation de roi des bluffeurs jouait contre moi, même si au fond d'elle, Asuna savait pertinemment qu'au cours de nos quatre années de vie commune, je ne lui avais jamais caché la vérité.

          - Alors j'ai passé un marché avec le chef. J'ai pris ta place pour te protéger. Pour que tu n'aies pas à quitter cet endroit et mettre ta vie en danger... j'ai accepté de m'occuper des missions les plus périlleuses. Je voulais juste... mettre fin à cette guerre, afin de pouvoir revenir vers toi, vivre avec toi sans que nous n'ayons à craindre quoi que ce soit. J'ai toujours... désiré te protéger... même contre toi-même.

          Alors que je venais de finir mon explication, sans doute ces révélations viendraient à apporter la lumière sur mon comportement lors de notre dernier soir. Ainsi, Asuna comprendrait facilement que si j'avais fait taire mes sentiments pour elle, si je ne m'étais pas déclaré la nuit où nous nous sommes séparés, c'était pour rendre ces adieux moins laborieux et douloureux. C'était pour éviter que si jamais je venais à mourir au cours d'une mission, elle ne ressente pas autant de peine que si je lui avais confié ce que je ressentais pour elle. Le reste, pas besoin de le dire, car en se retournant vers moi, elle pourrait lire en moi comme en un livre ouvert. Elle avait toujours été capable de comprendre le fond de ma pensée rien qu'en me regardant dans les yeux, et j'étais convaincu qu'aujourd'hui encore, elle possédait cette capacité vis-à-vis de moi-même. Si elle m'observait dans le blanc des yeux, alors elle verrait que durant toutes ces années, je n'ai pensé qu'à elle, que je n'ai agis qu'en me souciant d'elle, et uniquement elle, qu'à chaque fois que je me sentais glisser dans les abysses, c'était son image et son sourire qui me donnaient la force de me relever et de ne jamais baisser les bras. Cette volonté qu'elle avait toujours admirée chez moi... elle comprendrait alors qu'elle en était elle-même la source, la matière première, le fondement même, et que c'était sûrement grâce à elle que j'étais encore en vie aujourd'hui, que j'avais survécu à toutes les missions d'infiltrations et les batailles périlleuses que j'avais menées jusqu'à maintenant. Durant tout ce temps, mon amour pour elle avait été une brûlure, plus ardente que le feu lui-même, allant jusqu'à consumer et embraser tout mon être pour me permettre d'accomplir tout ce que j'avais fait jusqu'à maintenant.

          Alors que je l'observais avec cette sincérité dans le regard, notre échange fut interrompu brusquement. Un navire se profilait au loin. La taille de celui-ci était des plus imposantes, allant jusqu'à être huit à neuf fois supérieure à celle du bateau sur lequel Asuna et moi étions. Légèrement étonné par cette soudaine apparition, je me disais intérieurement que le propriétaire de ce navire avait de sérieux complexes. Mais plus que tout autre chose, j'étais désormais certain qu'il allait avoir des problèmes encore plus sérieux, car une fois que je me serais détaché de ce cordage, il risquait fortement de devoir défendre sa vie avec tout ce qu'il avait s'il ne voulait pas passer de vie à trépas en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. La simple vision de son pavillon suffit à changer mes traits, me laissant froncer les sourcils et afficher un air on ne peut plus sérieux. Reportant mon attention sur Asuna, je m'adressais à elle, laissant à nouveau mon regard azuré s'embraser, la flamme de mon œil gauche se manifestant avec une intensité renouvelée, alors que ma voix était des plus sérieuses.


          - Je ne te le demanderai qu'une seule fois Asuna. Enfuis-toi avec moi. Détaches moi et laisse-moi briser ceux qui t'ont poussée à faire cela. Je me moque d'être pourchassé toute ma vie par la Marine, les pirates ou même l'Armée Révolutionnaire. Joins-toi à moi maintenant... ou alors tu seras contrainte de me tuer...

          A mon visage, la jeune femme pouvait tout de suite voir que j'étais on ne peut plus sérieux. Alors qu'une échelle de cordage tombait de l'imposante forteresse pirate pour s'abattre sur le pont de notre embarcation, je ne quittais pas la demoiselle des yeux, tant prêt à déchaîner les affres de ma vengeance sur les pirates après m'être libéré de mes liens, pouvant les trancher à tout moment en générant des plumes à densité renforcée, qu'à prendre mon arme que j'aperçus juste à côté de la barre de navigation pour me jeter dans la mêlée. La suite des évènements, c'était à Asuna de la choisir. Pour la première fois depuis que nous nous connaissions, je lui laissais le choix. C'était à elle de décider du chemin qu'emprunterait sa destinée. Se tiendrait-elle à mes côtés, ou me ferait-elle face ?
            Spoiler:

            Le vent filait dans mes cheveux, caressant mon visage et séchant mes larmes. Plusieurs dizaines de minutes s'était déjà écoulait depuis que Damien était tombé à moitié mort devant moi. Je n'avais pas eu le cœur de le tuer, je l'avais donc soigné sommairement et attaché au mat de mon bateau avant de partir pour le large. Le ciel était bleu, les oiseaux volaient haut dans le ciel, et moi j'étais là, seule sur mon bateau, avec l'homme que j'aimais entre la vie et la mort à quelques mètres de moi. C'était lui l'homme de ma vie. Mon cœur, mon âme et mon esprit, tous criaient à mon corps de le libérer et de l'embrasser, de fuir avec lui sans personne pour les rattraper. Mais mon corps ne répondait pas. Il pleurait sans que ne lui commande, devant la barre qui nous dirigeais vers d'ignobles personnes. Comment avais-je pu être aussi stupide? C'était évident que ce que j'avais fais était mal. Je me demande encore pourquoi je lui en voulais tant? Au fond c'était peut-être parce que je m'en voulais à moi-même de ne pas l'avoir suivit au bout du monde, même à en mourir pour lui. J'aurais même était prête à briser mon sabre pour lui s'il me l'avais demandé. Mais j'étais trop idiote pour assumé tout cela. Et alors qu'il était enfin revenu. J'avais tué son mentor, mon père, et un nombre incalculable de compagnons, juste pour me venger d'une souffrance dont j'étais aussi responsable que lui. Le revoir après cette année entière passé loin de lui avait fais remonter trop de chose à la surface. Je m'étais laissé submerger par mes émotions, j'avais perdu le contrôle. Mais maintenant que les choses s'était calmé, j'arrivais peu à peu à réfléchir posément. Et je regrettais. Je regrettais mes actes autant que les mots que je lui avais dit. Des mots qui pour lui avaient dut être comme des couteaux acérés. Des larmes se mirent à ruisseler de nouveau de mes joues.

            Un bruit derrière moi attira mon attention. Damien venait de se réveiller. J'étais si heureuse qu'il aille bien. Jamais je n'avais étais aussi inquiète. Et pourtant j'étais l'unique cause de tous ses soucis. C'était à cause de moi qu'il était blessé, à cause de moi qu'il souffrait intérieurement depuis tout ce temps, à cause de moi qu'il avait perdu les deux personnes qui lui était le plus cher, mon père et moi. Un sourire s'esquissa doucement sur mon visage en même temps que mes larmes disparaissait peu à peu, tachant le sol d'une légère couleur brune. Il tenta alors de parler, mais aucun mot ne sorti au premier abord. Puis après quelques seconde, d'une voix faible il me révéla les raisons de son départ. Les vraies raisons. Pas celles que j'imaginais. Pas celles qui m'avait poussé à détruire toute une base de la révolution. C'était une raison noble. Une raison qui lui ressemblait tellement. Une raison qui me mettais en colère et à la fois me réconfortait. Il avait voulu me protéger du danger. Il s'était jeter dans les pires situations au mépris du danger tout cela, pour m'éviter d'être blessé dans une mission comme celle-ci. Je n'eus pas le courage de me retourner pour l'affronter. Lui qui avait été si doux avec moi, il me disait une nouvelle fois des mots qui firent vaciller mon cœur. Les larmes coulèrent de nouveaux à flots, mais cette fois-ci ce n'était plus que des larmes de joie. Damien m'aimait. Il m'aimait autant que je l'aimais.

            Je pris alors mon courage à deux mains et je retournais pour la première fois depuis le départ du navire. Il avait le tin livide et les yeux éteins. A ses pieds une marre se sang s'était formé. Il avait perdu énormément de sang. Qu'avais-je fais? A présent il risquait de mourir tout ça parce que je n'avais pas eu le courage de me retourner avant. Pourtant malgré son état, il semblait étrangement heureux. Je ne pus m'empêcher de sourire en approchant de lui. Alors que j'avançais il me demanda de le rejoindre, de le libérer pour qu'il puisse me libérer du joug des pirates. Pour qu'on puisse enfin être libre d'être ensemble, quitte à être pourchassé par la terre entière. J'étais perdue, confuse, je ne savais plus ce que je faisais, je ne contrôlais même plus mon corps. Ma main droite saisie alors la poignet de mon sabre sans que je lui en ai donné l'ordre. Puis elle dégaina, menaçant ainsi la vie de mon bien aimé. Je suppliais mon corps de l'épargner, je le supplier d'utiliser sa lame contre moi plutôt que contre lui. Mais je ne pus retenir mon bras. La lame fila à toute allure dans un sifflement fatal. Je fermais les yeux, incapable de regarder mon propre corps prendre la vie de celui que j'aimais contre ma volonté. Un grand craquement se fit entendre. Quand je rouvrit les yeux, la lames s'était fiché dans le mat, avait tranché les cordes mais n'était passé qu'a quelque centimètre de Damien sans le blessé. Seul une mèche de ses cheveux avait était tranché par le fil de la lame. Les cordes se distendirent et Damien fut alors libéré. Au comble de la joie je lâchais alors la poignet de mon sabre qui resta planté dans le mur, et me jetai dans les bras de l'homme que j'aimais. J'étais si heureuse. Je le serrais si fort dans mes bras que je m'en faisais mal. Mais je m'en fichais. Je voulais être avec lui et c'était tout ce qui comptait.

            Dans cet élan d'affection, je ne vis pas le puissant navire pirate approcher. A son bord une cinquantaine d'homme avec à leur tête un homme aussi puissant que redouté. Le capitaine Isaac Ragback. C'était lui qui m'avait convaincu de détruire la base. Lui qui m'avait convaincu de tuer mon père et qui par la suite m'avait persuadé que j'étais seule, sans personne sur qui compter. Mais je n'étais plus seule maintenant. Damien était là, et il me protégerait, il m'emmènerait loin d'ici, sur une île loin de tout, où personne, ni les pirates, ni la marine ni même la révolution ne pourrait nous atteindre. La bas nous vivrons heureux avec nos enfant, jusqu'à que nous mourrions paisiblement dans notre sommeil. Un choc violent me força à relâcher l'étreinte que j'avais avec Damien. Mon bateau et celui des pirates s'était percuté. Le navire pirate n'avait pas une seule égratignure, c'était comme si il avait percuter un insecte. Le mien par contre, avait une brèche béante dans la coque, et l'eau s'infiltrait doucement. Dans deux heures, ce bateau aurait coulé. Je fus alors pris de terreur quand j'entendis un bruit sourd à l'avant du bateau. Le capitaine du bateau pirate était descendu sur le pont avec une dizaine de ses hommes. Il venait chercher leur butin, et on ne pouvait plus s'échapper. Je vis alors son sourire à moitié édenté se fendre quand il s'aperçu que je n'étais pas seule.


            - Oh! Asuna c'est gentil d'avoir pris l'initiative. Tu nous a donc ramener de la chair fraiche pour aiguiser nos lames? Fallait pas vraiment! La carte et ton corps nous auraient amplement suffit...

            Son regard lubrique en disait long sur ses intentions, et après avoir tant pleuré et douté je n'arrivais plus à mobiliser la rage qui m'aurait permis de m'en sortir face à ce monstre. Je récupérai néanmoins mon sabre, prête à combattre. Jamais je ne le laisserais toucher à Damien, même si je devais en mourir!

              Alors que je restais attaché au mat du navire, j'observais la réaction qu'allait avoir Asuna, ignorant totalement ce qui résulterait de ma proposition on ne peut plus sincère. Il était impossible que mon regard soit troublé par une quelconque hésitation, mes iris azurés fixant la jeune femme, avec une expression des plus sérieuses qui puissent être. J'avais foi en ce que je venais de dire, et je n'étais pas le genre de personne à revenir sur ses paroles. Cela, la jeune femme le savait bien. Elle me connaissait assez pour savoir que j'étais on ne peut plus sérieux et sincère quant à la proposition que je venais de lui faire. Même s'il m'aurait été aisé de me débarrasser de mes liens, je ne pouvais pas agir de la sorte avant d'avoir eu la réponse d'Asuna. Cela n'aurait servi à rien, en plus de ne rimer à rien. A quoi bon me détacher, si c'est pour la brusquer et la pousser à nouveau à combattre. Dans tous les scénarios possibles et imaginables, il m'était impossible d'en percevoir un où j'aurai une chance de victoire face à elle. Mais même en dépit de cela, ce n'était pas ce qui me poussait à rester sagement ligoté. Non, en réalité, je n'avais aucune raison de me battre à nouveau contre elle pour essuyer une défaite, aucune raison de fuir si elle ne venait pas avec moi. Même si je lui avais affirmé que je la combattrais à nouveau et qu'elle serait contrainte de me tuer, j'étais certain qu'il me serait impossible de lui faire face, non pas à cause de mon manque de puissance évident, mais à cause de mon manque de volonté. Plus jamais je n'aurais l'envie de lever mon arme si elle ne se décidait pas à me rejoindre.

              J'essayais intérieurement d'imaginer toutes les possibilités qui résulteraient de son accord. Sans doute passerions-nous le reste de notre existence à fuir aussi bien le Gouvernement que l'Armée Révolutionnaire, cela afin d'éviter que chacun ne mette la vie de l'autre en danger. Mais au fond de moi, je voulais croire en ce monde où nous aurions trouvé une île isolée du reste du monde, où il fait bon vivre et qui serait l'endroit idéal pour établir un foyer, voire même une famille. Même si je savais que les chances d'arriver à cela étaient minces, je savais aussi que seul Calm Belt pourrait nous donner une telle possibilité. Alors que la demoiselle se retournait vers moi, j'essayais de m'imaginer mener une vie tranquille, honnête, sans avoir plus de sang sur les mains que je n'en avais maintenant. Peut-être pourrions-nous alors ranger nos épées et ne plus avoir à nous en servir. Peut-être même cette vie de calme et de quiétude parviendrait-elle à me faire oublier tout ce qui constituait mon être, notamment mon désir de vengeance, profondément enfouit dans mon être. Cette haine viscérale que je ressentais envers le Gouvernement, envers les nobles de Mariejoa, allait peut-être s'éteindre en fonction de la décision que prendrait Asuna. Si j'avais appris à respirer et à survivre durant mes années de captivité chez les Tenryuubitôs, c'était uniquement grâce à cette haine qui avait forgé tout mon être. Mais aujourd'hui, je ressentais une chose dont j'avais presque oublié l'existence... l'espoir.

              Cet espoir se dressait devant moi, alors que je voyais la femme que j'aimais me regarder fixement, sans émettre la moindre expression. Je pouvais la voir lever son sabre, mais je ne détournais pas les yeux pour autant. A cet instant, je pouvais parfaitement lire en elle. A la vue de son mouvement, de sa manière de me fixer, d'agir d'une manière assez mécanique, je pouvais assurer qu'elle-même ne savait pas ce qu'elle allait faire. En l'occurrence, n'étant pas devin, je ne pouvais pas savoir si elle allait m'occire ou non. Elle leva sa lame, toujours avec cette expression indécise. En plongeant mon regard dans le sien, je pouvais aisément voir à ses pupilles dilatées qu'elle éprouvait toujours du désir pour moi. Mais les vaisseaux sanguins du blanc de ses yeux étaient également dilatés, signe qu'elle avait abondamment pleuré quelques instants plus tôt. Brusquement, elle finit par rabattre sa lame. Mais je ne bougeais pas d'un pouce, je ne fermais pas les yeux, déterminé à regarder ce qui allait se passer, car il s'agissait d'un moment que j'allais devoir encrer dans ma mémoire. Ou il s'agissait de ma fin et détourner me regard aurait été un signe de fuite, de faiblesse, que quelqu'un élevé en guerrier comme moi n'aurait pas pu accepter, ou alors il s'agissait du début d'une nouvelle ère, et en rater le premier instant aurait été un sacrilège. Dans tous les cas de figure, je ne devais pas laisser ma crainte de mourir m'envahir. Et ce ne fut pas difficile, car cette crainte était absente de tout mon être. Mourir ici aurait signifié être rejeté par Asuna, et de ce fait, je convenais que ma vie n'avait plus de raison d'être.

              La lame s'abattit sur moi avec une netteté chirurgicale, passant devant mon corps, l'éraflant à peine, pour venir se planter juste à côté de ma tête, restée fixe à observer l'épéiste qui venait de porter ce coup. Je voyais la jeune femme fermer les yeux, redoutant elle-même ce qui allait se passer, l'ignorant, sans doute confuse et décidant de laisser son corps parler pour elle, son esprit étant trop embrouillé. Et finalement, ce corps choisit de me laisser la vie sauve, témoignant du désir de cette ancienne Révolutionnaire de me voir vivre un peu plus longtemps, sans doute à ses côtés. Alors qu'une fine mèche de cheveux se détachait de mon épaisse tignasse, mes liens tombant à mes pieds, me laissant totalement libre, aussi bien physiquement que spirituellement. Lorsqu'elle ouvrit à nouveau les yeux, Asuna put me voir en un seul morceau, affichant alors un visage soulagé pour finalement s'approcher de moi. Ne désirant pas attendre plus longtemps, tout comme elle, je la pris dans mes bras, la serrant contre moi en faisant fi de la douleur que cela pourrait provoquer à cause de mes plaies. Cette étreinte, je l'avais attendu depuis bien trop longtemps pour laisser quoi que ce soit en ternir la beauté et le bonheur qui s'en dégageait. La serrant sans retenue contre mon corps, je pouvais sentir son parfum, dans son cou, dans ses cheveux. Je serrais les dents, mes cheveux retombant devant mes yeux alors que j'étais ainsi contre elle, essayant vainement de retenir mes larmes et les gémissements qui en résulteraient. Mais l'entendre pleurer brisa le dernier rempart de ma résistance, me laissant faire de même, ignorant totalement la lame plantée à quelques centimètres de ma tête.

              Ce moment de bonheur fut brusquement interrompu par l'arrivée des pirates. Le gigantesque navire percuta la caravelle qui faisait office de fétu de paille à côté d'elle. Relevant la tête et lâchant Asuna un court instant pour voir ce qui allait nous tomber dessus, ce fut finalement le capitaine des forbans ainsi qu'une dizaine de ses hommes qui débarquèrent sur le pont. Je n'eus pas de mal à reconnaître le chef de la meute, son nom étant assez célèbre dans le coin, sa tête étant récemment mise à prix pour un montant avoisinant les trente millions de Berrys. Il était connu principalement pour avoir pillé de nombreuses villes, n'hésitant pas à faire des victimes parmi les civils. Il ne fallait guère être devin pour savoir de quel type de personne il s'agissait. A la simple vue de son air suffisant, je pouvais déceler en lui tout ce qui fait les grands sadiques et par-dessus tout les tueurs de sang-froid. Plaisir non dissimulé à la vue du sang, confiance en soi aveugle, arrogance, légèreté et absence totale d'émotions que l'on pourrait juger positives. Bref, rien que des qualités qui en feraient le candidat privilégié d'une séance de torture à Impel Down si la Marine mettait la main sur lui. Quant à ses hommes, à voir leur manque de musculature, on devinait aisément qu'il s'agissait davantage de chair à canon qu'autre chose. Leur dentition noircie témoignait d'une certaine malnutrition, couplée à un manque d'hygiène. Tout cela me poussait à penser qu'ils n'avaient aucun entretien physique, aucune compétence particulière autre que celle de vouloir tuer en agitant leur sabre dans tous les sens. Parlons-en de leur sabre. De vieux morceaux de métal rouillés et ébréchés. A n'en pas douter, être un épéiste et pratiquer l'art de l'escrime se résumait pour eux en une notion bien simple mais manquant cruellement de subtilité : Faire rentrer le bout pointu dans l'autre. Il était certain qu'ils n'avaient aucune technique, tout bon bretteur prenant soin de sa lame comme de sa vie.

              Néanmoins, outre l'attitude répugnante de nos nouveaux arrivants, ainsi que leur apparence repoussante, ce fut le capitaine qui fit la première, et la plus grosse erreur. Les mots qu'il lâcha à mon encontre ne me firent même pas sourciller. En revanche, lorsqu'il parla d'Asuna en des termes que je n'appréciais pas le moins du monde, la demoiselle put facilement voir une bref contraction au niveau de mes sourcils, alors que mes narines s'étaient dilatées pendant un bref instant, témoignant de manière aisée d'un accès de rage. En un instant, ma compagne saisit son arme, la brandissant et semblant vouloir me protéger en dépit de tout ce que j'aurais désiré faire. Néanmoins, alors qu'elle était à côté de moi, je m'avançais d'un pas, levant mon bras gauche devant elle comme pour lui indiquer de rester derrière. Levant mon pied droit, je le rabattis sur la planche de bois du pont avec une certaine violence. Mon épée située à côté du gouvernail étant situé à l'autre extrémité de cette même planche, fut propulsée dans ma direction lorsque le morceau de bois se souleva sous l'effet de mon coup. D'un geste vif et assuré, je saisis mon arme qui virevoltait dans ma direction, ne quittant pas des yeux le capitaine des pirates. Rabaissant ma lame d'un coup très net, gardant cependant le bras raide, tendue vers le bas, légèrement sur le côté, j'affichais un faciès des plus contrariés. Pupilles rétractées, sourcils froncés, l'air sévère et mauvais comme si nous étions en début de semaine et que celle-ci commençait mal, j'étais bien décidé à en découdre et à ôter à cet homme son petit air supérieur et surtout son regard qui ne cessait de se poser sur la jeune femme derrière moi.

              Il était désormais temps pour moi de montrer à Asuna que je n'avais pas chômé pendant l'année qui s'était écoulée, et que j'avais appris quelques petits trucs en errant à droite et à gauche. D'un geste de la tête, le capitaine ordonna à ses sous-fifres de se débarrasser de moi. Ma colère atteignant presque son paroxysme, j'étais décidé à ne pas me retenir du tout. En l'espace d'un instant, mon œil gauche s'embrasa d'une flamme azurée, alors que je tendais mon bras ne tenant pas l'épée devant moi. Tandis qu'ils s'élançaient vers moi en brandissant leurs sabres, personne n'eut réellement le temps de comprendre ce qui venait de se passer. Une brève onde de choc créa un déplacement d'air autour de moi, alors que, coupés dans leur élan, la dizaine de forbans chuta en arrière, tombant sur le dos, sans vie. La seule chose anormale dans cette scène, hormis l'évènement qui venait de se passer, était le monticule de plumes qui recouvrait chacun des corps de part en part, à la manière de poignards profondément enfoncés dans leur chair. Je ne laissais cependant pas le temps à ce cher Isaac, déployant dans un tourbillon de plume trois gigantesques paires d'ailes d'une blancheur immaculée et d'une belle taille, avoisinant les cinq mètre de longueur chacune. D'un mouvement qui créa une brusque rafale de vent, je m'élançais vers lui, épée brandie sur le côté, mes appendices séraphiques me donnant un gain de puissance quant à ma projection et ma célérité. Mon sabre s'abattit alors sur celui de chef des forbans qui serrait les dents, encore sous le coup de la surprise.

              Cependant, par un léger roulement de sa lame, il tenta de me déséquilibrer, me laissant tourner brièvement sur moi-même, pour essayer de m'attaquer sur mon flanc droit. Son épée se heurta tout de même à l'une de mes ailes qui fit office de bouclier. La puissance du coup fut néanmoins assez grande pour me faire déraper à quelques mètres de là de l'autre côté du pont. Positionnant à nouveau mes ailes dans la continuité de mon dos pour essayer de prendre une nouvelle impulsion, je fus alors soudainement stoppé dans mon élan. A peine avais-je fait un pas que mon corps me rappela que j'étais déjà au-delà de mes limites, ma blessure se rouvrant pour laisser le bandage s'humidifier et se teinter d'un rouge écarlate. La douleur était trop intense pour que je puisse continuer mon chemin, et en dépit de toute ma volonté, je fus alors obligé de poser le genou à terre, immobilisé par la douleur. Grimaçant, je rouvrais les yeux pour voir Isaac brandir un pistolet devant moi. A une distance de trois mètres, il ne pourrait sans doute pas me rater. En pleine possession de mes moyens, j'aurais sans doute eu le temps de placer mes ailes devant moi ou de déployer toute mon armure. Mais mes forces m'abandonnaient encore plus vite qu'elles ne m'étaient revenus un peu plus tôt, m'empêchant pour le moment de réagir. Fermant les yeux au moment où je vis son index appuyer sur la gâchette, j'entendis la détonation assourdissante de l'arme faire vibrer mes tympans...

              Allais-je finalement mourir ici ?
                Spoiler:

                L'arrivée des pirates avait tout changé. Quelques secondes auparavant nous étions seuls avec Damien sur le pont du bateau. Nous nous retrouvions enfin après tant de temps passé loin de l'autre. Tant de temps passé à ignorer nos sentiments l'un pour l'autre. A croire que l'autre nous déteste alors qu'en réalité, tout ce qu'il y avait entre nous c'était un amour profond et sincère. Nous avions passé des années à nous côtoyer et à tenter de devenir plus fort pour nous prouver notre valeur. Nos sabre s'étaient entrechoquer pendant tant d'année avant que nous nous retrouvions enfin. Avant que nous n'ayons envi de finir ensemble et de ne plus être une part de ce monde fou. Nous voulions fuir loin de ce monde cruel, pour créer une famille, et les éloigner de la violence que nous avions connu. Mais quand Isaac posa le pied sur le pont, tout ces rêves de paix et de quiétude avaient disparu pour laisser place à la terreur. Une terreur profonde et maladive. Celle qu'inspire un démon venu du plus profond des enfers. Celle qu'inspire la mort elle même quand elle vous saisi pour arracher votre âme. Voilà ce qu'on ressentait quand on rencontrait le puissant capitaine des pirates de l'œil noir, Isaac Ragback. C'était un homme au corps massif dont les cheveux bruns et gras cascadait sur ses larges épaules. Ses hommes ressemblait à de vulgaires fourmis à coté de lui. En fait, on pouvait surtout les comparer à des squelettes étant donné leur musculatures presque inexistante. La comparaison était vraiment tentante tant Ragback semblait dégager une aura mortelle. Je me sentais étrangement impuissante devant cette horde des pirates. J'avais la sensation de tenir un modeste baton et de faire face à une meute de loup enragé. Je tremblais. Je sentais la sueur froide couler le long de mon échine et mon sang battre dans mes artères. Je ne me sentais pas de taille face à de si puissant pirates. Comme si une pauvre fille comme moi pouvait les battre? Comment pouvais-je prétendre protéger celui que j'aimais alors que j'étais à peine capable de tenir mon sabre face à ses assaillants?

                C'est alors que je vis l'impensable. Je vis Damien fondre sur les pirates et les anéantir tous d'un coup d'un seul, sans que je comprenne ce qu'il s'était passé. C'était impossible pourtant. Damien était mal en point et à peine capable de bouger. Pourtant C'était bien lui qui venait de terrasser une dizaine de pirates en une fraction de seconde. Je le voyais devant moi brandir son épée, son œil azur flamboyant de rage. C'est alors que je compris ce qu'il s'était passé. Car pendant ce moment de calme absolue, si fugace fut-il, je pus observé en détail la scène. Les pirates tombés semblait avoir été transpercé de part en part par de grand couteau. Non, ce n'était pas des couteaux mais des plumes acérées. Une seconde plus tard, lorsque Damien déploya six ailes immaculées, je compris alors. Je compris ce qu'il avait fait et comment il avait pu vaincre ces pirates avec autant de facilité. Un fruit du démon. L'homme que j'aimais avait tellement recherché la force et le pouvoir dans le but de me protéger qu'il avait fini par se maudire lui-même en dévorant un fruit du démon. Je souris alors. Je n'étais pas heureuse que Damien se soit ainsi maudit pour mon salut, mais j'étais heureuse de voir que sa détermination était celle que j'avais imaginer. Celle qui m'avait fait tomber amoureuse de lui. De toute sa splendeur, maintenant presque angélique, je le regardais se préparer au combat le plus difficile de sa vie. Il allait affronter un adversaire bien plus fort que lui, en étant blessé, tout ça pour me protéger et éviter que je ne sois blessé. J'étais impuissante à l'aider. Seule sa détermination à tuer celui qui menacer notre avenir pourrait en venir à bout. Mes phalanges blanchirent sous la pression que j'exerçais sur le manche de mon sabre.

                Je vis alors mon bien aimé fondre sur Ragback a une vitesse folle, son épée brandit et prête à frapper pour prendre la vie du puissant pirate. Mais alors qu'il allait prendre la vie de ce fourbe, Ragback réussit à parer le coup de Damien et à l'expulser plusieurs mètres en arrière. C'est alors que je vis un drame se construire devant mes yeux. Celui de la triste fin de nos rêves. Celui de la mort de mon amour à laquelle succéderait la mienne. tout ça par la faute d'un seul homme. Le démon qui se tenait à présent entre moi et Damien. Cet homme puant et fourbe qui prenait plaisir à voir mourir ses propres hommes tant qu'il s'en sortait indemne. Car il souriait. Il souriait depuis le début, et avait continuer de sourire même quand Damien avait pris la vie de ses hommes dans un tourbillon de plume. Cet homme était encore moins humain qu'un homme poisson. Il était plus fourbe encore qu'un noble. Pourtant sa force était bien au-delà d'un être humain normal. A voir la facilité avec laquelle il avait envoyé valser Damien dans les airs, il était certainement le genre d'homme à pouvoir arracher le bras d'un homme à main nue. Soudain je vis la pire chose qui puisse arriver. Damien semblait incapable de se relever. Plier en deux par la douleur de sa blessure, je pouvais apercevoir de là ou j'étais une large trainé rouge s'étaler sur son bandage pourtant neuf de seulement quelques heures. Ragback n'hésita pas une seconde quand il comprit l'état de son adversaire. Il leva alors son pistolet, prêt à faire feu pour abattre Damien. A cette distance il était impossible qu'il le manque. Et malgré le nouveau pouvoir de Damien, je doutais qu'il puisse résister à un coup de feu entre les deux yeux.

                Mon sang ne fit qu'un tour. Je ne pouvais pas laisser faire ça. Ce gros porc d'Isaac était prêt à tuer l'homme que j'aimais de sa main putride. Je ne pouvais pas le laisser faire. Je devais l'arrêter. Je devais sauver la vie de mon bien-aimé pour que nous puissions enfin vivre sans contrainte. Mon corps agit alors d'instinct. Ces années d'entrainement n'avaient pas été vaine. Aujourd'hui elles me servaient enfin pour une cause des plus juste. Mes poings étaient refermé avec tant de force sur la poignet de mon sabre que la peau des jointures de mes doigts était prête à craquer. Dans un cri de rage furieuse je fonça alors vers Ragback, prête à le tuer. Alors que ce dernier visait Damien, sans doute trop enivré par la promesse d'une mort douloureuse et lente pour son adversaire, il ne réagit pas à mes mouvements. Arrivée à sa hauteur je fis un pas légèrement sur la droite pour me retrouver sous le bras du colosse de prêt de deux mètres trente. D'un coup d'épaule sec au niveau du coude je réussis à détourner son bras de sa cible. Le coup de feu partit au même moment, effleurant du même coup la joue de Damien encore à genoux. Avant qu'il ne reprenne ses esprits je décidai de passer à l'action. Un éclair de lumière traversa la zone qui se trouvait entre le pirate et moi avant que son bras droit ne tombe à mes pied dans une gerbe de sang carmin. Ma lame avait tranché son bras net. Lors de cette dernière année, après le départ de Damien, j'avais mis un point d'honneur à peaufiner la coupe. J'avais à l'origine l'intention de m'en servir pour trancher la tête de Damien, mais aujourd'hui elle me servait finalement à le défendre. Quelle ironie. Alors que Ragback hurlait de douleur je préparai mon prochain coup. Mais je n'eus pas le temps d'agir car avant que je puisse le trancher de nouveau, le capitaine des pirates de l'œil noir m'avait saisi de sa main restante et plaqué au sol.


                - Petite pétasse! Tu crois vraiment que je vais te laisser interférer dans tout ça?

                Il plaça alors son genou sur ma poitrine, et m'arracha mon sabre des mains. J'étais maintenant désarmé et impuissante face au poids du colosse. Il sortit alors un grand couteau de prêt de quarante centimètre et me le plaqua sous la gorge. Il s'approcha alors de mon oreille pour me dire que je souffrirai de mille mort pour lui avoir couper le bras. Il enfonça alors avec une improbable lenteur sa lame dans mon ventre. Je hurlais à la mort. La douleur était si forte que j'avais peine à rester consciente. C'est alors que tout me revint en tête. Damien, les souffrances que j'avais causer et aussi mon père. Dans un dernier effort je saisi le bras valide de Ragback et le maintint de toute mes forces. Incapable de parler, je suppliais Dieu de bien vouloir laisser à Damien une seconde pour pouvoir prendre la vie de l'homme qui était entrain de me tuer. C'était le seul moyen. J'allais mourir pour que Damien survive. Des larmes de joie, de tristesse et de rage coulaient à flot sur mes joues devenues livides à cause du manque de sang. Peu à peu je perdais conscience, mes dernière forces ne me servant qu'à maintenir le bras d'Isaac aussi immobile que possible. Le sang se rependait peu à peu sur le pont du navire.

                Je suis morte à ce moment là.
                  Je restais les yeux fermés, à l'instant où je pouvais percevoir le mouvement d'index d'Isaac sur la gâchette. J'en avais pourtant été certain : ma fin était proche. Mais finalement, au lieu de la douleur, voire de la libération que m'aurait apportée la Mort, je ne sentis rien d'autre qu'une légère brûlure sur ma joue gauche. A la netteté de cette sensation s'ajouta alors celle d'un liquide, coulant lentement sur mon visage. Ce dernier était chaleureux et assez dense pour que d'épaisses gouttelettes se forment, chatouillant mon épiderme alors qu'elles glissaient lentement, attirées par la pesanteur. A l'instant où j'ouvris les yeux, alors que l'une de ces gouttes venait de tomber sur le plancher en bois du navire, la vision que j’eue suffit à provoquer une rupture dans ma perception du temps. J'étais certes encore en vie, mais au lieu de m'en réjouir, je restais abasourdi par la scène qui se déroulait devant moi. Le bras du capitaine pirate s'écrasa lourdement sur le pont, dans une trainée de sang plus qu'importante. Quant à l'actrice principale de cet évènement, elle se tenait à côté de lui. J'ignorais ce qui avait poussé Asuna à agir ainsi, à mettre sa vie ainsi en danger pour moi... mais c'est en me posant cette question que je finis par entrevoir la réponse. Sans doute avait-elle bougé de manière instinctive, de la même manière que je l'avais fait précédemment lorsque les acolytes d'Isaac s'étaient jetés sur nous. Il s'agissait du genre de réaction que l'on ne pouvait contrôler, que seul notre corps décidait de nous imposer, sans que nous ne soyons ou non consentants. Cette "mémoire du corps" était une chose qui, dans la plupart des cas, avait pour seul but de nous préserver d'un danger de mort imminente. Mais en de rares occasions, il est possible de voir quelqu'un agir de cette manière pour protéger, au péril de sa vie, un être aimé. C'était ce à quoi je venais d'assister en cet instant.

                  Incapable de bouger, je restais coi face à la scène sanglante, tant surpris qu'émerveillé. Car oui, j'étais émerveillé. Une dernière fois, je pus voir ce spectacle si rare et si magnifique qu'était le regard déterminé d'Asuna, lorsqu'elle brandissait son sabre. A la manière d'artiste, j'avais toujours eu dans l'idée que les épéistes se livraient à l'escrime avec pour objectif une certaine coordination de leurs mouvements, donnant l'impression qu'ils effectuaient là une véritable danse, laissant le son de l'acier vibrant dans l'air être le seule musique, les percussions étant jouées par les battements de cœur, alors que ce qui faisait office de guitare n'était autre que les cliquetis métalliques des lames s'entrechoquant, marquant les temps forts de la mélodie guerrière. Néanmoins, la scène à laquelle je venais d'assister était l'une des plus rares qui soient, à savoir le réveil d'une guerrière qui venait de retrouver sa lame, son désir de brandir son épée, sa foi en ses convictions et la détermination de protéger ce qu'elle aimait. Mais plus qu'autre chose, c'était sa fin qu'elle venait de signer, et ce en toute connaissance de cause. Et pourtant... pas une once d'hésitation n'était perceptible dans son regard. Cette finalité, ce bout du voyage, elle l'avait affronté sans même se soucier de sa signification, à savoir sa mort imminente. Tandis que le sang jaillissait de la plaie béante d'Isaac, je voyais Asuna tourner sa lame, en préparation de la suite de son attaque. Mais même muni d'un seul et unique bras, et harcelé par la douleur d'avoir perdu l'autre, son opposant semblait toujours aussi déterminé, alors qu'il agrippa la jeune femme pour la faire chuter et la tenir fermement au sol.

                  Même si rien n'était encore arrivé, je savais déjà comment cela allait finir. Il fallait que j'intervienne pour empêcher cela. Si seulement j'étais un meilleur épéiste, sans doute aurais-je pu lancer une attaque d'énergie pour toucher à distance le forban. Mais mes compétences en escrime étaient encore loin de me permettre une telle chose. Même si j'avais réussi un tel exploit, il y avait fort à parier que ma lame n'aurait pas supporté l'assaut et se serait brisé, en plus de rendre l'attaque incontrôlable. Mais j'aurai perdu toutes les lames du monde pour éviter que ce qui allait arriver ne se produise. Essayant de me relever, me redressant en serrant mes dents de toutes mes forces, mon sang ne fit qu'un tour en voyant Ragback saisir un couteau, tout en maintenant Asuna au sol avec son genou. J'avais beau hurler de toutes mes forces pour lui dire d'arrêter, à m'en casser la voix et lui briser les tympans, mes mots semblaient ne pas l'atteindre. Dans un dernier élan, j'essayais de m'approcher, plantant une de mes paires d'ailes dans le sol pour me servir d'appui. Saisissant le katana de ma coéquipière, j'étais enfin debout, mais alors que je venais de réaliser cet exploit, je vis Isaac planter sa lame dans le corps de ma bien-aimée. Le cri de celle-ci me déchira l'âme, alors que je donnais une impulsion de mes ailes pour essayer de faire cesser cette effroyable tragédie qui se déroulait sous mes yeux. Ragback me vit alors venir, mais au moment de se dégager pour éviter ma dernière attaque, il constata qu'il était incapable de bouger. Même à demi-consciente, sur le point de mourir, Asuna étreignait son bras, l'empêchant de réagir à l'assaut qui se dirigeait vers lui.

                  Pour ma part, la rage de l'avoir vu ainsi assassiner la femme que j'aimais, mais aussi les rêves d'avenir que j'avais en commun avec elle, avait suffi à me donner la force et la rage de vaincre nécessaire pour tenir fermement mon épée. Mes ailes, auparavant d'un blanc immaculé, venaient de se teinter d'un noir de jais des plus intenses, dont il émanait une haine féroce et tout un panel de sentiments néfastes. La dernière vision que put ainsi avoir le capitaine des forbans fut mon auguste personne lui fonçant dessus, battant des ailes pour donner de la vitesse et de la force au mouvement, avant d'abattre mon épée, l'œil gauche embrasé d'un éclat azuré, avant de lui couper la tête. Celle-ci tomba lourdement, avant de rouler jusqu'à côté de la barre. Reprenant mon souffle, je ne devais cependant pas rester là à me détendre. Sans perdre une seconde, je me jetais sur le corps d'Asuna pour le prendre dans mes bras. Mais là où j'aurais aimé que son regard se tourne vers moi, ses yeux restaient vides de toute vie, fixant le ciel, la plaie dans son abdomen continuant de saigner, encore et toujours. La serrant contre moi, lui adressant mes supplications pour qu'elle ne se laisse pas aller à la mort, je constatais qu'il était déjà trop tard. Tout mon univers, tous mes rêves, tout mon futur, venaient de sombrer dans les Ténèbres les plus obscures qui soient. Ce pourquoi je m'étais battu, ce pourquoi j'avais œuvré si dur, ce pourquoi j'avais subi pendant des années les pires missions, les pires privations et les pires supplices, venait de s'éteindre, sous mon regard impuissant. Plus encore que cela, c'était à cause de mon impuissance, et pour me sauver la vie, qu'elle avait sacrifié la sienne. Elle savait pertinemment qu'elle n'était pas de taille face à Ragback, même si la différence entre leurs deux forces était surmontable. Alors elle avait choisi de me donner l'occasion de le tuer, au prix de sa vie, pour sauver la mienne.

                  Là, sous ce ciel bleu azur, dans une pluie de plumes noires, j'étreignais le corps de ma bien-aimé, hurlant mon désespoir à la mort, pleurant à chaude larme, laissant ressortir ce trop-plein d'émotions que je m'évertuais à cacher constamment. Et même dans cet instant d'intense désespoir et de solitude, je ne cessais d'avoir en tête ces mots que j'aurais aimé lui dire, que j'aurais aimé lui susurrer à l'oreille. Un millier de mots, de confessions, qui auraient embrasés mon âme pour faire fuir la douleur qui habitait son cœur. Plus que la tristesse, je ressentais la responsabilité de la tragédie qui venait de se produire. Alors que je la serrais encore contre moi, sanglotant, j'éloignais mon visage, passant ma main sur le sien pour fermer ses yeux, lui donnant alors l'air de dormir paisiblement. Comme j'aurais aimé qu'elle se réveille, pour me traiter d'abruti comme elle savait si bien le faire, ou pour me crier dessus comme elle avait l'habitude. J'aurais tout donné pour entendre à nouveau sa voix me dire qu'elle m'aimait, comme elle l'avait fait quelques instants plus tôt. Les ailes m'entourant volèrent en éclat, laissant un tourbillon paisible de plumes noires nous entourer, donnant à cette scène une dimension biblique que je n'aurais jamais voulu voir. Caressant une dernière fois sa peau, sur sa joue droite, la blessure à droite de mon faciès laissa perler une goutte de sang qui tomba sur le coin de son œil droit avant de couler. Cette larme de sang aurait dut être la mienne. C'est moi qui aurais dû me tenir immobile, inerte, dans les bras d'Asuna, et non le contraire. Si seulement j'avais été plus fort... si seulement je l'avais mieux comprise... j'aurais pu éviter tout cela. Ma rage était aussi grande envers les pirates que vers moi-même. C'était ma propre faiblesse qui m'avait poussé à prendre la place d'Asuna, ma propre lâcheté qui m'avait poussé à ne pas lui dire pourquoi je l'avais fait. Et encore aujourd'hui, ma propre impuissance venait de m'ôter la seule personne ayant jamais compté pour moi.

                  Tout en la tenant contre moi, pleurant et criant, je me jurais de ne plus jamais commettre ces mêmes erreurs... de ne jamais plus aimer. Mais alors que je hurlais mon désespoir, cela finit par attirer l'attention des hommes de feu Isaac. Ainsi donc, il restait de ces racailles de pirates sur l'imposant navire. Finalement, c'était plutôt une bonne chose. Je tenais ici l'occasion d'accomplir ma vengeance, une vendetta, envers les responsables de mon malheur. Déposant délicatement le corps d'Asuna sur le bois du pont, je pris mon épée et la sienne, avant de déployer à nouveau des ailes, couleur rouge sang. Mon œil gauche brillait d'une lueur de fureur qui aurait été capable de faire ressentir celle-ci même au plus stoïque des hommes. M'élançant dans les cieux par une brève mais puissante impulsion de mes appendices séraphiques, je me tenais au-dessus de la trentaine d'hommes de Ragback, les fixant avec tout le dédain qu'ils m'inspiraient. De là où je me tenais, ils me semblaient si minuscules, si insignifiants, grouillant et rampant comme des fourmis, affolés par la perte de leur capitaine dont ils venaient de voir le corps décapité. Alors qu'ils brandissaient leurs armes à feu, les balles ne firent que ricocher, l'une de mes paires d'ailes me servant de bouclier. Quant aux deux autres, elles firent s'abattre le châtiment divin sur cette bande de forbans. En un instant, un millier de plumes s'abattirent sur le navire, à la manière d'une véritable pluie de poignards écarlates. Je projetais ces attributs de toute ma force, continuellement, usant de toute ma rage pour maintenir une telle opération. Même après que le dernier pirate eut trépassé après avoir été recouvert et transpercé par mes projectiles, je continuais, hurlant comme un damné, jusqu'à faire rompre le pont, et le plancher en-dessous, et en dessous, finissant par couler le navire gigantesque après quelques trois bonnes minutes de mitraillage intensif.

                  Une fois toute ma colère expulsée, je finis par me poser sur le modeste bateau où gisait encore le corps d'Asuna. Je venais de verser une pluie de sang, une pluie de mille lames, pour le millier de mots que je ne pourrais jamais dire à la femme que j'aimais. Même si le navire était en sale état et n'en avait plus pour longtemps, je le dirigeais vers Luvneel, en direction de la base. Pendant ce temps, j'avais soigné mes blessures moi-même, tentant de me recoudre de manière plus que maladroite. Certes, il s'agissait de soins temporaires, mais au moins, je ne m'évanouirai pas pendant le trajet. Les blessures commençaient à devenir véritablement douloureuses, la chaleur du combat ayant cessé de protéger mon corps contre ce supplice. Mais avant tout cela, la première chose que je fis fut d'enrouler le corps d'Asuna dans un drap blanc, afin d'atténuer la peine que je ressentais en n'ayant pas à regarder son corps meurtri. Quant à celui de Ragback, il pouvait bien pourrir et être bouffé par les mouettes, j'aurais juste aimé qu'il soit encore capable de ressentir la douleur que cela aurait été. Tout en gardant le cap, je ne cessais de pleurer, regardant le katana posé sur le drap, endurant les crispations dans ma poitrine, me faisant souffrir un peu plus à chaque instant. Lorsque l'on est alors pensif, sur le futur que l'on aurait pu avoir, sur tout ce que l'on vient de perdre, sur tous les futurs possibles et imaginables, le temps de voyage en devient alors incroyablement court, mais ô combien pesant.

                  La base en vue, je débarquais, portant le corps d'Asuna sur lequel reposait son arme, dans mes bras. Marchant ainsi jusqu'à la base, sentant que cet effort venait d'ouvrir à nouveau mes plaies, je finis par arriver devant la double porte, complètement en morceau, au milieu des tentes pour les blessés et pour les secours. Je posais délicatement le corps de ma bien aimé, avant de m'écrouler, ayant atteint mon objectif, ne sentant plus en moi la force de vivre et encore moins l'envie qui allait avec. Le néant s'installa dans mon esprit. Je n'avais plus rien, plus d'espoir, plus de rêve. Et pourtant... les dieux sont parfois bien capricieux, car malgré mon envie d'abandonner, je finis par ouvrir à nouveau les yeux, dans un lit, mais surtout dans une pièce qui n'avait rien à voir avec la base où je m'étais écroulé plus tôt. Les machines chargées de transmettre mes signes vitaux faisaient des bruits aigüe, mais malgré le fait que je sois en vie, mon regard était on ne peut plus vide. Je fixais le plafond, priant pour que, lorsque je regarderais mon flanc, la blessure que j'avais n'y soit pas, que tout cela n'ait été qu'un mauvais rêve. Mais la douleur lancinante était bien présente, même trop présente, pour m'empêcher d'espérer cela. Maudissant alors mon propre sort, je me mis à nouveau à hurler mon désespoir, portant mes mains sur mon visage, criant, souhaitant m'arracher la peau. Finalement, une horde de nurses arrivèrent en trombe, tentant de me maîtriser, avant de finalement m'administrer assez de drogue pour tuer un bœuf. Mais même dans mon état comateux, je pouvais entendre en boucle le coup de feu tiré par Ragback, voir en boucle le poignard se planter dans le corps de ma bien-aimée. Même lorsque deux jours passèrent, je restais assis dans mon lit, le regard vide, demeurant silencieux... jusqu'au moment où l'un des hauts dignitaires vint à me rendre visite.

                  Évidemment, ses paroles de réconfort sonnaient faux, mais il finit par me demander dans quelle catégorie d'individus je me rangeais. Selon lui, il y en avait trois. La première est celle des perdants, qui, peu importe l'épreuve et l'échec qu'ils ont subi, ne s'en remettent pas. La deuxième est celle des gens ordinaires, qui finissent par se relever, mais trop tard. Et la dernière, c'est celle de ceux que l'on peut qualifier de génies, prodiges, battant, à savoir celle de ceux qui se relève tout de suite après pour continuer la lutte. Sur ces dernières paroles, il se releva de son siège, et finit par me laisser. Avant de fermer la porte, il ajouta que la prime qui était sur la tête de Ragback, et celle sur la tête d'Asuna, m'avait été versée sur mon compte. Mais l'argent de cette tragédie m'importait peu... non, tout ce qui m'importait, était de savoir ce que j'allais bien pouvoir faire maintenant. Au bout de deux jours, je finissais par tourner en rond, même si je sentais toujours en moi le mal-être et le désespoir m'habiter. C'est alors que les paroles de mon visiteur ne cessèrent de me hanter. Que devais-je faire ? Se relever en de pareilles circonstances était une chose que je n'avais pas envie de faire. Mais alors que je pensais cela, le visage d'Asuna me revint en tête, ainsi que tout ce en quoi elle croyait. Elle avait de moi une opinion qui n'accepterait pas que je reste ainsi amorphe, à gâcher le reste de ma vie en devenant inconsolable. Et pourtant, inconsolable, j'allais sans doute le rester pour le reste de mes jours. Puis, dans le coin de ma chambre, j'aperçus ma guitare.

                  En un instant, je su ce qu'il me fallait faire. Si je ne pouvais me relever en gardant toute cette amertume, tout ce que je ressentais, au fond de moi, alors il me fallait l'exprimer. Si pour certains, c'est en écrivant que l'âme s'apaise, alors pour ma part, c'était sans nul doute dans la musique que se trouvait mon salut. Toutes ces choses que j'aurais voulu lui dire, toutes ces choses que j'aurais aimé lui crier, toutes ces déclarations, ces confessions... il me fallait tout de même les dire, les chanter, afin de libérer mon âme du poids qui l'entravait. Désormais, je ne vivais plus pour moi-même, mais pour Asuna, pour perpétuer le souvenir qu'elle avait de moi : celui d'un homme, de quelqu'un qui n'abandonne jamais, qui ne se laisse jamais aller, sur qui l'on peut compter. Vivre et continuer à lutter étaient un devoir que j'avais envers elle, pour ne pas gâcher la vie qu'elle avait sauvé en sacrifiant la sienne. Il me fallut encore quelques jours pour sortir de l'hôpital. Mais une fois cela fait, je décidais d'utiliser la prime reçue pour la mort d'Asuna afin de la verser en part équitable aux membres de la famille de chaque Révolutionnaire qui avait péri lorsque la base avait sauté. Je savais que cela ne pourrait jamais racheter le geste qu'elle avait eu, mais je savais aussi que c'était ce qu'elle aurait voulu. Rapidement, un monument fut construit sur la péninsule de Luvneel, là où se trouvait la base avant que les décombres qui en restaient ne soient rasés. Le jour de l'inauguration de ce monument, j'étais présent... en tant qu'instigateur de la réunion pour commémorer ce qui s'était passé. Je finis par monter sur scène, avec ma guitare, accompagné d'un orchestre réuni pour l'occasion, et d'autres chanteuses. Bien loin de vouloir en faire quelque chose de festif, je m'adressais à la foule grâce au micro, sur une voix assez timide et faible, sans doute parce que je me rappelais encore ce qui s'était passé à cet endroit, et comment tout avait commencé.


                  - Si je suis ici devant vous aujourd'hui, c'est parce que je comprends la peine que vous ressentez, d'avoir perdu des proches dans le terrible incident qui s'est passé il y a quelques semaines de cela. Tout comme vous, je ressens le désespoir de n'avoir pu dire certaines choses à ces personnes parties trop tôt. Voilà pourquoi... j'ai composé cette chanson. Et c'est pourquoi je pense qu'il est important de se souvenir de tout cela... pour ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs.

                  Ainsi, par la musique, j'espérais ne jamais oublier celle que j'avais aimé...