Le soleil darde ses lumières à l'horizon, immisçant ses rayons entre les pics rocheux des montagnes de Boyettes. Dans la lumière du jour naissant, le silhouettes d'hommes à cheval se démarquent sur un petit sentier à flanc de montagne, route de neige battue serpentant dans les creux des hauts escarpements. Le soleil fait briller la neige immaculée, spectacle à en couper le souffle pour n'importe quel homme sachant s'émerveiller.
Mais pas pour Morneplume.
Son visage cerné parait plus vieilli qu'à son habitude. Toujours droit sur son étalon, il reste inébranlable malgré la nuit blanche qu'il a passé, ignorant la fatigue. D'ailleurs, aucun homme à sa suite n'oserait se plaindre de sa condition. Ils n'oseraient pas risquer une sanction de la part du Sergent, ils n'oseraient pas déshonorer l'Élite par leur faiblesse. Alors ils se taisent, tous, respectant le silence de plomb qu'impose le chef de file. Aux côtés de ce dernier, le mystérieux Sergent Kuroda s'est changé en un Kaze Starn à l'allure plus burlesque, deux chapeaux haut-de-forme pour mener le groupe d'Élite.
Les salutations entre les deux leaders se sont faites en pleine nuit, personne n'y a vraiment porté attention, pas même Morneplume. Les deux groupes ont fusionné, c'est tout, ils étaient sous Starn, ils sont désormais sous Morneplume. Certains ont peut-être noté un "Heureux d'enfin vous rencontrer, Starn." bien posé, poli et détaché, tout en officiel et en impersonnel. Starn n'est qu'un fusil supplémentaire sur lequel s'appuyer, un homme dont la seule utilité n'est que de mener Edwin un peu plus loin dans son ascension vers la Rédemption. Il n'a aucunement besoin de connaître le passif du Tireur fou, encore moins sa personnalité, rien de tout cela ne l'intéresse.
Alors, comme avec Kuroda, il adopte ce même silence lourd, n'apportant aucune attention aux autres membres de l'Élite qui le suivent sans questionner ses choix et ses décisions. Ses yeux d'acier restent braqués vers le lointain. On croirait pratiquement qu'il pourrait percer les montagnes de ses iris froids et tranchants. Pourtant, s'il fixe ainsi les tréfonds des montagnes, c'est parce qu'au loin apparait le complexe des mines de Boyettes, mais aussi les contours de la fabrique de feu-Ferdinand Frappefer.
Une cigarette se fiche entre les lèvres de Morneplume. Le craquement d'une allumette brise l'écho régulier du trot des chevaux, Edwin souffle une bouffée vers les airs, puis murmure froidement:
Décidément, on peut dire que nous sommes au meilleur endroit pour trouver un gros filon.
Justice ambiguë.
Ce paysage montagneux et enneigé défilait devant ses yeux. Une nouveauté présentée dans son habit d’apparat, une force millénaire qui s’était dressée de blanc pour l’accueillir lui et la troupe. Un spectacle timide en raison de l’heure, mais dont les rayons du soleil le dardaient de plus en plus, créant ainsi une atmosphère féérique.
Malheureusement pour tous et chacun ce n’était pas un conte de fées qu’ils allaient écrire aujourd’hui. Tous connaissaient la raison de leur venue dans les montagnes de Boyettes et personne n’y échapperait. Bien sûr, sous le commandement du Sergent Morneplume, une étrange discipline basée sur la peur et la confiance semblait s’être installée. Même les hommes qui hier encore étaient sous les ordres de son homologue Kaze Starn, avaient adopté cette rigueur. Côte à côte, les deux sergents écriraient très bientôt une nouvelle page dans l’histoire de cette île. À la tête du groupe, ces deux hommes aux chapeaux haute-formes pouvaient observer les mines de Boyettes se dessiner sous leurs yeux.
Ils approchaient du but.
L’autorité et le détachement qu’affichait Morneplume n’affecterait en rien le comportement de Kaze. D’un point de vue hiérarchique, ils étaient égaux au sein de l’élite mais pour cette mission, il s’était volontairement soumis à ses règles. Cette fois-ci, le blondinet avait jugé plus amusant d’être un simple soldat. Il n’avait pas à se préoccuper de logistique et autres tactiques qu’un supérieur se devait d’appliquer. Encore affaiblis par l’état léthargique dans lequel il avait passé les derniers mois, sa canne lui serait aujourd’hui aussi utile que ses pistolets. Cette faiblesse qui l’habitait toujours ne lui donnerait que plus ample satisfaction lorsqu’il massacrerait les révolutionnaires.
Si haut dans les montagnes, seul le bruit des chevaux soutenant les marines se faisait entendre. La quiétude de l’endroit était épatante. En temps normal, Kaze aurait profité d’avantage des lieux, car il est rare dans la vie d’un marine d’observer si bel endroit. Or en ce début de matinée, le calme allait être brisé lorsqu’il atteindrait le complexe de Ferdinand Frappefer. Il était indéniable que la fabrique continuait d’effectuer ses sombres projets révolutionnaires et ils étaient là pour les y empêcher. Qui sait quelle surprise les attendait. Depuis la mort tristement regrettable du propriétaire, un grand homme disait-on dans les bas-quartiers, le personnel cadre devait appréhender cette visite de courtoisie.
Une allumette qui se casse, une cigarette s’allume et la voix d’un homme faisant baisser la température de dix degrés.
Edwin marquait son territoire de dominant sur toute la troupe. Ceci amusait Kaze qui avait pris le temps d’analyser son nouveau compagnon. Un simple soldat n’aurait pas valu la peine mais lui était différent. Il était froid, calculateur et probablement aussi cinglé que lui en matière de Justice. Cet homme voulait progresser dans la hiérarchie, écraser tout ce qui se mettrait en travers de sa route et exterminer la vermine. Une motivation noble et adéquate pour un marine d’élite. Peut-être considérait-il Kaze comme un simple fusil prêt à tirer sur commande, une arme tout simplement. C’était justement ici qu’il se trompait. Le jeune sergent blond comptait lui aussi profiter de Morneplume puisqu’il lui permettrait de tuer comme bon lui semblerait. L’excuse idéale pour faire régner la Justice.
Malheureusement pour tous et chacun ce n’était pas un conte de fées qu’ils allaient écrire aujourd’hui. Tous connaissaient la raison de leur venue dans les montagnes de Boyettes et personne n’y échapperait. Bien sûr, sous le commandement du Sergent Morneplume, une étrange discipline basée sur la peur et la confiance semblait s’être installée. Même les hommes qui hier encore étaient sous les ordres de son homologue Kaze Starn, avaient adopté cette rigueur. Côte à côte, les deux sergents écriraient très bientôt une nouvelle page dans l’histoire de cette île. À la tête du groupe, ces deux hommes aux chapeaux haute-formes pouvaient observer les mines de Boyettes se dessiner sous leurs yeux.
Ils approchaient du but.
L’autorité et le détachement qu’affichait Morneplume n’affecterait en rien le comportement de Kaze. D’un point de vue hiérarchique, ils étaient égaux au sein de l’élite mais pour cette mission, il s’était volontairement soumis à ses règles. Cette fois-ci, le blondinet avait jugé plus amusant d’être un simple soldat. Il n’avait pas à se préoccuper de logistique et autres tactiques qu’un supérieur se devait d’appliquer. Encore affaiblis par l’état léthargique dans lequel il avait passé les derniers mois, sa canne lui serait aujourd’hui aussi utile que ses pistolets. Cette faiblesse qui l’habitait toujours ne lui donnerait que plus ample satisfaction lorsqu’il massacrerait les révolutionnaires.
Si haut dans les montagnes, seul le bruit des chevaux soutenant les marines se faisait entendre. La quiétude de l’endroit était épatante. En temps normal, Kaze aurait profité d’avantage des lieux, car il est rare dans la vie d’un marine d’observer si bel endroit. Or en ce début de matinée, le calme allait être brisé lorsqu’il atteindrait le complexe de Ferdinand Frappefer. Il était indéniable que la fabrique continuait d’effectuer ses sombres projets révolutionnaires et ils étaient là pour les y empêcher. Qui sait quelle surprise les attendait. Depuis la mort tristement regrettable du propriétaire, un grand homme disait-on dans les bas-quartiers, le personnel cadre devait appréhender cette visite de courtoisie.
Une allumette qui se casse, une cigarette s’allume et la voix d’un homme faisant baisser la température de dix degrés.
Edwin marquait son territoire de dominant sur toute la troupe. Ceci amusait Kaze qui avait pris le temps d’analyser son nouveau compagnon. Un simple soldat n’aurait pas valu la peine mais lui était différent. Il était froid, calculateur et probablement aussi cinglé que lui en matière de Justice. Cet homme voulait progresser dans la hiérarchie, écraser tout ce qui se mettrait en travers de sa route et exterminer la vermine. Une motivation noble et adéquate pour un marine d’élite. Peut-être considérait-il Kaze comme un simple fusil prêt à tirer sur commande, une arme tout simplement. C’était justement ici qu’il se trompait. Le jeune sergent blond comptait lui aussi profiter de Morneplume puisqu’il lui permettrait de tuer comme bon lui semblerait. L’excuse idéale pour faire régner la Justice.
La grande porte de l'usine vole en éclats, fracassée par la botte du Caporal Fitzgerald qui s'engouffre dans la brèche l'arme au poing. Il balaie la zone de son revolver tandis que Edwin avance calmement, les mains dans le dos, au milieu de la poussière et des débris. Seul le silence répond à l'écho du claquement de leurs bottes. L'usine est vide. Partout, des barils remplis d'armes traînent, des chaînes de montage semblent avoir été délaissées en pleine activité, les réservoirs de fonte ne chauffent plus, les machines à vapeur ne sifflent plus, bref, l'endroit est vide de vie. L'Élite s'engouffre petit à petit dans l'endroit, sécurisant la zone sous les yeux d'Edwin qui, impassible, analyse l'endroit.
Starn est à sa hauteur. Bouffée de cigarette. Il continue de détailler l'usine, sans poser son regard sur son acolyte.
Je vais tenter de trouver le bureau de Frappefer, ou à tout le moins l'endroit où il siégeait dans cet austère bâtiment.
Comme il parle, il avise les passerelles en hauteur au-dessus des chaînes de montage, l'une d'elle donnant sur une porte, à l'étage. Probablement un endroit d'où Frappefer pouvait superviser la production. Endroit vers lequel Edwin s'engage à grandes enjambées en laissant derrière lui sa troupe qui, il s'en doute très bien, s'est déjà mise à passer l'endroit au peigne fin. Et comme Morneplume s'engage dans un escalier d'acier montant sur les passerelles, quelque chose d'évident apparaît aux yeux de l'Élite ; s'il y avait des employés dans cette fabrique, ils l'ont quitté avec empressement. Encore une fois, la Révolution a probablement joué plus rapidement que Morneplume, mais cela ne l'empêchera en rien de suivre la piste sur laquelle il s'est lancé.
Le pressentiment de se savoir en danger, il le vit pleinement, mais n'ose être affecté par ce dernier. Du haut de la passerelle, il lance à Kaze et à Fitzgerald le colosse :
Messieurs, veuillez vous assurer que la zone est tout à fait sécuritaire. Je n'apprécierais pas que notre enquête soit dérangée. Cet endroit pue la Révolution.
Il s'avance vers le bureau de Frappefer en ajustant ses gants immaculés, puis ouvre la porte sur une pièce exigüe, à l'ameublement spartiate, où trône une bureau de bois couvert de paperasse… Ou du moins… de ce qui semblait être de la paperasse. Edwin ne peut retenir un soupire devant la montagne de papiers carbonisés qui gît dans la pièce. L'endroit qui, de prime abord, devait posséder un certain charme, est tâché de suie et de cendre. Morneplume écrase sa cigarette du talon avec une once de dépit, puis s'avance dans la pièce à travers les cendres en suspension dans l'air, immobile.
C'est sur le bureau que s'est tenu la majeure partie du brasier, là où les nettoyeurs de la Révolution se sont assurés de se débarrasser de toute information susceptible d'entrer entre les mains du Sergent. Légèrement penché pour éviter que son haut-de-forme ne touche le plafond, Edwin ôte un de ses gants, en faisant une moue indéchiffrable. Il est déçu, mais loin d'être découragé. Sa grande main aux doigts osseux plonge dans la cendre, écartant des morceaux de feuilles calcinées. Il doit bien rester quelque chose, il reste toujours quelque chose… Ce travail de désinformation s'est fait trop rapidement, de façon bâclée et pressée, une pièce peut être rescapée de ces résidus.
Une pièce comme le morceau d'enveloppe cachetée qu'il extirpe de sous la pile de cendre. Une enveloppe autrefois brune qui, recouverte de poussière et de cendre, laisse encore entrevoir le cache de cire qui la scellait.
Hmm… Surprise, surprise… Cela vient bien confirmer ce que la copine de Kaltershaft me laissait croire…
Le sceau des Hérauts de l'Aurore.
Dernière édition par Edwin Morneplume le Sam 6 Déc 2014 - 22:55, édité 1 fois
Tic.
Vide. Ils avaient été devancés. Quelques infimes minutes avaient empêché la rencontre. Empêché une arrestation de masse parmi le groupuscule révolutionnaire. Cette visite inopinée aurait été bien trop facile, et c’est pour cela que le destin s’était moqué d’eux. Or, cette fois-ci le destin n’y était absolument pour rien, ils étaient les seuls responsables de ce gâchis. Les révolutionnaires avaient probablement été mis au courant, mais c’était la chance qui avait fait changer la donne. Si leur groupe avait accéléré le pas ne serait-ce qu’un tant soit peu ou était même parti quelques minutes plus tôt, le cours des choses serait tout autre. Cela enrageait et électrisait Kaze. Cet amalgame opposé d’émotions ne pouvait que le faire sourire. Oui, le plaisir qu’il avait toujours éprouvé était revenu. Il s’agissait d’une haine viscérale qui, amalgamé avec la perspective réjouissante d’une chasse à l’homme, produisait chez lui un cocktail explosif de violence.
Tac.
«Messieurs, veuillez-vous assurer que la zone est tout à fait sécuritaire. Je n'apprécierais pas que notre enquête soit dérangée. Cet endroit pue la Révolution.»
Tel avait été l’ordre lancé par son collègue Morneplûme. Si une personne semblait détester la révolution autant que Kaze s’était bien lui. Le hangar avait beau être vide de révolutionnaires, il était encore saturé d’armes. Ainsi la révolution se préparait à agir et c’était pour bientôt. Les barils traînant ici et là, les chaînes de montage abandonné de leurs sombres besognes. Décidemment, lorsqu’il était en service, ce hangar devait produire une quantité phénoménale d’armes prêtes à être utilisées contre les forces de l’ordre. Pitoyable. Prenant entre ses mains un de ces révolvers, Kaze fit mine de viser un ennemi invisible devant lui.
Tic.
Si seulement, ils pouvaient être réellement là. Je les réduirais en cendre, ne laissant pas même leurs os.
Une chose attira alors son attention. Au fond de l’immense hangar dans laquelle il se trouvait, se tapissait une citerne rougeâtre. Massive, elle semblait être passé inaperçue par les membres de l’élite. L’intense rassemblement d’armes était source suffisante de distraction pour canaliser leur attention.
Tac.
Un sentiment d’inquiétude gagna alors Kaze.
Qu’on-t-il placé dans cette citerne ? De l’eau ? Mais pourquoi faire cela… Avec une température extérieure aussi froide, il ne suffirait que d’exposer les pièces d’armement au froid ne serait-ce que quelques secondes. Alors qu’on-t-il à cacher là-dedans ?
Tic
Cette citerne ne lui inspirait guère. Il devait vérifier ses doutes au plus vite. Évitant les débris divers qui traînaient au sol, Kaze se précipita pour voir de quoi il retournait. Il faisait du mieux qu’il pouvait malgré sa faiblesse, mais tous ses sens lui criaient d’agir. Une petite valve se situait sur le côté, prêt à être ouverte et déverser un peu de son contenu. S’agenouillant au sol, la main tendue, il ouvrit la valve avec précaution.
Tac.
Une fine poudre noire s’écoula dans la paume du sergent. De la poudre à fusils. Le soldat d’élite se leva prestement et cria de tout son être :
«Barrez-vous ça va sauter !!!!!!!!! »
Vide. Ils avaient été devancés. Quelques infimes minutes avaient empêché la rencontre. Empêché une arrestation de masse parmi le groupuscule révolutionnaire. Cette visite inopinée aurait été bien trop facile, et c’est pour cela que le destin s’était moqué d’eux. Or, cette fois-ci le destin n’y était absolument pour rien, ils étaient les seuls responsables de ce gâchis. Les révolutionnaires avaient probablement été mis au courant, mais c’était la chance qui avait fait changer la donne. Si leur groupe avait accéléré le pas ne serait-ce qu’un tant soit peu ou était même parti quelques minutes plus tôt, le cours des choses serait tout autre. Cela enrageait et électrisait Kaze. Cet amalgame opposé d’émotions ne pouvait que le faire sourire. Oui, le plaisir qu’il avait toujours éprouvé était revenu. Il s’agissait d’une haine viscérale qui, amalgamé avec la perspective réjouissante d’une chasse à l’homme, produisait chez lui un cocktail explosif de violence.
Tac.
«Messieurs, veuillez-vous assurer que la zone est tout à fait sécuritaire. Je n'apprécierais pas que notre enquête soit dérangée. Cet endroit pue la Révolution.»
Tel avait été l’ordre lancé par son collègue Morneplûme. Si une personne semblait détester la révolution autant que Kaze s’était bien lui. Le hangar avait beau être vide de révolutionnaires, il était encore saturé d’armes. Ainsi la révolution se préparait à agir et c’était pour bientôt. Les barils traînant ici et là, les chaînes de montage abandonné de leurs sombres besognes. Décidemment, lorsqu’il était en service, ce hangar devait produire une quantité phénoménale d’armes prêtes à être utilisées contre les forces de l’ordre. Pitoyable. Prenant entre ses mains un de ces révolvers, Kaze fit mine de viser un ennemi invisible devant lui.
Tic.
Si seulement, ils pouvaient être réellement là. Je les réduirais en cendre, ne laissant pas même leurs os.
Une chose attira alors son attention. Au fond de l’immense hangar dans laquelle il se trouvait, se tapissait une citerne rougeâtre. Massive, elle semblait être passé inaperçue par les membres de l’élite. L’intense rassemblement d’armes était source suffisante de distraction pour canaliser leur attention.
Tac.
Un sentiment d’inquiétude gagna alors Kaze.
Qu’on-t-il placé dans cette citerne ? De l’eau ? Mais pourquoi faire cela… Avec une température extérieure aussi froide, il ne suffirait que d’exposer les pièces d’armement au froid ne serait-ce que quelques secondes. Alors qu’on-t-il à cacher là-dedans ?
Tic
Cette citerne ne lui inspirait guère. Il devait vérifier ses doutes au plus vite. Évitant les débris divers qui traînaient au sol, Kaze se précipita pour voir de quoi il retournait. Il faisait du mieux qu’il pouvait malgré sa faiblesse, mais tous ses sens lui criaient d’agir. Une petite valve se situait sur le côté, prêt à être ouverte et déverser un peu de son contenu. S’agenouillant au sol, la main tendue, il ouvrit la valve avec précaution.
Tac.
Une fine poudre noire s’écoula dans la paume du sergent. De la poudre à fusils. Le soldat d’élite se leva prestement et cria de tout son être :
«Barrez-vous ça va sauter !!!!!!!!! »
BRRRRRAAAAOUUUUMMMM!!!
La déflagration est phénoménale. Assez puissante pour secouer l'usine entière. En un instant, le mur du bureau ainsi que tous les papiers sont soufflés par l'onde de choc qui envoie Edwin s'écraser contre le mur avec une violence inouïe. Par réflexe, les longs doigts gantés d'Edwin se saisissent du papier contenant le sceau royal avant que la pièce ne soit ravagée par l'explosion. Sonné, étourdi, Edwin se relève tant bien que mal en cherchant appuie contre le mur. Des gravas recouvrent la pièce où il se trouve, le mur s'étant écroulé avec violence sur tout le mobilier et la paperasse. Sous ses yeux, le feu ronge l'usine alors que des pans de mur entiers et des morceaux du toit s'effondrent déjà.
La passerelle par où il est passé tient toujours bon, alors que les chaînes de montage et les stocks d'arme plus bas crépitent et s'enflamment sans modération. Son regard se durcit comme il aperçoit en contrebas les corps carbonisés et malmenés comme des chiffons des hommes s'étant trouvé trop près de l'explosion. C'est la deuxième fois qu'il tente d'infiltrer une usine d'armement sur Boréa et c'est la deuxième fois qu'il est vaincu comme un débutant. Sa main se crispe sur le document si précieux qu'il a découvert au prix d'une majorité de son escouade. Des dommages collatéraux, dira-t-il, mais aussi des hommes qui ne pourront plus l'aider dans sa rédemption à l'avenir.
Il s'avance de plus belle sur la passerelle, dénotant en contrebas des hommes couverts de cendres et de poussière, sonnés, mais toujours vivant. Le Caporal Fitzgerald, ses lunettes de soleil fracassées, lève les yeux vers lui. Un mouvement de tête, un seul, est assez clair pour que le subordonné de Morneplume fasse évacuer le bâtiment aux survivants. Edwin connait désormais très bien la stratégie de ses assaillants. Des révolutionnaires du froid qui savent se débrouiller lorsqu'il est question de guérilla. Ils laissent d'abord la tempête clairsemer les rangs de leurs ennemis avant de se débarrasser du plus petit nombre. Comme Edwin l'a fait avec Madame Flocon, il saura se déjouer des nettoyeurs envoyés par la Révolution. Car ils viennent insatiablement pour lui, ça, il s'en doute à un haut point. Sans lui, la Purge n'aurait plus de raison d'être.
Le grondement des flammes et le crépitement du bâtiment qui carbonise et s'effondre empli l'énorme hangar, étouffant les cris sous d'épais nuages de fumée noire s'élevant vers le ciel. Paysage infernal sous les yeux de Morneplume qui réajuste son chapeau et en rangeant sous sa veste le document recouvert du sceau royal.
J'espère que nous avons tout de même la possibilité d'échanger poliment nos noms respectifs?
Je sais très bien qui vous êtes, Morneplume.
Edwin se retourne, rivant se regard glacial sur l'armoire à glace se tenant sur la passerelle, non loin de lui. Chauve, portant un long manteau sombre, le colosse braque sur lui un revolver de gros calibre. L'air coriace, le visage porcin, la parfaite brute de nettoyage.
Je crois que nous pouvons tous deux convenir du fait que, sachant nos noms respectifs, l'un d'entre nous ne sera pas à-même de se souvenir du nom de l'autre à la fin de cet échange, ma foi, inévitable. N'est-ce pas?
…Finn McCormick.
Vous n'êtes pas d'ici. Et vous êtes primé.
Onze millions.
L'île des esclaves? Meurtre d'un Lieutenant de la Régulière?
Vous suivez l'actualité.
C'est un miracle que vous ayez réussi à échapper au Vice-Amiral Fenyang.
Tout en parlant, Edwin enlève minutieusement ses gants et les range dans son veston, s'allumant une nouvelle cigarette par après.
Et bien, McCormick, je suis heureux de pouvoir vous annoncer qu'ensemble, nous ferons progresser la Justice en ce monde. Vous mort. Et moi bien vivant.
Cause toujours, chien d'la Mouette.
BANG!***
Et à travers les flammes, une silhouette se profile, en contrebas, tirant à tout va sur les hommes soufflés par l'explosion. Le chapeau melon, la moustache, la longue carabine, un véritable gentleman qui élimine les survivants en se faufilant à travers les flammes. Albert Mercredi, treize millions, souffle une bouffée de cigare en apercevant une canne traînant contre le sol. Morneplume sera bientôt éliminé par McCormick, il n'a qu'à s'occuper des péons de l'Élite pour s'assurer que le raid soit un succès. Toutefois, cette canne l'intrigue sincèrement…
Morneplume n'est pas si vieux, il n'a pas besoin d'un tel support.
Y aurait-il un autre vieillard dans l'escadron d'Edwin?
"Bien pire", oserait lui répondre le Sergent d'Élite.
Le coup de canon enterre momentanément le grondement des flammes qui rongent l'usine. Éclair. Morneplume, surpris, dégaine son arme et la pointe vers McCormick, par précaution. Il est indemne. Comment? La réponse se trouve dans la flaque rougeâtre s'étendant sur le manteau du balourd. Le colosse pose un regard abasourdi sur la blessure, alors que du sang s'écoule par bouillon de la commissure de ses lèvres. Il relève les yeux vers Edwin, ne comprenant point, puis se retourne enfin, pour apercevoir une silhouette chapeautée se dessiner à travers la fumée. Le regard froid d'Edwin suit celui de McCormick, puis le Sergent d'Élite laisse pousser un petit soupir las en voyant l'auteur de ce tir.
Kaze Starn, brandissant tant bien que mal un pistolet, ne tenant que faiblement sur ses jambes, boitille en s'avançant à travers les flammes. Son costume est carbonisé, son visage couvert de brûlures et de suie. Terriblement près de l'épicentre de la déflagration, c'est un miracle de le savoir toujours en vie. Un filet de sang s'échappe de sous sa crinière blonde et lui entache le visage. Sa respiration est rauque, sifflante. À le voir, il semblerait difficile de croire qu'un tel moribond puisse avoir si bien visé. Oh oui, il a bien visé. Assez bien pour que McCormick, fulminant de rage, son visage se crispant de colère et de douleur, empoigne d'une main sa blessure pour en tarir l'hémorragie. Le large main potelée du révolutionnaire se cramponne à son arme, le canon se braque sur Starn.
Bande de traîtres et de chiens… grogne-t-il en hoquetant un nouveau filet d'hémoglobine.
C'est de loin votre plus longue phrase jusqu'à maintenant, McCormick.
L'écume sur mon poing.
McCormick n'a à peine le temps de faire volte-face que déjà, il sombre. Il sombre quand, éperon de Justice lancé contre son visage, le poing de Morneplume s'abat sur lui, broyant, écrasant et fracassant le visage du révolutionnaire dans un terrible choc. La passerelle est étroite, malmenée par les flammes, trop peu solide pour soutenir le poids d'un colosse en pleine chute. La rambarde grince, s'échine, se tord, puis cède. McCormick, le visage ensanglanté, les traits hagards, tombe dans les flammes qui rongent l'usine, en contrebas. Les iris d'acier de Morneplume le suivent dans sa course folle, jusqu'au moment où son corps percute le sol et se brise.
La Justice a frappé.
BANG!
Souffrance. Elle irradie à travers la cuisse de Morneplume comme un dard qui injecterait son venin dans toute la jambe du Sergent d'Élite. Starn, loin d'être lucide, écarquille les yeux lorsque Morneplume perd pied sous le violence de la balle qui lui a percé la cuisse. Bien plus bas sous la passerelle, Albert Mercredi réajuste sa lentille, satisfait de son tir. Edwin retient un grognement, toujours impassible, lorsqu'il constate qu'il est grièvement touché. Ses doigts se crispent sur la blessure qui saigne déjà abondamment, son pistolet se braque sur le nettoyeur.
Sergent Starn, il serait approprié de quitter ces lieux, il m'est avis.
BANG! BANG! BANG! BANG!
Un tir de couverture barbare, mal calculé. Les balles ricochent contre le sol et les murs, se perdent dans les flammes et la fumée, alors qu'aucune ne touche réellement Mercredi. Edwin, néanmoins, en profite pour quitter la passerelle à toute vitesse, quelques gouttes de sueur se mettant à baigner son front. Il aurait pu mourir. Sans avoir complètement accompli son travail. Il se saisit de son allié, Morneplume, de sa main libre et couverte de sang. Sa poigne se referme sur le bras de son acolyte, puis le juche prestement sur son épaule. Starn a perdu conscience.
Une fenêtre de l'étage se fracasse alors qu'Edwin se jette dans le vide, directement dans la neige des montagnes. Quittant du même fait l'incendie dévorant le bâtiment de plus belle. Lourd atterrissage, la douleur dans la cuisse de Morneplume est si forte, lorsqu'il se réceptionne avec son fardeau, que Morneplume en défaillit un instant.
Sergent!
Assurez-vous d'harnacher le Sergent d'Élite Starn avant tout, Caporal Fitzgerald.
Sergent, votre jambe…
Oh vous savez, il y a bien pire, Caporal. J'ai oublié mon chapeau à l'intérieur…
Kuroda était en fait Alrahyr Kaltershaft, alors…
Cinquante millions de prime. Vous ne vous arrêtez pas sur votre longue liste d'échecs, Colonel.
Mais allez-vous cesser d'être insolent bordel de Dieu?!
Je dois dire que la conjoncture des événements ne me pousse pas à être particulièrement agréable, Colonel Grey. Néanmoins, je tenais à obtenir votre accord -qui me sert plutôt de laissé-passer diplomatique- pour pénétrer dans la cité de Bourgeoys. Je tiens à rencontrer le Très Honorable Fidel Danton avant la fin de la journée. Je pourrais très bien entrer par la force de mes droits, mais je crois que faire preuve d'un minimum de doigté peut parfois s'avérer utile.
C'est impensable de vous l'entendre dire…
J'ai éliminé Finn McCormick, onze millions de prime, dans les montagnes. Toutefois, je compte rester en mouvement le plus possible, je soupçonne de toujours avoir sur mes trousses le révolutionnaire Albert Mercredi. Je préfère l'affronter une fois que la majorité de mon plan sera mise à exécution.
Et vos effectifs?
Plus que cinq hommes, trois, en fait, considérant qu'un de ceux-ci escorte le Sergent Kaze Starn jusqu'à Lavallière.
Mais… que s'est-il passé, Morneplume?!
Quelque chose de certainement bien moins grave que l'escapade d'Alrahyr Kaltershaft, Colonel.
Je vais vous coller un rapport au cul Morneplume! J'en ai marre de cette attitude! Les pontes de la Marine d'Élite vont entendre parler de moi!
C'est tout à fait déplorable, Colonel. Je me demande qui de nous deux sera pris au sérieux dans toute cette affaire, entre celui ayant réussi à débarrasser Boréa de la Révolution, où celui étant incapable de ne capturer qu'un seul pirate.
Tss…
Bonne fin de journée, Colonel Earl Grey.
Clac.
D'énormes portes de bois bardées de fer s'ouvre sur un bureau à l'aménagement chaleureux. Fourrure sur les murs de pierre, tapisseries et peintures. Voilà plusieurs minutes qu'il progresse en compagnie d'un valet dans les longs couloirs du palais de Bourgeoys, boitillant pour atténuer la douleur de sa cuisse en feu. Au centre de la pièce trône une massive table ronde où sont étalées diverses cartes de Boréa. Les mains appuyées sur la table, l'œil déjà hargneux, tout en uniforme et en médailles, le sabre à la ceinture, Fidel Danton regarde Edwin Morneplume entrer en silence.
Morneplume fait pitié à voir. Le visage fatigué et couvert de suie, la barbe roussie, les cheveux en bataille, un bandage sommaire autour de sa cuisse droite. Néanmoins, il se tient toujours droit dans son costume calciné par endroit, l'inébranlable fer de lance de la Justice. La porte se referme derrière Edwin alors qu'aucun mot n'a encore été prononcé. Fidel quitte la table pour se diriger vers une commode, de laquelle il tire une bouteille de cognac, deux verres et une boîte à cigare. Deux verres se remplissent. Deux verres se vident. Un instant plus tard, ils sont à nouveau plein. Une allumette craque, deux cigares s'embrasent. Bouffées. Silence. Lentement, le cigare au lèvre, Edwin glisse la main sous sa veste et en sort le papier qu'il a soutiré à l'usine de Frappefer. Le papier est déposé sur la table, puis déplié. Un état de compte, un financement venant des coffres personnels de Danton et étant redistribué à divers artisans de la Révolution. Simple morceau de paperasse qui aurait pu passer tout à fait inaperçu s'il ne se trouvait pas sur une pile de pièces à conviction réduites en cendres. Broutille de bureaucratie qui, pourtant, est un filon inestimable pour Edwin qui se racle la gorge, vrillant ses yeux d'acier sur Danton.
Commandant Danton. Inutile de préciser les allégations que j'ai à votre égard.
Frappefer n'était pas mort que je me doutais déjà que vous viendriez.
Son regard est résigné et frustré à la fois, une mine que ne partage définitivement pas Morneplume l'homme de fer. Il crache une nouvelle bouffée de cigare, puis regarde un instant la carte de l'île, l'air énigmatique.
Vous savez, Danton, je pourrais vous faire arrêter et vous faire pendre dès demain sur la place centrale de Lavallière.
Mais vous ne le ferez pas.
Effectivement, parce que ce serait un joyeux bordel, n'est-ce pas? Et vous pourriez dégainer votre sabre et m'occire ici et maintenant dans une violente effusion de sang.
Mais je ne le ferai pas…
Silence d'un instant. Un instant de courte méfiance durant lequel Morneplume pose son regard sur le fourreau de Danton. Un doute raisonnable, juste de quoi comprendre quelle partie croit jouer Danton. Ses traits se froncent de plus belle alors qu'Edwin continue, optant pour un ton un peu plus assuré, malgré ses blessures et son air piteux.
Et vous pourriez nous éviter à tous bien des problèmes, Danton. Car je me permet de croire que vous êtes bel et bien la tête pensante des Gris de cette île… Ai-je tors?
…
Ce silence me confirme la véracité de mes propos. Ce qui m'amène donc a penser que vous êtes bel et bien en contrôle des nombreuses cellules révolutionnaires de cette île, n'est-ce pas?
Le sabre est éjecté du fourreau à une vitesse ahurissante, le fil de l'épée se plaquant contre la carotide d'Edwin qui ne bronche pas. En moins d'un instant, la main du Sergent a fusé vers l'intérieur de sa veste pour en tirer son pistolet. Difficile de trouver situation plus précaire. Précaire, mais pas pour le Fer de Lance.
Je ne vendrai aucun de mes hommes, Morneplume! grogne Fidel d'une voix profonde et rauque.
C'est votre décision, certes, Danton. J'aimerais tout de même vous faire savoir que si ce n'est pas moi qui vous pousse à le faire, ce sera quelqu'un d'autre. J'ai levé le voile sur cette organisation qui gangrénait Boréa, un retour en arrière est impossible.
Menteur! Tant que notre volonté prévaudra, vous ne pourrez rien!
Si je ne peux rien? Oh laissez moi vous rassurer, je peux beaucoup de chose. Si vous ne me donnez pas l'emplacement des cellules révolutionnaires sur l'île, je laisserai tomber les arrestations chirurgicales et opterai plutôt pour un nettoyage de masse. J'ai toutes les cartes en main pour convaincre l'État Major de raser cette île devenue bien trop problématique.
…Vous êtes un être inhumain et machiavélique…
Vous avez le choix Danton. Soit vos hommes y passent, soit c'est toute la population qui en souffre. La décision repose sur vous. Êtes vous prêt à vous tourner vers la Justice, ou à voir le monde brûler?
Petit à petit, la pression du sabre contre le coup d'Edwin se retire. La mine de Danton se décompose, alors que l'impasse se présente à lui. Edwin range lentement son six-coups, tâchant de ne pas énerver son interlocuteur. Il sait qu'il a gagné, il sait sa proie acculée, incapable de fuir l'inévitable. Il voit déjà la Révolution s'écrouler devant lui. Il se saisit d'une plume, le Morne, puis la trempe dans de l'encre avant de la tendre à Danton. Il n'a qu'à indiquer, sur la carte, où sont les nids de révolutionnaires.
Allez Danton, faites le bon choix.
Chère Elsa,
J'ai réussi. Je l'ai convaincu de m'indiquer la position de chacune des cellules. Il a marqué la carte de dizaines de croix, me donnant le nom des bâtiments, le moyen d'y accéder. Depuis longtemps que tu n'avais été aussi fière de moi.
Depuis longtemps, oui.
J'ai arrêté Danton, l'ai fait mener sur la place publique de Lavallière. Déjà, partout dans le pays, les hommes étaient mobilisés, encerclant les repères révolutionnaires et n'attendant qu'un coup d'escargophone. N'attendant que ton ordre pour répandre le bien en tuant à la source les tumeurs de ce royaume. L'ordre, je l'ai donné. Je l'ai donné alors que dans la foule assistant à l'exécution, l'émoi s'immisçait en compagnie de sa sœur la discorde. Chaos. Révolte. Danton ballotait toujours, brisé par le mécanisme, alors que la Plèbe refusait l'essor de la Justice. Ils hurlaient, revendiquaient. Mille démons fous cassant et scandant le Mal. Mille clameurs de haine et de souffrance, une tempête de malédictions. Je les voyais tous sombrer, eux aussi, dans la démence de ces faux justiciers. Aspirés dans le tumulte de la mort d'une idole ne méritant pas son titre. Un imposteur. Danton était un imposteur. Un homme mauvais s'étant accaparé un titre de Justice.
Dans un royaume où la définition de la vérité est un débat public, il faut une poigne de fer pour mater ces hommes fous qui font battre à l'adrénaline le cœur des foules. Ils ne sont plus foules, ils sont meutes. Meutes assoiffées du sang des justiciers, flot battant et frappant de corps entremêlés dans une même course vers ma tête. Vers ta Justice.
Feu, ai-je dit.
Comment? ont répondu les hommes?
Feu, ai-je répété.
Incertitude dans les rangs. Armes qui pointent sans conviction. J'ai répété une dernière fois. Une dernière fois, ton ordre rédempteur a fusé. Les impies s'écroulent. Les impies fuient, se cachent, vont lécher leur blessure ou pleurent celles des autres. On ne se met pas impunément sur ton chemin, mon aimée. On ne se met pas sur le chemin de l'Élite. La Révolution est une idée tordue. Une idéologie d'hommes malsains et de monstres. Tous des vilains. Des vilains croyant pouvoir faire obstacle à ta toute puissance, mon aimée.
Ils ne peuvent rien pour m'empêcher de te rejoindre, ma douce. Un jour, je serai à tes côtés, et ce jour approche un peu plus grâce à ces actions.
Le nettoyage se poursuivit. Par le sang, les repères furent purgés. Par les larmes, les rancunes furent purifiées. La Révolution s'est écroulée, de Bocande à Jalabert, de Bourgeoys à Lavallière. Ils se terraient dans les montagnes? Ils furent enterrés vivants. Ils se camouflaient chez l'habitant? Ils furent réduits en cendres. Initialement, je n'aurais pas agi ainsi. Mais l'habitant est farouche, idéaliste. Il s'est logé à l'enseigne du Mal, lui aussi, en protégeant ses héros. Les dissidents et les traîtres, tués. Sans le procès qui, de toute façon, ne leur était pas dû.
C'est un pays lavé du Mal que je laisse au roi Maximilian. C'est un pays sans troubles futurs que je laisse à cet incapable de Colonel Grey. C'est un pays avec une âme pardonnée que je laisse en héritage à la Plèbe qui a su comprendre la vraie Justice.
Je te sais fière de moi, ma douce. Je te sais satisfaite de mon œuvre. Toutefois, il me reste un dernier obstacle à enjamber, avant de pouvoir faire voile toujours plus loin sur le chemin de la rédemption.
Bonjour, Albert Mercredi.
Sieur Morneplume.
Vous retrouver ne fut pas une partie de plaisir.
Il fallait vous douter que je viendrais me réfugier dans mon chalet de chasse, mon bonhomme.
Le trouver fut la véritable difficulté à vrai dire.
Alors Morneplume, vous êtes fier de ce que vous avez fait?
On ne peut plus fier, effectivement.
Je veux dire, oui, y'a de quoi être fier de se battre pour ses convictions. Mais de là à détruire la quiétude d'une population? C'est ça, la Marine?
Je ne suis pas un simple Marine, Mercredi. Je suis un pacificateur.
Grand bien vous en fasse, mais vous faire que des ennemis, vous gagnerez pas grand-chose.
Je n'ai pas besoin de vos avis peu éclairés, Mercredi. J'aimerais plutôt que vous vous rendiez au nom de la Marine d'Élite.
Vous pouvez toujours courir, Morneplume.
Et vous pouvez toujours tâcher d'esquiver cette balle.
Morneplume, ne jouez pas à ce jeu là avec moi. J'ai aussi une arme, vous savez. Ce que je veux que vous compreniez, c'est que même si la neige fond, l'hiver revient toujours sur Boréa. Ça, ce sont des choses que les Maximilian et les Kalthershaft de ce monde n'ont pas compris. Vous tombez dans le même piège, Morneplume.
Je ne crois pas vous avoir demandé conseil, Mercredi.
Oh, appelez moi Albert.
Lâchez votre arme, Albert, vous êtes en état d'arrestation.
Grand bien vous fera que ma balle se loge dans votre cœur, Morneplume. Peut-être que ça réactivera cet organe déficient chez vous.
J'ai déjà offert mon cœur à une cause qui en vaut la peine, Mercredi. Vous parlez au travers de votre chapeau.
Laissez-moi vous faire savoir que cette île a besoin d'homme comme moi pour reconstruire ce que vous avez réduit en pièces, Morneplume. Vous ne pourrez pas vous débarrasser de moi, essayer ne serait qu'une terrible erreur. J'ai grandi sur cette île et m'y suis imposé comme protecteur. Vous ne pouvez entraver la volonté d'un véritable citoyen.
Et bien… je crois qu'il ne reste qu'une chose à faire, Albert Mercredi.
Je vous aurais bien invité à boire un verre au chaud… mais…
La nuit tombe sur le boisé où des volutes de fumée s'échappent lentement d'un chalet de chasse en bois rond. Assis sur un billot de bois, le fusil sur l'épaule, Albert Mercredi fume un cigare pensivement, alors qu'à ses pieds gît Edwin Morneplume, son sang teintant la neige de carmin. Entre les arbres, une silhouette se profile, avançant lentement, le sabre à la main.
Vous venez me tuer, ou le sauver?
Le sauver… J'ai besoin de vous.
Et lui?
Lui… je le sauve parce que, mine de rien, c'est homme est un héros. Rarement dans ce qu'il lui reste à vivre, son impact sera positif, mais il doit vivre. Ne serait-ce que pour apprendre de cette expérience.
Il a beau être vieux, la sagesse ne lui est pas venue du premier coup…
Je vais le ramener à Lavallière. Même s'il laisse un voile noir sur cette île après son passage, il a accompli ce pourquoi on l'a envoyé ici, avec les outils mis à sa disposition.
Il va continuer d'être dangereux, vous savez.
Mais comme il a lui-même l'habitude de dire, il y a une chance de rédemption pour chacun d'entre nous.
Vous êtes trop gentil …Alors, qu'il parte. Qu'il parte et ne revienne jamais. Qu'il nous laisse reconstruire cette île en paix. Au diable la prise de partie, au diable les guerres civiles. Bâtissons quelque chose pour les simples habitants de cette île.
Bien réfléchi.
Bonne soirée.
Bonne soirée, Colonel.