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Shi no shônin

Spoiler:

Les gens qui disent que l’homme est un loup pour l’homme ne se sont jamais fait braquer par une arme à feu. L’homme est surtout un flingue pour l’homme. C’est plus juste dit ainsi. La main qui tient une arme à feu avec l’intention de tuer est aussi puissante que la main de dieu. Si l’on est tous égaux dans la mort on l’est tous aussi face à un pétard. La poudre et le plomb permettent aux faibles de se dresser contre les forts. Très peu de gens sont plus rapides qu’une balle et presque personne ne dispose d’un squelette à l'épreuve des coups de feu.

Le flingue c’est quand même la tentation ultime. Le proverbe l’occasion fait le larron incarné sur terre. Combien de pécores auraient eu le courage de braquer un convoi de fond ou une banque juste à la force de leurs mimines ?...
La mort à sa faux et le tueur à son flingue. D’ailleurs, on parle bien de Marchands de Mort, non ?
Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Maintenant pour rayer un individu de la surface du monde il suffit d’une pression de l’index. Le deus ex machina qui abrite la gâchette d’un pistolet flanque la trouille à tout le monde sans exception. Vous n’avez qu’à demander au passant dans la rue… est-ce qu’ils craignent plus de sortir un soir d’orage et d’encourir le risque de se voir foudroyer, ou bien de se retrouver devant le canon d’un flingue et d’entendre le clic de la gâchette qui actionne le chien ?
C’est radical, net et précis. Le doigt sur la gâchette, le chien sur la batterie et pour finir le couvre-bassinet se relève pour enflammer la charge. Il y à aussi un détail auquel peu de gens pensent…le pistolet donne au lâche le courage de tuer.

C’est pas tout le monde qui peut supporter la sensation d’un sabre qui tranche la chair ou d’une masse qui vient broyer les os. Le sang salit beaucoup, aussi. L’odeur de poudre après un coup de feu dispense les narines de cette petite odeur métallique désagréable typique du sang.

Y a pas à dire, c’est le top.

Quand quelqu’un réalise qu’il a le pouvoir de vie et de mort sur les autres, ont peut avoir deux cas de figures.

Les trois-quarts passent leur chemin sans vraiment y penser. A la grande limite, ils vont éprouver de l’angoisse de savoir que des barjots capables de tuer sans remords battent la campagne. Les autres forment une toute petite minorité. Ceux là embrassent de tout cœur l’immense cadeau que vient de leur faire la providence . Ils vivent. Pour se sentir plus vivant ils tuent.
Attention, ce n’est pas toujours une noble motivation comme ça. Les brutes et les idiots sont des petits joueurs. Les pervers aussi…la plupart du temps ils tuent pour supprimer toute trace de leur forfait. Les voleurs et pirates aussi tuent pour étayer leurs méfaits. Un qui veut ne laisser aucun survivant d’un massacre pour ne pas se retrouver plus tard dans ses vieux jours la victime d’une vengeance. Un autre qui passe toute la population d’un village au fil de l’épée pour qu’aucun ne s’échappe prévenir la marine.

Pour ces rigolos là, la mort est une monnaie d’échange radicale. Toi avoir truc que moi vouloir. Toi pas vouloir donner moi. Moi tuer, moi prendre. C’est l’exemple typique du trader qui s’essaie aux cours boursier de la vie et de la mort. C’est pas forcément bon non plus.

Il faut partir du principe que les choses trop belles se gâtent si elles se retrouvent entourées de trop de mauvaises intentions. On n’arrose pas une rose avec du pétrole, non ? De même que la plus pure des idéologies peut se transformer en machin immonde selon la personne qui y pense, la mort peut se magnifier ou juste devenir horrible.

Pour parler franco, ça dépend du tueur… et dans une moindre mesure de la victime. La victime, c’est du papier. Vous connaissez un écrivain qui consulte son papier avant de commencer à rédiger son récit ?
Se serait complètement con, non ?

On ne peut décemment pas renvoyer ces considérations à des simples questions pénales ou judiciaires. C’est toujours marrant de se rendre compte qu’au yeux des juges, les terroristes, les criminels de guerre, les tueurs de masse, les tueurs à la chaîne, les tueurs passionnels ou les tueurs à gages ne sont pas considérés comme étant des tueurs en série. Ils définissent les motivations d’un tueur en série comme totalement exempte de fanatisme ou de vénalité.

Y’à toute une documentation  sur ce sujet, destinée aux inspecteurs ou aux agents de certains CP. Les marins ont une formation beaucoup plus succincte. Si un méchant zigouille un gentil, c’est mal. Si un gentil (qui est souvent un marin, en fin de compte…) dézingue un vilain, c’est plutôt bien.

On va se donner rendez vous pour la suite dans la fameuse salle de bains des officiers.

Tout le monde sait bien dans la base de Shabondy que les recrues féminines s’introduisent parfois sans en avoir le droit dans cet endroit  assez luxueux. On le sait, mais on ne dit rien… un peu comme pour le capitaine Francesco qui aime à mettre des bas résilles et des talons hauts le soir après son service. Puis, entre nous, il faut aussi supposer que certains officiers doivent sans doute avoir le petit espoir d’un jour croiser de manière fortuite une jolie recrue en serviette de bain.

L’eau est propice à la concentration… si on dit que la nuit porte conseil c’est aussi vrai pour un bon bain. S’immerger dans l’eau stimule la mémoire. En tout cas ça fonctionne pour Sophie-Laure. Au sol le verre de ses lunettes couvertes de buée fait écho à  l’air étouffant et humide de la pièce. Un véritable sauna. La peau rougie de la baigneuse laisse comprendre qu’elle mijote plus qu’elle ne se lave. Eau bouillante, cheveux relevés sur la nuque.

Un son raisonne dans sa tête, le bruit d’un coup de feu et celui du bruit presque sourd d’un corps qui tombe sur les pavés. Elle ouvre les yeux d’un coup, son regard  se porte vers le haut, vers le plafond qu’elle a toujours trouvé reposant, nu, vide, comme son état d’âme quand elle se retrouve seule ici. Sans ses lunettes ses yeux y voient comme au travers d’un continuel voile de vapeur. Elle est tendue, ça se voit tout de suite à ses bras qui se crispent sur les rebords en céramiques de la baignoire.

Un son raisonne à l’intérieur de sa tête : le tout petit râle d’agonie d’un mourant. On entend moins bien les bruits ambiant sous l’eau, alors elle plonge son visage sous la surface. Mais se débarrasser d’un bruit que l’on entend dans sa tête, c’est une toute autre histoire. Ses yeux s’ouvrent et elle émerge comme un nageur à bout de souffle qui rejoint de justesse la surface. C’est encore le plafond qui s’offre à elle.

Dans la salle de bain, l’eau coule à flot depuis le robinet d’une autre baignoire. Quand l’eau dans laquelle elle macère ne lui parait plus assez chaude la donzelle change de bouillon. Elle fixe le liquide, le regard vide. Il est tard la nuit et une fois de plus les souvenirs lui tendent une embuscade : le filet d’eau rougie jusqu’à prendre la couleur de grenadine. Sans pour autant tomber dans le piège elle cligne fort des yeux… et quand ses paupières se relèvent tout est rentré dans l’ordre.

N’importe qui n’aurait plus aucune envie de rejoindre le bain doté du robinet grenadine…mais elle s’en fout.  Dans une éclaboussure rapide elle switch de baignoire. La tuyauterie qui crache de la sanquette, c’est juste un piège de mémoire. Pour survivre il faut bien savoir dealer avec son cerveau. Je te donne ce que tu veux et tu me fiche la paix avec les remords et toutes les autres merdes de ce genre…

Ici dans l’eau bouillante elle ne ressent rien en dedans. Chaud sur froid.. C’est toujours la nuit que ses souvenirs s’imposent à elle. Silence dans la salle de bains… aucun bruit ne filtre par les fenêtres hautes, il est encore trop tôt pour cela. Son doigt  plonge pour tâter l’eau, et il en ressort rougit pour venir éteindre le robinet.

La vapeur qui règne ici voltige en volutes qui donnent parfois l’impression qu'elle n'est plus seule. Des ombres de vapeur, quoi. Aucune des ombres ne la fait plus réagir...
Sans prévenir ses lèvres se retroussent sur ses dents. Faudrait être fortiche pour distinguer s’il s’agit d’un sourire ou d’une grimace d’inconfort.

- Je suis encore vivante. Chaque fois que je ferai une soustraction, je le prouverais encore plus.

Sophie-Laure étend ses jambes pour réveiller ses muscles. Ses doigts fins tâtent sa peau ruisselante de sueur, sueur encore chaude. Ces derniers jours sitôt qu’elle se met à repenser au gamin elle se récite ce haïku comme un mantra.

Envol périlleux
Le moineau tombé du nid
Fait la joie du chat.


Avec un peu d’effort elle en est arrivée à se convaincre que ces trois phrases pouvaient justifier ce qui était arrivé.

Le gamin (elle avait décidée de le nommer ainsi ) était un pickpocket. Pas le genre escroc…juste le genre de voleur qui fauche pour ne pas crever de faim. Ou pour ne pas laisser le restant de sa famille crever de faim. Les loques trop larges qu’il portait ne laissaient pas supposer de la maigreur extrême de son torse. Néanmoins ses bras en disaient long eux l’état de famine dans lequel il devait se trouver depuis longtemps. L’enfant vagabond porté sur lui d’autres signes de pauvreté…quelques hématomes, de la crasse sur le visage, et surtout un regard ou se lisait toute la tristesse du monde. Ses lèvres desséchées, fines, ne devaient pas avoir sourit depuis un moment.

Le gamin pauvre devait comme tout les autres gamins pauvres menait une vie de tristesse et de misère. Ce n’était pas même un bon voleur à en juger par toute ses blessures aux corps…le genre de marques que peu laisser un badaud en furie pour avoir faillit perdre sa bourse. Les marchands de rues mieux équipés ont tendances à se servir d’un balai pour battre les galopins chapardeurs quand ils les rattrapent.

Ce soir là comme tous les autres soirs il avait tenté sa chance pour gagner sa pitance. Voler une bourse est un vrai coup de poker… je dirais même que cela revient à acheter un billet de loterie.
Que va contenir la bourse…? Des papiers, des souvenirs, ou des berrys ? Et dans ce dernier cas, combien de berry ?

Le passant ciblé est-il violent ? Attache-il sa bourse au bout d’une chaine ? Est-ce qu’il court plus vite que moi ? Je connais mieux la ville pour pouvoir le semer ?
Puis surtout, la question primordiale…vais-je me faire piner la main dans le sac ? Enfin, la main dans la poche, dans ce cas là ?

Le choix du petit s’était arrêté sur Sophie-Laure. Elle portait cette nuit là des vêtements civils. Qu’elle fasse partie du sexe faible et qu’elle arbore en permanence un air endormi sur le visage à dut la faire passer pour une proie facile aux yeux du jeune larron. Le fait qu’elle arpente rarement les rues à aussi bien put  le confondre et lui faire prendre sa cible pour une conne de touriste.

Il y avait eu vol à la tire. Couronné de succès pour le gamin. Mais il y avait aussi eu poursuite… et cette fois ci Sophie-Laure l’avait remporté haut la main.

* Je l’ai suivie jusque dans cette ruelle. Personne ne nous regarder courir dans les allées…c’est un spectacle trop courant et communs. Il a alors disparut dans un angle…et j’ai remarquée qu’un rideau de tissu dégueulasse tendus sur un muret masqué un trou. Une porte rudimentaire pour les pauvres, en somme.
Une fois passé le rideau je l’ai alors vu. Il parlait à sa mère sur un ton rassurant, lui disant que ce soir il allait manger. Il souriait. Il avait l’air fier de pouvoir mettre du pain sur la table.
Du pain n’allait de toute manière rien arranger pour sa génitrice. Ni un docteur d’ailleurs. Vu l’odeur et son absence totale de mouvement elle devait être morte depuis une bonne semaine. Toute la pièce miteuse et crasseuse m’a aussitôt dégouté…

Le reste ce fut juste un automatisme. Dégainer. Mettre en joue. Faire feu. Pan. Je ne me suis pas montré sadique. Une balle dans la nuque. J’ai eu de la chance…son corps en chutant à entrainer la lampe à huile. J’avais voulut dès le départ mettre le feu à l’endroit mais je ne me voyais pas toucher cette lampe répugnant et noire de saleté. J’ai récupéré ma bourse du bout des doigts…puis je suis simplement partie. L’important dans cette histoire c’est de se fier à la règle du pas vu, pas pris.

Pan ne convient pas, comme onomatopée. Piourrrr. Prooouu. Faudra plancher sur ce truc. Prfffr ?

Cela fait un moment que je voulais essayer ça. Les vétérans de la base en parlent souvent. Ils jurent leurs grands dieux ne se sentir vivant qu’au moment de combattre. Et encore plus au moment de donner la mort.
Personnellement je n’ai encore rien ressenti. Surement que je m’y suis mal prise… il faudra réessayer une prochaine fois. Eux ils y prennent gout…ils aiment ça.
De toute manière c’est une forme de recyclage… le gamin allait crever, un jour ou l’autre. Et puis sa mère…

Dans un monde correct on m'dirait merci. Prrrou.

La prochaine fois je me sentirais complète et vivante en le faisant. C’est juste une question d’habitude.
Puis pour savoir si l’on aime, il faut gouter tout les plats, non ?*