Les Avalons - Arc III : Dérataupisation. Le calme entre deux tempêtes. [Log III-4]L'arrivée à la ville troglodyte est particulièrement calme au vu de la situation. Pour ma part, moi, le grand Lloyd Barrel, je trouve que c'est parfait. Au moins, je ne suis nullement importuné par les piaillements et les remarques dénuées d'intelligence des badauds. On avance à pas lent et on se pose dans l'unique taverne miteuse du coin. Et ce n'est pas un euphémisme. J'en avais croisé, des tavernes, notamment durant mon voyage en solitaire sur les Blues en 1624... Des taudis tous plus miteux les uns que les autres. Mais, au moins, et toutes avaient ce point commun, ces tavernes respiraient la mer, l'alcool et l'aventure... Et du coup, même un être de condition aussi exceptionnelle que la mienne s'y sentait bien, pirate dans son élément. Ce gourbi ci, par contre, ne sent que le renfermé, la crasse et, ironiquement, le rat crevé. Mais c'est toujours mieux que rien. On affale un Yskino moins réactif qu'un concombre de mer sur une table et on cale Milo contre un mur... Et on se pose, tout en prenant bien le soin de commander une bière, deux verres d'hydromel (le plus raffiné qu'il y ait en stock), un Monaco (pour Epsen), un bol de bon lolo et trois de ces fameuses "tourtoratop" (qui, semble t-il, sont les fleurons de la cuisine locale), histoire de souffler... Et de goûter cette fameuse spécialité locale. Et franchement, c'est pas bon.
J'en ai déjà marre. Est-ce la lassitude de cette île et de ses combats qui rend tout amer dans ma bouche, ou est-ce que cette "tourtoratop" de laquelle j'avais tant eu envie est simplement dégueulasse ? Sans doute un bon mélange des deux. Ou peut-être pas. Depuis quand est-ce que des combats dantesques (ok, même contre des rats, qu'ils soient géants ou non) viennent à bout d'un aussi formidable et inarrêtable guerrier que moi ? Attention, question rhétorique ici... Car c'est depuis jamais ! L'exaltation des combats m'a toujours envahi, que ce soit lorsque je m’entraînais étant plus jeune sur Barrel Island, quand j'arpentais les îles de North Blue pour participer aux tournois d'Underground, ou depuis que je sillonne les mers avec mon équipage. La sensation d'avoir ses muscles tendus, la sueur au front, le coeur qui palpite... Quand bien même c'est une honte pour le grand Lloyd Barrel que de ne pas écraser ses ennemis d'un seul coup et sans forcer (c'est sans doute d'ailleurs parce qu'ils trichent et se livrent à un quelconque rituel de magie noire que ce n'est pas ce qui se passe systématiquement)... Je dois avouer que j'aime combattre. Que j'adore combattre, même. Et que c'est sans doute pour cela que quand mon regard a croisé celui d'Al' tantôt, ce n'était pas de l'appréhension que je ressentais... Mais plutôt de l'impatience. L'impatience de pouvoir lui enfoncer mon poing diamanté dans la carcasse et de lui faire biper (en morse s'il le faut) SON PUTAIN DE NOM COMPLET !
Je suis arraché de mes superbes pensées par un gémissement plaintif d'Yskino, qui a été blessé à la tête et aux côtes. Vrai qu'il serait temps de trouver quelqu'un pour soigner mes deux larbins. Quoique je pourrais très bien le faire moi-même. Après tout, un être aussi talentueux que moi quoi que ce soit qu'il fasse devrait bien pouvoir réussir à manier un fil et une aiguille, ça ne devrait pas bien être plus sorcier que la couture... Et même si je n'ai jamais cousu de ma vie, ça peut pas être bien dur non plus. Après, une question reste entière : leurs corps chétifs et bien plus faibles que le divin vaisseau de chair que revêt mon âme survivraient t-ils à une opération pratiquée avec une force grandlloydbarrelienne ? Tout le monde n'est en effet pas doté non seulement d'un corps magnifique mais aussi robuste et ciselé pour le combat que moi... Il vaudrait du coup mieux trouver quelqu'un. Un médecin mineur, par exemple, habitué à traiter les êtres faibles et fragiles.
"Ylvikel ! Toi qui connais un peu mieux le coin, va donc me quérir un docteur pour soigner mes deux larbins !", ordonné-je fermement à mon serviteur, qui me lance un regard étrange, en haussant le sourcil. Puis, sans dire un mot, il se lève de table et sort de la taverne... Dans laquelle il re-rentre quelques secondes après.
"Je suis médecin.", dit-il alors tout tranquillement en faisant la moue. Regard dubitatif de moi et de Galowyr (qui a donc raison, puisqu'il imite ma réaction), admiratif d'Epsen, horrifié de Milo et... Comateux d'Yskino. Seriously ? Médecin ?
"Tu es médecin ?"
"Je t'aurais plus vu boucher-charcutier..."
Un point pour le borgne, et décerné par le prestigieux Lloyd Barrel, qui plus est. C'est dire la valeur dudit point.
"En attendant, je peux les soigner, moi.", continue t-il tout calmement en sortant à vitesse éclair des bandages et un scalpel de sa manche et en faisant tourner ce dernier très (mais alors très) habilement autour de ses doigts. Pfeuh ! De l’esbroufe ! Je suis sûr de pouvoir en faire au moins autant, et sans même m’entraîner, facile !
"Vous savez faire quelque chose, Milo et Galowyr ?"
"Je suis cuistot."
"Poisson...", miaule lentement le chabreur. Poisson ? Il pêche ? Un pêcheur et un cuisinier ? Parfait ! Je vais enfin pouvoir arrêter de manger la tambouille infâme d'Yskino (quand il ne s'agit pas de méduses...) !
"Excellent ! Va donc réquisitionner la cuisine de ce boui-boui infâme ! Ton statut d'Avalon va instiller la crainte et forcer le respect chez le tenancier qui n'aura d'autre choix que de te laisser préparer quelque chose de mangeable puisqu'il en est incapable !", m'adressé-je à Galowyr, en pointant du doigt le type gras derrière le comptoir, qui, comme le veulent la plupart des clichés, est en train d'essuyer une choppe avec un torchon et nous regarde en haussant le sourcil. Je me tourne ensuite vers Ylvikel et reprend la parole, désignant Ylvikel et Milo : "Il faut me les remettre sur pied. Si tu as besoin d'ingrédients pour des antibiotiques, Epsen ira te les chercher. Juste... Pas de dissection."
Il ne me quitte pas du regard. Pas besoin d'être le grand Lloyd Barrel pour savoir tout ce que cela veut dire. Je le fixe à mon tour. J'imagine que nous nous comprenons. Enfin, qu'il me comprend, parce que ce serait étonnant que quelque chose m'échappe, au vu de mes capacités intellectuelles sans limites... Et c'est d'ailleurs grâce à elles que je commence à y voir clair dans mes réactions depuis que j'ai atterri sur cette île, et notamment cette extrême lassitude... C'est juste que... Cet endroit... Il est indigne de moi ! Indigne de ma grandeur, indigne que mes pieds bénis foulent son sol ! Voila pourquoi j'en ai marre et que je trouve la bouffe dégueulasse ! Premièrement parce que déjà, la bouffe est dégueulasse, mais aussi est surtout parce que ce lieu me répugne ! Franchement, moi, le grand Lloyd Barrel, un être supérieur, pur comme un diamant et parfait sur tous les plans, obligé de patauger dans le sang et la crasse de la vermine alors que je viens de me dégoter des serviteurs avec lesquels je pourrais marcher sur ce monde et lui montrer ma magnificence ! Non, plus exactement... Avec lesquels je suis destiné à marcher sur ce monde ! Cette île représente tout ce que je déteste au plus profond de moi-même... Elle est comme une insulte à ma noble personne, un véritable affront, un crachat qui serait envoyé vers mon visage ! Comment pourrais-je rester les bras croisés devant telle situation ? Ce serait, ha, comme m'excuser à quelqu'un ! Ou encore plus drôle, admettre que j'ai tort ! Le ridicule de cette situation est tel que je l'imagine même pas ! Aaaaah... Je reprends mes esprits, la solution à mon "problème" (comme si quoi que ce soit pouvait être un problème pour moi) m'apparaissant très clairement. Cette île, je vais faire plus que la conquérir : je vais la nettoyer. Y laisser ma marque indélébile, celle qui fera qu'on se souviendra à jamais du grand Lloyd Barrel. Je me tourne vers le barman, et l'apostrophe :
"Hé ! Combien de temps met le Log Pose à se recharger, ici ?"
"Vingt-quat' heures. Ni une de plus, ni une de moins.", répond t-il avec son accent caractéristique de péquenot. Hmmm... Ça fait moins d'un jour que nous sommes arrivés. Au plus une douzaine d'heures. Il va donc au moins falloir passer la nuit ici. Ce qui, au vu du fait qu'il faille sommairement soigner Yskino et Milo, trouver un bateau, éclater Al' et trouver son caillou magique, n'est pas superflu. Mais tout de même. Il vaudrait mieux ne pas trainer, et profiter de l'effet de surprise. Non que ça me gène, hein, car je suis le fantastique Lloyd Barrel après tout, je pourrais tout aussi bien laisser à mes ennemis mille ans pour se préparer que ça ne changerait rien (mis à part le fait qu'ils seraient sans doute morts, depuis le temps), mais l'impatience me gagne...
"Rafistole-moi les le mieux possible. Je les veux sur pied demain.", lâché-je, en réfléchissant. Pas trop le choix, vu l'état général. L'aubergiste me coupe dans mes pensées en m'interpellant :
"Vous inquiétez pas, z'avez l'temps d'faire la fête. Surtout qu'y parait qu'vous vous êtes 'crément bien démerdés contre l'rataupe géant, là. N'empêche... C'moche qu'y ait eu une telle bastos un jour comme c'lui-ci."
"Comment ça ?"
"Ben, c'le réveillon du jour de l'an."
Mais... Mais c'est qu'il dit vrai, ce con, en plus ! Demain on sera en 1626 ! Raison supplémentaire pour fêter ça dignement, comme des pirates le feraient !
"Alors doublez-moi la boisson, gras tavernier ! Ylvikel, retape moi ces deux la, et Galowyr mets toi aux fourneaux, on va arroser notre victoire dignement !"
Dernière édition par Lloyd Barrel le Sam 8 Nov 2014 - 2:06, édité 1 fois