Zaun était un endroit charmant mais… lorsque l’on était un touriste, il valait mieux ne pas y rester trop longtemps si l’on ne tenait pas à se faire complètement dévorer par le système. Chacun cherchant à se mettre en valeur et à s’élever au-dessus de la masse, il était monnaie courante de voir des personnes se faire tabasser, voire même tuer pour libérer une place dans le classement. En théorie, les étrangers étaient à l’abri car leur disparition n’apporterait rien, mais depuis peu, Henry avait embauché Ermac Gailleveur, le meilleur ingénieur de l’île et était donc régulièrement la cible d’attaques fourbes et discrètes. Par exemple, ce matin, plusieurs meubles sont tombés de hautes fenêtres, à quelques centimètres de leur trajectoire. Cela peut sembler être dû à la malchance ou au hasard, mais sept fois dans la même matinée, ça faisait beaucoup. Heureusement que le petit bricoleur avait l’habitude de ces tentatives et avait toujours un tromblon capable de réduire en miettes à peu près tout ce qu’il voulait.
Henry avait hâte de partir d’ici. Il avait toujours besoin de monter une équipe et pouvait très certainement trouver d’autres personnes très compétentes ici, mais engager deux Zauniens dans la même équipe était une très mauvaise idée. Tous les habitants de cette île se détestaient les uns les autres. Il devrait donc trouver les autres membres de son équipe ailleurs. En à peine deux jours, l’esclavagiste s’était déjà fait une sacrée opinion des us et coutumes de l’île : Ne fais confiance à personne, ne lâche à rien et frappe le premier. Quel dommage ! Ces gens étaient tous très talentueux et s’ils s’associaient, Zaun pourrait devenir une puissance terrifiante parmi les Blues. Mais toutes ces guerres intestines rendaient toute ambition absurde.
Ils arrivèrent finalement à un port. Les navires étaient tous affrétés et des nouveaux arrivants étaient en train d’être testés, selon le rituel de l’île. Chaque nouveau venu devait décliner son identité et ses compétences. Ceux ayant les mêmes ambitions s’affrontaient lors d’un concours. Seul celui ou celle qui remportait le concours avait le droit d’entrer. Les autres retournaient dans leur navire et levaient les voiles. Cela pouvait sembler un peu excessif, mais c’est ainsi que cet endroit s’assurait de ne garder que la crème de la crème quel que soit le domaine. Henry observa les prétendants et donna un coup de coude à son nouvel associé. Ermac étant très petit, le coude lui arriva droit dans l’œil, lui arrachant un juron.
-Oups, héhé pardon. T’as vu le mec tout bleu là ? Il est bizarre, nan ?
-C’est un homme-poisson ça, mon gars ! J’te parie 50 000 berrys !
-Nan, nan, ça ira, j’te crois.
-30 000 berrys !
-Non.
-15 000 ?
-Insiste pas Ermac…
Ils s'assirent tous les deux et observèrent la créature pendant qu'elle passait son épreuve d'intégration. Ce n'était pas tous les jours que l'on croisait un représentant de cette race. Henry tira un cogare de son blazer et l'alluma après en avoir proposé un à Ermac. Si ces bêtes étaient aussi fortes qu'on le prétendait, cela pouvait valoir le coup d’œil.
Le meilleur pour la fin
" Woody Shitann "
J'suis arrivé sur cette île par le port du sud. J'ai tellement entendu d'rumeurs de Zaun que j'étais obligé d'venir ici. Pour un gars comme moi qui aime se battre sans aucune raison, c'est l'idéal. J'vais m'faire plaisir, wahaha. Et puis y'aura pas ces putains d'marines pour m'les casser. Décidément, cette île est parfaite pour moi. Alors rien que j'tape la démarche badass et je m'avance sur les quais du port. Là, y'a un type qui m'casse les couilles avec mon identité puis il m'fait savoir que si j'veux rester ici, faut que j'gagne quelques combats.
Ça commence même plus vite que j'pensais. J'suis l'un des deux combattants du premier match. Pas d'chance pour mon adversaire, j'suis bien déterminé à lui casser la gueule. J'aperçois un public qui lance des paris à tout va, j'comprends vite que les gens votent presque tous pour moi. J'lève la tête, j'regarde le ciel gris puis ma montre qui indique quatorze heures trente. Un docker s'improvise arbitre et lance le combat. J'esquisse un grand sourire jusqu'aux oreilles et fais signe d'la main à mon adversaire de s'ramener, tout en restant serein et la garde baissée. J'comprends pas pourquoi j'suis pas gagnant d'office, c'est d'la perte de temps. M'enfin ça m'arrange.
Du haut d'mes cinq mètres, je n'ai qu'à m'servir d'mes jambes. Et puis j'ai la flemme d'me baisser pour frapper cet enculé d'mes deux. Il m'arrive à la cuisse. J'le laisse m'asséner quelques coups puis quand il se rend compte que ça ne m'affecte pas, j'sors mes mains d'mes poches et lui choppe la tête. J'le soulève du sol et lui arrache la tête du cou, me prenant au passage un jet d'sang au visage.
- (me retournant vers l'arbitre) Envoie moi toutes tes p'tites salopes, j'vais m'les faire tous en même temps.
J'ai été tellement clair qu'à peine quelques secondes après, j'suis encerclé par tous ces étrangers qui veulent rester sur cette île. J'frappe le premier avec un direct pour mesurer la distance puis je m'approche rapidement et envoie une manchette dans l'menton d'la première victime. J'le saisis par les pieds et l'fais tournoyer comme une toupie. J'le jette sur une bande de trois hommes qui tombent tandis que j'leur mets des pénaltys dans la face. Il en reste une bonne quinzaine. Ils s'élancent sur moi, contrairement à ce que j'croyais ils n'ont pas froid aux yeux.
Ils tentent d'me plaquer alors que j'essaye d'résister et d'pas tomber mais la force du nombre l'emporte. J'tombe sur l'cul et j'en saisis deux par le cou puis j'soulève mon avant bras. CRAKK. J'leur ai brisé la nuque. Les autres en ont profité pour m'immobiliser les membres. J'pousse un hurlement.. Pas question d'avoir du mal contre ces nuls, pas moyen. En plus, les habitants de cette île sont censés être trois fois plus forts. J'les repousse violemment et me relève. J'balance des crochets, des uppercuts. J'en mets cinq au tapis lorsque j'me prends un grand coup d'tête dans les burnes, c'est l'inconvénient d'être deux à trois fois plus grand que son adversaire.
J'lâche un grognement et m'plie en deux. Argh, fais trop mal ça. Fils de.. BAM. J'sens une grande douleur me parcourir le talon et je cède sous la puissance du coup. Je tombe sur un genou alors qu'un type s'empresse d'me mettre un coup d'batte dans l'ventre. J'crache un p'tit filet d'sang. J'me lèche les babines et avale mon propre sang. Cette odeur............. Hunng ! Mes doigts se crispent, mes yeux s'écarquillent. L'odeur du sang... Difficile d'résister, j'suis un homme requin après tout. J'attrape la batte et la tire pour faire venir son auteur jusqu'à moi. Là, j'le mords subitement et lui arrache son épaule avec mes dents.
Ça plait pas, tous mes adversaire se saisissent d'armes improvisés, c'est pas ça qui manque au port. S'ils trichent, alors faut équilibrer la partie. J'sors mon pétard et tire sur ces individus, les faisant tomber un à un. L'sang coule et fait des petites flaques au sol. J'me penche sur les corps et arrache deux cœurs que je m'empresse de bouffer. Hmmpff. Putain, c'est bon. Ma nature animale l'emporte à nouveau.
Pas trop de surprises au final, la créature de cinq mètres de haut avec des crocs et des griffes n’avaient fait qu’une bouchée, au sens propre, de ses adversaires. Henry et son nouvel ingénieur avaient observés la scène, adossés à un vieux mur de pierre. Le combat avait été rapide, violent, sanglant… Un vrai combat comme on aime en voir, où les faibles sont éliminés pour renforcer les forts. Le docker qui s’était auto-proclamé juge s’était lui-même enfuit devant le barbarisme dont avait fait preuve l’homme-poisson. L’esclavagiste était titillé. Un homme-poisson, cela valait cher sur le marché. Le double d’un humain basique. Et celui-ci, avec sa taille et ses capacités, pourrait même être facilement vendu le triple. Mais en même temps, une telle force de la nature serait bien plus intéressant à garder près de soi, plutôt que de finir sa vie à transporter des lourdes charges ou bien à se battre jusqu’à ce que mort s’en suive dans une arène.
Henry se leva et s’approcha en applaudissant lentement. Bien entendu, personne n’osa l’accompagner mais le pirate frappait assez fort pour couvrir tous les autres sons. Au fur et à mesure qu’il s’avançait, il scrutait et analysait la bête aquatique devant lui, accroupie en train de dévorer la chair des vaincus. Haaaa… C’était clairement de ce genre de personne qu’il avait besoin de s’entourer. De véritables forces de la nature, capable d’anéantir un groupe à elles seules. Des monstres dont la seule vue pourrait mettre fin aux conflits.
-Pas mal, pas mal… J’ai beaucoup apprécié le spectacle. Mais ces gars-là étaient des rigolos, même pas encore débarqué. J’te propose de laisser tomber ces chiffe-molles et de te mesurer à un véritable combattant. Qu’est-ce que t’en dis ? Enfin…
Avec un grand sourire faisant étinceler ses trois dents en or, il se tourna vers le marin qui organisait habituellement les combats. Avec un ton plein d’ironie, il demanda si cela ne posait pas de problème s’il s’immisçait dans cette honorable organisation de combats clandestins dont le but était bien plus de faire valser les paris que de véritablement sélectionner les plus dignes d’entrer sur l’île. En tremblant, caché derrière une caisse de livraison, l’homme acquiesça, ne parvenant visiblement pas à émettre le moindre son. Après l’avoir chaleureusement remercié, Henry se tourna vers le géant bleu.
-Tu sais, Zaun, c’est très surfait. J’en sors à l’instant. Les gens pètent plus haut qu’leur cul et s’prennent pour des grands dès qu’ils ont un minimum de talent dans un domaine. Ils sont pas comme toi et moi. Ils ont pas compris qu’la loi du plus fort est la seule qui vaille et qu’même le champion des cuisiniers peut s’faire éclater la gueule par un combattant moyen. J’te propose un deal. Si tu m’bats, tu rentres sur Zaun. Et tu m’bouffes si tu veux. Si j’te bats, tu travailles pour moi. Qu’est-ce que t’en dis ?
Le black attendait la réponse, pensant avoir à peu près déterminé le genre de personne qui se trouvait face à lui. S’il s’agissait d’un vrai combattant, il ne pourrait résister à un défi en public. Et un homme à sa fierté, il doit tenir parole, au moins jusqu’à ce qu’il soit en mesure de prendre sa revanche et de gagner. Enfin… En principe, en tout cas.
" Woody Shitann "
Cet homme... Il semble différent. On devine facilement qu'il a l'expérience des combats. Ses trois dents en or, sa barbe et sa carrure imposante, bien qu'il soit deux fois plus petit que moi, lui donne cette apparence de pirate. Ce nègre n'a pas froid aux yeux, mais j'aime ça. Quoiqu'il en soit, c'est hors de question que j'me défile. J'aime trop les duels pour ça. Quant à son deal, je me vois pas rester à la botte de quelqu'un qui m'aurait battu. Il faudrait vraiment qu'il y ait une motivation comme l'argent ou bien des bastons tous les jours.
- J'relève le deal ! J'suis pas du genre à faire de longs discours donc on commence tout de suite !
Face à ce type plutôt costaud, j'évalue à vue d’œil qui de nous deux est le plus avantagé physiquement. Plutôt épais et musclé, il doit avoir son lot de force. Ce n'est pas la-dessus que je vais devoir m'appuyer mais sur ma taille, deux fois supérieur à la sienne. Un coup porté vers le haut fatigue beaucoup plus qu'un coup porté vers le bas. Je m'approche de mon adversaire, la tension monte, le public laisse place au silence. Un léger coup de vent passe, siffle puis s'en va au loin se fracasser contre les habitations, emportant au passage quelques petites brindilles de bois. Les paris se font discrètement, chacun est curieux de voir un tel combat. Le sang frais encore sur mes lèvres, je passe ma langue sur celles-ci pour absorber ce liquide qui est pour moi comme un dessert, un aliment indispensable pour ma satisfaction. Une goutte m'échappe et vient à tomber sur le sol. Au même moment, l'arbitre, toujours derrière sa caisse, sonne le début du combat avec un ustensile.
Aussitôt je frappe sans attendre en direction de mon adversaire, répétant deux fois le même mouvement. Puis je tente de donner un coup de mes griffes pointues, en diagonale sur son torse. Enfin, je recule de plusieurs pas, impatient de voir si mes attaques ont atteintes leur cible. D'un coté, j'aimerais l'avoir battu, de l'autre, j'espère qu'il tient sur pattes afin que le combat dure plus longtemps. Je laisse ma garde baissé, mais toujours présente, afin de répondre à une éventuelle riposte. On ne sait jamais... Et puis, ça avait l'air bien trop facile, il dégageait une impression différente des autres combattants que j'avais battu.