Dernière ligne droite et premier tableau de paradoxe, chacun plein d’autant de virages que de culs-de-sac. Devant moi le chaos surgi de mon passé, devant moi l’archipel en suspension de Second Peace la bien nommée. Bien nommée pour eux, cohortes en quête de trésors-portes sur de nouvelles félicités. En bateaux à voile, à vapeur ou en ballons, honnêtes, truands ou pillards, tous perdus ailleurs que là où ils trouveraient ce qu’il leur faut vraiment, mais l’argent fait des bonheurs paraît-il. Moi mon trésor c’est Izya. Ce devrait être Izya, je viens de l’abandonner encore. L’abandonner toujours. Moins mal, moins sale que la dernière fois ? Je devais. Devant moi siège ma fin, mon tout, ma vie. Ma mort sans doute. J’ai un objectif. Je ne lui ai rien dit. Pas par peur qu’elle me retienne, au contraire parce qu’elle m’aurait accompagné. C’est confus.
Confus comme ces nuages desquels j’ai plongé pour atterrir où je suis. Quelque part avec des gens. Encore. Je me suis couvert le visage. Stymphale n’est qu’un ragot pour le grand monde des humains mais avant ça j’ai laissé des traces plus marquantes à Jaya, marquées du rouge qui tache à jamais. Le bouge où je suis est minable comme mes bottes et ma vie, j’y contemple la solitude de ma bouteille et la vide de ses souffrances. Mon verre se remplit, optimiste. Se vide, suicidaire. Je l’abrège pour ne pas sentir, ne pas ressentir les humeurs, mes humeurs et celles des autres perdus qui comme moi s’adonnent au péché mignon du monde.
L’hypocrisie. Tous, ils savent qu’ils n’ont rien et qu’ils n’auront rien de plus quand bien même ils trouveraient par hasard quelque chose, quand bien même ils en sortiraient les poches pleines d’or ou de mieux encore. Qu’ils auront moins, même, car l’homme riche n’a plus de véritables amis. Soupir, sourire qui fait peur à mon rhum, sitôt enfui dans ma gorge, bientôt caché dans mon sang. Peut-être bien que c’est pour ça que je n’en ai jamais eu. D’argent ? D’amis. Des deux. Prétexte pour l’un, prétexte pour les autres. Je sais très bien pourquoi je n’en ai jamais voulu. La dose n’est pas assez forte.
- Taulier, un verre plus grand.
Ding, tintement d’un truc qui n’est pas de cristal, preuve que la zone n’est pas plus prospère qu’ailleurs, que les chances d’y faire fortune n’y sont pas meilleures. Le verre-bouteille me cligne de l’œil, il est propre. Moi, je ne sais pas. Je l’étais avant de venir, il y a longtemps, mais je ne sais plus quand je suis venu ni d’où. Voilà, ça vient.
Je perds ma tête dans mon auge, m’y imbibe comme dans un abreuvoir. Le patron veut me faire jeter dans celui dehors, vraie cuve à eau froide, mais mes doigts serrent sa gorge à peine va-t-il pour me saisir les épaules. Je sais ce que tu penses, tavernier. Est-ce qu’il a déjà tiré assez de vies, est-ce qu’il lui en reste à faucher ?
- Alors, qu’est-ce que ce sera ?
Il ôte sa patte de ma carrure de désespéré, repart derrière son comptoir et fait un clin d’œil à son service d’ordre qu’il croit que je ne peux pas voir. Erreur, échec et mat. Mate, je mate les gorilles du petit doigt et il n’y a plus un bruit autour. Les gens sont partis, il n’y a plus que ce rade pathétique autour de moi et la solitude de la bouteille est revenue. Sans contenu, elle s’ennuie. Je la casse sur la table comme ça, pour rien. La bouteille est morte, vive la bouteille. Le tesson finit derrière mon épaule quelque part où il n’y a plus personne d’assis et je vide la petite sœur. J’envisage de passer toute la famille de l’autre côté mais des impératifs que je ne prends pas pour des lanternes me font lambiner. Quand je reviens dans la pièce elle est noire et morte, j’ai froid.
Je trouve mon chemin vers l’au-delà une fois de plus mais une porte m’arrête. Elle a les mains moites et la sueur perle à son front. Le type a l’air de vouloir que je paie. Je note que ça lui semble aussi stupide que ça l’est, il range sa paluche dans son fondement de lui-même et vole dans le baquet dehors à ma place. L’air frais agite mes cheveux que j’ai envie de couper car ils me gratteront le crâne demain, ma tête est à mille lieux mais pas ici. Je hausse les épaules, tant pis pour elle. L’île est moche comme la racine qui boit l’eau de la fontaine, mais en moins poétique. Dans l’air, j’éternue sous les effluves de rien qui planent depuis un coin vide jusque l’autre.
Il fait nuit et j’ai les yeux rouges, des trésors faits d’imagination veulent sortir de mon chef. Je les enferme à double-tour en les cognant très fort contre le mur de mon ressentiment, celui de roche au pied duquel je reste un petit moment, le front contre la pierre et l’hébétude perpétuelle. Dans mes larmes coulent des vies que j’ai manquées et la survie que j’ai vécue. Gouttes d’alcool rouge qui s’écrasent dans la poussière de néant au bout de mes bottes. Le liquide fait un petit cratère à chaque fois qu’il touche le sol, et puis le cratère se lisse sous l’effet conjoint du vent et des tremblements de mon pied que j’ai relié à ma cuisse folle. J’ai toujours été fou.
Enfin, quand il est temps parce que même le temps a disparu, las, je hoquète et vide à nouveau ma panse trop pleine. Et s’efface ainsi toute trace de mon humanité que je pourrais avoir laissée dans cette petite flaque de pleurs que personne ne verra. Un petit air sifflé devrait me venir mais ma joie est morte.
Confus comme ces nuages desquels j’ai plongé pour atterrir où je suis. Quelque part avec des gens. Encore. Je me suis couvert le visage. Stymphale n’est qu’un ragot pour le grand monde des humains mais avant ça j’ai laissé des traces plus marquantes à Jaya, marquées du rouge qui tache à jamais. Le bouge où je suis est minable comme mes bottes et ma vie, j’y contemple la solitude de ma bouteille et la vide de ses souffrances. Mon verre se remplit, optimiste. Se vide, suicidaire. Je l’abrège pour ne pas sentir, ne pas ressentir les humeurs, mes humeurs et celles des autres perdus qui comme moi s’adonnent au péché mignon du monde.
L’hypocrisie. Tous, ils savent qu’ils n’ont rien et qu’ils n’auront rien de plus quand bien même ils trouveraient par hasard quelque chose, quand bien même ils en sortiraient les poches pleines d’or ou de mieux encore. Qu’ils auront moins, même, car l’homme riche n’a plus de véritables amis. Soupir, sourire qui fait peur à mon rhum, sitôt enfui dans ma gorge, bientôt caché dans mon sang. Peut-être bien que c’est pour ça que je n’en ai jamais eu. D’argent ? D’amis. Des deux. Prétexte pour l’un, prétexte pour les autres. Je sais très bien pourquoi je n’en ai jamais voulu. La dose n’est pas assez forte.
- Taulier, un verre plus grand.
Ding, tintement d’un truc qui n’est pas de cristal, preuve que la zone n’est pas plus prospère qu’ailleurs, que les chances d’y faire fortune n’y sont pas meilleures. Le verre-bouteille me cligne de l’œil, il est propre. Moi, je ne sais pas. Je l’étais avant de venir, il y a longtemps, mais je ne sais plus quand je suis venu ni d’où. Voilà, ça vient.
Je perds ma tête dans mon auge, m’y imbibe comme dans un abreuvoir. Le patron veut me faire jeter dans celui dehors, vraie cuve à eau froide, mais mes doigts serrent sa gorge à peine va-t-il pour me saisir les épaules. Je sais ce que tu penses, tavernier. Est-ce qu’il a déjà tiré assez de vies, est-ce qu’il lui en reste à faucher ?
- Alors, qu’est-ce que ce sera ?
Il ôte sa patte de ma carrure de désespéré, repart derrière son comptoir et fait un clin d’œil à son service d’ordre qu’il croit que je ne peux pas voir. Erreur, échec et mat. Mate, je mate les gorilles du petit doigt et il n’y a plus un bruit autour. Les gens sont partis, il n’y a plus que ce rade pathétique autour de moi et la solitude de la bouteille est revenue. Sans contenu, elle s’ennuie. Je la casse sur la table comme ça, pour rien. La bouteille est morte, vive la bouteille. Le tesson finit derrière mon épaule quelque part où il n’y a plus personne d’assis et je vide la petite sœur. J’envisage de passer toute la famille de l’autre côté mais des impératifs que je ne prends pas pour des lanternes me font lambiner. Quand je reviens dans la pièce elle est noire et morte, j’ai froid.
Je trouve mon chemin vers l’au-delà une fois de plus mais une porte m’arrête. Elle a les mains moites et la sueur perle à son front. Le type a l’air de vouloir que je paie. Je note que ça lui semble aussi stupide que ça l’est, il range sa paluche dans son fondement de lui-même et vole dans le baquet dehors à ma place. L’air frais agite mes cheveux que j’ai envie de couper car ils me gratteront le crâne demain, ma tête est à mille lieux mais pas ici. Je hausse les épaules, tant pis pour elle. L’île est moche comme la racine qui boit l’eau de la fontaine, mais en moins poétique. Dans l’air, j’éternue sous les effluves de rien qui planent depuis un coin vide jusque l’autre.
Il fait nuit et j’ai les yeux rouges, des trésors faits d’imagination veulent sortir de mon chef. Je les enferme à double-tour en les cognant très fort contre le mur de mon ressentiment, celui de roche au pied duquel je reste un petit moment, le front contre la pierre et l’hébétude perpétuelle. Dans mes larmes coulent des vies que j’ai manquées et la survie que j’ai vécue. Gouttes d’alcool rouge qui s’écrasent dans la poussière de néant au bout de mes bottes. Le liquide fait un petit cratère à chaque fois qu’il touche le sol, et puis le cratère se lisse sous l’effet conjoint du vent et des tremblements de mon pied que j’ai relié à ma cuisse folle. J’ai toujours été fou.
Enfin, quand il est temps parce que même le temps a disparu, las, je hoquète et vide à nouveau ma panse trop pleine. Et s’efface ainsi toute trace de mon humanité que je pourrais avoir laissée dans cette petite flaque de pleurs que personne ne verra. Un petit air sifflé devrait me venir mais ma joie est morte.