Un peu de réalisme, tout de même. Une forge était susceptible d'être moins salissante qu'une cuisine ou d'un atelier de charpentier ou une réserve à canon, n'est-ce pas ?
Pour Stefan, quitter son antre pour rendre visite à un autre membre de l'équipage relevait du défi. Exception faite pour Seido : en tant que médecin et scientifique, il portait beaucoup d'attention à la propreté. Mais une forge ? Serait-ce aussi poussiéreux qu'il le soupçonnait ?
Le jeune homme n'avait pourtant pas le choix. Un ordre circulait, interdisait aux membres de l'équipage de se rendre à son bureau sur sa demande, l'obligeant donc à se déplacer lui-même chez autrui. Exactement à l'image de sa famille à Zaun, qui appliquait un peu trop au pied de la lettre l'adage :"On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même." Diantre...
Voila ce qui emmenaient les pieds du navigateur au seuil de la forge de Gin, bien que la tête lui ordonnait de s'enfuir en courant. Il ne pouvait cependant pas reculer. Il accomplissait une démarche ayant pour but sa progression personnelle et son épanouissement au sein des Desperados.
Sa décision était partie d'un ensemble de constat et d'une totale remise en question. Stefan était montré sur le bateau du Marvel Genbu à cause d'un stratagème machiavélique abusant de sa naïveté. Ce véritable complot, il l'avait compris à présent, avait impliqué la complicité de sa propre sœur. Tout le monde avait trouvé son intérêt : les Desperados cherchaient un navigateur, Linette voulait forcer son frère à vivre sa vie loin de son enfermement maladif ; et lui qui craignait des représailles du gang de Giant, s'offrait la protection de pirates puissants.
Il ne fallut pas pas beaucoup de temps pour subir un premier choc : Stefan n'était pas un protégé, un navigateur en free-lance qui troquait ses compétences en échange d'une garantie. Les Desperados l'intégraient à leur équipage, faisant de lui un pirate à son insu.
Déniant cet état de fait, Stefan prenait volontairement de la distance, évitait systématiquement les rassemblements. Il assurait la navigation. Pendant les temps de calme, il s'enfermait dans son bureau pour manger, lire, travailler et dormir. Seul. Il s’adressait à ses confrères avec froideur et laconisme. Ou en criant quand on le cherchait, privilège essentiellement accordé à Elphys et Axel, ses deux antagonistes. Elinor se montrait gentille, sûrement coupable de sa ruse ayant entraîné Stefan dans ce guet-apens, et jouait les médiatrices pour favoriser son intégration.
Progressivement, le Zaunien réalisait qu'il ne pouvait pas demeurer ainsi. Il devait devenir partie intégrante de l'équipage. Se mentant à lui-même sur la raison réelle de son geste, il avait acheté à Borea des cadeaux pour chaque membre de l'équipage. Forcé par Axel à s'échapper devant la Marine, il avait cependant refusé de combattre, laissant le soin au cyborg de lui sauver la mise.
Pourtant les apparences étaient trompeuses. Certes raffiné et phobique, Stefan ne craignait pas de se battre. Seulement, il redoutait que les Desperados le voient se défendre et l'obligent à se mêler aux batailles qui jalonneraient leur parcours sur Grand Line. Et ainsi l'extirper de son confort impeccable. Pendant longtemps, il avait réussi à cacher ses capacités, le faisant paraître pour un distingué non-violent qui gardait ses mains propres à l'abri. Pire, il offrait une image de sa personne peu glorieuse : celle d'un lâche et d'un trouillard.
De nombreux événements allaient cependant le faire changer d'avis. L'île Yokai, le Davy Back Fight. Son équipage avait tout donné, prit des risques, alors que lui les regardait se débattre, sans conviction. Puis arriva l'électrochoc de l'entrainement du Charpentier. Stefan était vulnérable et inutile en comparaison aux monstres qu'il côtoyait sur le navire. A terme, s'il ne se réveillait pas, il resterait sur le carreau. Il serait abandonné des autres, ou il serait tué. Voire même quelqu'un le serait par sa faute.N'avait-il pas, à cause de son incompétence, jeté Gin et lui dans les bras de la Destinée Nouvelle sur l'île Yokai ?Sur le pont du Marvel, lors de cet entrainement, Axel avait failli le tuer, et s'il l'avait voulu, il l'aurait fait.Que se passerait-il face à un véritable ennemi ? S'il ne pouvait même pas répliquer ? Ses compères ne seraient pas toujours là pour le secourir. S'il voulait survivre à Grand Line, il devait se remuer, et vite.
Il avait prouvé qu'il avait du répondant, des ressources physiques et de l'imagination. Sa force était à développer (mais la musculation faisait transpirer... il devrait s’entraîner à proximité de la salle de bain, voire même à l'intérieur. Excellente idée). Il lui resterait à trouver son domaine de prédilection, pour assister au mieux ses confrères. Seulement, l'obstacle que constituait sa phobie était immense. Là encore, Axel avait démontré que quiconque connaissait sa faiblesse venait à bout de lui les doigts dans le n... - changement de métaphore en cours - sans difficulté notoire. Ce qui consacrait à nouveau son inutilité. Il devait être éloigné de sa cible, et son balai ne lui permettait que le combat au corps à corps, avec tous les risques de toucher que cela impliquait.
Sa réponse, de toute façon, allait de soi. Plus jeune, il pratiquait le tir à l'arc. Il était même plutôt doué et avait arrêté lorsqu'il fut submergé de travail. Il lui suffisait de s'y remettre.
D'où sa quête auprès de Gin. Il aurait dû voir Axel, en tant que spécialiste du bois, mais Gin était forgeron et peut-être plus apte à élaborer des armes.
Stefan approcha prudemment. Il passa le seuil, l’œil braqué sur toute éventuelle impureté. Comme il le soupçonnait, les lieux ne figuraient pas au palmarès des espaces salubres. Des débris jonchaient le sol, la forge alimentée de feu crachait des cendres. Il déglutit. Commença à se gratter le dos de sa dextre. Son pied gauche effectua un angle à 95°. Il se défilait.
- Tiens, salut Stefan !
Trop tard.
- Bonjour, Gin. Je te dérange ?
"Oui, je te dérange, pas de souci, je reviendrais plus tard. Non je comprends tout à fait, ce n'est pas grave, à tout à l'heure !"
- Non, pas du tout, entre ! C'est tellement rare que tu rendes visite aux autres ! Quelle est la raison de ta venue ?
Sans blague. Stefan était dans ses petits souliers, mais il devait se lancer.
- Et bien... J'ai besoin de tes talents de forgeron. J'ai bien réfléchi.
Il donna quelques explications sur ses raisons.
- Serais-tu capable de me faire un arc ?
L'épéiste parut surpris. Ce n'était pas le genre du navigateur de réclamer une arme.
-Bien sûr, ce n'est pas un souci. Bien qu'un arc est d'avantage fait de bois, mais je peux arranger ça. Je comprends, mais il ne faut pas t'en vouloir non plus pour ce qu'il s'est passé sur Yokai. On s'en est sorti, je suis toujours vivant, toi aussi.
- Je sais. Mais cela ne résout pas le problème à long terme. Nous aurions bien pu y rester dans d'autres circonstances.
Gin s'avança vers son camarade de voyage et avança sa main droite pour la poser sur l'épaule de Stefan en signe d'amitié. Il s'interrompit avant le contact fatal et s'excusa d'un sourire chaleureux.
- Oh, désolé. Je te tiens au courant. Je viendrais te voir dès que j'aurais besoin de détails. Ou que j'aurais fini.Sans demander son reste, le jeune homme le remercia et s'éclipsa en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Il avait une urgence à faire, nécessitant une grande quantité d'eau.
Dernière édition par Stefan Defoe le Mar 30 Déc 2014 - 17:38, édité 2 fois