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[1626] L'Espoir meurt aussi


West Blue, ile de Phobos,

Dans la crique abritée une centaine d'hommes se repose. Et Victor lui, monte la garde. Une tache importante, une tache qui signifie qu'on le considère enfin comme un homme, comme un égal, comme un vrai révolutionnaire. Il n'est pas seul évidemment, même dans ce coin désert la discipline ne se relâche pas et d'autres sentinelles veillent comme lui sur le campement.

Une centaine de révolutionnaires endurcis qui n'attendent plus qu'un homme pour se lancer dans l'opération la plus démente jamais entreprise sur cette mer. Libérer d'un seul coup plusieurs milliers d'esclaves. Un coup de main audacieux, magistral. Le genre que Victor rêve d'accomplir depuis qu'il a entendu parler de la révolution...

Demain Ivan sera la. Peut être aussi Sven ou Costa. Tous des légendes de la révolution...

Demain.

Un bruit discret dans les fourrés un peu plus loin, comme un craquement. En dessous de l'arbre ou est perché Victor. Une béte ? Un des autres guetteurs en train de faire sa ronde ? Victor se penche et écarquille les yeux pour essayer de distinguer quelque chose.

La !

Quelque chose est passé d'un buisson à un autre, un sanglier ? Un homme ? Et une autre ombre le suit, comme si tous le sous bois était soudain devenu vivant et mouvant avant de replonger d'un coup dans le silence.

Une lumière illumine le sous bois et les buissons s'ouvrent pour laisser apparaitre une silhouette rassurante. Celle du vieux Pierrot. Doyen des révos de la bande et parrain officiel de Victor, suffisamment protecteur pour prendre les mêmes tours de garde que son petit protégé.

Seul sur sa branche le môme lâche un soupir de soulagement. Trop bref. En bas deux types habillés de noirs de la téte au pied viennent de bondir sur le vieux. L'un d'eux lui bloque les bras pendant que l'autre le bâillonne et d'un geste incroyablement précis lui ouvre la gorge d'une oreille à l'autre. Le tout n'a duré qu'une seconde, Pierrot est mort sans un bruit avant d’être déposé délicatement au sol.

Et en haut sur sa branche, paralysé par la peur, Victor n'a pas crié.


Surgissant de leur planque une dizaine de marines se déploie au pied de l'arbre, puis d'autres, se déployant en silence avec l'efficacité que seuls possèdent les meilleurs commandos de la marine d'élite. Cernant lentement mais surement le campement révo endormi et privé de sentinelles.

Et Victor se tait.

Il se tait, pleurant en silence sur Pierrot et ses amis pendant que la marine lance l'assaut sur le camp. Il se  tait, figé par la peur et incapable de bouger pendant la brève et vaine résistance des révos et pendant la toute aussi vaine tentative de fuite du navire ancré dans la crique...

Il se tait jusqu'a ce que la marine reparte, emmenant les survivants enchainés deux par deux et l'abandonnant sur l'ile avec une honte terrible au cœur, et un seul but désormais pour essayer d'expier sa faute, révéler aux autres le nom qu'il a entendu. Celui qu'un des marines a dit en rigolant avant d'expédier une balle dans le crane d'un révolutionnaire jugé trop blessé pour qu'on l'emporte.

-T'as le bonjour d'Ivan mon gars.

BANG !


    West Blue, Ile aux esclaves, à quelques encablures de la cote.

    Ils sont arrivés pendant la nuit, discrètement, comme un banc d'ombres sur la mer. Ils sont venus d'un peu partout, la plupart des ports de West Blue, d'autres de plus loin. Navires de commerces, de pèches, de transports, révolutionnaires endurcis ou simples soutiens de la cause, réunis ici par l'Atout Costa Brava pour procéder à la plus grande évasion qu'ai jamais tenté la révo. Le sauvetage de tous les pauvres gars de l'ile aux esclaves.

    Sur le pont du "Toujours Vaillant" Douglas, vieux loup de mer et commandant élu de la flottille improvisée scrute la mer avec application et de plus en plus d'inquiétude. Inquiétude pour ses hommes, pour les marins et les amis rassemblés autour de son navire, pour les combattants de la liberté qui doivent en ce moment agir sur l'ile aux esclaves. Et surtout pour Tom, son fils ainé, révolutionnaire depuis peu et qui a insisté pour participer enfin à sa premiére vraie opération. Tom qui est la haut en vigie... La place la moins dangereuse qu'il ait accepté de remplir.

    -Alors ?
    -Alors rien, le cuirassé de Cimitiero n'est pas la. Et il n'y a pas de mouvements sur la falaise.
    -Tu as essayé de le contacter ?
    -Pas de réponse sur son den den, ni sur celui de Costa.
    -Combien de temps avant l'aube ?
    -Plus très longtemps. Il fait déjà plus clair.
    -Dés que le soleil quitte l'horizon on se disperse. On ne peut pas prendre le risque d'attendre ici en plein jour.

    -Cuirassé en vue à Bâbord !

    Le cri de Tom ramène tout le monde à Bâbord. La ou viennent de surgir les voiles caractéristiques d'un navire de guerre de la marine.

    -Le voila enfin !
    -Oui. Alors peut être qu'on ne sera pas venu pour rien. Réveille tout le monde !
    -Cuirassés à Tribord !
    -Quoi ?!
    -Il n'est pas seul monsieur ! Il y en a toute une flotte !
    -Alors ce n'est pas Ivan. Et on est foutus...

    Et pendant que le soleil continue de se lever à l'horizon, autour de la flotte révolutionnaire ce sont des dizaines de mats qui surgissent de l'aube. Les mats d'une flotte de guerre au grand complet qui termine un encerclement parfait de sa proie.


    Et la bas, à bord du premier d'entre eux...

    -Des navires civils monsieur. Peu de canons, peu d'hommes.
    -Pas des navires civils lieutenant. Des navires révolutionnaires.


    [1626] L'Espoir meurt aussi 11120210

    -Quels sont les ordres Amiral Fenyang ? Je fais donner les équipes d'abordage ?
    -Non. Ce ne sera pas utile.
    -Pas utile monsieur ?
    -Transmettez à tous les navires. Cibles hostiles repérés, feu à volonté. Pas de reddition.
    -Tir a volonté, pas de reddition. Bien monsieur...



    Et pendant que le regard sombre de l'amiral Fenyang se perd dans la mer, fixant un point bien au delà de la ligne d'horizon, tout autour de lui les navires de la flotte ouvrent le feu. Ignorant le drapeau blanc que tente de dresser un des navires révos, ignorant les futiles tentatives d'esquives ou de ripostes des navires qui essayent vainement de briser l'encerclement. Comme à l'entrainement, les lourds canons de la marine prennent leur temps, choisissant une cible après l'autre et la pilonnant jusqu’à ce qu'elle explose ou sombre.

    Et quand une heure après les canons cessent enfin de tonner et que l'amiral consent à récupérer les quelques révos survivants, ni Douglas ni Tom n'en font partie.