T'enterrer sous mes poings.
Négliger l'injustice, faire de la seule force un purgatoire, gérer la résistance à coups de genoux dans les dents. Te regarder rouler sur le pavé. Le sang, partout, le sang du juste. Hein, du juste ?
-Juste ?
La gauche, virulente, toute en cœur plutôt qu'en calcul. Maladroite, qui arrache l'oreille, bleuie la peau. Qui tremble, feuille farouche. Tes lèvres qui s'imprègnent de toute la poussière. Le vide en moi ; dehors, le sentiment fort d'être vivante, de toucher les étoiles, au fond du grand rien, du verre de gnôle, je titube.
Black-out.
-Serena, qu'est-ce qui s'est passé ? Je t'ai dis que t'étais pas en tort. Son appartenance à un groupuscule révolutionnaire local était plus que vérifiée. Je veux juste savoir ce qui s'est passé, ce qui s'est passé pour que...
C'était un début de soirée qui commençait comme n'importe quel début de soirée de perm'. Je vais pour me caler au bistrot prendre un café en plein soleil, mais comme il fait un temps de merde, c'est en salle que je me pose. Et l'odeur du malt trop light séché sur le comptoir jusqu'à ce que vinaigre s'ensuive appelle sa pinte. Que je commande. Que je bois peinarde en lisant un bouquin.
Personne qui me capte, je capte personne. Ce que je lis me passionne pas, mauvaise pioche. Données trop abstraites, ça cause d'inférences et de « ou » exclusifs ou inclusifs. Alors je me laisse distraire. Tellement que j'en reprends une, que mon esprit se détend dans l'indifférence moite d'un alcoolisme que j'sais latent. Les choses que je lis gagnent encore en fadeur ; mes sens sont saturés de houblon fade ; mais je pense déjà plus qu'à ça.
Incapable de fixer les yeux sur un point fixe, je pose les coudes sur les pages. M'intéresse au plancher, à la botte de mon voisin de droite. L'ennui me serre le cœur. Une impatience me ronge salement, j'suis furieuse contre moi-même sans savoir ni de quoi, ni pourquoi. J'pense plus assez loin, la chaîne des idées se coupe au bout de deux renvois ; c'est trop fatiguant, penser. J'me rends compte que je suis claquée.
Alors j'vais pour rentrer en me disant que quand on dort, après ça va mieux ; que j'ai un bon bouquin oublié sur mon lit ; que l'agitation locale me donne de mauvaises images, que ma violence a besoin du tissu épais des rêves pour s'épancher tranquille. J'me barre. Sauf que.
Y'a lui qu'est rentré. Manteau de prolo', dégaine qui fait peuple, mais peuple qui l'est pas par défaut. Un truc comme étudié qui me saute à l'œil, du trop fait-exprès pour pas que je le remarque. Barbu, ou mal rasé ; mains laborieuses. Il dit un mot au patron. Qui lui laisse l'estrade. Je m'assois, j'écoute.
Il a rangé sa voix d'orateur, il s'est pas arrêté pour prendre un verre. Il est sorti. J'ai laissé mon livre et ce que je devais sur la table, et je l'ai suivi sans me faire voir.
Je crois que son discours m'avait plu, à ce moment. Je le trouvais sain et plein de bon sens, mais c'était pas tout. J'avais pas forcément envie de l'écouter à nouveau, et c'était clair qu'il comptait faire le tour des estaminets, des bouges et des restos et de tous les coins où il risquait pas de se faire trop refouler. Les réactions étaient variables. Une fois, il a provoqué une ovation qu'est partie d'une table salement alcoolisée, avec trois gars qui refaisaient le monde autour et qu'ont du trouver du grain à moudre dans son discours, la cité idéale dont il parlait. Les autres fois, y'a surtout eu un silence entrecoupé, plus ou moins indifférent ; des gens qu'on l'habitude, qu'ont un travail qu'ils aiment, qu'ont pas envie de changer de vie ou de croire que ça va pas forcément aussi bien que dans leur tête.
Puis pendant tout ce temps, je cogitais sec. Mon sang pulsait l'alcool mal digéré dans mes veines à grands coups. Tu sais, c'est rare que je boive comme ça ; mon dossier déborde d'épisodes du genre, c'est vrai, mais c'est juste qu'à chaque fois que je cède, ça tourne mal. Ça peut pas mentionner trois quarts des soirées où je reste sobre. Faut que ce soit la minorité qui l'emporte, le bien œuvre sans faire de bruit.
Je cogitais, et plus je cogitais, moins j'adhérais ; sous ces paroles pleines de miel et cette physionomie douce et courageuse, je devinais un truc rampant, que j'avais peut-être juste imaginé. Mais surtout, ce qui dominait, c'était l'angoisse ; l'idée d'un monde sans guerres, sans violence, sans lutte, sans épreuves, sans adversaires, j'arrivais pas à kiffer. Je m'en voulais pour ça, et d'un autre côté, je regardais mes poings avec fierté.
Il faisait froid, hier. Mais j'avais chaud aux tripes, la tête brulante, les idées qui se succédaient et qui aboutissaient toutes sur l'image d'une civilisation morte, qui puait la décadence ; avec les gens qu'avaient tous perdu leur identité, qui savaient plus à quel saint se vouer pour pas s'emmerder avec toute cette bouffe qui sortait d'une terre saine, avec toute cette paix dégoulinante, cette musique sans grosses basses révoltantes, ces fumées de hasch qu'étaient juste là pour tromper l'ennui, pour tout noyer dans une songerie morose qui puait la grasse mat'. J'ai compris, je crois, pourquoi dans les légendes de tavernes, les peuples les plus peace du monde se livraient quand même des guerres rituelles, envoyaient leurs jeunes mourir dans des duels au sabre, aux poings ou à la machette. Pourquoi les putains de nantis jouaient leur vie en duel à la première bien-aimée qui passait devant eux. Pourquoi est-ce que mon sang chantait le bruit du combat à toute heure, pourquoi la bière en terrasse en plein été avait un goût de trêve victorieuse plutôt que de paix prolongée. Pourquoi j'ai tant, tant et tant besoin de faire la conne alors que tout est en place pour que je me sauve de moi-même, alors que j'ai tout pensé en fonction de ça. Pourquoi je quitterais jamais la marine qui me donne l'occasion de la lutte intérieure et extérieure ; qu'est plus épanouissante que n'importe quel putain de village hippie. J'suis faite pour vivre là où la vie est impossible.
Alors, là, j'ai le cœur qui s'est serré. Je suivais toujours le prédicateur dans la rue, sans me faire voir.
Sentiment d'exclusion ou de mensonge de sa part ; l'histoire me donnait raison, j'étais vénère. Vénère de ce pauvre espoir qu'était rien d'autre qu'une bataille déguisée, qu'aboutirait sur pire encore. Maintenant, j'crois que j'avais qu'à moitié raison.
Mais comme je pouvais pas lui opposer le pouvoir des mots, je lui ai cassé la gueule. Sans calcul, je le jure... juste à la rage, à la colère, en vertu d'une violence qu'avait besoin d'exister en bête libre, en bête sauvage. J'm'en veux de l'avoir tué. J'voulais pas aller jusque là.
-J'ai rien compris. Tu l'as buté pour des raisons idéologiques ?
-Non.
-Pourquoi, alors ?
-Je sais pas, Bermudes. J'avais bu.
-Je vais être obligé de demander une mutation...
-Tu fais mieux. Les témoins...
-Ouais, y'a eu trauma. Papa s'occupe des explications publiques.
-Oh... il est sobre ?
-Pas plus que d'habitude. Mais tu sais que l'île l'a vu grandir. Les gens l'adorent même quand il dit de la merde.
-Je suis désolée. Si je peux faire quelque chose...
-T'es instable, Serena. T'as eu du bol de tomber sur un mec recherché mort ou vif, t'as juste traumatisé tes témoins et donné une mauvaise image de la marine. Tout le monde dans les rangs te voudra pas autant de bien que moi. Faudra que tu fasses gaffe. Que tu te maîtrises mieux.
-Tu es en train de vouloir m'imposer une thérapie, là ?
-Pff. Comme si je pouvais t'imposer quelque chose. Mais ceci dit...
-J'irais pas.
-Alors fais en sorte de plus jamais faire ce genre de trucs. Plus jamais. D'accord ?
-D'accord. Je te le promets.
J'suis sérieuse. J'sais que je le reverrais peut-être jamais, ce supérieur devenu un égal par amitié sinon par un attachement auquel la présence de son père et sa fidélité envers sa femme ont toujours posé des limites. Alors on fait pas durer les adieux. Il me serre la main, peut-être un peu trop chaleureusement pour l'étiquette. J'évite de trop le regarder dans les yeux histoire de pas avoir envie de me payer une chialante. Me sens faible, les jambes alourdies par le manque de sommeil, l'âme encore trop exaltée par la violence.
Le voyage me fera du bien.
Négliger l'injustice, faire de la seule force un purgatoire, gérer la résistance à coups de genoux dans les dents. Te regarder rouler sur le pavé. Le sang, partout, le sang du juste. Hein, du juste ?
-Juste ?
La gauche, virulente, toute en cœur plutôt qu'en calcul. Maladroite, qui arrache l'oreille, bleuie la peau. Qui tremble, feuille farouche. Tes lèvres qui s'imprègnent de toute la poussière. Le vide en moi ; dehors, le sentiment fort d'être vivante, de toucher les étoiles, au fond du grand rien, du verre de gnôle, je titube.
Black-out.
* * *
-Serena, qu'est-ce qui s'est passé ? Je t'ai dis que t'étais pas en tort. Son appartenance à un groupuscule révolutionnaire local était plus que vérifiée. Je veux juste savoir ce qui s'est passé, ce qui s'est passé pour que...
* * *
C'était un début de soirée qui commençait comme n'importe quel début de soirée de perm'. Je vais pour me caler au bistrot prendre un café en plein soleil, mais comme il fait un temps de merde, c'est en salle que je me pose. Et l'odeur du malt trop light séché sur le comptoir jusqu'à ce que vinaigre s'ensuive appelle sa pinte. Que je commande. Que je bois peinarde en lisant un bouquin.
Personne qui me capte, je capte personne. Ce que je lis me passionne pas, mauvaise pioche. Données trop abstraites, ça cause d'inférences et de « ou » exclusifs ou inclusifs. Alors je me laisse distraire. Tellement que j'en reprends une, que mon esprit se détend dans l'indifférence moite d'un alcoolisme que j'sais latent. Les choses que je lis gagnent encore en fadeur ; mes sens sont saturés de houblon fade ; mais je pense déjà plus qu'à ça.
Incapable de fixer les yeux sur un point fixe, je pose les coudes sur les pages. M'intéresse au plancher, à la botte de mon voisin de droite. L'ennui me serre le cœur. Une impatience me ronge salement, j'suis furieuse contre moi-même sans savoir ni de quoi, ni pourquoi. J'pense plus assez loin, la chaîne des idées se coupe au bout de deux renvois ; c'est trop fatiguant, penser. J'me rends compte que je suis claquée.
Alors j'vais pour rentrer en me disant que quand on dort, après ça va mieux ; que j'ai un bon bouquin oublié sur mon lit ; que l'agitation locale me donne de mauvaises images, que ma violence a besoin du tissu épais des rêves pour s'épancher tranquille. J'me barre. Sauf que.
Y'a lui qu'est rentré. Manteau de prolo', dégaine qui fait peuple, mais peuple qui l'est pas par défaut. Un truc comme étudié qui me saute à l'œil, du trop fait-exprès pour pas que je le remarque. Barbu, ou mal rasé ; mains laborieuses. Il dit un mot au patron. Qui lui laisse l'estrade. Je m'assois, j'écoute.
-Frères, clients, amis, accordez-moi un moment !
Merci. Je viens vous parler sans artifices et sans détour pour vous annoncer que l'espoir est au bout. Vous avez tous fait les frais des taxes de plus en plus lourdes, nombre d'entre vous ont des proches, des amis qui ont perdu travail et fortune en raison du budget sans cesse plus extraordinaire accordé à la marine par le gouvernement. Il est temps de ne plus faire confiance à ce système. Non pas chercher à le détruire, il n'est rien sans nous ! Mais chercher à vivre sans.
Je m'appelle Barty. Mes amis et moi sommes plusieurs à bâtir une petite société en plein désert. Nous produisons ce dont nous avons besoin ; beaucoup d'entre nous s'y entendent dans des domaines divers, nous acceptons régulièrement des hommes de tout poil. Le seul critère est de vouloir vivre en paix, sans violence.
Je ne viens pas pour faire acte de prosélytisme, mais pour vous dire que, le jour où vous en aurez besoin, notre porte vous sera toujours ouverte. En espérant qu'un jour, nous pourrons laisser à nos enfants un monde où tous les hommes seront frères, et auront appris à vivre ensemble sans violence.
C'est tout. N'hésitez pas à laisser un mot au comptoir si vous désirez en savoir plus. Passez une bonne soirée !
Merci. Je viens vous parler sans artifices et sans détour pour vous annoncer que l'espoir est au bout. Vous avez tous fait les frais des taxes de plus en plus lourdes, nombre d'entre vous ont des proches, des amis qui ont perdu travail et fortune en raison du budget sans cesse plus extraordinaire accordé à la marine par le gouvernement. Il est temps de ne plus faire confiance à ce système. Non pas chercher à le détruire, il n'est rien sans nous ! Mais chercher à vivre sans.
Je m'appelle Barty. Mes amis et moi sommes plusieurs à bâtir une petite société en plein désert. Nous produisons ce dont nous avons besoin ; beaucoup d'entre nous s'y entendent dans des domaines divers, nous acceptons régulièrement des hommes de tout poil. Le seul critère est de vouloir vivre en paix, sans violence.
Je ne viens pas pour faire acte de prosélytisme, mais pour vous dire que, le jour où vous en aurez besoin, notre porte vous sera toujours ouverte. En espérant qu'un jour, nous pourrons laisser à nos enfants un monde où tous les hommes seront frères, et auront appris à vivre ensemble sans violence.
C'est tout. N'hésitez pas à laisser un mot au comptoir si vous désirez en savoir plus. Passez une bonne soirée !
Il a rangé sa voix d'orateur, il s'est pas arrêté pour prendre un verre. Il est sorti. J'ai laissé mon livre et ce que je devais sur la table, et je l'ai suivi sans me faire voir.
Je crois que son discours m'avait plu, à ce moment. Je le trouvais sain et plein de bon sens, mais c'était pas tout. J'avais pas forcément envie de l'écouter à nouveau, et c'était clair qu'il comptait faire le tour des estaminets, des bouges et des restos et de tous les coins où il risquait pas de se faire trop refouler. Les réactions étaient variables. Une fois, il a provoqué une ovation qu'est partie d'une table salement alcoolisée, avec trois gars qui refaisaient le monde autour et qu'ont du trouver du grain à moudre dans son discours, la cité idéale dont il parlait. Les autres fois, y'a surtout eu un silence entrecoupé, plus ou moins indifférent ; des gens qu'on l'habitude, qu'ont un travail qu'ils aiment, qu'ont pas envie de changer de vie ou de croire que ça va pas forcément aussi bien que dans leur tête.
Puis pendant tout ce temps, je cogitais sec. Mon sang pulsait l'alcool mal digéré dans mes veines à grands coups. Tu sais, c'est rare que je boive comme ça ; mon dossier déborde d'épisodes du genre, c'est vrai, mais c'est juste qu'à chaque fois que je cède, ça tourne mal. Ça peut pas mentionner trois quarts des soirées où je reste sobre. Faut que ce soit la minorité qui l'emporte, le bien œuvre sans faire de bruit.
Je cogitais, et plus je cogitais, moins j'adhérais ; sous ces paroles pleines de miel et cette physionomie douce et courageuse, je devinais un truc rampant, que j'avais peut-être juste imaginé. Mais surtout, ce qui dominait, c'était l'angoisse ; l'idée d'un monde sans guerres, sans violence, sans lutte, sans épreuves, sans adversaires, j'arrivais pas à kiffer. Je m'en voulais pour ça, et d'un autre côté, je regardais mes poings avec fierté.
Il faisait froid, hier. Mais j'avais chaud aux tripes, la tête brulante, les idées qui se succédaient et qui aboutissaient toutes sur l'image d'une civilisation morte, qui puait la décadence ; avec les gens qu'avaient tous perdu leur identité, qui savaient plus à quel saint se vouer pour pas s'emmerder avec toute cette bouffe qui sortait d'une terre saine, avec toute cette paix dégoulinante, cette musique sans grosses basses révoltantes, ces fumées de hasch qu'étaient juste là pour tromper l'ennui, pour tout noyer dans une songerie morose qui puait la grasse mat'. J'ai compris, je crois, pourquoi dans les légendes de tavernes, les peuples les plus peace du monde se livraient quand même des guerres rituelles, envoyaient leurs jeunes mourir dans des duels au sabre, aux poings ou à la machette. Pourquoi les putains de nantis jouaient leur vie en duel à la première bien-aimée qui passait devant eux. Pourquoi est-ce que mon sang chantait le bruit du combat à toute heure, pourquoi la bière en terrasse en plein été avait un goût de trêve victorieuse plutôt que de paix prolongée. Pourquoi j'ai tant, tant et tant besoin de faire la conne alors que tout est en place pour que je me sauve de moi-même, alors que j'ai tout pensé en fonction de ça. Pourquoi je quitterais jamais la marine qui me donne l'occasion de la lutte intérieure et extérieure ; qu'est plus épanouissante que n'importe quel putain de village hippie. J'suis faite pour vivre là où la vie est impossible.
Alors, là, j'ai le cœur qui s'est serré. Je suivais toujours le prédicateur dans la rue, sans me faire voir.
Sentiment d'exclusion ou de mensonge de sa part ; l'histoire me donnait raison, j'étais vénère. Vénère de ce pauvre espoir qu'était rien d'autre qu'une bataille déguisée, qu'aboutirait sur pire encore. Maintenant, j'crois que j'avais qu'à moitié raison.
Mais comme je pouvais pas lui opposer le pouvoir des mots, je lui ai cassé la gueule. Sans calcul, je le jure... juste à la rage, à la colère, en vertu d'une violence qu'avait besoin d'exister en bête libre, en bête sauvage. J'm'en veux de l'avoir tué. J'voulais pas aller jusque là.
* * *
-J'ai rien compris. Tu l'as buté pour des raisons idéologiques ?
-Non.
-Pourquoi, alors ?
-Je sais pas, Bermudes. J'avais bu.
-Je vais être obligé de demander une mutation...
-Tu fais mieux. Les témoins...
-Ouais, y'a eu trauma. Papa s'occupe des explications publiques.
-Oh... il est sobre ?
-Pas plus que d'habitude. Mais tu sais que l'île l'a vu grandir. Les gens l'adorent même quand il dit de la merde.
-Je suis désolée. Si je peux faire quelque chose...
-T'es instable, Serena. T'as eu du bol de tomber sur un mec recherché mort ou vif, t'as juste traumatisé tes témoins et donné une mauvaise image de la marine. Tout le monde dans les rangs te voudra pas autant de bien que moi. Faudra que tu fasses gaffe. Que tu te maîtrises mieux.
-Tu es en train de vouloir m'imposer une thérapie, là ?
-Pff. Comme si je pouvais t'imposer quelque chose. Mais ceci dit...
-J'irais pas.
-Alors fais en sorte de plus jamais faire ce genre de trucs. Plus jamais. D'accord ?
-D'accord. Je te le promets.
J'suis sérieuse. J'sais que je le reverrais peut-être jamais, ce supérieur devenu un égal par amitié sinon par un attachement auquel la présence de son père et sa fidélité envers sa femme ont toujours posé des limites. Alors on fait pas durer les adieux. Il me serre la main, peut-être un peu trop chaleureusement pour l'étiquette. J'évite de trop le regarder dans les yeux histoire de pas avoir envie de me payer une chialante. Me sens faible, les jambes alourdies par le manque de sommeil, l'âme encore trop exaltée par la violence.
Le voyage me fera du bien.