Fais la manche... comme un manche

_ Une petite pièce pour manger... ne cessait de répéter un pauvre mendiant, par terre.

Il était assis, jambes croisées, contre le mur au coin d'une rue. Et quand il ne rackettait pas les gens innocents mais sans doute plus fortunés, il jouait de la flûte.

Le type était évidemment, moche, sale et mal habillé. Mais en prime, son instrument expulsait des notes toutes plus fausses les unes que les autres. Pourtant, aussi étrange que ça puisse paraître, les passants qui pénètraient dans son espace vital avaient tous envie de s'arrêter pour lâcher un jeton.
Peut-être qu'ils avaient tous la même technique en tête, remarque. Celle bien sûr de lui donner satisfaction, surtout pour qu'il la ferme et se casse très loin ensuite. Mais en y regardant d'un peu plus près, il s'avèra que non. Toute cette populace, d'habitude si radine pour moins que ça, avait cette fois-ci carrément l'air de vouloir lui refiler de bon coeur de la petite monnaie. Ils repartaient même en saluant poliment le musicien.
Sauf qu'après des dizaines et des dizaines de dons, le mec partait pour finir l'homme le plus riche, à ce train-là !

Au même moment, dans un bar en face, Gura fut d'abord irrité par le son horrible de la flûte qui résonnait jusqu'à ses oreilles. Pas moyen de pouvoir se désaltérer tranquille, sa mère ! Et d'ailleurs bien vite, les autres clients de l'établissement ne se gênèrent pas pour s'en plaindre également.

_ Ça fait longtemps que cet imbécile vous casse les couilles ? Demanda le Sumo, après avoir vidé son verre.

_ Euh... d'aussi loin que j'm'en souvienne, ça doit maintenant faire une bonne semaine, je pense.

D'autres habitués confirmèrent à leur tour l'information.

_ Bah p*tain ! J'arrive pas à comprendre que personne n'ait pensé à le dégager. Et pire ! Tous ces clampins qui se baissent gratos pour lui glisser un ou deux berrys, pfff.

À la rigueur, le seul cadeau pour les habitués du bar, c'était de pouvoir mater du panier rebondi chaque fois qu'une nana bien foutue esquissait une courbette au musicien, mouarf.

_ Ça doit être sa musique de merde qui les envoûte, j'parie, héhé !

Gura plaisantait bien sûr. Néanmoins, certains visages dans le bistrot parurent se fermer tout à coup. Un peu comme s'ils avaient quelque chose à se reprocher, ou qu'ils connaissaient ce qui se tramait derrière cette arnaque.

Du coup, le Sumo n'attendit pas plus longtemps pour avoir vent du fin mot de l'histoire.

_ Bah c'est bizarre à expliquer, répondit le barman, presque embarrassé et se sentant déjà ridicule. Mais tu as en quelque sorte raison. J'ai déjà eu affaire à des clients geignards qui, à peine sortis de là, voulaient pourtant castagner le flûtiste. Et une fois face à face, les cons ont tous courbé l'échine, sorti leur porte-feuilles, et déboursé plusieurs ronds.

Gura explosa évidemment de rire, croyant qu'on cherchait à lui foutre la trouille... style, bizutage classique du touriste. Puis quelques secondes après la bonne rigolade en solo, les trognes l'entourant restèrent toujours sérieuses. Brrr ! Ça avait de quoi faire peur, boudidiou !
Le gros tenta quand même de les sonder du regard, en espérant que l'un d'eux finisse par flancher. Mais pas moyen ! Les gars tenaient bon et semblaient y croire dur comme fer.

_ Bon bah... ok, capitula Gura, en se tripotant la lèvre pulpeuse inférieure, pensif et intrigué.

Le Sumo demanda ensuite à ce qu'on lui resserve un autre verre d'alcool. Et tandis que le barman s'affairait à la tâche, le grand chauve réfléchit encore. Il devait forcément y avoir un bug dans la matrice quelque part, c'était obligé ! Mal jouer de la flûte, c'était tellement atroce pour les tympans qu'on ne pouvait donc pas apprécier la mélodie. Logique ! Alors conclusion, Gura resta sceptique.

_ Il ne me reste plus qu'une seule chose à faire alors, reprit-il en levant le coude à nouveau.

Le barman avait eu à peine le temps d'éloigner le goulot de la bouteille. Encore un peu et il la renversait même à côté. Ou la briser, si elle lui échappait carrément des mains, quoi.

_ Je vais sortir, le trouver, et lui faire sa fête direct !

En plus de ça, discrètement, il y avait peut-être aussi moyen de partir sans payer. Et hop ! Ni vu, ni connu, l'addition passerait à la trappe.

Au fait ! Ça se déroulait comment si un péquenaud à sec n'avait rien à offrir à ce plouc de musicien ? Il passait son chemin, il se suicidait, ou il léguait son slip ?
En tout cas, Gura ne cogita pas plus. Ainsi, après avoir avalé son deuxième verre, il se mit aussitôt en route. Bon d'accord, après avoir raconté fermement qu'il n'y avait pas de souci à se faire, qu'il reviendrait vite et vivant... et que grâce à sa carrure de ouf, rien ni personne ne pouvait l'atteindre.
Comme ça, en plus de l'ancrer au plus profond de l'esprit de la troupe, il réussit même à les faire frissonner. Du genre, "ose moufter un truc, et c'est toi qui souffrira le premier".

Sur ce, à l'entrée du bar, Gura hésita à bondir d'un coup sur sa proie. Si c'était une histoire de périmètre, il y avait donc fort à parier qu'en restant à telle distance de sécurité, on n'était pas hypnotisé. La preuve ! Pour l'instant, il ne ressentait pas l'envie de quoi que ce soit, à part se boucher les oreilles, ou voire même se les arracher littéralement au cas où ce ne serait pas suffisant.

_ Hé ! Toi ! Espèce de ménestrel râté ! Tu pourrais pas la fermer ? Sinon je t'en colle une sur-le-champ, et c'est à l'hosto que tu vas finir.

Le clochard ne broncha pas d'un pouce. Soi-disant trop occupé à jouer, on va dire. Ou alors il était sourd, le faisait exprès ?

Gura se dandinait quand même en chorégraphiant des grands gestes très voyants. Et bon, avec sa voix qui portait pas mal, tout le quartier l'avait déjà capté.
Il fallait donc employer les grands moyens. Un brin colérique parce qu'on avait ignoré son petit numéro de prétention, le Sumo baissa sa garde et avança vers l'autre andouille bruyante. Le truc à ne pas faire, quoi.

Et shazam ! La cervelle du catcheur eut l'air de vibrer, de subir de brèves mais puissantes électrocutions dans les neurones... et il se mit à approcher lentement mais sûrement du SDF. De force ou de plein gré, ça dépendait de quel côté on se plaçait.

Heureusement que Gura marchait comme un pingouin. Ça lui permettait de ne pas se livrer trop rapidement devant sa cible. Quelque chose comme ça, quoi. Du coup, il opta pour se défaire de ce drôle de lien maléfique, en se débattant de la plus simple des manières. La tentative classique où il suffisait de se compresser la tête entre ses deux mains, et de la balancer vivement de gauche à droite. Parfois en grognant de vaines vulgarités... à moins que réciter tout le lexique servirait pour plus tard. Mouais bof !

_ Une petite pièce pour manger, réitéra le mendiant entre deux mélopées.

Le Sumo n'était plus très loin de l'autre hurluberlu maintenant. Plus que quelques pas et il serait officiellement prisonnier.

Lorsque ce fut le cas, Gura plongea une main dans son entrejambe... euh, pour se dégoter quelques sous, on est bien d'accord, hein ! Pas de poches ailleurs, désolé. Cependant, l'hypnotiseur eut de quoi déglutir sur le coup, et se demanda dans quel type de piège il s'était fourré. Décontenancé pour la peine, il roula même sur le côté, sait-on jamais.
Et justement, quand le colosse suintant ressortit sa main über trempée avec les pièces, la flotte qui se mit à pleuvoir sur le sol traumatisa le musicien pendant un temps.

_ Oh merde ! Mais t'es vraiment un porc immonde, ma parole !

Leur séparation étant pratiquement à bonne distance, Gura put secouer la tête et se ressaisir dans la foulée. Le monde réel se rematérialisait devant ses yeux, tant mieux.

_ Haha, merci mec. Je prends ça pour un compliment.

Il recula d'un bon mètre encore au cas où, et ôta sa longue ceinture en tissu. Le lourd cordage inondé à la sueur ferait un méchant fouet pour la suite de son plan.

Évidemment, qui dit fouet, dit punition qui claque. Gras Double n'attendit donc pas plus longtemps pour obtempérer. Un foudroyant Home Sweat Home dans la face du trouble-fête, et ce serait dans la boîte. Malheureusement, l'attaque ne fonctionna pas comme sur des roulettes.
Le musicien s'était protégé avec son instrument en forme de bâton, en fin de compte. Résultat, le câble mouillé s'enroula autour. Mais le top du top fut qu'en continuant de hululer des fausses notes dans le tube, l'effet de l'hypnose put repartir de plus belle.

Lot de consolation probable tout de même ? Privé de pouvoir poser correctement ses doigts sur les trous de la flûte, le mendiant fut incapable de réaliser son oeuvre à la perfection... bien que tout était relatif dans ce contexte. Gura dégusta bien sûr d'une forte décharge électrique, sonique ou un mix des deux. Mais de là à se dévergonder comme sur de la techno... on en était encore loin !

_ Bwwaaargghl !! s'écria-t-il comme une gonzesse de film d'horreur.

Mais ouf ! Au final, il sut rembobiner son ruban jusqu'à lui. Puis autour de sa taille, une fois la torture interrompue.

_ Enf**ré ! À cause de toi, maintenant j'ose même plus reposer le bec de mon instrument sur la bouche ! Tu vas me le payer, spice de sale puant !

Bah... c'était un peu ça l'objectif, hein. Quoi ? Vous avez vraiment cru que cet immense naturiste avait réellement en tête de gifler celle de l'autre bouffon ? Oups, en fait, si.

Gura éclata de rire en posant les mains sur ses hanches, dans un premier temps. Puis l'espace d'une seconde, il brandit un pouce levé vers le barman et les autres spectateurs du bistrot.
Puis hop ! Déjà l'heure de recoller fissa son nez sur le véritable adversaire. Ce dernier, dégoûté, brisa sa flûte en deux avant de jeter les morceaux sur l'énorme rival aux tétons qui pointent. Bref, pas de quoi s'affoler lors de l'impact, cela va de soi !

_ À mon tour de passer à l'action, je crois bien ! Jubila le catcheur, imminente attaque sur le bout de la langue. Toupie Booblade !

De loin la plus rapide et pourquoi pas la plus destructrice, le Sumo voulait ainsi frapper vite et fort. Plus ça s'avérerait expéditif, plus vite on oublierait cet incident.

De ce fait, tourbillon de mamelles à plein régime, pas moyen pour l'ex-flûtiste de tenter une dernière action pour l'honneur ou tout simplement pour riposter. En un tournemain, atatatata ! Le matraquage de boobs dans les dents envoya la victime dans le décor ! Et plus précisément, dans le bar précédemment squatté par Gura, oups. Ce n'était vraiment pas voulu, promis !
Le barman allait d'ailleurs engueuler le bonhomme torse-pwal, mais puisqu'il y avait surtout moyen de s'emparer du faux mendiant, et tant qu'à faire de lui en faire baver, la boulette fut vite passée sous silence. Et puis, si le voyou avait eu la faculté de récolter le fric des autres depuis une semaine, peut-être n'avait-il pas encore tout dépenser depuis ? Et de ce fait, il suffirait de lui chouraver son pactole accumulé.

_ Alors, hein ? Enchaîna ensuite Gura, s'attendant à un peu plus de reconnaissance. Merci qui ?

Mais aussi étrange que ça puisse paraître, en élevant visiblement trop la voix, le musicien sans instrument trouva la force de sortir de son coma, et même de se dépétrer de ses geôliers.
On l'avait compris, ce mec devait se trouver un niveau au-dessus de la normale, quoi. Sans doute avait-il subi un entraînement par le passé, en somme.

Bref, qu'avait-il cette fois-ci en tête ? Farfouiller dans ses poches à la recherche d'un pipo ? Euh... mouais, pourquoi pas. En tout cas, sans attendre, il avait concocté un bref morceau de musique qui obligea les plus proches fidèles à se baisser à quatre pattes, pareils à des esclaves.

_ C'est pas fini, mon gros ! Prononça-t-il difficilement, avec la mâchoire encore défoncée. Et va pas croire que plus mes jouets sont petits et mignons, plus ils sont risibles et faibles en efficacité !

Gura avait bien envie de répliquer une connerie prétentieuse en contrepartie, mais il se retint. Il fallait bien avouer qu'en matière d'hypnose sonore, ce maudit clodo factice en connaissait vraiment un rayon dans son domaine. Alors il valait certainement mieux que sa caboche tourne plus utilement, et se grouille par exemple à trouver une parade à ce qui pourrait suivre.
Bah ouais quoi ! Pas question de devenir la secrétaire de service pour les balloches de Monsieur, une fois qu'on était condamné à ramper sur les rotules.

_ En avant mes loulous ! Baffez-moi ce gros plein de soupe, et j'vous donnerai un p'tit su-sucre, haha !

Le musicien se remit à pousser la chansonnette dans sa courte paille pour fourmis. Et comme prévu, aussitôt les notes bien moches jouées, ses petits soldats s'élancèrent sur la montagne de graisse. Avec leur démarche de sauvage, on se serait presque cru dans la planète des singes.

Gura ne comptait évidemment pas se laisser faire par ces minus, mais il devait aussi garder en tête la satanée distance de sécurité, au risque de finir lui aussi comme un chien. Quoique... un gros porc de son espèce qui se pliait sur ses quatre pattes, pas sûr que ça fonctionne. Sa bedaine encombrante aurait vite fait de le gêner plus qu'autre chose.

_ J'espère qu'ils ne se souviennent plus de rien, une fois libérés de leur malédiction. Ça m'embêterait qu'on m'accuse ensuite, alors que j'aurai juste chercher à les sauver...

L'adversaire tira un sourire mesquin, mais replongea direct dans son petit concerto de rue. Devoir contrôler autant de personnes d'un coup devait probablement lui demander plus d'efforts et de concentration.

_ Toupie Booblade ! Fit Gura, se voulant aussi expéditif que la première fois.

Oups, ce n'était pourtant que de bêtes ôtages qui n'avaient rien demandé à personne. Mais promis ! S'il restait des séquelles, le gros était prêt à s'engager à envoyer des fleurs aux familles. Laule.

Pas besoin de vous faire un dessin ? Tout le monde visé fut propulsé dans les airs, avant de retomber au sol comme des bouses. Pendant ce temps, le Sumo se remettait de son tournis éphémère et inévitable. Puis une seconde après, il avait bien sûr l'intention de réitérer sa performance dans la face de l'autre instigateur. Plus violemment et même avec du rab' si la tête de sa proie ne se décrochait pas trop vite.

Malheureusement, le musicien connaissait quand même la subtilité depuis. S'il avait envoyé ses sbires dociles, c'était justement pour créer une diversion. Sur ce, maintenant qu'il avait su s'approcher en feuj du Sumo (dans son dos, quoi), c'était donc la position idéale pour exploiter à bout portant ce nouvel esclave de premier choix.

_ Tu es à moi, mon gros ! Et je te le prouve tout de suite, mouhahaha !

En effet, le diablotin musical composa une énième sale mélodie qui sonnait faux dans les tympans du catcheur, mais le pouvoir lâché eut de quoi le soumettre comme un vulgaire domestique de Noble à Marie-Joie.

L'ordre consista à demander au Sumo de charger dans un mur, la tête la première. Puis de l'atomiser de coups de boule à répétition jusqu'à exploser la maison entièrement.
Ni une, ni deux donc, Gura obéit sans remords et se trémoussa aussi vite qu'il put jusqu'à son objectif. Patatra ! Et vas-y que j'te détruis de la brique à foison, quitte à pisser le sang du front ou de me briser les os de la tronche !

Bim, bam, boum ! Le Sumo avait presque fini sa besogne. Plus qu'un dernier coup et tout s'écroulait en prime sur ses bourrelets. Par chance, il n'y avait personne dans le bâtiment. D'ailleurs, il n'y avait personne nulle part à la ronde non plus ! À croire que tous les habitants avaient tous fui comme des lâches. Alors pour espérer obtenir de l'aide ou du renfort, on pouvait toujours se lever tôt, pfff !
Enfin voilà. Gura se fit ensevelir de la plus conne des manières, sous un tas de briques, la gueule en sang, assommé. Puis bon, en même temps, le haut de sa tête devait être la partie la moins rembourrée de toute son anatomie, mouarf. Donc même si la baraque ne lui serait sûrement pas fatale, son cerveau, lui, avait pris sacrément cher quoi qu'il arrive.

_ Se faire battre par un clochard, non mais allô quoi ! Marmonna-t-il apparemment à son réveil.

Combien de temps s'était écoulé depuis son humiliante défaite ? Et puis il était où, au fait ? Des gens avaient fini par le décrocher de tous ces éboulis ? Tout le portait à croire, en tout cas.

Il était allongé par terre sur un matelas. Avec un peu de jugeote, il était facile d'en déduire que le lit précédemment installé pour l'occasion avait dû s'aplatir sous son surpoids. Mais on sut le soigner quand même, c'était le principal.

_ Qu'est-ce qui s'est passé ? Continua-t-il, toujours aussi difficilement. Je suis au paradis ?

Euh... vu le visage très discutable du vieux médecin qui se présenta par-dessus, le catcheur trouva vite sa réponse. Il tenta alors de tourner la tête dans tous les sens, mais à cause de sa position, accompagné par la douleur, il abdiqua rapidement après un rugissement lorsque ses vertèbres se mirent à croustiller comme des chips.

_ Faites attention... ne forcez pas trop vite... vous avez encore besoin de repos...

Bref, Gura était impatient de pouvoir se relever et de connaître la vérité sur sa déchéance. Il voulait savoir également si l'ennemi avait survécu, ou s'il fallait toujours lui donner une tannée. Enfin, dans le fond, même sans l'admettre, il y avait des chances pour que son rival soit déjà loin, sans doute parti sévir dans une autre contrée pour y amasser toujours plus de Berrys.

_ Ouais ouais, finit par marmonner le Bibendum. Bah dépêchez-vous de me soigner, parce que j'y retourne juste après !

Sauf qu'après acquiescement, on lui administra une piquouze dans le bras. Et hop ! Ferme-la, dors, et nous bourre pas le mou avec tes ambitions de pseudo combattant tout-dur !

Moralité, on ne pouvait pas toujours gagner à tous les coups.