Rappel du premier message :
Une boîte en fer, rouillée, dont la peinture rouge est quasi totalement écaillée. Une bonne dose de poussière à l'intérieur, sur la tonne de papiers, de lettres et de photos. Des vieux hommes, des vieilles femmes, des hommes et des femmes entre deux âges, ni jeunes, ni âgés, des jeunes hommes, des adolescents, des enfants, des bambins ou des morveux. Des familles entières, nombreuses, figées dans une pose, sans aucun sourire. Des dessins d'oiseaux, de moutons, l'aquarelle d'une vieille maison en pierres et au toit tuilé de morceaux d'ardoises. La baraque un peu penchée et aux trois étages construits de manière tarabiscotée surplombe une haute falaise. Les fragments d'une famille. Les photos sont vieillies, certaines lettres mangées par les mites et tellement abîmées par l'humidité qu'elles en deviennent illisibles pour la majorité. Une vieille photo au-dessus, en plus ou moins bon état. Pas bien conservée par le temps mais encore assez pour ne pas être émiettée quand on la prend entre ses mains. Cinq enfants. Un grand brun aux cheveux frisés, tout sourire, grand et carré de stature. Deux plus jeunes et plus frêles, l'un malicieux, roux comme le feu et l'autre avec un chat dans les bras, blond comme le blé, la morve au nez. Une fillette avec les mains et sa robe tachées de peinture, des cheveux bruns et tout frisottés. La dernière, une petite fille aux airs encore de bébé, ronde, des yeux sombres comme tous ses frères et sœurs, l'éternelle tignasse frisée blonde. Un fou de bassan se trouve à côté d'elle, les ailes étendues et le bec ouvert sur un cri qui nous est silencieux.
Ils sourient. Les enfants, pas le fou de bassan.
Les restes de l'histoire d'une famille.
1613 et 1614. Ces années-là ont un goût sucré pour Caoirse, comme pour 1612. C'était paisible et rien ne venait troubler le calme du Royaume de Franec. Les oiseaux planaient hauts dans le ciel et la capitale Dainvers était encore sûre. Elle voyait encore le poulpe qu'ils avaient trouvé un jour sur la plage, avec ses frères et sœurs. Il était totalement desséché et un de ses yeux manquait. Ce qui l'avait fascinée, c'est que l'on voyait l'intérieur de son corps, un trou causé par les coups de becs des mouettes et-
La bête était morte. Et c'était incroyablement hypnotisant.
1615. La panique. La fuite précipitée. La peur. Les larmes. Un voyage. La mer. Une nouvelle maison. Le calme, la quiétude et la joie à nouveau. L'attente.
Elle se souvient encore aujourd'hui, des belles collines et pentes herbeuses de Tanuki. L'air y était frais, c'était la campagne. Pas la même campagne que Franec, un peu plus mielleuse, un je-ne-sais-quoi de gras et de sucré dans l'air.
Caoirse n'avait vu qu'une vache là-bas, la vache de la Simone, la voisine. Elle était bien grasse, et il y avait du lait chaque matin. Un jour, la bête s'est blessée et on a dû l'abattre. Dès lors, il n'y eut plus de vache sur Tanuki. Et plus de lait.
Et 1616 apportait la peine des distances et de l'être cher trop loin pour qu'on puisse caresser son visage du bout des doigts.
La violence et l'humeur tempétueuse de Lug. Voilà ce qui remontait à sa mémoire. Irascible, désagréable. Enfant, elle tremblait de ces accès de colère qui prenaient son frère aîné à l'époque. Mais 1616 ne fut pas une année joyeuse, oh que non. Une sorte de mauvaise humeur semblait s'être emparée de toute la famille. Même l'été, jamais un semblant de joie ne revint. Tous accomplissaient leurs tâches avec lassitude. Même Amelle ne prenait plus goût à dessiner. Ce fut peut-être à cette période, que Caoirse s'échappa pour essayer de se faire obéir du vieux Missouri. Mais le fou de bassan n'écoutait pas bien souvent son maître, quel qu'il soit.
1617. Mort. Tristesse. Mort. Mort. Mort. Folie. Rien. Blanc. Cris. Fin. La Simone. La colère du vieux Joseph. Les pleurs de Lug. Les cheveux rasés d'Amelle.
Et Caoirse au regard vide qui ressassait et ressassait, encore et encore. Vague venant lécher des récifs pour mieux rendre névrosé un esprit aussi jeune et le remplir d'idées et de tocs aussi insipides et acides que les autres.
3 janvier 1618. Révolutionnaires arrêtés. Oncle Pietr disparu. Exécutions. Joie du peuple. Retour au pays de la femme de Marius et de nombreux autres cousins. Royaume apaisé. Nouveau roi. Gwen, la sœur de maman qui vient leur porter secours. Maman à moitié folle, à moitié lucide. Maman qui garde entre ses doigts une drôle de marionnette entre les doigts. Maman qui fait peur. Psychologue. Lug parti. Missouri.
1619, la douleur. Le fond. Puis, le rebond.
1620. Des bouteilles à la mer. La beauté de l'océan. Tante Gwen repart et maman ne va pas mieux.
1622. Juel qui prend son envol et Caoirse qui commence à travailler. Une catastrophe, si vous voulez tout savoir.
1624. Amelle. Son copain. Fiançailles. Elle retourne vivre à Frannec. Engueulade un bon coup avec les grands-parents.
Poste. Lettres. Voyages. Missouri. Fête. Dérapage. Plainte.
1626. Un mariage.
Une photo plus récente et moins abîmée par le temps tout en haut du tas. Cinq personnes, à nouveau. Un grand brun aux cheveux frisés, mal rasé et portant l'uniforme de la Marine. Il a un bras en moins mais sourit de toute ses dents alors qu'il entoure de son unique bras, le cou d'un jeune homme roux qui tire la langue et tient un vieux matou en train de faire la tronche dans ses bras. A côté d'eux, un blond d'une vingtaine d'années, avec des lunettes carrés, un chapeau en cône, comme ceux qu'on met au nouvel an et un sourire aux lèvres, se tient aux côtés de deux jeunes femmes. Elles ont toutes les deux les cheveux frisés. L'une brune en robe blanche de mariée, l'autre blonde dans un semblant de pyjama. Un fou de bassan à l'air vieux et déplumé se contentant de tirer la plus jeune par son jean.
Tous ont les yeux sombres et les traits tirés, comme s'ils n'avaient pas énormément dormi la veille.
C'est ce que l'on pourrait appeler les mémoires d'une famille, conservées précieusement dans une boîte en fer rouillée et décorée avec soin par une enfant, une adolescente et enfin une jeune femme.
Le teint blafard, un peu trop pâle pour pouvoir bronzer, mais parfait pour cramer. Des tâches de rousseurs parsemées en bouquet sur un visage ovale, aux traits presque trop pointus, lui donnant un air sévère. Des cheveux longs, blonds et bouclés, qui doivent lui arriver dans la moitié du dos. Ils ont l'air un peu négligés, peut-être qu'un coup de ciseau ne leur ferait pas trop de mal. Elle n'est pas aussi grande que sa sœur aînée, mais son côté athlétique tranche nettement au côté fragile qu'on pourrait lui donner. Ses vêtements sont rapiécés aux genoux et aux coudes. Son jean est déchiré, et on peut voir que même son genou en a pâti. Elle a l'air rebelle. Son air trop sérieux, ses sourcils trop froncés sont desservis par un léger sourire malicieux. Et puis il y a ces yeux noirs, profonds. Luisants et brillants de chaque émotion qui les traverse. Un physique un peu banal qui passe pour discret dans la foule.
C'est quelqu'un.
C'est Caoirse.
>> Caoirse Coat
Pseudonyme : Age: 18 Sexe : Femme, si ça se voit pas. Race : Humaine. Métier : Factrice de haut vol Groupe : Civil But : Aucun en particulier, si ce n’est vivre tranquillement Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : On verra bien. Équipement : – Un appeau pour appeler Missouri - Des bouquins, du papier, des timbres, des enveloppes, des plumes, tout un tas de trucs très pratiques, comme de l’encre. - Un tampon pour tout ce qui concerne l’administratif - Missouri, l’oiseau postal - Un carnet d’adresse et un annuaire - La sacoche habituelle de tout bon facteur Et c'est tout. J'fais de l'abus de papier. Enfin. Je crois. Codes du règlement : Parrain : Ce compte est-il un DC ? : Yup’, Hona qu’est relà Si oui, quel @ l'a autorisé ? :La pailleteuse Louise ! |
Echange postal de 1608 à 1626 de la famille Coat, et autres écrits d'archives
Une boîte en fer, rouillée, dont la peinture rouge est quasi totalement écaillée. Une bonne dose de poussière à l'intérieur, sur la tonne de papiers, de lettres et de photos. Des vieux hommes, des vieilles femmes, des hommes et des femmes entre deux âges, ni jeunes, ni âgés, des jeunes hommes, des adolescents, des enfants, des bambins ou des morveux. Des familles entières, nombreuses, figées dans une pose, sans aucun sourire. Des dessins d'oiseaux, de moutons, l'aquarelle d'une vieille maison en pierres et au toit tuilé de morceaux d'ardoises. La baraque un peu penchée et aux trois étages construits de manière tarabiscotée surplombe une haute falaise. Les fragments d'une famille. Les photos sont vieillies, certaines lettres mangées par les mites et tellement abîmées par l'humidité qu'elles en deviennent illisibles pour la majorité. Une vieille photo au-dessus, en plus ou moins bon état. Pas bien conservée par le temps mais encore assez pour ne pas être émiettée quand on la prend entre ses mains. Cinq enfants. Un grand brun aux cheveux frisés, tout sourire, grand et carré de stature. Deux plus jeunes et plus frêles, l'un malicieux, roux comme le feu et l'autre avec un chat dans les bras, blond comme le blé, la morve au nez. Une fillette avec les mains et sa robe tachées de peinture, des cheveux bruns et tout frisottés. La dernière, une petite fille aux airs encore de bébé, ronde, des yeux sombres comme tous ses frères et sœurs, l'éternelle tignasse frisée blonde. Un fou de bassan se trouve à côté d'elle, les ailes étendues et le bec ouvert sur un cri qui nous est silencieux.
Ils sourient. Les enfants, pas le fou de bassan.
Les restes de l'histoire d'une famille.
1608
Faire-part de naissance daté du 21 mars 1608 :
Louis et Valentine Coat, ont la joie de vous annoncer la naissance de leur fille tant attendue, Caoirse,
Le 19 mars 1608, à Sizun, Royaume de Franec.
De la géographie, du climatDe tout ce qui concerne le Royaume de Franec, avant et après 1615, tiré du livre de Paol Gartaig, 1620, éditions Lepetit.
« Le Royaume de Franec, petite île de North Blue, particulière par bien des aspects : on y trouve tout et son contraire. Entre une baie plate et des falaises à pic, ou bien des champs fertiles et broussailleux quant à côté il y a des salines bourbeuses et embrumées. C’est un paysage relativement plat sur le sud, regroupant la majorité de l’activité agricultrice et l’élevage des bêtes, tandis qu’à l’ouest, se trouve le port et de nombreuses petites îles où les marins salants peuvent s’installer : en effet, l’eau y est peu profonde et s'y évapore facilement, assurant un commerce stable à longue durée. Au nord, l’on y trouve des marais qui abordent une forêt à flanc de colline, ou du moins, c’est ce que l’on pense au premier abord. On croirait y trouver une montagne, ce sont des falaises et des rochers étriqués que l’on y rencontre. La pointe du Raz et tous ces bois laissés en friches, ne sont pas occupés ou bien ce sont quelques amoureux du paysage et de l’isolement qui ont décidé de s’y installer, peu nombreux, mais existants.
Comme l’indique le titre de « Royaume », celui de Franec est donc bien évidemment dirigé par un roi, Archibald II Messviler, du moins, jusqu’en 1615… »
1612
Lettres entre Marius et Louis Coat, 1612 :A Dainvers, le 8 août 1612
Mon bien cher frère,
Inutile de te dire à quel point maman désespère encore et toujours que tu n’aies toujours pas acheté d’escargophone et que tu t’obstines d’envoyer des lettres, par plaisir de gratter une plume sur le papier et de voir l’encre couler !
Mais comme tu es une tête de mule, un borné sans nom, que tu as refilé cette détermination folle à toute ta lignée, tu ne changeras pas, hein ?
On a fêté les trente-quatre ans de mariage de maman et papa , jeudi dernier. Fête à laquelle tu ne pouvais pas venir, puisque la maladie venait de mettre au lit tes deux petites dernières, Amelle et Caoirse. Tout le monde leur souhaite un prompt rétablissement, vous embrasse et espère que vous serez des nôtres à Noël, ainsi qu’au Nouvel An !
Il est vraiment dommage que vous n’ayez pas pu venir, Valentine, sa soeur Gwen et toi. Le vieil oncle Joseph avait emmené avec lui Mick Perron, son collègue : comme tu le sais déjà, ils tentent tant bien que mal de faire tenir le Service Postal Des Lieux Pas Faciles d’Accès qu’ils ont créé sur Tanuki. Le vieux Joseph était grognon, comme d’habitude, il souriait à peine et ne riait qu’aux boutades fraternelles que lui envoyait maman. Mick, quant à lui, est un homme très jovial. Il a l’air d’être motivé pour le projet qu’il construit avec notre ours d’oncle.
Maëlle fait des gros bisous à Caoirse. Elle était bien triste d’être la seule fille du groupe de cousins réuni pour la fête. Malgré tout, elle a pu s’amuser avec les petits de Pietr, qui ne sont pas plus âgés qu’elle.
Ah, n’oublie pas aussi les dix-huit ans de Loïk en octobre ! Il aimerait que tu l’appelles pour une fois, au lieu de rester accroché à tes lettres, à vouloir garder tout ce qui s’est dit sans que le temps ne les altère… Comment ça, encore une occasion pour que maman te propose de te refiler son vieil escargophone baveux et grésillant ?
Allez, portez-vous bien, Valentine, Juel, Eliaz, Amelle, Lug, Caoirse et toi ! On vous embrasse tous très forts, vous souhaitons une bonne fin d’été sur votre pointe du Raz et un grand futur pour votre service postal !Ton frère, Marius.Dans le foyer des Coat de la pointe du Raz, le 12 août 1612
Gros bougre de Marius,
J’ai la mémoire mauvaise pour tout ce qui est discussion, comme toujours. Les lettres me permettent de tout confiner, de ne rien perdre. Rien de mieux que le papier pour éviter qu’une idée s’envole aussi vite qu’elle est arrivée. Tout ce qui n’est pas matériel, tout ce qui n’a pas de forme solide, l’encre me permet de les geler sur les feuilles, comme le ferait le froid en temps d’hiver, alors que l’eau coule dehors.
Je me répète, mais passe les embrassades à tout le monde, deux fois ne fait pas de mal ! Nous sommes bien tristes de ne pas avoir pu venir, mais la fièvre d'Amelle et Caoirse était bien trop élevée. On a dû appeler un médecin de Kemper, tant leur état nous inquiétait : une toux sèche et des douleurs à la poitrine. Leur santé s’est cependant améliorée il y a quelques jours. Anecdote amusante, ma chère tête blonde de Caoirse, du haut de ses quatre ans, s’est rapprochée de notre plus vieil oiseau postal, Missouri. Le plus grincheux aussi, mais c’était un vrai bonheur de la voir sourire alors que l’oiseau marin venait mettre son bec dans ses cheveux. Maintenant qu’il sont guéris, je peux t’assurer avec certitude, que nous serons des vôtres pour les fêtes de fin d’année ! Loïk peut compter sur moi pour octobre, ce serait irrespectueux en tant que parrain et oncle, que je n’en fasse pas une occasion exceptionnelle. Et qui dit occasion exceptionnelle, dit surprise formidable. J’enverrai un colis, qui, j’espère, lui fera plaisir !
Il est dommage, en effet, que j’ai raté le vieil ours de Joseph, et surtout Mick. Notre oncle m’en a seulement parlé, je ne l’ai jamais rencontré ou parlé directement avec lui, si on met à part nos conversations escargophoniques. C’est un bon gars, de ce que m’a dit Joseph. Ils ont toutes les chances de pouvoir faire prospérer un nouveau service postal sur Tanuki, du moins, je le leur souhaite, mais cela mettra sûrement du temps. Un collègue de South Blue dit que je m’entête pour rien, le vrai business des oiseaux postaux pour les lieux difficiles d’accès résiderait sur Grand Line ou le Nouveau Monde. Il oublie à quel point c’est dangereux de s’y rendre et que nos oiseaux sont souvent guidés et surveillés par des facteurs qui font une boucle entre plusieurs îles. Les envoyer là-bas serait du suicide, de l’inconscience et je ne souhaite point la mort de mes employés. Ni de Lug, qui m’aide depuis bientôt six mois, tu le sais bien. Il est très efficace et n’a peur de rien, alors qu’il vient d’avoir à peine douze ans. On a très peu de lettres à emporter ces temps-ci, surtout des colis beaucoup trop encombrants pour qu’un fou de bassan puisse les transporter.
Je ne veux pas du vieil escargophone de maman ! Embrasse-la très fort pour moi et souhaite-lui un bonheur toujours plus grand avec papa. Qu’elle continue à faire des crêpes et s’occupe bien de son potager !La famille de la pointe du Raz qui vous embrasse tous très fort.
1613 et 1614. Ces années-là ont un goût sucré pour Caoirse, comme pour 1612. C'était paisible et rien ne venait troubler le calme du Royaume de Franec. Les oiseaux planaient hauts dans le ciel et la capitale Dainvers était encore sûre. Elle voyait encore le poulpe qu'ils avaient trouvé un jour sur la plage, avec ses frères et sœurs. Il était totalement desséché et un de ses yeux manquait. Ce qui l'avait fascinée, c'est que l'on voyait l'intérieur de son corps, un trou causé par les coups de becs des mouettes et-
La bête était morte. Et c'était incroyablement hypnotisant.
1615
Lettres entre Marius et Louis Coat, 1615 :A Dainvers, le 30 juillet 1615,
Louis,
Tu dois déjà connaître la nouvelle à l’heure qu’il est, les journaux à distribuer doivent être dans les pattes de tes oiseaux postaux et cette terrible nouvelle se propagera à travers la campagne.
Notre bon et vieux roi Archibald II vient d’être assassiné. Par qui, on ne sait pas, mais Louis, si tu voyais la panique et la tension qui règnent en ville, tu ne reconnaîtrais pas le peuple Franecois. Je suis très inquiet, pour ma femme et mes enfants avant tout, certes, mais aussi pour mes autres parents, pour mes amis et surtout pour toi, Louis. On raconte que certains de tes oiseaux ont été interceptés et qu’on a ouvert bon nombres de lettres. Nul ne sait ce qu’on en a fait ensuite, mais une imprimerie et une poste ont brûlé, cet après-midi.
As-tu des nouvelles de Pietr ? Je n’arrive pas à le joindre par escargophone et j’espère que mon bref mot transporté par le vieux pigeon Cheminot lui parviendra. Bell est morte d’inquiétude pour eux et je fais de mon mieux pour la réconforter. J’espère que ce chaos n’est pas encore arrivé en campagne et encore moins dans ton tranquille et isolé village de la pointe du Raz.
On voit débarquer une foule de soldats du roi, en ville. Ils sont certainement venus pour enquêter sur le meurtre, et surtout, pour savoir qui est le meurtrier. Ils ont fouillé toutes les maisons, même mon bâtiment d’imprimerie… Tous nos escargophones ont été saisis, je ne sais ce qu'il en est à l'extérieur de la capitale. On nous répond à chaque fois qu’ils nous les rendront quand ils auront trouvé ce qu’ils cherchent. Mais quoi ? Ou qui ? Personne ne le sait. Quoi qu’il en soit, il semblerait que le meurtrier ne soit pas quelqu’un d’ordinaire. Et tout cela se passe dans notre paisible pays, je n’aurais jamais pu le croire si la folie et la stupéfaction ne s’étaient allumés sous mes yeux… Des hommes se rassemblent, Louis. Ils sont mécontents et je crains de ce qu’ils comptent faire. Je ne comprends toujours pas pourquoi le roi a été assassiné. Il n’a rien fait de mal, tout allait si bien ! Et notre souverain qui n’a pas de descendant, cela n’arrange pas les choses… Tout est sens dessus dessous, et même dans la tête des gens, tout semble chamboulé !
Louis, je t’en prie, réponds-moi au plus vite. Papa et maman sont inquiets, personne ne sait si Pietr est en vie ou bel et bien mort, sa maison semble vide, comme s’il l’avait abandonnée de lui-même On ne sait pas non plus où sont sa femme et ses enfants. J’ose espérer que tout aille encore pour le mieux chez vous.Marius.Dans le foyer des Coat de la pointe du Raz, le 3 août 1615
Marius,
J’ai bien reçu ta lettre et je réponds à ton appel. J’ai vu des hommes, des familles entières affolées passer devant la maison, toutes venaient du sud et fuyaient Dainvers. On m’a raconté bien des choses horribles que je ne te répéterais point. J’ai vu le journal d’il y a quelques jours, il est passé entre mes mains et j’ai appris cette terrible nouvelle. Des temps sombres s’annoncent, ou alors je ne m’appelle pas Louis Coat.
Des hommes s’arment à côté de chez moi, Marius. Il y en a qui ont de vieux pétoires et d’autres, seulement des bâtons. Ils disent vouloir parler aux détracteurs qui ont renversé le roi en le massacrant. J’ai parlé avec le vieux Joseph par escargophone, hier (dieu merci, personne n'est venu nous les confisquer !). Il est d’accord pour accueillir nos familles, le temps que tout cela dure, à Tanuki. C’est un vieux ronchon, mais il tient ses paroles. Il vaut mieux protéger et envoyer nos enfants loin de tout ce qui s’annonce dans le Royaume de Franec. Des envies de massacre et de vengeance grondent dans le pays, nul ne peut le nier. Je n’ai aucune nouvelle de Pietr, je suis bien désolé de te l’apprendre. Les oiseaux emportent des courriers courts et reviennent avec, comme s’il n’y avait personne pour les ouvrir. Je ne préfère pas m’avancer là-dessus et continuer à espérer.
Dans trois semaines, Joseph le vieux arrivera. Il emmènera Valentine, sa soeur, ses parents, et les enfants à l’abri, et pourra très certainement prendre Bell et les tiens loin de tout ça. Pour le reste et pour l’avenir, nous n’avons plus qu’à prier Dieu, mon frère. Qu’il ait pitié de nous et qu’il me pardonne le fait de me méfier de mon voisin comme de la peste. Je ne dors plus et je garde un pistolet sous mon oreiller. On ne sait jamais ce qu’il peut arriver.Louis.A Dainvers, le 20 août 1615
Ta lettre m’est arrivée bien tard et j’ai peur de ce qu’il est arrivé à ton service postal… Des hommes au service des régents du pouvoir royal sont venus me voir et m’ont remis ton courrier qu’ils ont certainement ouvert et lu. J’espère que cette lettre te parviendra, je prie pour que personne ne l’intercepte.
Voyant que tu ne répondais et que des tensions éclataient en ville, j’ai pris mes dispositions pour mettre ma famille en sécurité. Bell, Loïk et Maëlle sont partis il y a trois jours chez la vieille tante Mirelle à Fushia.
Pietr ne répond toujours pas, des habitants partent vers le nord de l’île tandis qu'une succession d'attentats a touché à nouveau la ville. Il se dit que des hommes du Gouvernement affrontent des révolutionnaires, mais ce ne sont que des rumeurs et je ne les prends pas au sérieux. Pour le moment, nous n'avons vu que des soldats de la Marine arriver, pour appuyer la milice royale dans leurs recherches. Les meurtriers terroristes sont toujours recherchés, mais nul n'arrive à les attraper. Ils sont comme insaisissables. Mais avec l'appui du Gouvernement Mondial, ils n'en ont plus pour très longtemps.
Papa et maman sont partis plus au sud encore que Dainvers, chez leurs vieux amis de Brezghoan. Je me retrouve bien seul et je n’ai que la compagnie du vieux chien de chasse, Mistrel. Les rires des enfants me manquent déjà.
J’espère te revoir bientôt mon frère, porte toi bien et que tes oiseaux continuent de voler haut dans le ciel pour que les liens des familles ne se dénouent pas.Marius.A Dainvers, le 22 août 1615
Je t’écris alors qu'une bombe vient d'exploser à deux maisons de chez moi. Tout flambe dans un grand bruit. C'est la poste d'à côté. J'entends les cris des oiseaux qui brûlent. Mistrel hurle à la mort. J'ai peur, Louis. J'ai la vieille pétoire de papa entre les mains mais que pourrais-je faire avec ça ? Le roi est mort et le chaos ronge tout. Contre qui se bat-on ? Qui est responsable de tout cela ? Tout est flou et l’empressement dans lequel je me trouve ne me permet pas de t’en dire plus. Je ne peux te dire où je vais, j'ai peur que la lettre n’arrive pas entre tes mains si jamais j’en dis trop.Marius.
Lettres entre Louis et Valentine Coat, 1615 :Le 1er septembre 1615,
Ma chère Valentine,
Il me tarde de te revoir, toi et les enfants. J’espère que vous allez bien et que vous passez d’agréables journées à Tanuki.
Il pleut énormément ces derniers jours et la terre est tellement boueuse, qu’il nous est impossible à notre compagnie et moi d’avancer. Nous attendons toute la journée dans notre trou plein d’eau et de vermine que ce temps de chien passe. Nous devions nous rendre dans une petite ville à l'est de Dainvers, afin de faire des contrôles, des saisies, très "importantes", nous a-t-on dit. Cela fait à peine quelques jours que les régents du trône - ses ministres - ont appelé la nation capables de se battre contre l’envahisseur, l’ennemi, à marcher contre lui. L'ennemi ? Des révolutionnaires qui ont allumé une mèche trop tôt et qui ont fait éclater une peine et une stupéfaction sans nom. Ils ne sont pas beaucoup apparemment, et pourtant, ils ont réussi à tuer notre roi. Beaucoup jurent de l’imprudence de notre vieux et bon Archibald II. Personnellement, je reste sceptique quant à ces rumeurs et je me demande s’il n’y a pas quelque méfait ou magouille du pouvoir derrière tout ça.
Valentine, si tu voyais le Royaume de Franec, tu ne le reconnaîtrais pas. Ceux qui étaient frères hier se dévisagent du regard, ceux qui s’aimaient se haïssent et nul ne sait qui porte la bombe de la mort et de l'affolement.
Je me porte bien, ainsi que Marius qui est cloîtré prudemment dans cette baraque d'épiciers qu'il a troqué contre sa maison en flammes, dans la capitale, avec l'un de nos nombreux cousins germains. Je reviendrais bientôt, je le souhaite de tout mon coeur.
Baisers à tous,Ton Louis.
Le 22 décembre 1615, Tanuki, 26 Chemin de la Sous-Colline.
Papa,
J’espère que tu vas bien. Tu nous manques à tous, surtout à maman. Elle a l’air très triste depuis que l’on est partis de Franec. C’est bientôt Noël, la neige est tombée sur Tanuki et on n’arrête pas de jouer dehors. Mick nous a apporté une luge mercredi dernier et nous nous amusons beaucoup avec ! Caoirse a débaroulé la colline à toute vitesse avec Eliaz, avant de finir leur course sur l’étang gelé. La glace ne s’est pas fendue, mais maman les a grondés, elle n’avait vraiment pas l’air contente. Amelle et Juel ont attrapé une bonne grippe, alors qu’ils voulaient visiter le service postal que Mick et grandpa’ Joseph dirigent, ici. On n’a pas pu y aller tu sais, ils avaient beaucoup de travail nous ont-ils dit.
Tu te souviens de Missouri, le vieux fou du bassan qui s’occupait des petits colis ? Eh bien, ils nous l’ont apporté à la maison. Il s’est blessé, mais nous nous occupons bien de lui, parce qu’on sait que tu l’aimes énormément ! Caoirse lui donne du pain et ses assiettes de poisson. L'oiseau s'régale grâce à ses sept ans révolus depuis longtemps, quand tu étais encore là.
Papa, j'espère qu’on te verra pour Noël. On a demandé au Père Noël une seule chose à nous cinq, enfin, j'ai joué le jeu du moins. A quinze ans, ça fait pas sérieux d'y croire encore, mais juste pour les plus jeunes, j'ai fait l'effort. "On a peut-être pas été bien sages, mais un cadeau à cinq, comme celui qu’on a demandé, il pourra pas nous le refuser ! On lui a dit qu’on voulait que tu reviennes de la guerre et que tout s’arrange pour qu’on revienne à Franec !" Qu'elle a dit, la p'tite Caoirse. Tu nous manques à tous, terriblement. J'espère que je serai en âge de revenir bientôt, pour me battre avec vous tous, pour trouver ces terroristes. Maman n'est pas trop d'accord, et je ne la comprends vraiment pas. Il faut bien défendre notre pays, non ? Pas plus compliqué que ça ? Alors, j'irai quand je pourrai !
Tu viendras faire des bonhommes de neige avec nous ? On a donné des graines de potiron à Maman, elle a dit qu’elle t’en fera une soupe quand tu reviendras, que les légumes seront bien mûrs. Elle pense les semer en mai, moi, je pense que c'est bien dommage qu'on ne les ait pas eues avant !
Je travaille bien à l’école et les professeurs sont contents de moi. J’aimerais bien que tu sois là pour voir mes bulletins de notes !
Je t’aime très fort. Maman, Eliaz, Amelle, Juel et Caoirse te font beaucoup de bisous et de câlinsLug.
1615. La panique. La fuite précipitée. La peur. Les larmes. Un voyage. La mer. Une nouvelle maison. Le calme, la quiétude et la joie à nouveau. L'attente.
Elle se souvient encore aujourd'hui, des belles collines et pentes herbeuses de Tanuki. L'air y était frais, c'était la campagne. Pas la même campagne que Franec, un peu plus mielleuse, un je-ne-sais-quoi de gras et de sucré dans l'air.
Caoirse n'avait vu qu'une vache là-bas, la vache de la Simone, la voisine. Elle était bien grasse, et il y avait du lait chaque matin. Un jour, la bête s'est blessée et on a dû l'abattre. Dès lors, il n'y eut plus de vache sur Tanuki. Et plus de lait.
Et 1616 apportait la peine des distances et de l'être cher trop loin pour qu'on puisse caresser son visage du bout des doigts.
La violence et l'humeur tempétueuse de Lug. Voilà ce qui remontait à sa mémoire. Irascible, désagréable. Enfant, elle tremblait de ces accès de colère qui prenaient son frère aîné à l'époque. Mais 1616 ne fut pas une année joyeuse, oh que non. Une sorte de mauvaise humeur semblait s'être emparée de toute la famille. Même l'été, jamais un semblant de joie ne revint. Tous accomplissaient leurs tâches avec lassitude. Même Amelle ne prenait plus goût à dessiner. Ce fut peut-être à cette période, que Caoirse s'échappa pour essayer de se faire obéir du vieux Missouri. Mais le fou de bassan n'écoutait pas bien souvent son maître, quel qu'il soit.
1616
Lettre de Valentine à Louis Coat, 1616 :Le 22 mars 1616, à Tanuki, 26 chemin de la Sous-Colline
Mon amour,
Les attentats consécutifs et l'incendie criminel qui a réduit notre poste te retiennent loin de ta famille, de tes enfants, de moi. Si tu voyais comme ils ont grandi en presque une année. Tanuki est si loin de Franec, et Franec si distante de Tanuki. La mer nous sépare, comme les hommes qui tentent de faire sombrer notre pays aussi. Un pays que nous n’avons pas vu depuis longtemps. Te dire que tout va bien serait mentir. Tu nous manques à tous terriblement et je ne saurais te dire combien je me fais un sang d’encre pour toi, tant mon angoisse surpasse celle qu’une autre femme ait pu se faire pour son homme.
Hier, Caoirse a eu huit ans. Ç’aurait dû être joyeux. Ç’aurait dû être beau. Mais tu n’étais pas là, et nous avons tous fait couler notre peine, en sanglotant doucement, blottis les uns contre les autres. Même Simone, la voisine venue à l’occasion avait les yeux rougis à la fin.
Amelle, onze ans, t’envoie les dessins qu’elle a faits de diverses choses, mais surtout des champs où paissent les moutons. Elle est douée, tu sais. Est-ce que tu te souviens de son visage rond et souriant, de ses longs cheveux noirs et frisés ? J’ai l’impression de te voir à travers elle, parfois. Comme je te vois à travers Eliaz et ses grands yeux noirs, treize ans, Juel et ses grimaces, quatorze ans, Lug et sa voix grave et profonde et ses épaules carrées, seize ans. Comme je te vois dans les sourcils froncés de Caoirse quand elle boude.
Les jours paraissent de plus en plus longs, à mesure que le temps s’écoule. L’été s’approche, oui, mais c’est ton absence qui fait le temps s’écouler plus lentement à nos yeux. Je me languis de toi, comme jamais.
Reste vivant, pour tes enfants, pour moi.
Ta Valentine.
Lettre de Louis à Valentine Coat 1616 :Le 4 mai 1616,
Ma chère aimée,
Il y a un an, il y a longtemps, je t’ai dit que je souhaitais de tout mon cœur vous revoir. Je le suis toujours, mais, les attentats sont encore trop présents, et je ne peux partir. La capitale est martelée comme jamais elle ne le fut, mais nous ne ployons pas. Nous ne ploierons jamais. Avec Marius et l'cousin éloigné Benoît, nous nous sommes rendus à Laukirrek, un petit village tranquille où les bibliothèques prolifèrent et où une bombe avait explosé il y a quelques semaines.
Je suis amer et las, de tout ça, Valentine. Las de voir le soleil se lever sur un pays qui sombre dans le chaos, à cause d'un ou deux révolutionnaires qui étaient là et que nul n’avait vus venir. Toujours plus de personnes fuient, pour on ne sait où, espérant échapper à ces terroristes dont on ne trouve la trace. La Marine continue ses interrogatoires, mais c'est incompréhensible. Insaisissables. Ou presque...
Te souviens–tu de Pietr ? C’était il y a deux ans, cela aussi. Pas une seule nouvelle de lui pendant tout ce temps. Et puis, voilà, qu’hier, une bombe a explosé à Laukirrek. Nous l’avons aperçu avec mon frère et Benoît. Il avait pris plusieurs égratignures, mais il était reconnaissable entre mille. Et il avait de la poudre sur les mains. De la poudre pour faire tout éclater et amener le chaos.
Me croiras-tu, cependant ? Sans que nul ne s’en doute jamais dans notre famille, mon frère de sang, l’un de mes compagnons durant ma vie, s’est retrouvé à retourner sa veste. Jamais je n’ai trouvé son regard plus glacial qu’hier. C’était son visage, son corps. Mais à l’intérieur, j’ai senti que ce n’était pas lui. Ce n'était plus lui. Je suis bouleversé et j’ai peur de la réaction de Marius, qui n'a dit pas un mot depuis. J'ai peur qu'il éclate sans qu'on ne s'en doute.
N’en dis pas un mot aux enfants.
J’ai envoyé un paquet pour l’anniversaire de Juel, j’espère qu’il arrivera bientôt.
Continue d’empêcher Lug de vouloir me rejoindre dans cet enfer. Sa place n’est pas ici. Je ne souhaite pas voir un de mes fils tomber alors que j’ai vu plusieurs de mes frères se retrouver face contre terre, froids et immensément seuls. Le corps souvent en morceaux. S'il m'incombait un jour de te rapporter une main en guise de corps à enterrer, je m'en voudrais à jamais Valentine.
Que l’espoir continue de nous guider.
Je t’embrasse fort et te demande de te souvenir de ces temps, où tout allait bien. Ne pleure pas, souris.Ton Louis.
1617. Mort. Tristesse. Mort. Mort. Mort. Folie. Rien. Blanc. Cris. Fin. La Simone. La colère du vieux Joseph. Les pleurs de Lug. Les cheveux rasés d'Amelle.
Et Caoirse au regard vide qui ressassait et ressassait, encore et encore. Vague venant lécher des récifs pour mieux rendre névrosé un esprit aussi jeune et le remplir d'idées et de tocs aussi insipides et acides que les autres.
1617
Lettre signée par un certain Dr Tromet, 1617 :Le 12 juin 1617,
Madame Coat,
C’est un des amis de votre mari qui m’a donné votre adresse et j’ai eu bien du mal à trouver un oiseau pour transporter ma lettre. Je suis médecin à Sent-Lozek.
C’est avec d’immenses regrets et une forte peine que je me vois vous annoncer la mort de votre tendre mari. Son frère et son cousin m’ont raconté l’homme exceptionnel, l’époux formidable, le père incroyable qu’il était. Vous avez de quoi être fier de lui, madame.
C’est sa prise avec un de ses révolutionnaires de malheur, qui lui coûta la vie. Il tentait vaillamment de l'empêcher d'allumer une bombe. Cinq coups de couteaux au niveau de l’abdomen et des poumons et c’en était fini. Il était mourant quand ses compagnons l’ont amené jusqu’à moi. Il n’y avait plus rien à faire, si ce n’est l’accompagner jusqu’à la fin et soulager sa douleur. Ce que j’ai fait non sans tristesse.
Toutes mes pensées et mes condoléances vont vers vous et vos enfants, madame.
Nous avons prévenu vos beaux-parents résidant à Brezghoan et ils vous apportent tout leur soutien et sont prêts à faire tout le possible si jamais vous veniez à manquer de quelque chose.Docteur Tromet,
Médecin à Sent-Lozek.
Lettre de Joseph le Vieux à Marius Coat, 1617 :Le 20 juin 1617,
Couillon.
Qu’est-ce que tu foutais loin de ton frère, bougre d’imbécile ?
Je sais que ce n’est pas une des meilleures manières pour commencer une lettre, mais comprends ma colère.
Valentine tombe dans la folie depuis qu’elle a reçu cette maudite lettre de ce putain de docteur qu’a servi à rien. Même les potes de la compagnie de Louis n’ont pas servi à grand-chose. Il est mort comme un con et sa femme passe ses journées à hurler seule. On a dû l’envoyer à l’hôpital le plus proche pour éviter que les enfants ne soient plus effrayés qu’ils ne le sont déjà.
Putain, Marius.
Tu me vois, moi, le vieillard bourru et pas sympathique, aller expliquer aux cinq morveux que leur mère est devenue toquée d’un coup et que leur père est mort ?
Lug a couru jusqu’au port, espérant pouvoir embarquer et se rendre à Franec pour aller se venger. Mick a dû lui foutre une sacrée rouste pour que cet imbécile et impulsif gamin de dix-sept ans se calme. Parfois, être un ancien marine a du bon pour gérer le sang jeune et chaud d’une famille comme la nôtre.
Quant aux plus jeunes, et bien, je ne te raconte même pas. Juel ne sourit plus ou ne cherche même plus à amuser ses frères et sœurs. Eliaz ne cesse d’écrire le même mot dans ses carnets, mort, Amelle a failli brûler la totalité de ses dessins si je ne l’avais pas arrêtée. Caoirse reste prostrée dans un coin à ne rien faire, et si Simone la voisine ne la poussait pas un peu, elle se laisserait mourir de faim.
Putain, Marius. Ce ne sont que des gosses, âgés de neuf à dix-sept ans. Qu’ont-ils fait pour mériter ça ?
Quitte cette merde au plus vite, ou je ne sais pas, démerde-toi pour que ça s’arrête enfin, va chercher ta femme et tes gosses et viens nous rejoindre au plus vite. Laisser tes neveux comme ça à un vieux con comme moi, c’est une mauvaise idée.
Reviens couillon. Je ne t’embrasse pas. Je ne te félicite pas non plus.Joseph Gherbrian, le Vieux.
3 janvier 1618. Révolutionnaires arrêtés. Oncle Pietr disparu. Exécutions. Joie du peuple. Retour au pays de la femme de Marius et de nombreux autres cousins. Royaume apaisé. Nouveau roi. Gwen, la sœur de maman qui vient leur porter secours. Maman à moitié folle, à moitié lucide. Maman qui garde entre ses doigts une drôle de marionnette entre les doigts. Maman qui fait peur. Psychologue. Lug parti. Missouri.
1618
Morceau d’un texte presque illisible, 1618 :
Le 4 janvier 1618
« Joseph m’a dit qu’on fêtait la fin de la guerre à Franec. C’est une fête, alors que Papa est mort et qu’on ne pourra jamais récupérer son corps pour quelque raison que l’on ignore ? Je suis en colère. Maman est bizarre. Des fois, elle est comme avant. Puis, d’un coup, elle recommence à crier et à avoir l’air hagard. C’est effrayant. Amelle a peur de moi aussi. Juel et Eliaz me regardent d’un drôle d’air, comme si j’étais une étrangère. Ils me l’ont dit clairement l’autre jour. Mais je ne comprends pas. Je ne comprends plus rien. Lug n’en a rien à faire de moi, je crois. Il est parti avec Mick depuis son anniversaire, le 1er janvier. Dix-huit ans. Il part s’engager dans la Marine a-t-il dit.
Il y a la Simone à la maison qui s’occupe de moi, mais je ne l’aime pas ce n’est qu’une vieille bkuishfpdfdfgohhhhhhhhfdjjksdkoajezojsndfhffffhhfhfhfjsdshfoehzhjsskjd… »
Le reste du papier est gribouillé de lettres et de motifs qui ne veulent rien dire.
Peuple Franecois,
Après deux ans de terreur, après deux ans d'une difficile lutte, le royaume a enfin pu se relever, grâce à la participation active et efficace des marines et du gouvernement, mais aussi grâce à tous ces hommes qui ont été appelés à patrouiller un peu partout dans les villes, qui étaient du peuple. Nous garderons à jamais les morts dans nos mémoires.
Aujourd'hui enfin, le terroriste à l'origine de l'assassinat de feu notre bien-aimé roi Archibald II a été arrêté. Quelques-uns de ses complices ont été arrêtés ou ont fui, mais soyez sûrs que si jamais pareil gangrène revient dans notre pays, nous la chasserons à nouveau.
Aujourd'hui enfin, l'arrière-petit neveu de notre défunt souverain, Maximilien IV va pouvoir prétendre à ce qui lui est dû, grâce à tous les efforts que la nation a montrés durant ces temps difficiles et bien angoissants.
Malgré tout, la milice et la marine veillent, et c'est pourquoi nous devons rester unis, malgré le semblant de paix et le soulagement qui nous envahit.Le royaume ne tombera pas.
Tract jeté lors d'une missive distribuée dans les rues à Franec, rédigée par les ministres faisant office de régents durant la terreur.
1619
1619, la douleur. Le fond. Puis, le rebond.
Feuille arrachée d’un petit carnet, signé en bas de la main d’Amelle, la date inscrite au-dessus est de début 1619 :
« Caoirse a fait une nouvelle crise de spasmes ce matin. Joseph l’a tenue tout du long pour pas qu’elle tombe par terre. Avec Juel et Eliaz, ça nous fait presque plus rien. On a pris l’habitude, à vrai dire, c’est effrayant de l’écrire, mais oui, on a pris l’habitude. Je frémis et me raidis toujours quand j’entends le premier « boum » qui nous indique qu’elle s’est écroulée tout d’un coup, comme ça la prend toujours. On baisse la tête pour pas regarder, mais on ose pas se boucher les oreilles alors qu’on entend ses grognements de bête tandis que des spasmes douloureux distordent violemment son corps.
Notre petite sœur de onze ans qui était autrefois joyeuse et pleine de vie n’est que l’ombre de l’elle-même. Elle ne dit presque plus rien, si ce n’est quelques mots, et encore. Le médecin a dit que c’était à cause du fait que papa soit mort et que maman ait chopé la toklucide. Il dit qu’elle est dans un état de choc et que c’est son corps qui libère tout ce qu’elle ne peut pas supporter dans sa tête. J’ai pas tout compris, mais je sais qu’y’a quelque chose de terrible là-dedans, vu qu’il avait l’air tout triste en l’apprenant au grand-oncle Joseph.
Maman, on la voit encore, mais ce n’est plus comme avant. Elle erre dans les couloirs avec l’air hagard qu’elle a quand elle est plus elle. Puis, parfois, elle recuisine et elle rigole comme avant. Mais ça dure jamais longtemps. L’autre jour, elle a même mordu la Simone qui nous aide à la maison. On essaie tranquillement de faire comme avant, de prendre soin de Caoirse tant qu’on le peut. J’ai l’impression qu’elle s’est emmurée en elle-même, que plus rien ne l’atteint ou que plus rien ne se détache d’elle. Je ne suis pas même sûre qu’elle ait déjà pleuré…
J’aimerais tant qu’elle ressourie. Si Lug était là, peut-être qu’elle irait mieux. Mais ça fait un an et demi qu’il est parti, engagé dans la Mar ------- Le reste de la feuille est déchiré. »
Manuscrit trouvé dans un tas de paperasses appartenant à Eliaz Coat, daté de mi 1619 :
« Tante Gwen est arrivée sur Tanuki, il y a une semaine. Cela faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vue, Franec était en guerre et elle devait s’occuper de nos cousins qui sont encore très jeunes. Je crois qu’elle est un rayon de soleil depuis que papa est mort et que quelque chose s’est brisé en maman. Juel a retrouvé son sens de l’humour et même Caoirse a ri de bon cœur. Elle a ri, oui. Nous ne l’avions pas vue comme ça depuis longtemps et j’en suis plus qu’heureux. On l’a retrouvée, presque entièrement. Elle a toujours ses crises étranges où elle est plus bête qu’homme, mais, on la revoit toujours. La même lueur malicieuse et déterminée dans ses yeux, elle a changé, mais ce n’est rien. Elle est toujours là, inébranlable. Peut-être est-ce le fait que tante Gwen ressemble beaucoup à maman qui l’a réveillée. Comme si elle pouvait se rattacher à quelqu’un, enfin.
Elle parle moins qu'avant et on voit qu'elle a vieilli avant l'heure. Un peu comme nous tous au final. J'en ai pleuré de bonheur quand elle a continué de sourire en me demandant : "Eliaz, est-ce que je peux lire tes histoires ?". Ce n'est pas le fait qu'elle les ait lu qui m'a ému. C'est qu'enfin, depuis bientôt un an, Caoirse repasse du temps avec Amelle, Juel ou moi. C'est comme si elle avait disparu de la famille un temps et qu'elle était revenue. Joseph avait peur qu'elle ne fasse des rechutes comme maman, mais ça n'a pas été le cas.
Je suis heureux qu’elle soit de retour. La déterminée ou têtue, l’énergique ou la malicieuse, la souriante ou la créative. J’en suis plus que soulagé aujourd’h****** » Le reste est taché d’encre.
1620
1620. Des bouteilles à la mer. La beauté de l'océan. Tante Gwen repart et maman ne va pas mieux.
Extrait d'un carnet de Caoirse, daté du 8 avril 1620 :
« J’ai des légers tremblements qui parcourent mes mains, chaque jour. Le vieux Joseph a essayé de m’expliquer ce que c’était, même s’il a toujours cet air froid et peu aimable. ‘’Traumatisme’’. J’ai écouté silencieusement et je n’ai pas demandé grand-chose. Ça devrait me rester toute la vie.
Tout est flou quand j’essaye de me souvenir de la période où je ne disais plus rien. Amelle me dit que c’était effrayant. J’essaye de la croire comme je peux.
En attendant, pour me changer les idées, il y a la plage et les pentes herbeuses de Tanuki. Sur les pentes, il y a les moutons, et sur la plage, il y a les coquillages, les poissons et il y a les bouteilles. J’en trouve une tous les deux ou trois mois. Y’en a qui sont destinés à certaines personnes, mais y’a jamais d’adresse. Comme si toutes ces lettres à la mer étaient destinées à se perdre pour toujours. Je les garde rangées dans un coin, sans trop quoi savoir en faire. Une collection, peut-être.
J’aime beaucoup la plage. Il y a le coin où il n’y a jamais personne et où je regarde Missouri faire l’acrobate dans les airs. Avant, il ne m’écoutait presque pas. Maintenant, ce n’est plus pareil. Comme si le fait que j’ai été une coquille vide pendant presque une année l’avait rendu soudain plus attentif à moi.
Et puis de la mer, c’est de là que papa reviendra, peut-être. J’ose l’espérer encore. Et que nous reviendrons un jour sur Frannec, même si la conversation qu’a eue Joseph avec tante Gwen il y a deux jours, alors qu’elle préparait ses affaires pour repartir. Elle va me manquer, c’est sûr, mais je la remercierai toujours d’avoir pris une année entière pour nous venir en aide. Elle a redressé la famille plus solidement que Joseph n’aurait pu le faire.
Il y a deux jours, ils se disaient ces mots :
‘'Tu sais ce que ressentiraient nos parents en voyant Valentine folle ? De la peur et du dégoût. Ramener les enfants sur Frannec équivaut à ramener ma sœur, et ça, ils ne le supporteraient pas.
-Eh ben quelle bande de beaux vieux aigris font tes parents, Gwen.
-Et tu sais aussi bien que moi ce qu’il se passe sur Frannec. L’épuration des révolutionnaires, et tout ça. Marius n’a pas pu rouvrir son imprimerie, tu sais pourquoi ? Parce que Pietr a été catalogué révolutionnaire. Tu veux que ces pauvres gosses soient montrés du doigt à leur retour ?
-Pas la peine de le dire, je le sais déjà, tout ça. Mick est allé y faire un tour. Tout se reconstruit, mais pas dans un si bon sens. Les Frannecois sont justes des couilles molles et des ramollis du cerveau, de toute manière.
-Ils doivent rester sur Tanuki. Pour le bien de tous. Ça me fait mal au cœur, de les laisser ici, tu sais...’’
Retourner sur Frannec, je ne l’espère plus. »
1622
1622. Juel qui prend son envol et Caoirse qui commence à travailler. Une catastrophe, si vous voulez tout savoir.
Le 22 mai 1622, Tanuki, 26 Chemin de la Sous-Colline.
Mick,
Maintenant quatre ans que t’es parti avec ce merdeux de Lug. J’espère que ça lui a rafraîchi les idées de voyager et d’se foutre sous les ordres de quelqu’un dans la Marine. Je suis un peu plus désolé pour toi qui est parti t’en occuper, le suivant où qu’il aille selon l’endroit où il est affecté.
Ton absence à la poste se fait moins ressentir, depuis que Caoirse vient enfin nous aider avec Eliaz et Amelle. Enfin, si on peut appeler ça une aide que mélanger et mal trier la paperasse. A se demander ce que cette gamine avait dans la tête. Elle ressemble un peu trop à son père, cette nouille, à vagabonder n’importe où et à foncer tête baissée. Elle lâche son énergie dans le Sheepball d’ailleurs. Ça lui fait du bien, elle revient essoufflée et arrête de la ramener pour un temps, la tête de mule. Ça lui change les idées aussi, quand ses crises sont trop fortes. Cet imbécile de médecin est encore incapable de lui trouver un remède à la p’tiote.
J’ai reçu des lettres de Juel, récemment. Il continue ses voyages en tant qu’artiste ambulant. Ses petits tours de magie amusent dans les tavernes à ce qu’il paraît. Il devrait bientôt arriver vers Cocoyashi dans les prochains jours. Un deuxième d’intenable, ça m’arrange pas.
Quand j’ai promis à Valentine de les aider du mieux que je pouvais et de m’occuper des gosses, je m’étais promis à moi-même de pas m’attacher aux gamins, mon vieux Mick. Je crois bien que cette promesse-là, j’ai pas pu la tenir. Maintenant, je m’occupe aussi de Valentine. La pauvre femme, la pauvre famille. Il faut dire au putain de Dieu, qu’ils n'avaient vraiment pas mérité ça.
J’ai peu de nouvelles de Frannec, depuis que le patriarche Riwal a interdit à Gwen de retourner à Tanuki et de me recontacter. Il commence à vieillir, le bougre. Comme moi. Sauf que j’ai la peau plus dure que lui.
Ramène Lug sur Tanuki un de ces jours. Que ce sale gamin revoit ses frères et sœurs. Il manque à tout le monde, ce crétin. Je ne t’embrasse pas parce que je pue la clope.Joseph Gherbrian, le Vieux.Le 30 mai 1622, à Sindamar.
Cher Joseph,
NouS avonS dû nouS rendre à toute viteSSe danS la petite baSe de Sindamar avec Juel. Si c’était une bonne nouvelle, croiS-moi que je ne te demanderaiS paS de ne paS en parler encore à SeS frèreS et SœurS.
Avec Son capitaine et quelqueS camaradeS, ilS devaient faire un Simple contrôle de marchandiSeS danS le port d’une petite île. Il n’y aurait jamaiS dû y avoir de problèmeS. Et pourtant, une bombe a exploSée. Un mort et trois bleSSéS. Lug S’eSt fait amputer d’un braS. Je n’en ai paS encore parlé avec lui et j’ignore comment il va. Mal, trèS Sûrement. Je préfère attendre qu’il encaiSSe le coup, pour que tu en parleS à Eliaz, Amelle et CaoirSe. MariuS eSt arrivé il y a quelqueS jourS pour Soutenir Son neveu. La perte de Sa vue durant la guerre civile de Frannec l’aidera certainement à trouver les bonS motS.
Quant à Frannec, j’ai eu quelqueS échoS grâce à lui par ailleurS. Le nouveau roi Maximilien IV fait apparemment du trèS bon travail, peut-être même meilleur que celui de SeS prédéceSSeurS. Le payS Se reconStruit petit à petit. J’eSpère que vouS y retournerez un jour, avec Valentine et SeS enfantS, même Si Riwal verrait d’un mauvaiS œil que Sa fille folle revienne. Il parait qu’on ne parle que de ça danS leur campagne et le couple Kergalen préfère étouffer cette affaire. Eux qui étaient Si fierS de leur fille, Six anS de cela. LeS genS changent du tout au tout, à ce qu’on dit.
Je reSte diSponible Si jamaiS quoi que ce Soit arrive. Tu connaiS mon numéro d’eScargophone.Mick
1624
1624. Amelle. Son copain. Fiançailles. Elle retourne vivre à Frannec. Engueulade un bon coup avec les grands-parents.
Poste. Lettres. Voyages. Missouri. Fête. Dérapage. Plainte.
Plainte de Mme X à l'encontre de Caoirse Coat, mois de novembre 1624 :
Je vous conseillerais de virer vos facteurs actuels et de les remplacer très rapidement. Une jeune factrice qui avait certainement un peu trop bu a écrit dans les toilettes de notre restaurant : « A bas la révolution, vive Missouri ! ». Je peux comprendre que même si cette jeune femme a l’air de n’avoir aucun avenir et qu’elle a pu travailler depuis un bon moment dans votre compagnie de poste et de colis, il faudrait que vous songiez à lui faire quelques remontrances quant à son comportement.
1626
1626. Un mariage.
Invitation au mariage de Gwen Coat et Benjamin Cervrilain, 1626 :
Gwen et Benjamin sont heureux de vous convier à leur mariage. La cérémonie se déroulera à la mairie du village Paol-Kristoff, le 18 mai prochain, à partir de 14h et jusqu’au bout de la nuit. Nous comptons sur votre présence à ce moment si important à nos yeux pour célébrer notre union dans l'euphorie.
Une photo plus récente et moins abîmée par le temps tout en haut du tas. Cinq personnes, à nouveau. Un grand brun aux cheveux frisés, mal rasé et portant l'uniforme de la Marine. Il a un bras en moins mais sourit de toute ses dents alors qu'il entoure de son unique bras, le cou d'un jeune homme roux qui tire la langue et tient un vieux matou en train de faire la tronche dans ses bras. A côté d'eux, un blond d'une vingtaine d'années, avec des lunettes carrés, un chapeau en cône, comme ceux qu'on met au nouvel an et un sourire aux lèvres, se tient aux côtés de deux jeunes femmes. Elles ont toutes les deux les cheveux frisés. L'une brune en robe blanche de mariée, l'autre blonde dans un semblant de pyjama. Un fou de bassan à l'air vieux et déplumé se contentant de tirer la plus jeune par son jean.
Tous ont les yeux sombres et les traits tirés, comme s'ils n'avaient pas énormément dormi la veille.
C'est ce que l'on pourrait appeler les mémoires d'une famille, conservées précieusement dans une boîte en fer rouillée et décorée avec soin par une enfant, une adolescente et enfin une jeune femme.
Le teint blafard, un peu trop pâle pour pouvoir bronzer, mais parfait pour cramer. Des tâches de rousseurs parsemées en bouquet sur un visage ovale, aux traits presque trop pointus, lui donnant un air sévère. Des cheveux longs, blonds et bouclés, qui doivent lui arriver dans la moitié du dos. Ils ont l'air un peu négligés, peut-être qu'un coup de ciseau ne leur ferait pas trop de mal. Elle n'est pas aussi grande que sa sœur aînée, mais son côté athlétique tranche nettement au côté fragile qu'on pourrait lui donner. Ses vêtements sont rapiécés aux genoux et aux coudes. Son jean est déchiré, et on peut voir que même son genou en a pâti. Elle a l'air rebelle. Son air trop sérieux, ses sourcils trop froncés sont desservis par un léger sourire malicieux. Et puis il y a ces yeux noirs, profonds. Luisants et brillants de chaque émotion qui les traverse. Un physique un peu banal qui passe pour discret dans la foule.
C'est quelqu'un.
C'est Caoirse.
Test RP
-Encore un ?
-Ouais. L’troisième de la semaine. ‘Va encore partir dans les archives. Quand il nous s'ra encore renvoyé.
-Raaaah, mais c’est pas possible ça !
-Eh, c’est pas ma faute si t’es abonnée à ces colis ! T’es un peu la seule à avoir presque rien à faire en ce moment, alors un paquet canular de plus ou de moins, c’est pas ça qui va te tuer !
Caoirse grogna encore quelque chose entre ses dents, mâchant les mots à moitié pour mieux les recracher. Sa sacoche sur l’épaule, un café dans la main gauche. La main droite, tremblant de son toc habituel, tient le colis.
Quatre semaines que ça durait. Vingt-quatre colis envoyés depuis Tanuki, toujours depuis la même adresse : une maison délabrée que personne n’habitait plus depuis bien longtemps. Vous imaginez bien qu’il aurait été plus simple de renvoyer les colis à l’envoyeur facétieux, si seulement cette fameuse adresse n’était pas fausse. Toujours le même point d’arrivée. Vingt-quatre destinations différentes. Vingt-quatre retours des receveurs.
La raison ?
« Non, c’est une erreur. Le colis ne nous est pas adressé ! »
Et les archives avaient commencé à se remplir, grâce à ça.
Et elle savait qu’elle partait pour une vingt-cinquième destination pour rien. C’est parce qu’elle en était tout à fait consciente que Caoirse traînait des pieds dans le long couloir du service postal. Du travail pour rien au final, voilà quelque chose qui ne la réjouissait pas le moins du monde. Nouveau grognement. Main qui tremble légèrement, par vagues régulières et nerveuses. Elle la regarda en pestant pour elle-même, serrant les poings à s’en faire mal au sang. Foutue maladie. Ou névrose. Ou que sait-elle. Personne n’arrivait à la soigner de toute manière.
Sgouaaak !
Un sourire amusé s’étira sur le coin de ses lèvres. La jeune femme reconnaitrait entre mille la démarche boiteuse et mal assurée de Missouri, son compagnon de toujours. Le fou de bassan se dandinait à ses côtés, l’œil curieux et un peu ombrageux, le cri rauque et la tête toujours aussi déplumée.
C’est en passant devant le bureau de Joseph que Caoirse attrapa une grosse veste en cuir, des gants, et des lunettes, en plus d’enfiler de grosses bottes.
L’envoyeur avait décidément bien choisi l’endroit, nom d’un chien.
Un coup d’œil rapide à ce qui était affiché sur la porte du directeur en chef. Joseph, évidemment. Moue déçue sur son visage encore un peu enfantin.
-Mmfh. Rien d’intéressant.
Elle claqua ensuite la porte sèchement, Missouri sur les talons et pestant l’adresse.
« En haut du Mont Vadrouille, Archipel des aurores boréales, North Blue ».
Sgooouuuuaaaak
-Rah, huf, oui… J’arri –huf- j’arrive !
Sgooouuaaaak !
-C’est toi qui – heurf- qui a des ailes, hein… -hugn- Moi j’ai juste un piolet, des cordes, et ma force pour gravir cette montagne !
L’air froid lui mettait en feu les poumons. Et plus Caoirse montait, plus elle sentait ses membres s’alourdir et sa tête tourner. Elle avait les joues et le nez complètement rouge, et malgré les couches de vêtements qu’elle avait enfilés durant les quatre jours qu’avait durés le voyage sur l’un des navires de service de la poste. Hector le navigateur et ses quelques marins devaient faire une partie de carte, les pieds posés sur la table, du café bien chaud dans leurs tasses. Pendant qu'elle, s'arrachait les mains sur la glace et contemplait cet archipel gelé où les habitants avaient décidé de construire leur village tout en haut d'un mont escarpé sur les trois derniers kilomètres du chemin.
Une volute de fumée blanche s’échappa doucement. Nouveau grognement d’effort, les bottes à crampons raclent la dernière paroi rocheuse. En bas, du vide et de la neige. Certainement pas assez pour la rattraper en vie. Heureusement qu'elle s'y accroché, avec ses mains d'épouvantail tremblant.
La jeune femme sentait le gel l’attaquer de toute part, et se serait bien arrêtée, s’il n’y avait pas cette petite lumière virevoltante au-dessus d’elle. Missouri. L’oiseau caquetait de sa voix rauque et certainement abominable pour l’oreille humaine, des genres d’encouragements. Chaleureux et magnifiques à l'oreille de la postière. Accroché à ses pattes, il y avait cette sacoche, avec ce putain de paquet. Et pour les postiers, il y avait cet engagement de livrer un colis à destination, ou que ce soit ou quel qu'il soit. Alors, Caoirse grommela encore un juron redoubla d’efforts et continua de fixer le majestueux et grand oiseau marin qui battait des ailes.Elle poussa sur ses jambes fatiguées.
Et elle sentit son piolet s’enfoncer dans le sommet avec un bruit mat.
-ATCHA ! La vieille bique !
-Calme-toi, ma grande. Prends-un peu de café, tiens !
Caoirse, le nez plus rouge que les boules de Noël, la gorge plus irritée que s’il y avait un chat qui y résidait, le nez plus bouché que les tuyauteries des égoûts, remercia d’un signe de tête le vieil Hector. Ses lèvres gercées lui faisaient affreusement mal et elle n’espérait qu’une chose, pouvoir rentrer à Tanuki et s’allonger pour ne plus rien faire.
-Dan, bais Hector, tu te rends compte ? Elle d’a bêbe pas regardé ce qu’il y avait dedans pour vérifier que c’était bien pour elle ! Cette vieille mégère b’a jeté dehors cobbe ude balpropre en be disant que j’étais chiante –snurfl- et elle b’a balancée le…
-Six fois que tu me répètes la même chose. Qu’elle a sorti le balais et que tu t’es fait le chemin du retour avec des ampoules aux pieds. Et en plus tu as pris froid. Arrête de radoter, c’pas encore de ton âge ma grande. Laisse ça aux vieilles personnes qui sont isolées !
-Cobbe toi ?
Regard agacé d’Hector, sourire malicieux sur le visage rougi de Caoirse. Le vieux capitaine à la barbe rousse et frisotée finit par sourire et se rejette une gorgée de gnôle.
Sgooouuaak !
La jeune postière caressa distraitement la tête déplumée de Missouri qui ne demandait que de l’attention. Elle n’arrivait pas à comprendre. Peut-être ne comprendra-t-elle jamais. Certainement, oui. Râclement de gorge, toux.
-Bais… Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dans tous ces paquets ?
Il releva la tête vers elle, alors qu’il bourrait sa pipe de tabac. Le vieil homme prit le temps de l’allumer, avant de hausser les épaules en répondant :
-Aucune idée. Et tu connais le protocole : « Interdiction d’ouv… »
-… D’ouvrir les colis, puisqu’il s’agit d’échanges privés entre l’envoyeur et le destinataire. Tout banque de respect à la règle sera sanctionné, blablablah. Je coddais la chanson, tu sais. Et je les respecte. Sans Joseph, je de sais pas ce que je serais devenue.
La jeune blonde prenait soin de boire la tasse, le regard sombre, fixé au loin d'on ne sait quoi ; ses mains tremblotantes comme la voix d’une chèvre. Silence. Le vieux capitaine avait beaucoup de mots débordant de son cœur, mais il les retenait avec peine. Peut-être par compassion ou par pitié. Ou simplement parce que le passé était une chose dont il ne fallait pas parler.
Une vague plus importante que les autres fit tanguer un peu plus le petit navire qui rentrait à Tanuki. Ni Hector, ni la jeune femme ne réagirent, plongés dans leurs tasses ou leurs bouteilles, dans le passé ou leurs pensées, qui sait.
C’est avec ce silence plein de questions que Caoirse douta. Et l’envie de découvrir, de comprendre, la prenait comme une soif pesante : elle brûlait ardemment de savoir qui était ce mystérieux – et stupide - envoyeur de paquets canulars.
Le colis gisait sur la table, en bien mauvais état, mais receleur de bien des secrets.
Il y avait pourtant le protocole.
Sgrouak !
Volée de plumes. Cri de surprise. Main qui se retire brusquement. Boucles blondes qui s’envolent. Le fou de bassan contemple d’un œil impassible la postière.
-Ce d’était que toi !
Cet imbécile lui avait foutu la frousse. Un peu plus, et elle se serait enfuie en croyant à l’apparition de Joseph le Terrible. Elle regarda un instant l’oiseau marin se déplacer maladroitement jusqu’à son bureau pour prendre l’air à sa fenêtre ouverte. Les pentes de Tanuki, la mer et la plage s’étendaient au-dehors et le vent agitait doucement ses rideaux, amenant avec lui les embruns salés.
Elle avait annoncé à Joseph que le colis avait été détruit par la destinataire âgée. Un mensonge. Un manquement aux règles. Il lui en avait quand même collé une, en grommelant. Toujours aussi sombre et étrange comme homme. Mais Caoirse ne pourrait peut-être jamais lui en vouloir à mort. Bien sûr, son grand-oncle avait des manières détestables pour se faire obéir. Trop strict, trop pressé. Mais s’il n’avait pas été là, peut-être qu’elle serait tombée tout aussi loin dans la folie, comme sa mère.
Et aujourd’hui, assise sur son lit devant ce colis un peu amoché, la jeune femme ressentait cette excitation si particulière qui la prenait à chaque fois qu’elle se détournait des lois et des règles qu’on lui imposait. L’inconnu, la découverte. Tout cela la prenait comme une vague arrive sur la plage et entraîne tout ce qu’il y a de sable gris et de coquillages.
Ses cheveux bouclés, les mains tremblantes de ses tocs maladifs, elle l’ouvrit. Déchirait le papier, déchirait les règles et le protocole. Joseph finirait par le savoir de toute manière. Si elle n'avait aucun moyen de trouver la réponse par elle-même, c'est à lui qu'il reviendrait de répondre à la question. Au même moment, Missouri s’envola d’un battement d’aile frénétique.
Et voilà que le mystère s’échappait avec lui.
La jeune postière haussa un sourcil. Contempla encore une fois le contenu de la boîte, et soupira.
C’était définitivement incompréhensible.
-Ouais. L’troisième de la semaine. ‘Va encore partir dans les archives. Quand il nous s'ra encore renvoyé.
-Raaaah, mais c’est pas possible ça !
-Eh, c’est pas ma faute si t’es abonnée à ces colis ! T’es un peu la seule à avoir presque rien à faire en ce moment, alors un paquet canular de plus ou de moins, c’est pas ça qui va te tuer !
Caoirse grogna encore quelque chose entre ses dents, mâchant les mots à moitié pour mieux les recracher. Sa sacoche sur l’épaule, un café dans la main gauche. La main droite, tremblant de son toc habituel, tient le colis.
Quatre semaines que ça durait. Vingt-quatre colis envoyés depuis Tanuki, toujours depuis la même adresse : une maison délabrée que personne n’habitait plus depuis bien longtemps. Vous imaginez bien qu’il aurait été plus simple de renvoyer les colis à l’envoyeur facétieux, si seulement cette fameuse adresse n’était pas fausse. Toujours le même point d’arrivée. Vingt-quatre destinations différentes. Vingt-quatre retours des receveurs.
La raison ?
« Non, c’est une erreur. Le colis ne nous est pas adressé ! »
Et les archives avaient commencé à se remplir, grâce à ça.
Et elle savait qu’elle partait pour une vingt-cinquième destination pour rien. C’est parce qu’elle en était tout à fait consciente que Caoirse traînait des pieds dans le long couloir du service postal. Du travail pour rien au final, voilà quelque chose qui ne la réjouissait pas le moins du monde. Nouveau grognement. Main qui tremble légèrement, par vagues régulières et nerveuses. Elle la regarda en pestant pour elle-même, serrant les poings à s’en faire mal au sang. Foutue maladie. Ou névrose. Ou que sait-elle. Personne n’arrivait à la soigner de toute manière.
Sgouaaak !
Un sourire amusé s’étira sur le coin de ses lèvres. La jeune femme reconnaitrait entre mille la démarche boiteuse et mal assurée de Missouri, son compagnon de toujours. Le fou de bassan se dandinait à ses côtés, l’œil curieux et un peu ombrageux, le cri rauque et la tête toujours aussi déplumée.
C’est en passant devant le bureau de Joseph que Caoirse attrapa une grosse veste en cuir, des gants, et des lunettes, en plus d’enfiler de grosses bottes.
L’envoyeur avait décidément bien choisi l’endroit, nom d’un chien.
Un coup d’œil rapide à ce qui était affiché sur la porte du directeur en chef. Joseph, évidemment. Moue déçue sur son visage encore un peu enfantin.
-Mmfh. Rien d’intéressant.
Elle claqua ensuite la porte sèchement, Missouri sur les talons et pestant l’adresse.
« En haut du Mont Vadrouille, Archipel des aurores boréales, North Blue ».
~
Sgooouuuuaaaak
-Rah, huf, oui… J’arri –huf- j’arrive !
Sgooouuaaaak !
-C’est toi qui – heurf- qui a des ailes, hein… -hugn- Moi j’ai juste un piolet, des cordes, et ma force pour gravir cette montagne !
L’air froid lui mettait en feu les poumons. Et plus Caoirse montait, plus elle sentait ses membres s’alourdir et sa tête tourner. Elle avait les joues et le nez complètement rouge, et malgré les couches de vêtements qu’elle avait enfilés durant les quatre jours qu’avait durés le voyage sur l’un des navires de service de la poste. Hector le navigateur et ses quelques marins devaient faire une partie de carte, les pieds posés sur la table, du café bien chaud dans leurs tasses. Pendant qu'elle, s'arrachait les mains sur la glace et contemplait cet archipel gelé où les habitants avaient décidé de construire leur village tout en haut d'un mont escarpé sur les trois derniers kilomètres du chemin.
Une volute de fumée blanche s’échappa doucement. Nouveau grognement d’effort, les bottes à crampons raclent la dernière paroi rocheuse. En bas, du vide et de la neige. Certainement pas assez pour la rattraper en vie. Heureusement qu'elle s'y accroché, avec ses mains d'épouvantail tremblant.
La jeune femme sentait le gel l’attaquer de toute part, et se serait bien arrêtée, s’il n’y avait pas cette petite lumière virevoltante au-dessus d’elle. Missouri. L’oiseau caquetait de sa voix rauque et certainement abominable pour l’oreille humaine, des genres d’encouragements. Chaleureux et magnifiques à l'oreille de la postière. Accroché à ses pattes, il y avait cette sacoche, avec ce putain de paquet. Et pour les postiers, il y avait cet engagement de livrer un colis à destination, ou que ce soit ou quel qu'il soit. Alors, Caoirse grommela encore un juron redoubla d’efforts et continua de fixer le majestueux et grand oiseau marin qui battait des ailes.Elle poussa sur ses jambes fatiguées.
Et elle sentit son piolet s’enfoncer dans le sommet avec un bruit mat.
~
Ça chatouille. Ça chatouille. Un bruissement. Reniflement. Ça chato--ATCHA ! La vieille bique !
-Calme-toi, ma grande. Prends-un peu de café, tiens !
Caoirse, le nez plus rouge que les boules de Noël, la gorge plus irritée que s’il y avait un chat qui y résidait, le nez plus bouché que les tuyauteries des égoûts, remercia d’un signe de tête le vieil Hector. Ses lèvres gercées lui faisaient affreusement mal et elle n’espérait qu’une chose, pouvoir rentrer à Tanuki et s’allonger pour ne plus rien faire.
-Dan, bais Hector, tu te rends compte ? Elle d’a bêbe pas regardé ce qu’il y avait dedans pour vérifier que c’était bien pour elle ! Cette vieille mégère b’a jeté dehors cobbe ude balpropre en be disant que j’étais chiante –snurfl- et elle b’a balancée le…
-Six fois que tu me répètes la même chose. Qu’elle a sorti le balais et que tu t’es fait le chemin du retour avec des ampoules aux pieds. Et en plus tu as pris froid. Arrête de radoter, c’pas encore de ton âge ma grande. Laisse ça aux vieilles personnes qui sont isolées !
-Cobbe toi ?
Regard agacé d’Hector, sourire malicieux sur le visage rougi de Caoirse. Le vieux capitaine à la barbe rousse et frisotée finit par sourire et se rejette une gorgée de gnôle.
Sgooouuaak !
La jeune postière caressa distraitement la tête déplumée de Missouri qui ne demandait que de l’attention. Elle n’arrivait pas à comprendre. Peut-être ne comprendra-t-elle jamais. Certainement, oui. Râclement de gorge, toux.
-Bais… Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dans tous ces paquets ?
Il releva la tête vers elle, alors qu’il bourrait sa pipe de tabac. Le vieil homme prit le temps de l’allumer, avant de hausser les épaules en répondant :
-Aucune idée. Et tu connais le protocole : « Interdiction d’ouv… »
-… D’ouvrir les colis, puisqu’il s’agit d’échanges privés entre l’envoyeur et le destinataire. Tout banque de respect à la règle sera sanctionné, blablablah. Je coddais la chanson, tu sais. Et je les respecte. Sans Joseph, je de sais pas ce que je serais devenue.
La jeune blonde prenait soin de boire la tasse, le regard sombre, fixé au loin d'on ne sait quoi ; ses mains tremblotantes comme la voix d’une chèvre. Silence. Le vieux capitaine avait beaucoup de mots débordant de son cœur, mais il les retenait avec peine. Peut-être par compassion ou par pitié. Ou simplement parce que le passé était une chose dont il ne fallait pas parler.
Une vague plus importante que les autres fit tanguer un peu plus le petit navire qui rentrait à Tanuki. Ni Hector, ni la jeune femme ne réagirent, plongés dans leurs tasses ou leurs bouteilles, dans le passé ou leurs pensées, qui sait.
C’est avec ce silence plein de questions que Caoirse douta. Et l’envie de découvrir, de comprendre, la prenait comme une soif pesante : elle brûlait ardemment de savoir qui était ce mystérieux – et stupide - envoyeur de paquets canulars.
Le colis gisait sur la table, en bien mauvais état, mais receleur de bien des secrets.
Il y avait pourtant le protocole.
~
Sgrouak !
Volée de plumes. Cri de surprise. Main qui se retire brusquement. Boucles blondes qui s’envolent. Le fou de bassan contemple d’un œil impassible la postière.
-Ce d’était que toi !
Cet imbécile lui avait foutu la frousse. Un peu plus, et elle se serait enfuie en croyant à l’apparition de Joseph le Terrible. Elle regarda un instant l’oiseau marin se déplacer maladroitement jusqu’à son bureau pour prendre l’air à sa fenêtre ouverte. Les pentes de Tanuki, la mer et la plage s’étendaient au-dehors et le vent agitait doucement ses rideaux, amenant avec lui les embruns salés.
Elle avait annoncé à Joseph que le colis avait été détruit par la destinataire âgée. Un mensonge. Un manquement aux règles. Il lui en avait quand même collé une, en grommelant. Toujours aussi sombre et étrange comme homme. Mais Caoirse ne pourrait peut-être jamais lui en vouloir à mort. Bien sûr, son grand-oncle avait des manières détestables pour se faire obéir. Trop strict, trop pressé. Mais s’il n’avait pas été là, peut-être qu’elle serait tombée tout aussi loin dans la folie, comme sa mère.
Et aujourd’hui, assise sur son lit devant ce colis un peu amoché, la jeune femme ressentait cette excitation si particulière qui la prenait à chaque fois qu’elle se détournait des lois et des règles qu’on lui imposait. L’inconnu, la découverte. Tout cela la prenait comme une vague arrive sur la plage et entraîne tout ce qu’il y a de sable gris et de coquillages.
Ses cheveux bouclés, les mains tremblantes de ses tocs maladifs, elle l’ouvrit. Déchirait le papier, déchirait les règles et le protocole. Joseph finirait par le savoir de toute manière. Si elle n'avait aucun moyen de trouver la réponse par elle-même, c'est à lui qu'il reviendrait de répondre à la question. Au même moment, Missouri s’envola d’un battement d’aile frénétique.
Et voilà que le mystère s’échappait avec lui.
La jeune postière haussa un sourcil. Contempla encore une fois le contenu de la boîte, et soupira.
C’était définitivement incompréhensible.
~
1.44.33.9.44.000.77 22.0.3.4.22.44.8.88.4.11.11.4 4.99 9.44.88.4.55.7,
99.000 0.88 4.33.2.44.77.4 44.000.1.11.8.4’ 22.44.33 0.33.33.8.111.4.77.88.0.8.77.4.
4.33 55.1.000.88 3.4 [2.0, 99.0 55.4.99.8.99.4 33.8’’4.2.4 3-4.88.99 66.000-000.33.4 8.33.2.0.55.0.1.11.4. 99.000 33.4 11.000.8 0.88 22.*4.22.4 55.0.88 55.0.77.11.4’ 3.4 22.44.8. 99.000 33-4.88 66.000-000.33 8.22.1.4'.2.8.11.4. 99.0 33.8’’4.2.4 5.0.8.99 000.33 99.77.0.111.0.8.11 3.4 22.4.77.3.4. 11.8.2.4.33.2.8.4_11.0/.
11.0 2.44.11.44.22.1.4 0.33.44.33.444.22.4.
Informations IRL
Prénom : 1
Age :16
Aime :11
N'aime pas :4
Personnage préféré de One Piece :10
Caractère : 3, 5, 7 et 8
Fait du RP depuis :4
Disponibilité approximative :2
Comment avez-vous connu le forum ?9
Bon, on recommence tout depuis le début, héin ? J'vais mettre un p'tit peu de temps pour rédiger cette présentation qui sera le trois en un que j'ai jamais réussi à faire. On verra bien ce que ça donnera, ma fois. Merci bien, à bientôt, la bonne soirée chez vous !
Prénom : 1
Age :16
Aime :11
N'aime pas :4
Personnage préféré de One Piece :10
Caractère : 3, 5, 7 et 8
Fait du RP depuis :4
Disponibilité approximative :2
Comment avez-vous connu le forum ?9
Bon, on recommence tout depuis le début, héin ? J'vais mettre un p'tit peu de temps pour rédiger cette présentation qui sera le trois en un que j'ai jamais réussi à faire. On verra bien ce que ça donnera, ma fois. Merci bien, à bientôt, la bonne soirée chez vous !
Dernière édition par Caoirse Coat le Mer 3 Juin 2015 - 14:10, édité 79 fois