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Percepstyle®

Fiche de méthode – Percepstyle.

Descriptif.

La molécule sera testée sur deux sujets jeunes de races et de sexes différents ; l'homme-poisson servira, comme à l'accoutumée, de valeur étalon pour ce qui est des effets engendrés.
Nous procéderons par injections successives, la molécule étant à chaque fois dissoute dans un liquide différent ; certaines injections comporteront également la présence d'une souche mutante, afin de pouvoir spéculer sur le potentiel de stabilité du produit conservé dans de mauvaises conditions.
Afin de ne pas impacter sur le niveau de stress des individus, chaque injection se fera à distance, via un petit mécanisme intégré dans leurs menottes.

Remarques générales.

Les sujets étant des prisonniers condamnés à une mort rapide, une dose de calmant leur a été prodiguée par voie orale. Cela afin de minimiser les effets de l'angoisse sur l'expérience.
L'homme poisson correspond aux standards de sa race, mais l'humaine est rousse ; cela peut appeler une étude comparative sur d'autres sujets de manière à mieux connaître la nature de ce que beaucoup considèrent comme une catégorie humanoïde à part. Jugement sur lequel nous gardons nos réserves.
Les sujets sont placés dans la même cellule, et peuvent interagir librement. Cela afin d'avoir une idée générale du comportement d'un sujet infecté en société.

Fin de l'expérience.

La molécule est supposée se dégrader rapidement dans le corps, malgré une propagation rapide au départ. Elle ne doit pas laisser de traces dans le corps du sujet, mais provoquer un changement immédiat dans son rapport au monde.
Selon les conclusions, le produit sera commercialisé dans les réseaux clandestins sous différents labels possibles, classés ici par ordre de probabilité :
Substance récréative.
Sérum de vérité.
Moyen de torture chimique.
Injection létale.


Extrait du cahier du Professeur Zoldberg.


* * *

Elle est là ; dans le noir. Les mains assujetties aux fers et les yeux dans le vague, un air idiot peint sur le visage. La poussière sature l'espace, mais sa respiration est lente, calme, profonde. Pourtant, elle ne dort pas ; elle veille. Les yeux ouverts sur ce qui l'entoure, avide du peu de photons qui osent se promener dans la zone. Lorsqu'elle discerne quelque chose, elle cligne des paupières comme si ça devait la blesser. Et elle ne bouge pas, affalée sur le sol de pierre dans une position disgracieuse.

Tu es là ! Vrai que tu n'es pas vaillante, la bouche sèche et l'impression de te remettre d'une cuite aux mélanges absurdes et de trois nuits sans sommeil ; tu te traînes comme si tu avais le triple de ton âge avec une cirrhose et trois abcès, la colique et le pauvre monde sur les épaules. Pas pitoyable, l'esprit coupé en trois, les impressions qui se succèdent, découpées ; extérieur, en surface, et...

Je suis là. Fatiguée, de vagues images qui veulent pas revenir à plein, qui brillent comme des phares dans le brouillard, trop floues et par à-coups. Impossible de me repérer, de me rappeler qui je suis, où je suis, j'ai que la prison de mon crâne qui me lance, à peine le sentiment d'être en danger. Si y'avait pas ces yeux...

Il la regarde.

Tu vois en lui un regard familier sans savoir à quoi l'associer, tant ton esprit te semble flou, tes sens à la fois vides et saturés.

Comme si j'étais folle, je m'y accroche, parce que c'est plus tangible que le reste et que ça me parle. Même si c'est un langage que je ne comprends pas. Plus ?

Elle essaye.

-Jeubleuhgeuhblble.

Son arcade se crispe, une veine cogne sur sa tempe. Elle lève ses mains entravées, l'effort la fait souffler comme un bœuf.

Tu as une alarme qui sonne à tous les étages en voyant ça ; tu n'as pas l'usage de tes mains. La peur s'empare de toi, mais pas assez vite pour qu'elle puisse prendre l'empire sur l'étrangeté qui t'envahit, coup sur coup.

J'analyse avec une froideur et une précision que je me connaissais pas.

Tu as les pensées morcelées.

Mais j'arrive à aller droit dans le dédale. Celui-là, c'est pas un humain. Il a trop de dents, un museau ; il est grand, aussi. Je sais que je l'ai déjà vu, j'ai juste de la peine à le remettre. Peut-être que si j'arrivais à me souvenir de mon propre nom...

Elle serre les poings, les décrispe, lève les yeux au plafond.

Tu n'y trouves pas grand chose. Quand soudain...

-Creug !

J'suis sûre que c'est lui. Il a pas masse changé. D'autant qu'on puisse en juger avec ce manque de lumière... j'suis usée. Vidée, aussi, je me raccroche à ses yeux qu'ont l'air comme de couler dans leurs orbites. Pourquoi tu réagis pas, Craig ?

Elle se traîne en soufflant, traînant ses lourdes menottes comme un fardeau, emportant avec elle la crasse du sol sur ses vêtements souillés de sang.

Tu as encore mal, tes blessures n'ont pas été soignées. Mais l'énergie te revient sous une forme que tu ne connaissais pas. Comme si on t'avait coupé les circuits.

J'ai l'esprit qui s'est fait la malle, je crois. Je pense comme en triple, je cane pas et pourtant je me sens pas plus héroïque qu'une soupe en poudre. Toute neutre, mais méchamment agitée en même temps. J'ai peine à éprouver la joie, et j'suis tellement frustrée de pas pouvoir assez me concentrer sur ma voix pour l'exprimer...

Qu'elle lâche un grognement affreux, qui le fait reculer contre le mur. Tandis qu'elle reste sur place, en agitant les mains sans pouvoir bouger les poignets.

J'veux pouvoir te parler.
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Il ne sait pas. Son sommeil est agité. Son corps se crispe, ses mirettes s'écarquillent, ses sens se rallument un à un. Son souffle repart en trombe. Le rideau se lève, le voici près à revenir en scène. Encore en vie. Ce n'était pas son heure. Ça le sera bientôt, mais pas tout de suite. Il réintègre le présent.

Tu ne sais pas. De la souillure erre dans tes veines, quelque chose de vicieux, quelque chose de pervers. Tu ne sais pas, tu ne le sens pas : Seules la peur aveugle et la douleur sourde t'animent. Tes autres sentiments, que la bataille et ses blessures lui ont maltraités, se sont tous éteints. Sauf un.
Tes mirettes fanées derrière lesquelles pourrissent les restes d'un terrible cauchemar. Il leur en faut bien peu pour se sentir brûlées. Une pauvre torche malade agonisant au milieu d'un voile noir suffit à les rétracter. Tu détournes brusquement la tête, à t'en tordre sa nuque raide comme un mât, parcourue par une guirlande crépitante de traumatismes qui s'prolonge jusqu'au fessier. Ton dos geint, mais ton ventre couvre sa souffrance de ses propres cris : les entrailles pétries au pilon, et tout le sang coagulé, amassé en couches sous mon bandage boursouflé, te donne l'impression d'avoir le bide gonflé. Répugnant.

Je ne sais pas. Je sais pas pourquoi j'saigne plus. On m'a. Soigné ? Sortez moi de là. Sortez moi de là !

Du sang stagne sur ton palais, tes cris s'y noient. Elles avaient vraiment envie de s'enfuir, ces larmes, et ne s'en privent plus maintenant que tes deux yeux restent là, exorbités sous leurs paupières boursouflées, à contempler l'enfer dans lequel Jaya t'a plongé.

Qui êtffes... vous... ?

Une démone rousse, au premier abord, t'a marmonné un nom qui ressemble au tien. Puis tandis que tes pupilles se dilatent et que tes neurones combattent le coma en malaxant des souvenirs, l'image se fait plus nette. C'est là cet étrange sentiment qui a survécu, il ne meurt jamais, chez toi : la nostalgie.

De plus belle, les hallu' reprennent : c'est Serena. Crasseuse, la crinière orange tirant sur le marron, la flamme vacillante, mais c'est bien Serena. Engourdie, ma langue, quand j'ouvre la gueule pour tenter de bafouiller, c'est un nouveau filet de sang qui s'en échappe, sans le moindre son.

Mis à part les plics et plocs implacables de chacune des gouttes de carmin qui se crashent tour à tour sur tes genoux, le silence règne.

C'est en baissant la tête que tu t'aperçois que l'on t'a menotté. Tu frissonnes tout en invoquant ce qui te reste de force dans tes deux bras engourdis, tu verses une nouvelle larme en observant que ça ne te mène à rien. Tu es faible. Les muscles évidés. Les yeux vitreux. L'esprit embrumé. Le ventre creux, au littéral comme au figuré.

Rien s'est passé comme prévu. Je pensais avoir. Récupéré quelque chose comme un espoir, y a quelques heures, avec le commodore. J'emmerde la mort. J'veux pas terminer vidé dans cette cage, vidé de mon sang et de mes rêves. Je savais que tu étais dans les parages, Serena, j'étais curieux d'apprendre où tu en étais.

Encerclé de ténèbres, tu t'accroches au visage amical qui te scrute.
Tes écailles te démangent, semblent s'alourdir à chaque seconde. Comme si quelque chose de poisseux les imbibait jusqu'aux racines. Une peine négligeable par rapport à ce qui s'agite sous ton bandage. Ton esprit est enfermé dans le bocal de formol qui te sert de boîte crânienne.

Tu ne comprends rien. Tu serais incapable de te remémorer les événements qui ont directement précédés ta chute dans ce gouffre de bois moisi, mais pourtant, les souvenirs lointains partagés avec Porteflamme s'imposent comme des évidences.

T'en es au même point que moi. Ça fait bizarre. Ça fait peur. Ça me rend triste. J'espérais te croiser, savoir ce que tu devenais. Et parce que le destin est une pute, on va p'tet crever côte à côte. Je veux pas mourir. J'veux lui montrer que je sais qui elle est. Trois syllabes. Juste trois.

Ferena.

Un éclair fugace. La connexion s'est faite. Elle m'a reconnu, je l'ai reconnue. Et Dieu reconnaîtra les siens, tout ça. J'aimerais que ton... Dieu nous reconnaisse. J'ai prié pendant le combat. Me souviens. J'ai inondé le ciel de prières.

On est.
Où ?


Il a froid. Il a peur. Le froid, la peur, deux parfaites parures pour l'un des premiers symptômes de l'injection.

***

Expérience – Percepstyle.

Début de l'observation (t1)


Etats physiques stabilisés. Les blessures de l'homme-poisson ont été superficiellement traitées vingt (20) minutes avant le début de l'expérience afin de ne pas risquer de fausser les résultats par un décès prématuré.

Les deux sujets engagent une interaction sociale de type A1 (type "je suis où ? on m'a fait quoi ?"), la plus classique, prévisible et ennuyeuse.

Une première injection légère a été exécutée deux (2) minutes après le réveil des sujets. Conformément au protocole, les dosages seront ajustés de tel sorte qu'ils ne soient ni trop progressifs pour ne pas risquer une réaction d'accommodation des organismes des sujets; ni trop brutaux pour éviter de fausser les résultats par des décès prématurés.
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-Où ?

Soudain, tout est plus clair ; j'habite de nouveau mon propre corps, c'est tout juste si je sens une petite douleur au niveau du poignet, sur un carré de peau inaccessible, caché à ma vue par le fer des menottes. Elles sont lourdes, fixées sur une planche de bois pour une raison qui m'échappe. J'y vois de la persécution, de la haine gratuite, du désir de blesser l'orgueil et le corps.

Ma perception est claire, trop claire. Je voyais tout en triple, j'étais à moitié hors de moi ; et voilà que d'un coup, je suis renvoyée au fin fond de mes orbites, et que tout m'apparaît sous son jour le plus dur. Tout est limpide, si brillant de réalité et de crudité que mes yeux me brûlent comme en plein soleil. Même les murs froids, les barreaux brillants, tout a l'air comme autant d'aiguilles et de lames chargées d'un feu meurtrier, conçu pour blesser, écraser les os autant que les volontés.

-Je...

Je jette un regard de défi à mon camarade de geôle ; mais le visage auquel je me heurte me gèle le verbe sur place. Les dents, pleines de sang, sont comme des scorpions rouges sur l'écume ; on ne voit que ça, que leur menace. Une gueule de vampire triste qu'aspire à bouffer la vie des autres. Concentration. Ses yeux ; deux billes noires, carnassières, remplies d'eau salée, dépourvues d'émotion, pleines d'un stress mécanique de prédateur. Ses traits ; tirés, coulés et maigres comme une bougie à moitié fondue qu'on aurait taillée au couteau pour en faire un spectre.

Je m'en détache, je rentre en moi ; j'essaye de fermer les yeux, mais en présence de lui, c'est pas possible. J'ai peur, je maintiens le regard. Gros silence. Mes veines tapent moins, mais l'immobilité m'énerve. Il y a quelque chose en moi qui s'était endormi et qui vient d'être réveillé sans motif, pour une raison que je devine plus tellement que ça me sature le cerveau, le cœur, les poings entravés ou pas, chaque cellule de chaque morceau d'organe, jusqu'aux atomes, jusqu'à l'âme qui brûle d'un feu obscur.

-Je t'interdis de me regarder comme ça.

Voix qui va avec le fer qui s'est mis à dominer partout autour de moi. J'suis rigide, face immuable, visage de marbre. Une statue avec des dents, une parole et des poings.

-Baisse les yeux, putain.

Je me dresse sur les talons. Mon vieux démon, mon serpent ancestral, il s'est redressé pour prendre une forme plus vicieuse que jamais : une vipère. J'en ai les yeux. J'suis pas en colère. Je connaissais pas ça ; j'suis comme glacée de l'intérieur, mais tout au fond, y'a de la jubilation. J'sens que j'ai les iris dilatés, comme la conscience, la perception. L'envie de dominer, d'écraser cette personne dont j'ai oublié le nom, qui m'inspire plus que le dédain et la haine ; la haine qu'a l'homme de bien pour l'enfant esclave qui ose lui jeter sa bien-pensance à la figure. Ou plus juste : la haine qu'a le conquérant face au vaincu insoumis, odieux à ses yeux, mais qui refuse de s'effacer devant ses pas lourds de mépris.

Je suis vipère contre talon, serpent contre mulot. Odieuse et fière de l'être.

-Tu comprends pas ce que je dis ?

Je suis debout, toujours brisée mais portée par une force qui fait cogner la vie comme une cloche dans tout mon corps. Je m'imagine avoir une aura noire flotter autour de moi, m'entourer de son pouvoir de ténèbres ; être une sorte de toute-puissance vengeresse, offusquée par une simple présence et prête à faire justice soi-même. J'ai plus aucune peur. Tout est contre moi, ici. Mais je suis infiniment forte. Assez pour faire jouer ma propre loi.

-Je vais te crever, salaud.

Observation (t2)

Les deuxièmes injections ont été entreprises sur les deux sujets.

Brutal changement du sujet humain, qui a cessé de jeter des regards hasardeux autour d'elle. Sa parole est devenue très claire, son comportement, cohérent. Cependant, sa première réaction réelle a été de se jeter sur notre sujet-témoin pour le rouer de coups en proférant des insultes et des menaces de mort.

Nous n'avons pas jugé bon d'intervenir, le métabolisme des hommes-poissons étant suffisant pour palier à ce type d'agressions mineures (catégorie 2).


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Aaa-Aaaaaah !

La fille que je reconnaissais perd son visage familier et se pare de l'allure d'un monstre.

Monstre.

Je détale dans un coin, les mirettes frappées de nouvelles couleurs. Flist. Arashibourei. Et ce monstre qu'il a réveillé en moi. Je vais être la bestiole blessée qu'on abat sans qu'elle comprenne pourquoi. Et le têtard fragile qui est sorti avec moi du sous-marin hier matin devient muet. Il est étouffé par cette détermination que je savais innée à repousser les démons dans leurs terriers, quitte à leur laisser me bouffer les palmes.

Non. Non.

Le retour de ce chant qui résonnait en moi avant que je n'embrasse les bottes de Flist. Le même qu'elle a déclenché, la bête ! Arashibourei ! Cette voix encore somnolente qu'il a réveillé en moi ! Qu'est-ce qu'il m'a fait ? Qu'est-ce qu'il m'a fait. Je me reconnais plus moi-même. J'ai l'impression de m'être oublié. Mais j'ai pas le temps d'explorer mes ruines intérieures pour me retrouver.

M'approchfe pas, Ferena !

Mais elle s'approche ! Et ça recommence. Ma peur se prend des mandales, pour la faire taire. Elle se fait séquestrer dans la parcelle de mon âme la plus sinistrée. Ma mémoire. J'ai plus peur. C'était avant, que j'avais peur. Immergé dans les esprits viciés, j'ai l'impression d'avoir été. Contaminé. Infecté par la peste qui anime ce. Foutu monde. Je hais ce molosse bestial qu'ils m'ont forcé à devenir. J'étais le diamant brut qu'on taillait pour l'insérer correctement dans la société. J'étais un squale d'eau douce qui remontait le courant depuis la mer. J'étais le doigt d'honneur à la nature.

Mais Arashibourei m'a implanté les graines du chaos ! Je hais la plante qui étendra ses branches tentaculaires dans chaque méandres de cette âme que j'voulais préserver. Pure. Putain de bête qui va se faire les dents sur mon âme ! La bête est là, à l'intérieur de moi, m'observe. Je la sens respirer, je la sens rire en contemplant ce qu'elle me force à devenir. J'ai six yeux, au moins, braqués sur mon enveloppe et sur ce qu'elle contient.

L'hymne de ma revanche. C'est lui qui m'a envoûté, m'a ramené jusqu'ici. J'ai senti la palme osseuse et gluante de la Mort me caresser la nuque de nombreuses fois, depuis le début de Jaya. Je l'ai vue tapie derrière chaque pirate de Jaya, derrière Flist, derrière Blacrow, derrière Arashibourei, derrière Serena !

JE ME PENSAIS CAPABLE DE LA SEMER MAIS ELLE NE CESSE DE SE FRAYER UN CHEMIN JUSQU'A MOI !

Serena s'approche et mon corps se contracte. Et je m'envoie tête la première dans son ventre.
Et elle geint et crache de la merde qui éclabousse mon aileron.
Sa poigne s'échauffe sur ma nuque, mes tifs puent le roussi mystique.
J'relève brutalement mon crâne dans un souffle haletant de clébard noyé. Ça lui fraise le menton et lui fait claquer les crocs. Autant que les miens, que le stress, la peur, la tristesse et surtout la colère font muter en maracasses d'ivoires.

J'me tâte le crâne en reculant. Les écailles du cou carbonisées, mon fumet de poisson frit chasse bravement l'odeur de moisi qui régnait en tyran dans la geôle. Mes yeux m'affirment que notre cage rétrécit pour mieux nous malaxer, nous et nos folies, qu'on fasse plus qu'un avec les animaux qui aboient au fond de leurs terriers.
Mes yeux mentent.
Ma vue est floue mais mon âme perçoit nettement la nouvelle nature de la rousse. Une fraction de seconde, j'ai pensé que le brasier qui m'flambait l'être me sortait du corps pour purifier cette cage maudite par les flammes. Mais non ! Il émane d'elle. L'Enfer.

Serena...

Je suis en Enfer.

***

Observation (t3)

Malheureusement, conformément aux schémas classiques, l'agression a été suivie d'une riposte toute autant prévisible du sujet homme-poisson. Nous prenons bonne note de deux anomalies intéressantes :
-Le métabolisme de l'humaine lui autorise apparemment l'émanation d'intenses chaleurs (fruit du démon ? catégorie : paramecia ? zoan ? logia ?) Nous regrettons l'absence de vérifications et de précautions qui auraient du être prises par le personnel en charge de la préparation des sujets. Conformément au protocole, ils seront rétrogradés au rang de sujets de test pour leur négligence.
-L'homme-poisson n'a pas fait usage de sa mâchoire, même au contact direct de son agresseuse, et malgré ses intentions manifestes de porter atteinte à son intégrité physique. Nous explorerons éventuellement les pistes de la déficience mentale pour compléter le rapport, si le sujet survit à l'expérience.

Une seconde injection sera exécutée dans les prochaines secondes. Elle comportera un échantillon standard de la molécule (HeL²) dissout dans deux (2) centilitres de stimulants, afin d'entretenir la forme ravageuse de nos deux adorables sujets.


Dernière édition par Craig Kamina le Mer 26 Nov 2014 - 23:39, édité 1 fois
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Alors, on ne m'a pas limé les crocs, on me les a pas planté dans le liège pour que je lâche mon venin. Je peux encore utiliser la température. C'est... c'est cool.

Pas en arrière, regard humide. J'ai... qu'est-ce que j'ai fait, au juste ? Pourquoi est-ce que j'ai eu une telle envie de te frapper, toi, le seul visage ami présent à la ronde. Oh, Craig... il faut me pardonner, tu sais ? Ça ne devrait pas être trop dur. Toi aussi tu m'as fait mal. Vilain. Je te pardonne. Ces murs sont tout tristes. Mais on les repeindra. En rose ? Ouiiii, en rose... ça sera plus gai ! C'est toi qui a mis ce noir tout triste ? Ooooh... j'espère pas, quand même. T'aurais pas si mauvais goût. Mais, dis, au fait, c'est chez toi ? Eh, pourquoi tu réponds pas ?

-Ça irait peut-être mieux si je le disais à voix haute...

Tiens, j'y suis arrivé et puis j'y arrive plus. Attend, Craig. Reste gentil. Je vais me concentrer bien fort, et puis...

-Wouhou ! J'ai réussi ! ♥

Un peu tôt, c'est pas tout à fait ce que je voulais dire... je voulais te demander comment tu voyais la maison. Puis quand est-ce qu'on mangerait. Tu dois bien avoir des serviteurs qui préparent à manger, là derrière, là où il fait tout sombre ? Il paraît que les cuisines sont toujours des endroits sombres où sévissent les domestiques en livrée... je sais pas ce que ça veut dire, ça, en livrée. Mais ça sonne bien, ça sonne noble, rangé, bourgeoisie heureuse qui travaille pas pour vivre.

-Un peu des branleurs, en fait.

Oh, pardon Craig, j'ai pensé tout haut. Je te disais – range donc cet air terrifié et mouche ton nez, voyons –, je te disais que je mangerais bien de la dinde ce midi. Fourrée avec du jambon cru et des champignons, avec de la polenta dorée au four et beaucoup de carottes. Ça rend aimable ♥. Et puis, en dessert, il faudrait que tu demandes au pâtissier un gros fraisier avec plein de crème ! Pour fêter mon retour à la maison !
Parce qu'il faut que je te dise, j'étais partie super loin ! Je sais plus trop ce que j'ai fait, mais c'était épique. Tiens, je t'ai même ramené un cadeau.

-Bien caché...

Ah, je l'ai ! Tiens ! Bah, quoi ? Fais pas cette tête, c'est hyper précieux ! C'est du poil de poney pirate, récolté par mes soins une nuit de pleine lune ! Porte-bonheur !

-Quand j'y pense, c'était pas plutôt... Juha...

De quoi ? Tututut, j'entends rien ! Ahah ! Aller, prends-en soin, Craig ! Et dis à tes gens de s'activer, je meurs de faim !

Observation (t4)

La troisième injection a été opérée. Trois remarques d'importance :
les deux sujets affichent un sourire béat, à peine contrasté. Bonne piste pour la substance récréative et euphorisante que nous cherchons à mettre au point, entre autres.
L'humaine a l'air de suivre le fil d'une conversation silencieuse. Pas de gestes ou d'expressions faciales pouvant faire croire à une autre forme de communication. Délire autistique ?
La violence a trouvé une fin extrêmement rapide. Potentiel commercial pour usage militaire, à noter.
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Pourquoi tu dis plus rien de sensé ? Tu délires ? C'est normal, la fête, ça doit se faire dans le délire. Je ne te rappellerai pas tout de suite de sortir ton ticket en prévision du passage du contrôleur, parce qu'on peut s'attendre à ce qu'il ait du retard. Les gens mal payés ont souvent du retard, j'en sais quelque chose.

C'est vrai. C'sont des branleurs !

Je range le fil que tu m'as donné dans ma veste, je me demande comment vont se manifester ses pouvoirs magiques. Eh ! Il y a toujours de la magie, là où on va, dis-moi... ? Houlà ! qu'est-ce que ça fait là, ça ? J'extirpe mon flingue de là-dedans et le balance, en déglutissant, dans un coin de notre compartiment. Pas question d'embarquer quelque chose d'aussi dangereux là où on va... Ça serait comme amener une gatling dans une écurie pleine de poneys, tu comprends ?

Très malpoli et déplacé.

On a eu de mauvais jours, toi, moi, la bête, on en a affronté des soucis terribles, qui demandent flingues et gatlings pour être résolues. Mais ça y est. C'est loin derrière nous : quelques parsecs de rails doivent nous séparer de ces amers souvenirs, maintenant. Alors on va commencer à oublier les mauvais moments ! On peut profiter du trajet en ressassant le passé sympa comme je le fais si bien ! Notre compartiment est pas très confortable, mais je m'attendais pas à voyager en première classe ! On a déjà le notre, rien qu'à nous.

C'est déjà bien, non ?

Je me sens d'humeur confidente alors je vais pimenter le trajet par quelques anecdotes bien senties sur moi et sur mon grand frère. Tu te souviens de mon grand frère ? Je te le présenterai quand on arrivera. Ben tout le long d'un mois, y a longtemps, on était encore enfants, il a glissé des poissons globes dégueulasses dans mon lit le soir pour que j'apprenne à gérer le stress. Et devenir plus fort. Chaque soir, j'en avais un ou deux ou trois ou plus qui bloblotaient au fond de ma couette douillette, et leurs tronches de vieilles dames barbues tueuses me tétanisait. J'en veux pas à Tark. C'était pour que je devienne fort !

Et faut croire que ça a bien marché !

Eh ! Il arrive, le contrôleur ! Tu entends ses grosses bottes tamponner le parquet ? Où ai-je rangé mon ticket ? Mince ! Peut-être dans mes bottes ? Sinon dans le canon du flingue ? Ouais, ça me ressemblerait bien, de planquer des trucs là où même moi j'aurais peur de fouiller ! Je bondis comme un gros chat qui serait devenu un peu pataud à force de stagner dans l'abondance.

Retiens-le, f'il te plaît, le temps qu'je retrouvfe !

En tailleur dans mon angle, j'enfonce mon doigt dans le canon du pistolet, calmement, mais non sans impatience, si j'en juge ces frissons incontrôlables qui me courent partout dans les muscles. Je te demande juste deux secondes, Serena, le temps de retrouver mon aller simple pour le Paradis enroulé là-dedans.

Mais je te dis que je fsuis fsûr de l'avoir mis là !

Observation (t5)

Le sujet homme-poisson affiche un comportement contradictoire et hystérique qui suggère qu'il est la proie d'hallucinations, apparemment positives, compte tenu de l'absence d'agressions physiques et/ou verbales envers l'autre sujet et les objets présents dans la cellule. Il est possible qu'il en soit de même pour le sujet humain, ce qui serait un premier résultat très concluant, les hallucinations propulsant d'office la molécule au rang des substances hautement récréatives.

NB : Le sujet homme-poisson cachait un mousquet de facture "Winchestor" standard dans la doublure de sa veste. Nous regrettons une nouvelle fois l'incompétence de nos subordonnés à neutraliser complètement nos sujets de test...
Je proposerai de tester sur le personnel incompétent une nouvelle mesure de sécurité à adopter à l'avenir -les prochains sujets de tests seront nus, édentés, et menottés au granit marin.
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Eh, là, je trouve tout de même que tu laisses beaucoup de liberté à tes domestiques ! Celui-là, avec son costume d'empereur, il est mieux habillé que toi ! Oh, je comprends qu'un maître doit être bon avec ses serviteurs les plus humbles, mais...



-Ah !

Il est parti en faisant claquer les barreaux. J'ai l'esprit clair, maintenant, je vois bien le délire. On est prisonniers, sûrement reconnus comme étant traitres ou soldats par ceux de Flist. Mais si y'avait que ça... y'aurait que la menace d'une mort prochaine, peut-être d'une dernière bataille désespérée, à deux contre cent. Angoissant, ouais, à d'autres. C'est rien, tout ça. Rien à côté de...

-Craig, fais attention...

D'un doigt qui tremble malgré moi, à l'image de ton mon corps que je sens fondre en une gelée flasque, je désigne un angle du mur. Cet angle... il y a quelque chose de noir qui s'en échappe, et c'est pas juste une ombre. Et puis, qu'est-ce que ça veut dire « juste une ombre » ? Ça reste obscur, rampant, tentaculaire ; ça menace de tout bouffer, de surgir n'importe où, au premier mouvement de torche. Et puis...

-Là haut !

Je me tasse un peu plus au fond de la cellule, en me recroquevillant sur moi même pour protéger mon corps. Les barreaux... leur acier, je suis sûre qu'il est affuté comme une lame ; que tout ça va finir par se rapprocher de nous pour nous broyer. Les murs et leurs ombres sont au service d'une cause commune qui veut nous éliminer dans la douleur et dans les larmes ; nous priver de notre dignité en pressant jusqu'à la dernière goutte de jus d'âme. Déjà, je sens que je décabane, que mes pensées s'entrecroisent, que je peux plus me raisonner avec des mots, que la réalité me contredit par le simple fait qu'elle me fait caner. J'suis comme une ratonne qui sait que le renard va lui tomber dessus, parce qu'elle est entre ses pattes. J'crois crever comme ça, de peur ou d'appréhension.

La lumière glauque me dit que j'ai raison, plus que n'importe lequel de mes calcul ; elle est même plus forte que la prière, que le dialogue, que le regard. Lui aussi, il me fait geler d'effroi. Pas par sa violence, par sa dégradation physique, son état rampant qui m'annonce mon futur, qui m'indique aussi mon présent. Crasse, sueur, tremblements. J'veux pas, j'peux plus vivre comme ça, c'est pas ça la vie, même pour une minute, même pour une seconde. J'cherche une issue, les yeux vitreux.

Quand j'ai un éclair de lumière.

Observation (t6)

Cette nouvelle injection a eu de fulgurants effets a-contrario, semble-t-il, de la précédente. Angoisse très visible, paranoïa aiguë, même pour un sujet emprisonné et condamné à mort – dont l'attitude jusque là stoïque prouve l'efficacité de la molécule à l'œuvre.
L'homme poisson met un peu plus de temps à réagir. Peut-être l'interférence de notre subordonné a-t-elle joué. Il a du lui retirer son arme des mains en force.
Autre remarque : il est possible que les effets observés soient une conséquence d'injections trop suivies, la résistance des sujets variant considérablement selon différents facteurs (consommation régulière de drogues ou médicaments, origine ethnique, alcoolisme, etc), il se pourrait qu'une forte angoisse soit simplement une forme d'overdose.

NB : l'humaine avait également une arme en sa possession. Il s'agissait d'une courte arme de poing, une poivrière « Lefauchant » contenant quatre balles de calibre 36. Sur notre appel (menaçant, faut-il le préciser ?) notre homme de main est revenu la lui arracher des mains. Il semblerait qu'à quelques secondes près, notre sujet aurait mis fin à ses jours par ses propres moyens. Ce qui aura le mérite de nous inspirer certaines précautions d'emploi à insérer dans la fiche technique pour l'usage commercial que l'on sait.

NB² : la prochaine expérience portera sur l'utilisation du Percepstyle® comme drogue de résistance. Nos anciens subordonnés seront donc attachés et torturés en subissant différents dosages, afin de pouvoir juger de la possibilité concrète d'un usage militaire de la molécule.
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La promesse de la mort imminente me hérisse l'instinct comme jamais, et nourrit cette putain de bête en moi de viande fraîche. J'ai cette rage qui me dicte de déchaîner tout ce qui me reste de force sur les murs, mais la tristesse l'enraye. Mais mes yeux globuleux font barrage à des torrents de larmes. J'me suis soudain bien réorganisé la tête, je saisis parfaitement la situation. Et je claque des crocs d'autant plus fort, à tel point qu'ça en devient la seule ambiance sonore, couplée aux crispations de Serena.

Elles sont là, partout. Les ombres rampantes qui nous caressent silencieusement. Ces prédatrices qui jouent avec leurs proies...

J'ai pas saisi aussitôt ce qu'il venait m'faire, le monstre, il m'a arraché c'flingue des palmes, si fort qu'entraîné par sa poigne, j'ai embrassé ce bois pourri et j'en ai senti de plus près l'odeur... l'odeur de sang séché mêlé à la merde du désespoir ! Depuis, j'ai pas osé me relever, fasciné par ce carmin invisible qui tapisse le sol de notre cellule. J'ai pas osé non plus lui dire, à Serena, qu'il y avait du sang, partout, que les nôtres s'y mêleront peut-être, et qu'ils seront négligemment bu par la serpillière d'un de ces dégénérés, puis qu'ils passeront à la. Suite. De toute façon, j'ai quasiment plus de langue, juste une bouche bée de laquelle ne s'extirpe qu'un souffle saccadé et faiblissant, et une gamme de petits cris cassés !

On sortira pas vivant d'ici. On est du bétail parqué qui attend son heure pour être étripé.

Allez-y ! Venez me prendre ! J'vous attends, connards !

C'est la bête qui parle, pas moi. Quoique ? Je sais plus. J'sais plus rien. J'ai la pensée anarchique, l'esprit en proie à la même putain de révolution qui me secouait avant qu'j'échoue ici.
J'me relève, le dos rigide comme un seul os et les palmes menottées révulsées par ce sol souillé sur lequel elles s'étalent. Je m'sens décidé à m'enfuir d'ici.

Et je charge, et mon épaule s'écrase et s'éclate contre la paroi, me renvoyant à ma place, à gémir par terre, les yeux torves humidifiés par la trouille, pas plus digne que le cadavre faisandé qu'ils vont faire de moi. La peur imprimée à jamais sur la gueule déformée par l'horreur.

Et ça m'fout les nerfs, je me l'explique pas. Ils vont gagner. Ils vont vivre tandis qu'on va mourir. C'est toute la logique d'un monde qui n'a de justice que les armes distribuées par la putain de nature. Les méchants gagnent, les gentils perdent, parce que les gentils ont des limites, les méchants non ! Ils explorent toujours plus profondément et avec toujours plus d'avidité les abysses du malsain !

J'sens qu'ils nous guettent. Tapis dans chaque ombre, évitant les maigres sanctuaires de lumière dessinés par ces quelques torches qu'en chient à effrayer des ténèbres aussi voraces que celles qui envahissent le mystère derrière les barreaux. Mon regard balaye les barreaux, et ces ténèbres là-derrière. Tout comme ces torches, j'commence à peiner face à l'obscurité qui m'inonde l'esprit. J'me souviens nettement avoir été piétiné, humilié et nargué par Flist. J'me souviens qu'il voulait me garder, comme on garde un clébard errant qu'on croise au hasard d'une rue. J'aimerais qu'il m'ait oublié et qu'il me laisse m'éteindre ici. Qu'on en finisse. Jaya m'aura ironisé jusqu'à ma mort. Merde, Serena. On va crever !

J'm'accroche par la mâchoire aux barreaux. Grignotant un acier glacial qui reste de marbre même face aux perles qui commencent à me glisser sur les joues.

Observation (t7)

L'homme-poisson semble finalement lui aussi sombrer dans la paranoïa aiguë, et adopter un comportement agressif envers les parois de la cellule et insultant envers les observateurs. Il affiche dans le même temps une extrême détresse. Ce désespoir explicite signale qu'il a probablement regagné un peu en lucidité. Pour les besoins de l'expérience, l'injection tranquillisante va être immédiatement réitérée afin d'éviter tout risque d'accident ou de suicide prématuré.

NB : Nous soulignons la robustesse de l'alliage de Zoldberg qui isole parfaitement les prisonniers du reste du navire. La recette semble prête à être envoyée au seigneur Teach : il ne fait aucun doute qu'elle confinera à merveille ses jouets personnels.
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Je retombe sur le cul. J'avise les barreaux tâchés de sang avec une lassitude que j'attribue sans peine à un nouveau produit dont je suis le hamster. Le cobaye, au temps pour moi. La même du côté de Craig. On s'observe dans le blanc des yeux, mais pas le blanc agressif, qui cherche à percer le cœur de l'autre avec des flèches dans les rétines. Le blanc creux, le blanc vide, celui qu'a pas envie. Privée d'énergie, mais pas comme si j'avais couru trois entraînements dans le désert, je ressens même plus l'urgence de parler. Vous avez dosé trop fort, bande de connards. Votre calmant de merde, c'est un anesthésiant. J'suis tellement fatiguée, là, tout de suite, que je me demande si je vais pas finir par m'épuiser à l'idée de mon sang qui continue de pulser comme un fou.

Regard sur mes poignets. Le peu qu'est pas planqué sous les menottes est très rouge. Je me souviens. J'étais comme étrangère à moi-même, à côté, hors de moi. Je voudrais bien que ça se soit pas imprimé dans ma mémoire, du coup, mais je peux pas nier. Nier cette défaite, ce que j'arrive pas à prendre autrement. Même si je vois ça peace, dans les brumes de la drogue, je m'attends à ce que ça rugisse fort quand ça se sera atténué. Au moment de notre condamnation à mort, peut-être pas avant. Je sais pas combien de temps s'est écoulé. J'ai terriblement envie de dormir, mais quand je ferme les yeux, je sens que mon corps a été trop excité par les seringues pour s'abandonner.

J'ai les spots dans un brouillard d'oubli, mais ça, c'est l'obsession. J'ai essayé de me buter. Craig doit pas être fier non plus. Il a essayé de s'enfuir, de sauver sa peau en me laissant derrière. Aussi antithétique que ce que j'ai failli faire, ça lui ressemble pas d'être un gros lâche. J'espère. J'espère que ça fait pas signe vers une aspiration profonde que je me traînerais depuis des lustres sans oser l'entendre me murmurer aux oreilles. Je pensais avoir rejeté loin de moi cette sortie là, aussi longtemps que je croirais en ma dignité. Croire que les petites potions fourbes peuvent vaincre un taff long, difficile et mené avec tout mon courage, c'est trop dur, je peux pas y croire. Au lieu de ça, je le constate froidement, je suis obligée de l'admettre comme l'esclave qui ne peut pas faire autrement que de se ramasser son coup de fouet.

Trop molle et trop furieuse pour me retourner vers ma propre pensée, je te parle pour essayer de me convaincre.

-C'est terminé. On devrait essayer de dormir.

Et j'essaye vainement de refermer mes mains disjointes l'une sur l'autre, empêchée par les chaînes. Je tente de me rappeler Sa présence, de me convaincre qu'une âme vaut quelque chose qui dépasse de loin le passif, les multiples cicatrices d'un vécu chaotique ou d'un corps mal foutu. En vain.

Demande de mutation des sujets-test.

Très cher John,

Vous pouvez passer récupérer les prisonniers pour déplacement vers les geôles communes dès réception de la présente. Comme convenu, vous toucherez un pourcentage des bénéfices qu'engendreront nos recherches, dont l'application commerciale n'a jamais été aussi proche.
En vous remerciant encore pour vos services zélés, avec toute ma gratitude.

PS : en passant, prenez soin de désarmer les trois laborantins qui gardent la porte de la zone de test, de les dévêtir et de les pousser à l'intérieur. Vous pouvez aussi leur briser quelques dents, je vous en serais gré.

PS² : montez donc boire l'apéritif, un de ces jours. J'ai un excellent cognac.


Pr. Zoldberg.

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