Fiche de méthode – Percepstyle.
Descriptif.
La molécule sera testée sur deux sujets jeunes de races et de sexes différents ; l'homme-poisson servira, comme à l'accoutumée, de valeur étalon pour ce qui est des effets engendrés.
Nous procéderons par injections successives, la molécule étant à chaque fois dissoute dans un liquide différent ; certaines injections comporteront également la présence d'une souche mutante, afin de pouvoir spéculer sur le potentiel de stabilité du produit conservé dans de mauvaises conditions.
Afin de ne pas impacter sur le niveau de stress des individus, chaque injection se fera à distance, via un petit mécanisme intégré dans leurs menottes.
Remarques générales.
Les sujets étant des prisonniers condamnés à une mort rapide, une dose de calmant leur a été prodiguée par voie orale. Cela afin de minimiser les effets de l'angoisse sur l'expérience.
L'homme poisson correspond aux standards de sa race, mais l'humaine est rousse ; cela peut appeler une étude comparative sur d'autres sujets de manière à mieux connaître la nature de ce que beaucoup considèrent comme une catégorie humanoïde à part. Jugement sur lequel nous gardons nos réserves.
Les sujets sont placés dans la même cellule, et peuvent interagir librement. Cela afin d'avoir une idée générale du comportement d'un sujet infecté en société.
Fin de l'expérience.
La molécule est supposée se dégrader rapidement dans le corps, malgré une propagation rapide au départ. Elle ne doit pas laisser de traces dans le corps du sujet, mais provoquer un changement immédiat dans son rapport au monde.
Selon les conclusions, le produit sera commercialisé dans les réseaux clandestins sous différents labels possibles, classés ici par ordre de probabilité :
Substance récréative.
Sérum de vérité.
Moyen de torture chimique.
Injection létale.
Elle est là ; dans le noir. Les mains assujetties aux fers et les yeux dans le vague, un air idiot peint sur le visage. La poussière sature l'espace, mais sa respiration est lente, calme, profonde. Pourtant, elle ne dort pas ; elle veille. Les yeux ouverts sur ce qui l'entoure, avide du peu de photons qui osent se promener dans la zone. Lorsqu'elle discerne quelque chose, elle cligne des paupières comme si ça devait la blesser. Et elle ne bouge pas, affalée sur le sol de pierre dans une position disgracieuse.
Tu es là ! Vrai que tu n'es pas vaillante, la bouche sèche et l'impression de te remettre d'une cuite aux mélanges absurdes et de trois nuits sans sommeil ; tu te traînes comme si tu avais le triple de ton âge avec une cirrhose et trois abcès, la colique et le pauvre monde sur les épaules. Pas pitoyable, l'esprit coupé en trois, les impressions qui se succèdent, découpées ; extérieur, en surface, et...
Je suis là. Fatiguée, de vagues images qui veulent pas revenir à plein, qui brillent comme des phares dans le brouillard, trop floues et par à-coups. Impossible de me repérer, de me rappeler qui je suis, où je suis, j'ai que la prison de mon crâne qui me lance, à peine le sentiment d'être en danger. Si y'avait pas ces yeux...
Il la regarde.
Tu vois en lui un regard familier sans savoir à quoi l'associer, tant ton esprit te semble flou, tes sens à la fois vides et saturés.
Comme si j'étais folle, je m'y accroche, parce que c'est plus tangible que le reste et que ça me parle. Même si c'est un langage que je ne comprends pas. Plus ?
Elle essaye.
-Jeubleuhgeuhblble.
Son arcade se crispe, une veine cogne sur sa tempe. Elle lève ses mains entravées, l'effort la fait souffler comme un bœuf.
Tu as une alarme qui sonne à tous les étages en voyant ça ; tu n'as pas l'usage de tes mains. La peur s'empare de toi, mais pas assez vite pour qu'elle puisse prendre l'empire sur l'étrangeté qui t'envahit, coup sur coup.
J'analyse avec une froideur et une précision que je me connaissais pas.
Tu as les pensées morcelées.
Mais j'arrive à aller droit dans le dédale. Celui-là, c'est pas un humain. Il a trop de dents, un museau ; il est grand, aussi. Je sais que je l'ai déjà vu, j'ai juste de la peine à le remettre. Peut-être que si j'arrivais à me souvenir de mon propre nom...
Elle serre les poings, les décrispe, lève les yeux au plafond.
Tu n'y trouves pas grand chose. Quand soudain...
-Creug !
J'suis sûre que c'est lui. Il a pas masse changé. D'autant qu'on puisse en juger avec ce manque de lumière... j'suis usée. Vidée, aussi, je me raccroche à ses yeux qu'ont l'air comme de couler dans leurs orbites. Pourquoi tu réagis pas, Craig ?
Elle se traîne en soufflant, traînant ses lourdes menottes comme un fardeau, emportant avec elle la crasse du sol sur ses vêtements souillés de sang.
Tu as encore mal, tes blessures n'ont pas été soignées. Mais l'énergie te revient sous une forme que tu ne connaissais pas. Comme si on t'avait coupé les circuits.
J'ai l'esprit qui s'est fait la malle, je crois. Je pense comme en triple, je cane pas et pourtant je me sens pas plus héroïque qu'une soupe en poudre. Toute neutre, mais méchamment agitée en même temps. J'ai peine à éprouver la joie, et j'suis tellement frustrée de pas pouvoir assez me concentrer sur ma voix pour l'exprimer...
Qu'elle lâche un grognement affreux, qui le fait reculer contre le mur. Tandis qu'elle reste sur place, en agitant les mains sans pouvoir bouger les poignets.
J'veux pouvoir te parler.
Descriptif.
La molécule sera testée sur deux sujets jeunes de races et de sexes différents ; l'homme-poisson servira, comme à l'accoutumée, de valeur étalon pour ce qui est des effets engendrés.
Nous procéderons par injections successives, la molécule étant à chaque fois dissoute dans un liquide différent ; certaines injections comporteront également la présence d'une souche mutante, afin de pouvoir spéculer sur le potentiel de stabilité du produit conservé dans de mauvaises conditions.
Afin de ne pas impacter sur le niveau de stress des individus, chaque injection se fera à distance, via un petit mécanisme intégré dans leurs menottes.
Remarques générales.
Les sujets étant des prisonniers condamnés à une mort rapide, une dose de calmant leur a été prodiguée par voie orale. Cela afin de minimiser les effets de l'angoisse sur l'expérience.
L'homme poisson correspond aux standards de sa race, mais l'humaine est rousse ; cela peut appeler une étude comparative sur d'autres sujets de manière à mieux connaître la nature de ce que beaucoup considèrent comme une catégorie humanoïde à part. Jugement sur lequel nous gardons nos réserves.
Les sujets sont placés dans la même cellule, et peuvent interagir librement. Cela afin d'avoir une idée générale du comportement d'un sujet infecté en société.
Fin de l'expérience.
La molécule est supposée se dégrader rapidement dans le corps, malgré une propagation rapide au départ. Elle ne doit pas laisser de traces dans le corps du sujet, mais provoquer un changement immédiat dans son rapport au monde.
Selon les conclusions, le produit sera commercialisé dans les réseaux clandestins sous différents labels possibles, classés ici par ordre de probabilité :
Substance récréative.
Sérum de vérité.
Moyen de torture chimique.
Injection létale.
Extrait du cahier du Professeur Zoldberg.
* * *
Elle est là ; dans le noir. Les mains assujetties aux fers et les yeux dans le vague, un air idiot peint sur le visage. La poussière sature l'espace, mais sa respiration est lente, calme, profonde. Pourtant, elle ne dort pas ; elle veille. Les yeux ouverts sur ce qui l'entoure, avide du peu de photons qui osent se promener dans la zone. Lorsqu'elle discerne quelque chose, elle cligne des paupières comme si ça devait la blesser. Et elle ne bouge pas, affalée sur le sol de pierre dans une position disgracieuse.
Tu es là ! Vrai que tu n'es pas vaillante, la bouche sèche et l'impression de te remettre d'une cuite aux mélanges absurdes et de trois nuits sans sommeil ; tu te traînes comme si tu avais le triple de ton âge avec une cirrhose et trois abcès, la colique et le pauvre monde sur les épaules. Pas pitoyable, l'esprit coupé en trois, les impressions qui se succèdent, découpées ; extérieur, en surface, et...
Je suis là. Fatiguée, de vagues images qui veulent pas revenir à plein, qui brillent comme des phares dans le brouillard, trop floues et par à-coups. Impossible de me repérer, de me rappeler qui je suis, où je suis, j'ai que la prison de mon crâne qui me lance, à peine le sentiment d'être en danger. Si y'avait pas ces yeux...
Il la regarde.
Tu vois en lui un regard familier sans savoir à quoi l'associer, tant ton esprit te semble flou, tes sens à la fois vides et saturés.
Comme si j'étais folle, je m'y accroche, parce que c'est plus tangible que le reste et que ça me parle. Même si c'est un langage que je ne comprends pas. Plus ?
Elle essaye.
-Jeubleuhgeuhblble.
Son arcade se crispe, une veine cogne sur sa tempe. Elle lève ses mains entravées, l'effort la fait souffler comme un bœuf.
Tu as une alarme qui sonne à tous les étages en voyant ça ; tu n'as pas l'usage de tes mains. La peur s'empare de toi, mais pas assez vite pour qu'elle puisse prendre l'empire sur l'étrangeté qui t'envahit, coup sur coup.
J'analyse avec une froideur et une précision que je me connaissais pas.
Tu as les pensées morcelées.
Mais j'arrive à aller droit dans le dédale. Celui-là, c'est pas un humain. Il a trop de dents, un museau ; il est grand, aussi. Je sais que je l'ai déjà vu, j'ai juste de la peine à le remettre. Peut-être que si j'arrivais à me souvenir de mon propre nom...
Elle serre les poings, les décrispe, lève les yeux au plafond.
Tu n'y trouves pas grand chose. Quand soudain...
-Creug !
J'suis sûre que c'est lui. Il a pas masse changé. D'autant qu'on puisse en juger avec ce manque de lumière... j'suis usée. Vidée, aussi, je me raccroche à ses yeux qu'ont l'air comme de couler dans leurs orbites. Pourquoi tu réagis pas, Craig ?
Elle se traîne en soufflant, traînant ses lourdes menottes comme un fardeau, emportant avec elle la crasse du sol sur ses vêtements souillés de sang.
Tu as encore mal, tes blessures n'ont pas été soignées. Mais l'énergie te revient sous une forme que tu ne connaissais pas. Comme si on t'avait coupé les circuits.
J'ai l'esprit qui s'est fait la malle, je crois. Je pense comme en triple, je cane pas et pourtant je me sens pas plus héroïque qu'une soupe en poudre. Toute neutre, mais méchamment agitée en même temps. J'ai peine à éprouver la joie, et j'suis tellement frustrée de pas pouvoir assez me concentrer sur ma voix pour l'exprimer...
Qu'elle lâche un grognement affreux, qui le fait reculer contre le mur. Tandis qu'elle reste sur place, en agitant les mains sans pouvoir bouger les poignets.
J'veux pouvoir te parler.