Il y avait de l’agitation dans le port de Plata Perdido. Pour la première fois depuis des lustres, des marines tentaient de poser pied à terre. Ca faisait des plombes que le colonel Nel vociférait à tout-va, braillant à qui voulait l’entendre – en l’occurrence, le responsable de la sécurité de l’île et ses acolytes – qu’il devait impérativement voler au secours du Juge Destro. Derrière lui, son équipage faisait les cents pas sur le pont du navire, piétinant d’impatience à l’idée d’accomplir sa mission. La foule s’amassait deplus en plus pour assister au spectacle. Les Videurs, des miliciens garants de la sécurité de l’île et bras armés de son gouvernement, assuraient au colonel qu’ils avaient les choses bien en main et que cette affaire n’était pas de son ressort. Rien de tel pour le faire sortir de ses gonds, visiblement. Moi, j’trainais pas loin, en train de zieuter après ma partenaire tout en entretenant mon cancer à l’aide d’une de mes fidèles clopes, coincée qu’elle était dans son porte-cigarette.
Un coup d’escargophone m’avait renseigné sur la situation. Le Juge Destro était retenu en otage par une dizaine d’individus dans la salle de jeu du « Bon Espoir ». Manque de bol pour ma trogne, j’étais dans le coin pour… euh… affaires. « Règle-moi ça vite fait, Old Boy. Je t’envoies la nouvelle en renfort. Sors le juge de là ! Vivant !» avait conclu le patron avant de raccrocher.
La belle affaire ! J’avais beau réfléchir, retourner ma vieille mémoire dans tous les sens, triturer mes neurones défraichis : une prise d’otage, pour moi, c’était une première. Et en plus on me casait une nouvelle dans les pattes ! Comment c’était son nom, déjà ? Numaroit ? Numéruit ? Numéro 8 ! C’était ça, Numéro 8. Il me semblait qu’on s’était déjà croisé à la dernière réunion de la section. Un petit bout de femme aux cheveux verts. Ca devait pas être bien dur à distinguer. Pareil pour ma sale trogne de vieux schnock. Même si c’était sans aucun doute l’ineffable style de ma chemise verte et de mes incroyables lunettes en forme d’éclairs bleus qui devaient le plus attirer l’attention et les jalousies de la plèbe, ça revenait au même. Le ralliement allait être facile. Un bon point de réglé.
Quant à savoir comment mettre un terme cette histoire, je n’en savais encore foutrement rien. C’était ça la vie. On débarquait sur une île peinarde où le jeu était roi, histoire d’arrondir honnêtement les fins de mois en trichant au poker. On se faisait ratisser. On se faisait jarcler de la partie à coups de pieds au cul tout en se faisant traiter de clochard. Mais est-ce qu’un clochard pouvait se payer des lunettes d’une telle classe ? Et puis, finalement, un escargophone nous rappelait qu’on bossait pour le gouvernement et qu’il allait falloir justifier le salaire qu’on venait de claquer.
Malgré tout, il y avait une bonne nouvelle dans tout ça. Le « Bon Espoir » était justement l’endroit duquel on m’avait si gentiment aidé à trouver la sortie pas plus tard qu’hier soir. J’avais encore la disposition des lieux en tête. Peut-être bien que j’y avais croisé les terroristes, voir même le juge. ‘fin bon, y’a que quand j’verrai leurs faces que je serai fixé. Mais le visage que je guettais était, sans conteste, beaucoup plus agréable à regarder. Je tournais la tête à gauche, puis à droite, sondant la foule à la recherche d’une chevelure verte. Si elle était sur l’île, le boss me l’aurait dit. Ou pas. Fallait dire qu’il s’emmerdait pas, le boss. Les détails, tout ça, il connaissait pas. Peut-être bien que ça voulait dire qu’il me faisait confiance, en fait. J’’avais beau passer pour un implacable salaud aux yeux de la plupart des gens, ça f’sait quand même chaud au cœur de le savoir.
Du coup, si la donzelle était pas sur l’île, elle viendrait du port. Ca, pas besoin d’avoir fait l’école des officiers pour le savoir.
Tiens, et le p’tit bateau qui s’amenait en loup plus loin sur les quais, ce serait-y pas mon Numéro, par hasard ?
Ni une, ni deux, je me faufilai dans la foule, passai entre les plébéiens qui n’avaient d’yeux que pour le colonel, le chef de la sécurité et leur scène de ménage, puis rejoignis le pont d’accostage.
Un premier contact, ça se soignait. Je décidai donc de la ménager en enlevant mes lunettes trop stylées pour le commun des mortels. Je les remplaçai aussitôt par une paire noire plus classique que je chaussai sur mon auguste tarin. Bras croisés, l’air de dire que c’était moi le patron, porte-cigarette aux lèvres et cigarette au porte-cigarette, j’attendis.
Un coup d’escargophone m’avait renseigné sur la situation. Le Juge Destro était retenu en otage par une dizaine d’individus dans la salle de jeu du « Bon Espoir ». Manque de bol pour ma trogne, j’étais dans le coin pour… euh… affaires. « Règle-moi ça vite fait, Old Boy. Je t’envoies la nouvelle en renfort. Sors le juge de là ! Vivant !» avait conclu le patron avant de raccrocher.
La belle affaire ! J’avais beau réfléchir, retourner ma vieille mémoire dans tous les sens, triturer mes neurones défraichis : une prise d’otage, pour moi, c’était une première. Et en plus on me casait une nouvelle dans les pattes ! Comment c’était son nom, déjà ? Numaroit ? Numéruit ? Numéro 8 ! C’était ça, Numéro 8. Il me semblait qu’on s’était déjà croisé à la dernière réunion de la section. Un petit bout de femme aux cheveux verts. Ca devait pas être bien dur à distinguer. Pareil pour ma sale trogne de vieux schnock. Même si c’était sans aucun doute l’ineffable style de ma chemise verte et de mes incroyables lunettes en forme d’éclairs bleus qui devaient le plus attirer l’attention et les jalousies de la plèbe, ça revenait au même. Le ralliement allait être facile. Un bon point de réglé.
Quant à savoir comment mettre un terme cette histoire, je n’en savais encore foutrement rien. C’était ça la vie. On débarquait sur une île peinarde où le jeu était roi, histoire d’arrondir honnêtement les fins de mois en trichant au poker. On se faisait ratisser. On se faisait jarcler de la partie à coups de pieds au cul tout en se faisant traiter de clochard. Mais est-ce qu’un clochard pouvait se payer des lunettes d’une telle classe ? Et puis, finalement, un escargophone nous rappelait qu’on bossait pour le gouvernement et qu’il allait falloir justifier le salaire qu’on venait de claquer.
Malgré tout, il y avait une bonne nouvelle dans tout ça. Le « Bon Espoir » était justement l’endroit duquel on m’avait si gentiment aidé à trouver la sortie pas plus tard qu’hier soir. J’avais encore la disposition des lieux en tête. Peut-être bien que j’y avais croisé les terroristes, voir même le juge. ‘fin bon, y’a que quand j’verrai leurs faces que je serai fixé. Mais le visage que je guettais était, sans conteste, beaucoup plus agréable à regarder. Je tournais la tête à gauche, puis à droite, sondant la foule à la recherche d’une chevelure verte. Si elle était sur l’île, le boss me l’aurait dit. Ou pas. Fallait dire qu’il s’emmerdait pas, le boss. Les détails, tout ça, il connaissait pas. Peut-être bien que ça voulait dire qu’il me faisait confiance, en fait. J’’avais beau passer pour un implacable salaud aux yeux de la plupart des gens, ça f’sait quand même chaud au cœur de le savoir.
Du coup, si la donzelle était pas sur l’île, elle viendrait du port. Ca, pas besoin d’avoir fait l’école des officiers pour le savoir.
Tiens, et le p’tit bateau qui s’amenait en loup plus loin sur les quais, ce serait-y pas mon Numéro, par hasard ?
Ni une, ni deux, je me faufilai dans la foule, passai entre les plébéiens qui n’avaient d’yeux que pour le colonel, le chef de la sécurité et leur scène de ménage, puis rejoignis le pont d’accostage.
Un premier contact, ça se soignait. Je décidai donc de la ménager en enlevant mes lunettes trop stylées pour le commun des mortels. Je les remplaçai aussitôt par une paire noire plus classique que je chaussai sur mon auguste tarin. Bras croisés, l’air de dire que c’était moi le patron, porte-cigarette aux lèvres et cigarette au porte-cigarette, j’attendis.
Dernière édition par Renard le Ven 5 Déc 2014 - 14:42, édité 1 fois